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[Portrait] Alexander Volkov, vodka et perestroïka à Atlanta

Portrait

Illustration : Adrien PMMP pour Basket Rétro

Premier soviétique à avoir posé le pied sur un parquet NBA, Alexander « Sasha » Volkov est l’un des pionniers de l’internationalisation de la Ligue. Joueur ultra complet en attaque et rugueux en défense, il a terrorisé le championnat d’URSS et les compétitions internationales avant de faire le grand saut aux Etats-Unis. Choc des cultures sur fond de relations diplomatiques, le parcours de Sasha regorge d’histoires à dormir debout. Récit.

STAKHANOVISTE DE LA BALLE ORANGE

Né au fin fond de la Sibérie à Omsk à plus de 2700 kms de Moscou, Alexander Volkov rejoint très jeune l’Europe Continentale. Il grandit dans la ville ukrainienne de Tchernikov non loin de Kiev, dans l’une des républiques socialistes qui compose l’URSS. A son entrée au collège, il attire l’attention de sa prof de sport, Georgievna Vergun. Âgé d’une dizaine d’années, Alexander dépasse tout le monde d’une tête sur le terrain de foot et l’éducatrice a d’autres projets que le ballon rond pour lui. Ancienne joueuse du Dynamo Kiev, Vergun l’initie au basket. En plus de sa taille, le gamin l’épate par sa dextérité, mais pèche en revanche côté vision du jeu et mobilité. Pour corriger cela, elle le confronte régulièrement à des jeunes plus techniques et rapides pour qu’il rivalise progressivement avec eux. Son père, Anatoly Volkov, qui lui aussi a pratiqué le basket à l’Université de Leningrad, se joint à ces entraînements spécifiques. Alexander est impressionné par la facilité avec laquelle son paternel parvient à dunker. Un geste qu’il veut reproduire par-dessus tout. Pendant des mois, il s’impose 1000 sauts quotidiens pour développer sa détente. Il est récompensé de ses efforts à sa sortie du collège. Avec ce duo de choc comme formateurs, Volkov participe au Championnat Lycéen Interrégional en 1981. Avec sa province, l’Ukraine, il décroche une médaille de bronze, mais ne tape pas dans l’œil de Moscou. Les recruteurs de la capitale ne lui ouvrent pas leurs portes et le jeune Sasha Volkov part s’installer à Kiev à la fin de l’été.

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Glavcom

A 17 ans, il intègre l’Institut d’Etat d’Education Physique pour ses études. Mais, dès l’automne, il est enrôlé par l’équipe pro de la ville, le Budivelnyk Kiev (ou Stroitel Kiev en langue russe). Depuis 1962, les Bâtisseurs – leur surnom – sont les représentants ukrainiens de la Ligue Soviétique de Basket. Malgré son âge, Volkov n’est pas impressionné par les joueurs expérimentés autour de lui et gagne rapidement la confiance de son entraîneur Boris Vdovichenko. Le gaillard de 2m06 pour 105 kg se distingue par son jeu atypique : capable de shooter de loin, de distribuer le jeu au poste et de batailler sévère au rebond, il est utilisé du poste 1 à 4 par son entraîneur. De petit jeunot du groupe, Sasha passe à plaque tournante du collectif avec une énergie débordante qui porte l’équipe vers le haut. Sa détente sous le cercle et sa volonté de toujours jouer plus vite sont des anachronismes dans le championnat. Sous son impulsion, Kiev se hisse jusqu’en finale contre l’invincible CSKA Moscou. Le club moscovite a remporté 11 des 12 dernières éditions, laissant seulement une fenêtre de tir au Spartak Leningrad en 1975. Une hégémonie facilitée par un recrutement des talents à travers toute l’URSS. Face à cette armée rouge toute puissante, les Bâtisseurs tombent les armes à la main. La médaille d’argent vient quand même récompensée la meilleure saison de Kiev depuis 13 ans ! Engagé en Coupe des Coupes l’année suivante, Volkov s’incline en demi-finale face au Cibona Zagreb, futur vainqueur de l’épreuve. Malgré une victoire de 16 points à domicile, Kiev chute de 26 au retour en Yougoslavie. Un parcours encourageant tout comme sa seconde médaille d’argent en championnat… toujours face au CSKA. Mais, Sasha en veut plus et cherche des moyens pour s’améliorer. Il s’abreuve de témoignages de joueurs dans la presse et étudie le jeu des plus grands. S’il n’a pas eu la chance de rencontrer son idole, Alexander Belov – une légende au pays des Tsars – il bénéficie de cours particuliers avec Anatoly Myshkin. Le joueur du CSKA est l’un des premiers ailiers hybrides à évoluer aux postes 3 et 4. Volkov lui pique quelques conseils pour étoffer son arsenal offensif et devenir plus polyvalent. Interrogé à l’époque sur sa philosophie de jeu, Volkov insiste déjà sur l’aspect all round :

