[Portrait] Aleksandar « Sasha » Djordjevic, le « Divin » chauve encore à la mène
Portrait
L’année 2022 a débuté de manière intense pour le coach de Fenerbahçe Beko. Le Serbe Aleksandar Djordjević, 54 ans, un des plus beaux joyaux du basket européen qui essaye de transmettre en tant qu’entraîneur, sa grinta légendaire.
PERE ENTRAINEUR, ARRIVEE DE ZELJKO OBRADOVIC ET DEBUT D’UNE GENERATION EN OR A BELGRADE
Au début des années 1990, l’Europe du basket a vu débarquer un meneur de folie, dans la plus pure tradition yougoslave qui a permis l’éclosion et la maturation de meneurs, pivots, arrières et autres ailiers de feu. Le jeune Aleksandar, dit « Sasha », Djordjević transpire ce basket d’ex-Yougoslavie qui continue de faire rêver, encore aujourd’hui, par la classe de ses représentants, le Serbe des Nuggets Nikola Jokić et le Slovène des Mavericks Luka Dončić en tête d’affiche. C’est aussi un physique à jouer le rôle d’un méchant dans un blockbuster avec ce regard aigle perçant ainsi qu’un crâne devenu rasé et chauve au cours des décennies à l’instar d’un Bruce Willis de « Die Hard » sans compter un caractère bien trempé au milieu d’autres joueurs et entraîneurs aussi caractériels que talentueux. Djordjević a également marqué toute une génération de suiveurs avec son tir en extension après un petit « jump ». Une Europe subjuguée par la qualité de ce meneur d’exception aussi bien en clubs qu’en équipe (s) nationale (s). En compagnie du meneur macédonien d’Efes Pilsen (aujourd’hui Anadolu Efes) Petar Naumoski et de l’Américain David Rivers (ex-Antibes, Olympiacos et Tofaş Bursa, en Turquie), Djordjević a représenté la quintessence du basket européen au mitan des années 90.

Né à Belgrade « la blanche » en 1967, le jeune Aleksandar a baigné dans le basket dès son plus jeune âge puisqu’il est le fils d’un entraîneur, Bratislav Djordjević. Ce dernier a été notamment entraîneur de l’Etoile rouge de Belgrade avec lequel il fut champion de Yougoslavie en 1972. Aussi joueur au Radnički dans les années 50-60 avec un certain Dušan Ivković, il finira même sa carrière de coach au CSP Limoges en 1993 à l’instar du grand Alexander Gomelsky, deux ans plus tôt. Dès lors, c’est pourtant au sein du club voisin, le Partizan, que la carrière de Djordjević débute lors de la saison 1983-1984. Pépinière de talents au sein d’une Ligue fédérale yougoslave dense (Etoile Rouge de Belgrade, Zadar et Jugoplastika, à Split), les « blancs et noirs » ont toujours, permis à de jeunes joueurs d’éclore. Une bonne aubaine pour ce jeune meneur de 17 ans qui va se faire progressivement une place, dès la saison 1984-1985, dans l’effectif du Partizan malgré la concurrence directe au poste de meneur de jeu d’un dénommé Željko Obradović, sept ans de plus que « Sasha » (et futur coach aux neuf titres d’Euroleague), débarquant du club de sa ville de naissance, Čačak. Le début toutefois d’une grande histoire d’amitié sportive et humaine entre les deux hommes et pour deux légendes du basket yougoslave. Le Partizan n’en reste pas là et continue de promouvoir au cours des années 80 la jeunesse triomphante.

