Euro 1989, premier sacre de la génération dorée Yougoslave
Eurobasket
Une médaille d’argent aux JO de Séoul en 88 ; un club, le Jugosplatika Split, vainqueur de la Coupe d’Europe des Champions… L’Europe était prévenue, les gamins yougoslaves n’étaient pas à l’Euro 1989 pour apprendre. Dans les tourments d’une nation en voie de disparition naissait une génération de joueurs qui allaient bouleverser le basket européen.
L’Euro 1989 est l’occasion pour le grand public de voir à l’œuvre une équipe de Yougoslavie qui n’a jamais été aussi puissante. Un an après une médaille d’argent pleine de promesses et surtout à un an de la coupe du monde en Argentine, les Plavis ont un bel avenir devant eux. Un potentiel qui va bien au-delà de ce qu’ils ont connu dans les années 1970. Pour cause, la compétition se tient à Zagreb (préférée à la capitale Belgrade) en Yougoslavie pour la première fois depuis 1975 ; une édition remportée par les hôtes (la deuxième médaille d’or sur un total de trois). Depuis leur médaille d’or aux JO de Moscou en 1980, ils comptent bien revenir sur le toit de l’Europe (et du monde) grâce à une escouade de futures légendes qui n’en est qu’au début de sa carrière mais déjà assoiffée par la gloire.
PHASES DE GROUPE, TROIS NATIONS SE DÉTACHENT
Le format de cette édition 1989 est pour le moins particulier. En effet, pour la première fois depuis 1939 (sans compter l’Euro 1949 en Egypte), seules huit nations s’affrontent (séparées dans deux poules de quatre équipes). Dans le groupe A, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas se retrouvent confrontés à la redoutable équipe d’URSS du trio Sarunas Marciulionis, Arvydas Sabonis et Alexander Volkov. Les Soviétiques s’en sortent sans grande difficulté en étant invaincu malgré une frayeur en ouverture (87-84 contre l’Italie, 109-56 contre les Pays-Bas puis 108-96 contre l’Espagne) ; suivi par l’Italie et ses deux victoires (97-76 contre l’Espagne puis 89-66 contre les Pays-Bas) ; l’Espagne avec un succès (78-76 contre les Pays-Bas) et enfin les Pays-Bas qui ne remportent aucun match.
Le groupe B est bien plus compétitif en étant composé de la Bulgarie, la France, la Grèce et la Yougoslavie. Sans grande surprise, les Yougoslaves donnent le ton d’entrée avec un sans-faute (3/3) sur la première phase (103-68 contre la Grèce, 98-78 contre la Bulgarie et 106-89 contre la France). La Grèce complète la qualification pour les phases finales avec deux victoires (80-64 contre la France, 103-73 contre la Bulgarie). La France s’en sort à la troisième place avec une petite victoire (109-78 contre la Bulgarie) et se voit reléguée dans les matchs de classements tout comme la Bulgarie, bonne dernière groupe.
Au sortir de cette première partie du tournoi, aucune surprise ne se fait ressentir, les favoris ont confirmé leur statut. Trois nations se détachent du lot : l’URSS (championne Olympique en titre, la Yougoslavie (finaliste des JO 1988) et la Grèce (vainqueurs du dernier Euro en 1987).
LA YOUGOSLAVIE, UNE GÉNÉRATION PÉTRIE DE TALENT

Certaines équipes nationales ont marqué les esprits, que cela soit l’URSS du début des années 1970 sous la houlette des Aleksandr et Sergei Belov (champions Olympiques 1972) ou la Yougoslavie de la fin de cette même décennie portée par Kresimir Cosic et Drazen Dalipagic (vainqueur de l’Euro 1973, 1975 et 1977). La sphère basket Européenne était prévenue, cette équipe Yougoslave était faite des mêmes pierres. De plus, les joueurs jouaient bien plus pour leurs championnats domestiques dans une époque où les aventures à l’étranger étaient moins courantes.