« Tout d’abord, j’essaie de jouer dur en défense. Ensuite, je veux amener à l’équipe un nombre quasiment égal de points sur jeu rapide, de passes pour des tirs à mi-distance et de rebonds. En attaque, si je parviens en plus à distribuer des passes précises pour notre pivot, alors j’estime que j’ai rempli ma tâche ».

MEMBRE DE LA SOVIET DREAM TEAM

Alexander n’a pas encore 19 ans et ses performances ne passent plus inaperçues. Logiquement, il est retenu en sélection nationale pour participer aux Championnats du Monde Junior en 1983. Avec son conscrit Arvydas Sabonis en leader, il s’illustre sur la scène internationale lors des phases finales : 10 points contre l’Espagne puis encore 10 contre le Brésil pour accéder à la finale contre les Etats-Unis. En pleine Guerre Froide, l’affrontement n’est pas anodin. Les USA emmenés par les futurs NBAers Scott Skiles, Buck Johnson ou Kenny Walker sont sonnés à la mi-temps (-7 points). Déjà battus en poule par les Soviétiques, les Américains ont un sursaut d’orgueil dans le money time et passent devant de justesse grâce à Walker, 82 à 78. Les 31 points et 8 rebonds de Sabonis sont insuffisants. De son côté, Volkov perd sa troisième finale consécutive en autant de saisons professionnelles. Sa revanche, il l’obtient lors de l’Eurobasket 1985 en Allemagne. L’équipe soviétique vient de tourner une énorme page avec le départ du coach historique, Alexandr Gomelski. Son remplaçant, Vladimir Obukhov, s’est occupé des section jeunes auparavant et intègre la nouvelle garde – Sabonis et Volkov en tête – pour l’ajouter aux cadres comme Rimas Kurtinaitis ou Andrei Lopatov. Le mélange est détonnant. L’URSS roule sur la compétition avec 109,1 points inscrits en moyenne, un record toujours en vigueur ! Titulaire indiscutable, Volkov déborde d’activité des deux côtés du terrain à l’image de sa finale remportée contre la Tchécoslovaquie : 18 points et 12 rebonds ! Sur le toit de l’Europe, l’avenir sourit à cette équipe de « Camarades ». Car au-delà du sport, de vraies relations d’amitié naissent entre ces joueurs issus de différentes nationalités (lettons, lituaniens, ukrainiens et russes). En bon stakhanoviste de la balle orange, Volkov profite de cette campagne internationale pour apprendre encore et toujours auprès de ses aînés :

« J’ai de la chance d’être en équipe nationale, il y règne une ambiance conviviale. Andrei Lopatov et moi, sommes candidats au même poste dans l’équipe, mais il m’a toujours aidé et dit comment jouer. Le soutien des partenaires expérimentés est très important et je les remercie pour leur confiance. Avec eux, vous ne pouvez pas vous permettre d’être faible ou irresponsable ».