Le club récupère en effet un jeune pivot de 18 ans, avec une envergure de 2m16 sous la toise, un certain Vlade Divac, à partir de la saison 1986-1987 ainsi qu’un ailier gaucher de 20 ans promis, lui aussi, à de grandes œuvres, Žarko Paspalj. Notons enfin, deux ans plus tard, l’arrivée d’un arrière aussi teigneux que talentueux en la personne de Predrag Danilović, 18 ans également, lors de la saison 1988-1989. Divac deviendra plus tard un pivot NBA, et All-Star avec les Kings, les Lakers et les Hornets de Charlotte. Danilović fera les beaux jours de la Virtus Bologne et évoluera deux saisons au sein du Heat de Miami. Quant à Paspalj, il deviendra une référence du basket grec au sein de l’Olympiacos, du « Pana » et du Panionis. En attendant ces lendemains qui chantent, le Partizan commence à mettre en place une ossature solide autour d’une génération dorée qui va faire parler d’elle. Dans cette équipe, Djordjević, Obradović, Divac et Paspalj sous la houlette du bouillant Duško Vujošević, passé par le CSP en 2016-2017, remporte lors de la 1986-1987 le championnat yougoslave en battant successivement le KK Zadar, le KK Bosna pour accéder en finale avant de défaire le voisin de Belgrade, l’Etoile Rouge, deux manches à zéro. Une consécration pour Sasha Djordjević qui remporte son premier trophée à l’âge de 20 ans. Pour le jeune meneur, l’année 1987 est également à marquer d’une pierre blanche puisqu’avec l’équipe nationale yougoslave, Djordjević glane un bronze lors de l’Eurobasket en Grèce derrière le pays hôte du génial Nikos Galis et l’URSS de Šarūnas Marčiulionis. Une équipe yougoslave, là encore, pleine de promesses avec la présence de Žarko Paspalj, Stojko Vranković, Vlade Divac, Dino Rađa, Danko Cvjetićanin, Toni Kukoč et des frères Petrović, Aleksandar et Drazen, le « Mozart » du basket européen, décédé en 1993, sous la houlette de Krešimir Ćosić, ancien pivot atypique et multititré du basket yougoslave (décédé en 1995). Le début d’une nouvelle aventure pour le meneur qui touche dès lors au sommet du basket dans son pays, avant de conquérir l’Europe.
1992, ANNEE MARQUANTE POUR LA YOUGOSLAVIE ET LE PARTIZAN BELGRADE
Pour Sasha Djordjević, la fin des années 80, après cette double consécration club-sélection en 1987 commence à être véritablement décisive. D’une part, son club du Partizan continue sur sa belle lancée en championnat en perdant deux fois en finale face à une nouvelle équipe amenée à dominer la fin des années 90. Constellée de joueurs étoilés, le KK Jugoplastika, à Split, sous la houlette de Božidar Maljković (entre 1987 et 1990) s’adjuge un triple titre national entre 1987 et 1990 mais également au niveau européen puisque le futur club croate sera triple champion d’Europe entre 1988 et 1991 (avec Maljković puis Željko Pavličević), une période dorée pour le basket yougoslave alors secouée politiquement et ethniquement par des problématiques qui aboutiront à une guerre un peu moins de quatre ans plus tard. Cet état de grâce local permet également aux deux équipes de Split et Belgrade de compter dans leurs rangs la fine fleur du basket local. Avec Velimir Perasović, Luka Pavićević, Toni Kukoč, Žan Tabak, Duško Ivanović, Dino Rađa, Petar Naumoski, Zoran Savić, Zoran Sretenović ou encore le prénom le plus romanesque du circuit, Aramis Naglić d’une part. Face à Djordjević, Danilović, Paspalj, Obradović et Divac d’autre part, le championnat a fière allure et permet une émulation nationale.
