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[ITW] – Hervé Dubuisson « En 1983, en France, la pression était énorme ! »

Interview

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Personnalité emblématique du basket français, Hervé Dubuisson est l’homme de tous les records sous le maillot de l’équipe de France. Et, pour Basket Rétro, Dub a accepté de revenir sur ses souvenirs d’Euro. Interview !

Basket Rétro : En préparant les questions pour cette interview, nous voulions te demander quelque chose d’emblée. Tu as participé à 7 euros avec les Bleus, c’est un record. Et sur les 7, celui de 1983, tu le joues à la maison, en France. En quoi est-ce différent des autres compétitions de jouer un grand championnat dans son pays ? 

Hervé Dubuisson : Oui c’est le record ! Après, celui joué en France est très différent des autres. Il est même incomparable comme Euro. Je me souviens que la pression était énorme. Notre public avait répondu présent et puis il y avait beaucoup de journalistes. Les journalistes étrangers étaient très présents et nous posaient souvent des questions du type que tu me poses. Qu’est-ce que cela fait de jouer à la maison ?

Comme pour chaque grande compétition le premier match est toujours difficile à appréhender. Et là, on joue les Yougoslaves et à Limoges !

BR : Il y a de grosses attentes derrière l’équipe de France mais avec l’Espagne, l’Italie, la Grèce et la Yougoslavie…. c’est un peu « le groupe de la mort » dans lequel vous tombez. Comment tu vis ce premier tour ?

HD : On a stressé de peur de mal faire en 1983. Les nations présentes dans notre groupe étaient déjà très fortes. Et puis, comme pour chaque grande compétition le premier match est toujours difficile à appréhender. Et là, on joue les Yougoslaves et à Limoges ! Alors on a stressé parce qu’on est obligé de bien faire. On est en France et cela ne peut pas être autrement… Ensuite, on bat la Grèce de deux points toujours à Beaublanc mais on perd contre l’Espagne. Tu as raison, on étaient dans le groupe de la mort ! Espagne – Italie : c’est d’ailleurs la finale…

La France à Beaublanc au Championnat d’Europe 1983. Source : Le Populaire du Centre

BR : Allez, revenons en arrière. En 1977, tu as 20 ans. Avec les Bleus vous finissez 11ème pour ton premier grand championnat. Comment tu vis cet Euro en Belgique ?

HD : Cet Euro a été particulier pour moi. C’est vrai, j’étais pro depuis quelques temps et je commençais à être un habitué de la sélection sauf que mon père est né en Belgique ! Toute ma famille paternelle est belge donc cela a été un grand moment pour moi.

BR : Charles Tassin nous disait que les Yougoslaves, avec notamment Cosic, ont un jeu très américanisé. Tu confirmes ? Ils avaient quoi de spécial ces joueurs ? parce que c’est leur troisième succès de suite à l’Euro…

HD : J’ai toujours été très étonné de la dextérité des Yougoslaves par rapport à leur taille. Et Charles a mille fois raison. D’ailleurs, parfois les grands sont un peu « patauds », mais les grands chez les Yougoslaves sont loin de cela. Ils sont très techniques. Et pour l’époque, c’était assez exceptionnel. Cosic, c’est une idole pour nous c’est un des plus grand de l’époque. Les Russes sont très physiques, très solides, les Yougoslaves, ce sont des grands techniciens ! Quelle dextérité ! Quel basket élégant ! Regarde maintenant ce qui se passe. Même divisés, les Yougoslaves gagnent encore !

Mais c’est vrai, on pouvait battre n’importe qui. Comme perdre contre n’importe qui parce qu’on n’était pas assez soudés entre nous. La solidarité n’était pas notre fort.

BR : En 1979, direction l’Italie… Au premier tour, vous perdez contre la Pologne de Mlynarski et Kijewski mais vous battez les Israéliens de Berkowitz, MVP de la compétition. Israël qui est médaille d’argent… Comment tu expliques une telle irrégularité ?