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Eurocupbasketball.com

Etape suivante, les Championnat du Monde 1986 en Espagne. La première phase de poule est avalée avec un écart moyen de 39 points ! Au second tour, ce sont les Brésiliens, les Espagnols, les Grecs qui subissent une bérézina. Seule la Yougoslavie en demi-finale offre une opposition digne de ce nom, portée par un Drazen Petrovic de gala : 29 points et futur MVP de la compétition. Mené de 3 points à 10 secondes de la fin, l’URSS arrache une prolongation inespérée sur un tir primé de Valdis Valters. L’overtime est fatal aux Yougos sonnés par le comeback improbable des soviets. En finale ce sont les Ricains qui attendent l’URSS pour un grand classico géopolitique. Même composée d’universitaires, Team USA a fière allure avec à son bord Muggsy Bogues, Steve Kerr, Kenny Smith, Sean Elliott, le tout drivé par l’amiral David Robinson. Des futures stars NBA qui mènent tranquillement 78-60 à 7 minutes de la fin. C’est le moment que choisissent Sabonis et Valdemaras Chomicius pour sortir de leur boîte. Comme en demi-finale, le run des soviétiques est létal : ils reviennent à une possession à 50 secondes du terme. Il faut alors une pénétration pleine de sang froid de Kenny Smith au-dessus de Sabonis pour arracher une victoire d’une courte tête, 87 à 85.

SASHA A LA RESCOUSSE DU CSKA

Sasha Volkov se contente de l’argent et ironie du sort, c’est aussi pendant l’été 1986 qu’il reçoit son premier carton d’invitation de la part des Etats-Unis. Il est drafté au sixième tour, 134ème choix, par les Atlanta Hawks. Bien sûr, le contexte politique entre les deux nations ne lui permet pas de rejoindre la NBA. Au contraire, c’est le CSKA Moscou qui vient frapper à sa porte. Le club vitrine de la puissance russe est en péril : depuis deux saisons, le Zalgiris Kaunas a mis fin à sa suprématie en raflant les derniers titres de champion. Les Lituaniens possèdent avec Sabonis, une arme de destruction massive dans la raquette, secondé au scoring par la flèche Sarunas Marciulionis. Les profils des joueurs lituaniens apparaissent beaucoup plus modernes que ceux des moscovites, leur style de jeu altruiste et rapide déboussole le CSKA. L’entraîneur du club de l’armée, Yuri Selikhov, va alors enrôler directement Alexander Volkov. Sa polyvalence et sa combativité revitalisent Moscou qui pousse le Zalgiris à une belle en finale. Avec 15 points sur ce match décisif joué, Volkov ne démérite pas, mais laisse le trophée à Kaunas après une prolongation fatale (83-93). En 1988, sans Sabonis blessé au tendon d’Achille, Sasha remet le pied à l’étrier au CSKA. En tête du championnat, Moscou retrouve le Zalgiris en finale pour la cinquième fois consécutive. Meilleur scoreur du match retour avec 21 points, Volkov met fin aux espoirs lituaniens sur le score de 94 à 66 ! Alexander soulève pour la première fois de sa carrière le trophée de champion d’URSS. Mission remplie pour lui qui choisit de rentrer au bercail au Stroitel Kiev pour la saison suivante.

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Youtube

PREMIERS FLIRTS AVEC L’ONCLE TOM

Changement de club et changement politique aussi ! L’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev amorce une période plus libérale en URSS, la fameuse Glasnost. Liberté d’expression, réveil des identités nationales, dégel des relations internationales, c’est dans ce contexte géopolitique que Volkov se frotte à deux reprises aux Etats-Unis pendant l’été 1988. Ted Turner, président du groupe audiovisuel TBS et aussi président des Atlanta Hawks, veut se servir du sport comme vecteur de rapprochement entre les deux super puissances. Après avoir créé les Goodwill Games, il se lance dans un projet un peu fou : il organise en juin une tournée des Hawks sur le sol russe. Trois matches d’exhibition à Tbilissi, Vilnius et Moscou contre la sélection soviétique. L’occasion pour les Ricains de constater que les conditions d’accueil et de préparation sont aux antipodes de ce qu’ils connaissent : pas d’eau chaude, logements spartiates et repas sommaires. Côté URSS, le groupe en profite pour se rapprocher un peu plus avec des veillées au coin du feu entre verres de vodka chaude et chansons improvisées par Marciulionis à la guitare. Des soirées surréalistes entre deux camps opposés, une chose encore impensable quelques mois avant, précise Sasha Volkov :