Tant et si bien que le Partizan remporte une Coupe d’Europe en 1989, la Coupe Koraç avec Sasha Djordjević en fer de lance lors de la double confrontation face aux Italiens de Cantù avec notamment 22 et 21 points du meneur pas encore chauve. Malgré ses quatre finales de championnat perdues entre 1988 et 1991 face au Jugoplastika (« transformée » en Pop 84 lors de la saison 1990-1991), cette coupe européenne représente un beau trophée pour le Partizan. Le début des années 90 est donc ambivalent pour la Yougoslavie avec de belles performance sur le plan sportif mais des divisions et une instabilité chronique qui va toucher de manière profonde le championnat et les joueurs. En mars 1991 débute la Guerre de Yougoslavie qui va amener la Slovénie puis la Croatie à déclarer leur indépendance vis-à-vis de Belgrade. Une guerre qui va affecter le championnat national puisque la saison 1991-1992 se fera sans les clubs slovènes et croates. En 1991, à la recherche d’un entraîneur, Dragan Kićanović, légende locale et un des dirigeants du Partizan sonde un de ses joueurs pour connaître son avis sur la situation du club pour la saison qui arrive. Une situation critique pour le club qui n’a personne sous la main et s’apprête à débuter la saison sans entraîneur. Dès lors, la réponse de ce joueur va changer le cours de l’histoire du Partizan mais aussi la sienne. Ce dernier répond donc du tac-au-tac qu’il est prêt à prendre les rênes de l’équipe et toutes les responsabilités qui en incombent. Devant l’étonnement de son interlocuteur, Željko Obradović, 31 ans à l’époque, réplique qu’il est capable d’assumer ces fonctions et qu’il met un terme à sa carrière professionnelle sans sourciller dans la foulée. Une décision qui va également avoir un impact pour Aleksandar Djordjević puisque le Partizan (et Obradović) lui donne définitivement les clés du camion. Coach Obradović peut donc s’appuyer sur l’expérience d’un groupe qu’il connaît autour du duo de feu, Djordjević-Danilović mais également sur l’arrière Nikola Lončar, futur parisien, de l’ailier Ivo Nakić double vainqueur d’Euroleague avec le Cibona au milieu des années 80 ainsi que d’un jeune pivot de 19 ans pour 2m13 reprenant la relève de Vlade Divac parti aux Lakers deux ans plus tôt, Željko Rebrača. Sur le plan national, après le retrait des clubs de Split, Zadar, Zagreb et Ljubljana, le Partizan se retrouve favori pour remporter le titre. Deux petites défaites de toute la saison et une écrasante victoire face à l’éternel rival de l’Etoile Rouge viennent couronner Djordjević et les siens. Ajoutés à cela le gain de la Coupe de Yougoslavie face au KK Bosna et un beau doublé vient garnir l’escarcelle du Partizan. Le plus beau reste à venir et va contribuer à créer la légende d’Aleksandar Djordjević.

1992 est une année de doutes pour la Yougoslavie sur le plan national et le début d’un chemin de croix sur le plan international. Si l’équipe nationale de football a été exclue de l’Euro 1992 remporté par le Danemark, les clubs de basket ont eu plus de « chances ». Le Partizan obtient l’autorisation de participer à l’Euroligue mais à la condition de ne pas évoluer à Belgrade. Qu’à cela ne tienne, les joueurs de Belgrade vont donc poser leurs valises en Espagne, près de Madrid, à Fuenlabrada. A l’époque, l’Euroligue compte deux groupes, le A et le B de huit équipes. Les quatre premiers se qualifient et rencontrent par croisement les quatre premiers de l’autre groupe. Versé dans le Groupe B, le Partizan réussit à sortir du groupe en quatrième position derrière les deux clubs espagnols, la Joventut Badalone et l’Estudiantes Madrid ainsi que Milan. Une quatrième place qui signifie que le Partizan va devoir affronter le premier du Groupe A, Bologne (aujourd’hui Virtus). Une qualification deux victoires à une plus tard et les joueurs de Belgrade poinçonnent leur billet pour le Final Four d’Istanbul d’avril 1992. Leur adversaire, le Philips Milan du futur coach des Suns, Mike D’Antoni et des légendes italiennes, les arrières Antonello Riva et Riccardo Pittis et du pivot NBA Darryl Dawkins. Autant dire que Milan part logiquement favori. Le duo Djordjević (21 points et 40 minutes joués), Danilović (22 points), bien aidés par les pivots Slaviša Koprivica (14 points et 5 rebonds) et Rebrača (4 points mais 4 interceptions), permet de surmonter l’épouvantail italien. Résultat : victoire 82-75 avec 51 points inscrits par Belgrade lors de la seconde mi-temps. Dans l’autre rencontre 100 % espagnole, Badalone atomise l’Estudiantes 91-69 derrière les 28 points de Jordi Villacampa et s’en va défier le Partizan en finale.