Israel, un adversaire que Dub aimait affronter. Source : Twitter

HD : J’ai toujours adoré jouer contre Israël. Et c’est d’ailleurs après cet euro que j’ai eu des contacts avec le Maccabi Tel Aviv mais comme j’avais un contrat à Antibes après mon départ du Mans, je n’ai pas pu y aller. Après et pour parler de notre irrégularité, c’est un peu la marque de fabrique de la France à cette époque. Mais c’est vrai, on pouvait battre n’importe qui. Comme perdre contre n’importe qui parce qu’on était pas assez soudés entre nous. La solidarité n’était pas notre fort.

BR : Il manque quoi aux Bleus pour faire mieux. Parce qu’en Tchécoslovaquie en 1981,  rebelote : huitième !

HD : De la rigueur, de la régularité et de la discipline collective, voilà ce qu’il manque aux bleus. Et dès qu’on était favoris, on passait à travers ! On était capables de choses incroyables mais aussi de perdre sur « des conneries ». Après, je ne pense pas que c’était un problème de préparation parce qu’on bossait très dur pour y arriver.

BR : Sur le plan statistique c’est ton meilleur championnat en 1981. Quels souvenirs as-tu de cette compétition ?

HD : Les pays de l’Est, cela a toujours été très spécial avant que le mur ne tombe. Après sur le plan statistique, oui c’est celui où je marque le plus de points mais ce n’est pas mon meilleur euro. Pour être honnête, je ne me souviens plus trop de cette compétition de 1981.

BR : Dacoury, Cham, Szaniel, Monclar, Deganis, Hufnagel ou toi qui a 24 ans, c’est la jeune génération au pouvoir en Tchécoslovaquie ? Vous pensiez déjà à l’Euro en France à ce moment-là ?

HD : Non, on ne pensait pas du tout à cet Euro. Deux ans, c’est long ! Pour dire vrai, on souhaitait accumuler de l’expérience et apprendre mais non en 1981, on ne pense pas à 1983.

Detlef Schrempf, c’était quelque chose. 2m08 et quelle habileté ! Sabonis était technique mais lourd, Petrovic, c’est un magicien mais il était petit. Schrempf, c’est une « bête » mais très très technique.

BR : On passe à 1985… en Allemagne. C’est un Euro surprenant ! Sur 8 rencontres vous prenez 6 fois plus de 100 points, vous gagnez 2 fois pour 6 défaites mais paradoxalement vous terminez 6èmes…

HD : Quelle catastrophe notre défense ! C’est anormal… On mixait zone et/ou individuel en défense, cela dépendait des adversaires mais on était incapables de défendre efficacement.

BR : Petrovic, Sabonis, Schrempf, etc… Tous ces joueurs participent à cet Euro. Il y a des joueurs qui te marquent plus que d’autres à cette période ?  

HD : Il y avait Galis aussi qui m’a beaucoup impressionné. Petrovic, c’était un modèle pour tous. Mais Detlef Schrempf, c’était quelque chose. 2m08 et quelle habileté ! Sabonis était technique mais lourd, Petrovic, c’est un magicien mais il était petit. Schrempf, c’est une « bête » mais très très technique. C’est lui qui m’a le plus marqué sur cette compétition d’autant qu’il s’est sublimé comme c’était à domicile. Il jouait comme un petit avec des qualités physique hors norme. Je n’ai pas été surpris de le voir réussir une si belle carrière en NBA.

BR : En 1987, c’est l’avènement de Niklos Galis et la victoire des Grecs en Grèce… L’ambiance devait être dingue là-bas ? Vous les avez joué en poule.

Hervé Dubuisson face à la Grèce de Yannikis et Gallis. Source : Press Sport

HD : Quel scoreur ! Mais je pense que Galis n’aurait jamais été aussi bon s’il n’avait pas eu
Yannakis à ses côtés. Il jouait pour lui. Pour nous qualifier pour les JO de Los Angeles, on avait battu la Grèce et je crois qu’ils ne me l’ont jamais pardonné (il se marre). Là-bas, l’ambiance était terrible. Pièces de monnaie, briquets, boules de papiers, on en a pris plein la tronche. Le match a été interrompu plusieurs fois et la police a dû nous accompagner jusqu’au bus. C’est contre eux aussi que j’ai mis 51 points. C’est un record. Mais c’était plus tôt, en 1985, pour la qualification aux Championnats du Monde 86.