« L’entraîneur Gomelski nous avait dit quelques mois plus tôt « Vous savez les Hawks d’Atlanta vont venir en Union Soviétique et nous allons avoir un camp d’entraînement ensemble puis quelques matches ». Je me suis dit ouais, hum hum, les Hawks chez nous… Nous rions tous et nous plaisantons. Le temps passe, l’été se rapproche et là les Hawks arrivent vraiment ! L’URSS était encore l’URSS à cette époque, malgré Gorbatchev, la Perestroïka et toutes ces choses. On n’arrivait pas à y croire. On était tellement excité. Pendant un jour de repos, certains joueurs américains sont venus me voir pour sortir dans un club. Ils ne se rendaient pas compte de ce qu’on trouve à proximité d’une base soviétique isolée. J’ai quand même vérifié et un agent du KGB m’a conseillé « Dis leur qu’il y a une fête religieuse et que tout est fermé ». »

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Sports Illustrated

L’objectif de ce voyage n’est pas touristique pour Atlanta. En avance sur leur temps, les Hawks mettent le paquet sur le scoutisme international, leurs proies dans ce périple : Sabonis, Marciulionis et Volkov. La draft du géant lituanien par Atlanta a été invalidée en 1985 compte tenu de son âge (moins de 21 ans), Sarunas se rapprochait lui de Don Nelson aux Warriors… restait donc le dossier Volkov. Après deux courtes défaites des Soviétiques, les hommes de Gomelski sonnent la révolte dans le dernier match avec une victoire 132 à 123. L’homme fort de ce succès significatif, Sasha Volkov avec 35 points ! Histoire de prouver au coaching staff que sa draft deux ans plus tôt n’est pas usurpée. Le jeune russe attend son heure pour traverser l’Atlantique :

« Vous savez, nous avons tous rêvé de jouer en NBA, mais je n’ai rien dit aux gens, j’ai juste essayé de ne pas paraître trop stupide. Avec la situation géopolitique, avec l’Union Soviétique et toutes ces choses en interne qui arrivaient, je me suis dit, oui il y a peut-être une petite chance d’y parvenir. A 25 ans si je ne peux pas le faire maintenant, je ne pourrais pas le faire plus tard. Peut-être que cela sera un échec et que je ferais mieux de rester en Europe. Mais, je préfère tenter ma chance plutôt que de me dire j’ai eu une opportunité que je n’ai pas saisie ».

Les Jeux Olympiques de Séoul seront la seconde confrontation de l’été entre la sélection soviétique et les Américains. Après le boycott US en 1980 et de l’URSS en 1984, les deux ogres sont de nouveau face à face, pour ce qui sera le dernier round dans cette configuration. Les universitaires ricains seront remplacés en 1992 par la Dream Team, tandis que l’URSS éclatera en 1991. Chez Team USA, David Robinson a remis le couvert, encadré par de futurs All Stars comme Mitch Richmond, Dan Majerle ou Danny Manning. Invaincus en poule, les USA tombent sur le bloc soviétique en demi-finale. Regroupé derrière Kurtinaitis (28 points), l’URSS fait la course en tête avec une avance 47-37 à la mi-temps. Team USA sort un match de traînard en revenant plusieurs fois à une possession, mais s’effrite dans le money time. Fidèle à son image, Volkov sort une performance complète – 12 points, 6 rebonds et 5 passes – dans la victoire 82-76. Il récidive en finale contre la Yougoslavie : dans une rencontre défensive où les Yougos sont tenus à 63pts , Sasha participe à l’effort collectif en limitant Toni Kukoc à 3 points, après avoir mis fanny Danny Manning en demi ! Actif des deux côtés du parquet, Alexander repart avec l’or olympique et une ligne de stats bien dodue : 11.9 points à 61,4% aux tirs, 4.7 rebonds et 2.9 assists.