Une quatrième place qui signifie que le Partizan va devoir affronter le premier du Groupe A, Bologne (aujourd’hui Virtus). Une qualification deux victoires à une plus tard et les joueurs de Belgrade poinçonnent leur billet pour la Finale de l’Euroleague pour le Final Four d’Istanbul d’avril 1992. Leur adversaire, le Philips Milan du futur coach des Suns, Mike D’Antoni et des légendes italiennes, les arrières Antonello Riva et Riccardo Pittis et du pivot NBA Darryl Dawkins. Autant dire que Milan part logiquement favori. Mais le duo Djordjević (21 points et 40 minutes joués), Danilović (22 points), bien aidés par les pivots Slaviša Koprivica (14 points et 5 rebonds) et Rebrača (4 points mais 4 interceptions), permet de surmonter l’épouvantail italien. Résultat : victoire 82-75 avec 51 points inscrits par Belgrade lors de la seconde mi-temps. Dans l’autre rencontre 100 % espagnole, Badalone atomise l’Estudiantes 91-69 derrière les 28 points de Jordi Villacampa et s’en va défier le Partizan en finale.

Si Milan était favori face aux Yougoslaves, Badalone et ses trois petites défaites seulement en saison régulière sont archi-favoris sous la houlette du coach espagnol Lolo Sainz, avec les frères Jofresa (Rafa et Tomàs) mais aussi Villacampa, un de meilleurs joueurs espagnols de l’histoire, et l’ailier US Harold Pressley, quatre saisons aux Kings et drafté lors de la promotion 1986 en compagnie notamment de Len Bias, John Salley et Arvydas Sabonis. A cela s’ajoutent l’ailier-fort US Corny Thompson et le pivot espagnol Juan Antonio Morales. Cette équipe complète et joueuse est ainsi programmée pour remporter le trophée. Pourtant, dans une finale heurtée, le Partizan tient tête et mène lors de la première mi-temps 40-34. La seconde période est donc davantage basée sur la défense et l’engagement physique tant et si bien que les deux équipes sont à égalité 68-68 à 45 secondes du terme de la rencontre. Predrag Danilović (25 points, meilleur marqueur de la rencontre) se faisant même exclure pour cinq fautes, l’affaire semble mal engagée pour les hommes d’Obradović qui profitent néanmoins de l’incapacité de Villacampa et Morales de conclure leurs lancers-francs. Tomàs Jofresa réussit à marquer à dix secondes de la fin du match (70-68). Ces dix secondes vont changer le cours de l’histoire du basket et permettre à Aleksandar Djordjević de marquer un panier à trois points invraisemblable. Tel un ailier de foot, sur le côté droit, Djordjević remonte à toute allure le terrain face à Jofresa qui tente de le bloquer. Toujours sur le couloir droit et après un mini-temps d’arrêt, le numéro 4 du Partizan lance à quatre secondes de la fin du temps réglementaire son tir. A la troisième seconde, bingo !! Le tir miraculeux est dedans (71-70), la Abdi İpekçi Arena d’Istanbul exulte et le Partizan finit sa saison sur un triplé Championnat-Coupe de Yougoslavie-Euroligue improbable. Un geste du meneur (23 points) parti pour tenter l’impossible et qui a fini par écrire sa propre légende. Un tir devenu dès lors culte et qui participe à la légende européenne de Djordjević.