En effet, chez les Plavis, seuls Vlade Divac (Los Angeles Lakers) et Drazen Petrovic (Real Madrid) ne jouent pas au pays. Parmi cette brochette de futures cracks, il y a Toni Kukoc et Dino Radja (KK Jugoplastika Split), Zarko Paspalj et Pedrag Danilovic (KK Partizan Belgrade) ou encore Zdravko Radulovic et Mario Primorac (KK Bosna) ; Zoran Cutura (KK Cibona Zagreb), Zoran Radovic (Etoile Rouge de Belgrade), Jurij Zdovc (KK Olimpija) et Stojan Vrankovic (KK Zadar). Cette même année, le Jugoplastika Split rafle tout en coupe d’Europe dans le sillage d’un duo Kukoc-Radja dévastateur, fort d’un alliage technique et grande taille sans pareil. Résultat : vainqueur de l’Euroleague (première d’un triplé pour Kukoc) et évidemment vainqueur du championnat Yougoslave. Le plus surprenant étant que ce duo sur le toit du vieux contient ne regroupait même pas les deux meilleurs joueurs de l’équipe nationale, Petrovic et Divac .
Le cinq de départ était tout simplement injouable : Drazen Petrovic (30 points, 40.2 eval), Pedrag Danilovic (6.2 points, 9 eval) et Zarko Paspalj (13.4 points, 18 eval) sur les postes extérieurs combiné à une raquette composée de Dino Radja (13.6 points, 16.4 eval) et Vlade Divac (9.4 points, 12.8 eval). Comme si cela ne suffisait pas, Toni Kukoc (6 points, 8.2 eval) devait être relégué sur le banc malgré son talent certain et ses accomplissements cette saison-là. C’est avec ce noyau dur de 6 joueurs âgés de 19 à 23 ans (mais rempli déjà d’une expérience non négligeable) que les Yougoslaves comptaient reconquérir le sommet du basket Européen. Le banc était complété par Jurij Zdovc (5.8 points, 8.4 eval), Zoran Cutura (5 points, 7 eval), Zdravko Radulovic (4.2 points, 6 eval), Mario Primorac (3 points, 4 eval), Stojan Vrankovic (2.6 points, 3.2 eval) et Zoran Radovic (1.2 points, 1.4 eval).
Derrière « Mozart » Petrovic, la marque est très bien répartie, tous ont un rôle important pouvant apporter leur intelligence de jeu, leur technique et surtout leur très grande taille (2m07 de taille moyenne pour cette sélection ; Radulovic et Radovic étant les plus petits avec 1m91 et seulement 4 joueurs en dessous des 2m).
MATCH DE CLASSEMENT, LA FRANCE SAUVE L’HONNEUR
Malgré le déception (logique) des phases de poules, les Bleus se reprennent et sauvent leur honneur lors des matchs de classements. Avant les demi-finales, se tenaient le tour final (pour déterminer les classements des places 5 à 8). Les Bleus s’en sortent de justesse face aux Pays-Bas (107-100) et retrouvent l’Espagne (tombeur de la Bulgarie 108-85) pour disputer le match pour la 5ème place. Malheureusement pour Stéphane Ostrowski, Richard Dacoury, Hervé Dubuisson, Gregor Beugnot et consorts, ils s’inclinent contre la Roja (87-95) et se contentent d’une 6ème place tandis que la Bulgarie vient à bout des Pays-Bas (91-86) pour la septième place.
LES DEMI-FINALES, CUITES A L’ÉTOUFFÉE
La première demi-finale oppose la Yougoslavie à l’Italie, une confrontation où la Squadra Azzura fait office d’outsider sans grand espoir de réaliser un exploit. Les Italiens comptent dans leurs rangs le duo phare Antonello Riva (18.6 points, 26.2 eval) et Walter Magnifico (12.8 points, 17 eval) ou encore un certain Mike D’Antoni (en bout de banc). En revanche, les Italiens passent à côté de leur match avec Riva et Magnifico maintenus à 8 et 7 points. A l’intérieur, Vlade Divac et Dino Radja exploitent les faiblesses et appuient là où cela fait mal. Le pivot Ario Costa essaye tant bien que mal à rester dans le match (11 points, 15 eval) mais sorti sur 5 fautes tout comme son coéquipier Augusto Binelli, cela laisse de gros vides en défense dans la raquette. Finalement, les derniers espoirs reposent sur l’ailier Sandro Dell’Agnello (7.2 points de moyenne sur le tournoi) auteur ce soir-là de 13 points, son meilleur match. En grande difficulté, ils n’ont pas fait le poids face à Drazen Petrovic (24 points, 27 eval) bien épaulé par Zarko Paspalj (18 points, 22 eval) et Toni Kukoc (15 points, 19 eval). Victoire 97-80 de la Yougoslavie.