1989, SA PLUS BELLE CAMPAGNE DE RUSSIE

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Glavcom

Le rêve américain c’est pas pour tout de suite, par contre. De retour à Kiev, Volkov s’applique à montrer quel compétiteur il est. Sa campagne 1989 dans le championnat soviétique est un modèle du genre. Dans une ligue archidominée par le CSKA et le Zalgiris, le Stroitel termine à la deuxième place pour jouer le titre suprême contre Kaunas. Les Lituaniens font figure de grandissimes favoris avec un Sabonis un sommet de son art, comme en témoigne son record en carrière : 53 points contre le Dynamo Moscou quelques jours avant la finale ! Dans la première manche, Volkov survole les débats avec 25 unités au compteur pour une victoire étriquée de Kiev, 97 à 94. La revanche dans un Sportgalle Palace bondé entre directement dans l’Histoire du championnat. Menés de 16 points, le Zalgiris finit en trombe malgré un Sabonis blessé. 87 partout, dernière possession dans les mains de Sasha qui élimine son adversaire d’un dribble dans le dos et lance un missile du logo qui fait ficelle ! Un tir clutch qui scelle le sort de la Finale. La célébration du Stroitel est de courte durée. L’arbitre refuse le tir de Volkov alors que celui-ci est parti indiscutablement avant la sirène. Abattus, les Ukrainiens laissent filer le match en prolongation. Durant la nuit d’hôtel à Kaunas, une réunion d’équipe menée par Volkov et l’entraîneur Viktor Bozhenar revisionne la fin de match. Pas de doute possible, le shoot d’Alexander est valable. L’équipe pose alors une réclamation et refuse de jouer le match décisif. Si les instances soviétiques valident la victoire de Kaunas, Kiev se contentera de la médaille d’argent. Devant les images sans équivoque, la Fédération revient sur sa décision et accorde le match au Stroitel, un cas unique dans les Annales du championnat. Avec deux énormes perfs, Volkov offre le premier et le seul titre de l’Histoire de Kiev. Le nouveau Tsar du basket soviétique se nomme Alexandre Ier et cette fois, il va pouvoir réaliser son rêve.

UN ROUGE CHEZ LES HAWKS

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Zagranitsa Info

Contacté par les Hawks pendant l’été, Sasha est enfin autorisé à traverser l’Atlantique. Une arrivée qui ne bouleverse pas sportivement la Ligue mais qui est une avancée diplomatique énorme. Le 3 novembre 1989, après des années de Guerre Froide, Volkov devient le premier joueur soviétique à poser un pied sur un parquet NBA. Il sera suivi quelques heures plus tard par Sarunas Marciulionis, qui lui aussi a rejoint le sol américain. La prestation de Sasha est anecdotique ce jour-là, avec une seule petite minute de temps de jeu, mais la date est historique et ouvrira la porte à bien des talents du bloc soviet. Car dans le même temps, l’URSS est en pleine perestroïka. L’Empire commence à se disloquer avec des soulèvements dans plusieurs provinces. C’est dans ce contexte, qu’à des milliers de kms, Volkov tente de s’acclimater au mode de vie U.S. Pour l’assister, c’est le coach d’Atlanta, Mike Fratello qui s’y colle. Les deux hommes deviennent rapidement amis et ce n’est pas un hasard si on retrouve l’entraîneur à la tête de la sélection ukrainienne, 25 ans après. Outre la barrière de la langue, Sasha et sa femme Alla découvre un univers aux antipodes de ce qu’ils ont connu, comme l’explique le néo Hawk :

« Lorsque nous sommes arrivés aux Etats-Unis, nous avons loué un appartement et nous étions absolument satisfaits de tout dans cette nouvelle vie. Mais, le temps passant, nous avons remarqué que toutes les personnes que l’on côtoyait (principalement les joueurs d’Atlanta et leurs épouses), vivaient dans leurs propres maisons. Peu à peu, ils nous ont laisser entendre qu’une personne sous contrat NBA doit vivre dans une maison par rapport à son statut. Louer un appartement, ce n’est pas acceptable. La barrière de la langue a été aussi notre principal obstacle. Parfois, des carrières peuvent même échouer à cause de ça. L’option idéale pour un étranger est d’apprendre à la maison. Si au début ça ne fonctionne pas, il faut s’accrocher et ne pas paniquer. Pour commencer, j’ai désactivé toutes les chaînes russes chez moi, malgré les événements importants et les flashs d’infos sur place. Ensuite, j’ai communiqué le plus possible avec les habitants en m’accrochant à chaque mot. Il faut juste être patient ! »