ITALIE, ESPAGNE, NBA, TOUT S’ENCHAINE POUR « SASHA »
Après cette victoire historique du Partizan, la seule et unique en Euroligue à ce jour, l’heure du départ intervient pour les deux meilleurs joueurs de l’équipe. Direction l’Italie pour Danilović (Virtus Bologne) et Philips Milano pour son compère Djordjević lors de la saison 1992-1993.

Une équipe dans laquelle, le meneur, en concurrence avec l’Italien Flavio Portaluppi, n’est pas dépaysé puisqu’il y retrouve ses adversaires de la saison précédente, Riva et Pittis, sous la houlette de Mike D’Antoni et du pivot US, futur All-Star en NBA (2001), Antonio Davis. Une philosophie d’équipe qui convient parfaitement bien à Sasha Djordjević notamment en Coupe d’Europe puisque ce dernier remporte la Coupe Koraç en 1993 en battant la Virtus Roma en deux manches. Djordjević glane également au passage le titre de meilleur marqueur de la finale avec 33 points de moyenne (29 et 38 points !!). Si dans un championnat italien faisant la part belle à l’attaque, le meneur est comme un poisson dans l’eau, au niveau collectif, excepté la Koraç, ses deux saisons (entre 1992 et 1994) ne lui rapportent rien de plus au niveau collectif. Des éliminations lors des play-offs et des performances d’équipes pas conforme à son niveau, le meneur yougoslave quitte lors de la saison 1994-1995 Milan pour Bologne. Au sein du Filodoro (puis Teamsystem après un changement de nom en 1995) Bologne, Djordjević continue de prendre la mesure de son poste, lui qui est dans la plénitude de son âge (27 ans). Surtout, il intègre une équipe davantage taillée dans le roc et qui va lui apporter une grande visibilité sur la scène européenne durant deux saisons. En prenant dès le début le leadership en compagnie de l’arrière italien, Vincenzo Esposito, tout aussi incandescent que le Yougoslave, et du pivot italo-américain Dan Gay, Djordjević et Bologne sont armés pour attaquer à tout-va. Coaché par Sergio Scariolo et actuel sélectionneur de l’Espagne, Djordjević est le second meilleur marqueur derrière Esposito avec 20 points de moyenne et le meilleur passeur (3,2 de moyenne) lors de sa première saison.
Sur le plan national, Bologne se trouve éliminé en demi-finale face au Benetton Treviso (3-1) et en quart de finale de la Coupe Koraç par le futur vainqueur, les Allemands de l’Alba Berlin. Une nouvelle fois donc, Sasha Djordjević gonfle ses stats personnelles mais au niveau collectif, les résultats sont décevants. Dès lors, la saison suivante, en 1995-1996, avec l’arrivée d’un arrière de 24 ans qui fera les grandes heures du basket italien, Carlton Myers, sera plus brillante pour le meneur de Belgrade. Avec plus de 23 points de moyenne derrière Myers (26) et toujours cet art consommé de la passe (3,6), Teamsystem Bologne atteint la finale du championnat italien. Perdue 3-1 face au Stefanel Milan de Gregor Fucka. Ainsi qu’une demi-finale de Coupe Koraç dantesque face à l’Efes Pilsen de Petar Naumoski. Après cette expérience italienne pleine de réussite sur le plan personnel, l’année 1996 est l’occasion en or, après les J.O. d’Atlanta de franchir le pas de la NBA. En rejoignant ses coéquipiers de la sélection yougoslave, Vlade Divac (Hornets) et Predrag Danilović (Miami Heat), Djordjević avait l’occasion de toucher au plus près le basket américain. Toutefois, à l’instar de bons nombres de joueurs aussi talentueux que géniaux, l’histoire d’amour entre le meneur yougoslave et la franchise des Portland Trail Blazers tourne court. Rookie à 29 ans, Djordjević, malgré la présence du Lituanien Arvydas Sabonis ne s’intègre pas dans son équipe et dans la philosophe de jeu de son coach, P.J. Carlesimo. Après seulement 8 rencontres jouées (3,1 points de moyenne et 0,6 passes décisives), retour en Europe et plus exactement au F.C. Barcelone qui flaire la bonne affaire.