Dans les tribunes, il y a beaucoup de bruit, ils te sifflent mais ils ne t’insultent pas. Enfin, je ne comprends pas le yougoslave (il se marre)…

BR : Encore une place d’honneur… 9ème… Pourquoi la France ne décolle pas ? C’est ton 6ème Championnat…

HD : Je ne sais pas pourquoi cela ne décolle pas. Par contre et ce que je sais donc je le répète c’est qu’on était pas réguliers. Par exemple, on se qualifie pour LA mais on termine 9ème en Grèce…

BR : La Yougoslavie, en 1989, c’est comme la Grèce niveau ambiance ?

HD : La Grèce c’est incomparable. En Yougoslavie, il y a de grosses ambiances mais c’est moins « chaud ». Le pire c’est vraiment la Grèce. Les yougoslaves sont respectueux. Dans les tribunes, il y a beaucoup de bruit, ils te sifflent mais ils ne t’insultent pas. Enfin, je ne comprends pas le yougoslave (il se marre)… mais la Grèce c’est violent, c’est méchant. En Grèce, c’est des ultra-passionnés et c’est cela qui les rend comme cela.

Mon meilleur souvenir en bleu reste la qualification pour les Jeux de LA. Pour la France, c’était extraordinaire. Il y avait la NBA mais ce n’était pas ouvert comme maintenant.

BR : Est-ce que tu as une anecdote dont tu voudrais nous parler sur ces 7 Euros ? Des visites ?

HD : Dans ce genre de compétitions, on ne fait pas trop de visites. C’est hôtel / salle / hôtel. On ne fait pas d’excursions même si on n’est pas enfermé dans nos lieux de résidences mais il n’y a pas d’excursions de prévus. Sauf peut-être en Grèce, où je me souviens avoir visité les monuments athéniens. En Grèce, des bus nous emmenaient en ville pour les visites historiques sur nos jours de repos. Ce championnat à Athènes m’a vraiment marqué parce que c’était houleux.

L’équipe de France en 1987 ! Source : FFBB

BR : Ce qu’il te reste avec le maillot bleu, c’est la frustration de médailles, la joie d’avoir battu tant de records ou un peu des deux ?

HD : C’est surtout le fait de ne pas avoir gagné de médailles. Tu joues au basket pour les récompenses collectives, pas pour les récompenses individuelles. Mon meilleur souvenir en bleu reste la qualification pour les Jeux de L.A. Pour la France, c’était extraordinaire. Il y avait la NBA mais ce n’était pas ouvert comme maintenant. Et puis, les Etats-Unis, c’était magnifique. En plus, on a joué au Forum, la salle des Lakers. Le village olympique et tout ce qui était organisé autour, c’était merveilleux. D’ailleurs, à L.A., on y était presque en « touristes » (il se marre). Par contre là, on en a fait des visites… Certains sont allés à Hollywood, d’autres au Mexique qui est proche. Là, on a pas été très sérieux… On était bien préparés mais au final, on a fait une bourde ! Après, j’ai un rapport particulier avec les Etats-Unis comme j’ai joué avec les Nets. J’y ai joué avec Oscar Schmidt avec qui j’ai beaucoup parlé et lui a eu un contrat garanti. Moi, le mien n’était pas garanti donc je suis rentré à Paris, dans mon club. Après j’ai donné mon maillot des Nets au musée du sport de la ville de Nice. Ce sont les mêmes couleurs que celle de la France donc je l’aime beaucoup.

Les Bleus à LA en 1984 – Source : La Montagne

BR : Qu’est-ce qu’on peut espérer des Bleus pour cet Euro 2022 ?

HD : La France est imprévisible. Le match contre la Lituanie a compté double après la défaite contre l’Allemagne. Mais la France est capable de tout alors il faut y croire. J’y crois. (NB : L’interview a été réalisé pendant le premier tour)

Un grand merci à Hervé Dubuisson, légende du basket français ! 

About Guillaume Paquereau (75 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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