La patience paie finalement pour Sasha. Au fil des mois, il grimpe dans les rotations des Hawks. L’équipe bataille pour un spot en playoffs portée par le trentenaire Dominique Wilkins et le vétéran Moses Malone. A ce titre, la jeunesse de Volkov (25 ans) apporte un souffle nouveau en sortie de banc. Il grappille des minutes derrière Malone au poste 5, pas forcément sa position favorite, mais là encore il faut bien s’adapter. De 9 minutes de temps de jeu en novembre, il passe à 18 en janvier avec une ligne de stats qui commence à ressembler à quelque chose sur le mois : 7.6 points, 2.0 rebonds et 1.5 passe. Malgré un beau run final avec 6 victoires sur les 7 derniers matches, Atlanta termine à la neuvième place à l’Est avec un bilan à l’équilibre. Volkov a tout de même gagné la confiance du coaching staff grâce à son jeu atypique. Pour preuve, l’intérieur est le joueur des Hawks le plus adroit à 3 points (38,2%) et le troisième plus prolifique derrière la ligne, une caractéristique qui détonne à l’époque.

Malheureusement, l’exercice 1990-1991 est marqué par les blessures, les premières de sa carrière. Alexander subit une chirurgie lourde pour réparer ses deux poignets meurtris. Bilan des opérations : saison blanche ! Les Hawks en profitent pour rajeunir le roster avec la draft de Stacey Augmon et Rumeal Robinson notamment. Remis à 100%, Volkov est désormais le second remplaçant le plus utilisé par le nouveau coach Bob Weiss. Alors que la franchise affiche un bilan satisfaisant de 23 victoires pour 20 défaites, le 28 janvier, la saison bascule avec la rupture du tendon d’Achille de Do Wilkins. Privé de leur meilleur scoreur, d’autres faucons prennent leur envol. C’est le cas de Sasha qui fait valoir sa polyvalence : 11.8 points, 4.3 rebonds, 4.5 passes et 1.3 steal en l’absence de Wilkins. Sur cette période, il dépasse à quatre reprises les 20 unités avec un record en carrière dans une victoire contre Washington (25 points) et son premier double double face au Magic (17 points et 10 rebonds). Tous ces efforts en vain, les Hawks terminent une nouvelle fois à la neuvième place de la Conférence. Volkov peut se consoler en étant le second meilleur passeur de la Ligue chez les intérieurs avec 3.2 caviars par match. Seul Brad Daugherty le devance (3.6 assists), mais avec 16 minutes par match en plus !

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Getty Images

A LA CONQUÊTE DE L’EUROPE

C’est également pendant cette saison que l’URSS finit de voler en éclats. Avec l’indépendance proclamée de l’Ukraine, Volkov en prend la nationalité. Sportivement, c’est plus compliqué sur la scène internationale. Lors des J.O. de Barcelone en 1992, il intègre la CEI, une équipe à consonance soviétique composée de joueurs des anciens états. Battu d’un petit point en demi-finale par les Croates, Sasha s’incline aussi dans le match pour le bronze face à la Lituanie (78-82). Pour sa dernière grande apparition dans une compétition mondiale, Alexander a encore été irréprochable : 15.5 points, 7.5 rebonds et 3.8 passes. Cette parenthèse internationale sur le sol européen le fait hésiter au moment de reconduire son contrat, entre la NBA et un retour sur le Vieux Continent. Un homme va faire pencher la balance : Carlo Recalcati, l’entraîneur de Reggio Calabria en Italie. Les deux hommes se sont rencontrés lors de joutes entre Cantu et Kiev et sont devenus amis après des dîners arrosés de vodka. Alors que Volkov est approché par Barcelone et l’Olympiakos, Recalcati entre dans une drague sans précédent. Le club promu en Serie A est ambitieux et vise d’emblée une qualification en Coupe Korac. Avec un chèque de 1,1 million de dollars et une villa en bord de mer, l’ukrainien se laisse séduire. Il abandonne son statut de joueur NBA pour devenir l’icone de toute une ville. Aidé par l’américain Dean Garrett et le jeune Hugo Sconochini, la Viola enregistre la meilleure saison de son Histoire avec une sixième place, un tour de playoffs remporté et une qualification pour la Coupe Korac. Sasha s’est acquitté de sa mission de la plus belle des manières : 19.3 points à 57% aux tirs, 8.0 rebonds et 3.1 passes.