En compagnie du Lituanien et ancien Choletais, Artūras Karnišovas, de l’ailier espagnol Roger Esteller (futur Palois), du pivot géant de 2m21 Roberto Dueñas et d’une vieille connaissance en la personne de Rafa Jofresa (défait par Djordjević et le Partizan avec Badalone en 1992), c’est une bien belle équipe sur le papier sous la houlette de coach Aíto García Reneses. La saison 1996-1997 est couronnée de succès pour la bande à « Sasha », deuxième meilleur marqueur (15 points en moyenne derrière les 16 de Karnišovas) avec un titre de champion d’Espagne face au Real Madrid de Dejan Bodiroga, Joe Arlauckas, Mikhail Mikhailov ou de Pablo Laso, actuel coach du club madrilène. 15,8 points de moyenne, 6 en passes décisives lors de la saison régulière, 15,4 et 2,6 en play-offs, un beau bilan pour le meneur qui obtient dès lors son premier titre de champion en club depuis son départ du Partizan Belgrade en 1992. A Barcelone, rebelotte lors de la saison 1998-1999 avec un titre glané face au Caja San Fernando (rebaptisé aujourd’hui Real Betis Baloncesto) en trois manches secs grâce notamment à un Djordjević toujours aussi bon (15 points de moyenne), les Catalans réussissent même un beau doublé Championnat-Coupe Koraç. Troisième titre de Champion pour le meneur yougoslave après 1992 et 1997 et également troisième Coupe Koraç après 1989 (avec le Partizan) et 1993 (avec Milan).
Dans une équipe où le jeune Juan Carlos Navarro pointe le bout de son nez, les coéquipiers du « divin » chauve sont le pivot grec Efthýmios Rentziás, l’ailier et compatriote de « Sasha », Milan Gurović et le pivot américain Derrick Alston ainsi qu’un petit jeune en bout du banc amené à prendre de plus grandes responsabilités la saison suivante, Pau Gasol. Ce sera sans Djordjević néanmoins puisque le meneur acte son départ lors de la saison 1999-2000, un départ vers un autre club espagnol puisqu’il s’agit du Real Madrid. Trois saisons dans la capitale espagnole avec un titre, une fois encore, en 2000, trois victoires à deux, face au… F.C. Barcelone. Toujours aussi fort dans le scoring (deuxième meilleur marqueur derrière l’espagnol Alberto Herreros avec 13,6 points de moyenne et 3,3 passes décisives), le natif de Belgrade ne réussit pourtant pas à qualifier son équipe en Euroligue. Le Real est même éliminé par l’ASVEL, 2-0, lors du Top 16. Dès lors, que ce soit en Euroleague ou en Liga ACB, Djordjević et le Real auront davantage de mal à régler la mire, entre éliminations précoces et impossibilité de se qualifier. L’heure du départ de l’Espagne et de Madrid sonne donc en 2002 pour un joueur de 34 ans et qui commence à décliner un peu physiquement. Une saison au sein de Scavoloni Pesaro avant de boucler la boucle en 2005, à 37 ans à Milan. De la Yougoslavie à l’Italie en passant par l’Espagne, la fin d’un joueur d’exception, fiable et qui a la gagne en lui. Cependant, Milan et le basket n’en ont pas encore fini avec le bonhomme. En effet, dès la saison 2006-2007, Djordjević bascule vers l’étape du coaching.
DJORDJEVIC, UN HOMME DE TITRES EN EQUIPE NATIONALE
« Sasha » Djordjević a connu le haut niveau depuis Belgrade et a démontré plus d’une fois que ses équipes pouvaient compter sur lui. Ce fut également le cas en sélections nationale puisque qu’il a été des campagnes victorieuses du basket yougoslave.