L’autre demi-finale est quant à elle bien plus serrée puisque c’est la même affiche que la finale du dernier Euro : URSS-Grèce. Les Soviétiques comptaient bien prendre leur revanche grâce à un groupe similaire aux dernière années avec une expérience grandissante, un monstre à trois têtes porté par Sarunas Marciulionis (18 points, 23.4 eval), Arvidas Sabonis (16.4 points, 22 eval) et Alexander Volkov (13.8 points, 17.8 eval). En face, la sélection Hellène est en route vers un doublé avec en figure de proue un certain Nikos Galis complètement intenable (35.6 points, 47 eval) mais aussi Panagiotis Giannakis (13.4 points, 17.2 eval) et Panagiotis Fassoulas (13.4 points, 16 eval). La rencontre s’annonce épique et tient toutes ses promesses. Côté URSS, le trio réalise une performance correcte mais loin des attentes pour faire tomber leurs adversaires. Si Arvidas Sabonis (19 points, 27 eval) est dans son match, c’est moins le cas des arrières Sarunas Marciulionis (11 points, 15 eval) et Alxander Volkov (11 points, 12 eval). Heureusement, Valeri Tikhonenko se révèle pour tenir tête à la Grèce (22 points, 32 eval). Mais tous ces efforts ne font pas le poids face à Nikos Galis qui porte la Grèce presque à bout de bras avec une performance restée dans les annales : 45 points et 62 d’évaluation. C’est finalement la sélection grecque qui s’en sort de justesse : victoire 81-80.
Une défaite qui n’est pas sans amertume pour les rouges qui se rattrapent en écrasant l’Italie pour la médaille de bronze (104-76).
LA FINALE, LE DUEL DES DIABLES ET DÉMONS

25 juin 1989, c’est le grand jour. La Grèce tient à prendre sa revanche sur la déculottée subie en phase de poule, mais avant tout réaliser un doublé, cette fois face à une jeunesse en quête de gloire sur le circuit FIBA. Un duel retient toutes les attentions : Drazen Petrovic, le démon contre Nikos Galis le diable en personne. Deux scoreurs imperturbables capables des plus gros cartons offensifs que le basket Européen ait connu. Si cette bataille entre les deux meilleurs joueurs du tournoi tient toutes ses promesses, ce n’est pas le cas d’un match sans réel suspense tant la domination Yougoslave est logique.
Malgré 30 points et 41 d’évaluation de Nick the Greek, cette fois bien aidé par ses lieutenants Panagiotis Fasssoulas (22 points, 29 eval) et Theofanis Christodoulou (11 points 16 eval), c’est bien Mozart qui a le dernier mot et qui conclut cette partition sans fausse note avec 28 points et 39 d’évaluation, toujours entouré par les intérieurs Dino Radja (25 points, 31 eval) et Vlade Divac (16 points, 24 eval). Les Yougos terminent invaincus avec cette ultime victoire 98-77 et repartent avec l’or autour du cou. Lorsque l’on se penche sur l’ensemble de leur parcours, la domination écrasante saute aux yeux : 100.4 points marqué en moyenne pour 78.4 points encaissés soit un écart moyen de 22 points (pour l’anecdote, la France et l’Italie seront les plus proches avec une défaite de 17 points).
Finalement, cette sélection Yougoslave repart enfin avec un titre majeur en FIBA, le lancement d’une ère de domination remplie de promesse pour les années à venir. Le grand public le sait, les prochaines années leurs appartiennent. S’en suivra un an plus tard une médaille d’or à la Coupe du Monde en Argentine puis une autre médaille d’or à l’Euro 1991 en Italie. Malheureusement, tout basculera le 17 août 1990, date du début de la Guerre Civile où le pays est déchiré par le nationalismes des peuples en cohabitation (ce qui n’est pas sans querelles entre les joueurs). Ce qui laisse un immense regret quant à cette génération dorée qui sans le savoir jouait ce qui était ses derniers matchs ensemble. L’ONU décide par la suite de suspendre la Yougoslavie laissant seule la Croatie (premier pays indépendant avec la Slovénie) sur le circuit avant un retour plus que convaincant avec trois médailles d’or à l’Euro (1995, 1997 et 2001) et deux médailles d’or en Coupe du Monde (1998 et 2002) ainsi qu’une médaille d’argent aux JO d’Atlanta en 1996. Aujourd’hui, encore, cette équipe de 1989 reste l’une des meilleures de tous les temps.



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