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Sasha Volkov vs Roy Tarpley ©Euroleague.net

Bientôt trentenaire, le temps est venu pour Alexander Volkov de jouer le titre suprême en Europe. Il signe donc en 1993 avec le Panathinaïkos. Diminué par des pépins physiques en championnat, il ne peut aider le Pana à faire mieux qu’une troisième place. Pas grave, son objectif à lui, c’est l’Euroleague. Qualifié pour le Final Four, Sasha va sortir son meilleur basket pour l’occasion. 32 points en demi-finale contre l’ennemi intime, l’Olympiakos, mais une défaite cruelle dans le money time. Sa chance de médaille, il ne la laisse pas passer contre Barcelone avec 29 points dans une victoire 100 à 83. En plus du bronze, Sasha se glisse à la 4ème place des meilleurs scoreurs sur un Final Four avec 61 points au total, juste derrière Nikos Galis et Bob McAdoo. Pour ne pas faire de jaloux en Grèce, il s’engage la saison suivante avec l’Olympiakos. Un passage dans le camp adverse qui lui permet de remporter le titre national – le troisième consécutif pour Le Pirée – et retenter sa chance au Final Four. La demi-finale est un remake de 1994 entre les deux clubs helléniques. Mais, cette fois Sasha est du bon côté et défie le Real Madrid en finale. Une confrontation où il retrouve son pote Arvydas Sabonis. Les deux anciens coéquipiers chassent leur premier titre en Euroleague et se livrent un duel au sommet : 23 points et 7 rebonds pour Sabas et 15 points et 7 rebonds pour Volkov. Le Lituanien l’emporte sur l’Ukrainien (73-61) dans ce qui sera leur dernière opposition : A 31 ans, Sabonis rejoint enfin la NBA à Portland ; quant à son conscrit, il met un terme à sa carrière !

LA FAIM JUSTIFIE LES MOYENS

L’alerte médicale qu’avait subie Volkov à Atlanta est de retour. A l’époque, l’Ukrainien ne pouvait même pas soulever une tasse à l’aide de ses poignets. Les chirurgiens avaient alors ponctionné du cartilage de sa cuisse pour l’insérer entre ses os. A l’issue de sa saison avec l’Olympiakos, ce sont des douleurs au dos qui font leur apparition. Un mal insupportable qui l’oblige parfois à se déplacer à quatre pattes. Désespéré, il se tourne vers Misha Safarov, un ancien basketteur de Tbilissi devenu médecin spécialisé dans la colonne vertébrale. Ce dernier lui fait une injection à base de curare, un tranquillisant utilisé chez les félins. Pas de chance, le traitement touche le nerf sciatique contraignant Sasha à annoncer sa retraite sportive. La famille Volkov se retire dans sa maison d’Atlanta. L’occasion de suivre les Jeux Olympiques de 1996 au plus près et de recevoir à la fois ses amis russes et ukrainiens, les deux nations étant qualifiées pour le tournoi. L’ancien coach Alexandr Gomelski prend pitié de son hôte et lui conseille de consulter le kinésithérapeute de sa délégation. Le traitement basé sur la faim est extrême. Volkov jeûne plusieurs jours et enchaîne massages et saunas. A la fin des soins, il passe de 130 à 80 kilos ! Une cure qui lui permet de retrouver le chemin des parquets. En 1999, il remet son short pour l’Eurobasket et participe à trois matches – 11.7 points et 7.7 rebonds tout de même – histoire de porter pour la première fois le maillot national de l’Ukraine. En 2000, il fonde un nouveau club dans le pays, le BC Kiev avec lequel il joue quelques bouts de matches pendant deux saisons encore. Une fois ses baskets raccrochées, Volkov se lance dans la politique. Nommé ministre des sports, il est également élu à trois reprises à la Rada, le parlement ukrainien. Oeuvrant désormais en coulisses, il obtient l’organisation de l’Eurobasket 2015 chez lui à Kiev, une jolie manière de boucler la boucle de sa carrière de basketteur.

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VTBLeague.com

SON PALMARES

  • Médaille d’or olympique (1988)
  • Médaille d’or à l’EuroBasket (1985)
  • Médaille d’argent aux Championnats du Monde (1986 et 1990)
  • Médaille d’argent à l’EuroBasket (1987)
  • Champion d’URSS (1988 et 1989)
  • Champion de Grèce (1995)
  • Champion d’Ukraine (2001)

SA CARRIÈRE EN IMAGES

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About mosdehuh (31 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

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