« Fenerbahçe a énormément de problèmes. Djordjević insiste beaucoup trop sur (Devin) Booker, (Nando) de Colo est absent, le pourcentage à trois points est faible. L’équipe ne donne aucune certitude à part les joueurs qui jouent sur leurs physiques… »
Médaillé d’or lors de trois éditions d’Eurobasket en 1991 (Italie), de 1995 (Grèce) et en 1997 (Espagne) sans compter la médaille de bronze obtenue en Grèce lors de l’Euro 1987 complétée également par un Championnat du monde des moins de 19 ans la même année, en Italie. Un meneur de jeu bien entouré lors de toutes ces éditions avec des joueurs à faire pâlir d’envie n’importe quel pays, USA inclus. De 1991, avec de futurs joueurs croates (Velimir Perasović, Toni Kukoč, Arijan Komazec, Dino Rađa) et slovène (le gaucher Jure Zdovc) sous la bannière yougoslave avant les indépendances de leurs pays, en compagnie des futurs serbes Zoran Savić, Zoran Sretenović, Žarko Paspalj, Predrag Danilović et Vlade Divac. En passant par 1995, avec une génération complétée par Dejan Bodiroga, Saša Obradović (actuel coach de Monaco et alter ego chauve à la mène yougoslave avec Djordjević), Miroslav Berić, Željko Rebrača, Dejan Tomašević et Dejan Koturović. Une édition de 1995, sous le haut-patronage de coach Dušan Ivković et de son assistant Željko Obradović, avec une partition somptueuse de la part du meneur, 41 points, en finale face à la Lituanie d’Arvydas Sabonis et Šarūnas Marčiulionis, 32 points (victoire 96-90 de la Yougoslavie). Et une image, celle de Djordjević essayant de faire revenir les Lituaniens en jeu après une contestation d’une décision arbitrale de leur part. Un leader sur le terrain et en dehors, donc. Ou encore, en 1997 avec Nikola Lončar, Milenko Topić et Miroslav Radošević en compagnie des Rebrača, Tomašević, Obradović et Danilović.

S’y ajoute également un championnat du monde en 1998 en… Grèce, un pays qui aura apporté à la Yougoslavie et Djordjević trois médailles (deux d’or et une de bronze donc) avec coach « Obra » sur le banc. Malgré une petite performance du meneur en finale, 16 minutes de jeu seulement et 7 points, les Yougoslaves battent la Russie dans une finale serrée, 64-62. Enfin, avec le championnat du monde des moins de 17 ans italien, dans une finale gagnée 86-76 face aux Etats-Unis d’un certain Gary Payton. Djordjević apporte son écot avec 11 points derrière le tandem « serbo-croate » Divac-Rađa, respectivement 21 et 20 points. Derrière ces Euros et autres Championnats du monde, les J.O. de 1996 ont une saveur particulière pour le meneur belgradois. Au sein d’une Yougoslavie en dislocation mais en mission aux Etats-Unis dans un groupe composé de l’Australie, de la Grèce, du Brésil, de Porto-Rico et de la Corée du Sud. Du dur, et du physique en perspective. Coaché par Željko Obradović, avec Bodiroga, Danilović, Lončar, Obradović, Paspalj, Divac, Rebrača, Savić, Tomašević, Topić et Berić, Djordjević a peut-être, hors ex-coéquipiers croates d’auparavant, la meilleure équipe à sa disposition pour la compétition. Dès lors, les Yougoslaves ne sont pas là pour plaisanter et réussissent parfaitement leur entrée en jeu : victoires face aux Grecs (71-63), Australiens (balayés 91-68) et Coréens (118-65), Brésiliens (101-82) et Porto-Ricains (97-86). La suite est du même tonneau avec une écrasante victoire face à la Chine, 128-61 en quarts de finale et des retrouvailles face à la Lituanie de Sabonis en demi-finale pour une belle victoire 66-58. La finale face aux États-Unis ayant été disputée davantage en première mi-temps puisque les Américains n’avaient que cinq points d’avance sur les coéquipiers de Djordjević (43-38). Toutefois, la seconde période verra les USA l’emporter 95-69 mais plus que la médaille, la variété de leur basket a impressionné. Une équipe où le talent, la puissance et la culture du basket ont permis de démontrer que malgré tous les soubresauts de la région, l’ADN basket n’a jamais disparu. Ces J.O. permettant finalement à « Sasha » Djordjević de tenter son aventure en NBA avec un résultat loin d’être convaincant mais qui valait le coup d’être tenté.
2022, VINGT ANS APRES LE SACRE D’ISTANBUL, RENAISSANCE EN TURQUIE ?
De 2006 à 2022, plus de 15 ans en tant que coach tout d’abord en Italie où sa science du jeu a été fort appréciée. Entre l’Olimpia Milan, Benetton Treviso et surtout la Virtus Bologne où le Serbe est devenu champion d’Italie face à… l’Olimpia Milan d’Ettore Messina en 2021. Avec un autre meneur de génie en la personne de Miloš Teodosić. Une consécration pour le coach qui était, avec le Croate Jasmin Repeša, le seul coach étranger de cette saison en Italie. Entretemps, la sélection serbe a accaparé l’entraîneur durant 6 années avec trois médailles d’argent à la clé lors des J.O. de Rio en 2016 face aux États-Unis ainsi que lors du Championnat du monde de 2014 en Espagne, toujours face aux USA. Et lors de l’Eurobasket de 2017 où, à la surprise générale, la puissante Serbie s’est inclinée face à la Slovénie de Goran Dragić et Luka Dončić, 18 ans. Des médailles obtenues mais une pointe d’amertume en Serbie car la génération des Bogdan Bogdanović, Vasilije Micić et autres Marko Gudurić n’a jamais pu goûter à la plus haute marche du podium. Il faut aussi souligner pour Djordjević des expériences au Panathinaïkos et au Bayern Münich mitigées et sous tensions entre ses dirigeants et lui. Dès lors, le fait de revenir en Turquie, près de 20 ans après le sacre d’Istanbul avec le Partizan est une occasion pour le coach serbe de parfaire sa légende, une nouvelle fois.

D’entraîneur cette fois-ci au sein d’une équipe turque secouée par la fin de l’aventure de Željko Obradović en 2020 et l’expérience mitigée d’Igor Kokoškov. Dans la lignée des entraîneurs et joueurs serbes passés au sein de l’effectif turc (Bogdan Bogdanović entre 2014 et 2017) et actuels (le gaucher Marko Gudurić est dans l’effectif actuel), Djordjević a une occasion en or. Celle de remettre sur le devant de la scène un club qui ne demande que cela. Même s’il a été contesté par les suiveurs et médias turcs en raison de ses expériences ratées en Grèce et en Allemagne, Aleksandar Djordjević n’abandonne jamais. En construisant patiemment et en jouant avec son immense expérience, l’ancien meneur n’a jamais lâché la rampe. 2022 a débuté de manière heurtée pour le Fener qui a bataillé avec la « Covid-19 » mais aussi avec les blessures de Nando de Colo et Jan Veselý. Pour autant, le club turc, dans sa quête de renouveau lutte pour obtenir une place en play-offs et Djordjević n’y est pas étranger avec récemment une belle victoire défense face au Real Madrid (66-51 et 17 points seulement pour les Espagnols lors des deux premiers quart-temps !!). Dès lors, 20 ans après la victoire miraculeuse du Partizan à Istanbul, Aleksandar Djordjević a désormais une autre mission : celle de qualifier Fenerbahçe et montrer que ses talents de coaching sont du même niveau que ceux du joueur immense qu’il a été. Quoiqu’il arrive, le Serbe n’est pas homme à abandonner. 20 ans après, l’histoire est-elle en (re) marche ? Réponse en avril prochain, un mois rappelant le sacré d’Istanbul il y a 20 ans…
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