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[Portrait] Ufuk Sarica, l’horizon pour victoire

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Dans les années 90, il a été membre d’une des équipes les plus difficiles à manœuvrer en Europe. Numéro 15 sur le dos, il a été le fier fer de lance du basket turc avec Efes Pilsen. Avant d’entamer une carrière d’entraîneur auréolée de succès, pour Ufuk Sarıca, l’exigence est son seul objectif.

LA « BATAILLE DE TURIN », PUR PRODUIT D’EFES PILSEN ET BIBERONNÉ PAR AYDIN ÖRS

De lui, tout un pays se rappelle d’une finale de Coupe Saporta perdue le 16 mars 1993, à Turin. A une époque où le basket turc en était à ses premiers balbutiements sur la scène européenne. Au Palazzetto dello sport Parco Ruffini, Efes Pilsen, aujourd’hui connu sous le nom d’Anadolu Efes et double tenant du titre en Euroleague ces deux dernières saisons, affronte le club grec de l’Aris Salonique. Une finale placée sous l’ombre de conflits latents entre les deux voisins turbulents de la Méditerranée. Deux pays, la Grèce et la Turquie, en conflits permanents durant les années 90 sur tous les sujets. Diplomatiquement, militairement et même sportivement. Une époque qui réservait de « chaleureux » accueils entre les clubs en provenance d’Athènes, Istanbul, Izmir ou Salonique. La moindre rencontre gréco-turque tournant souvent au pugilat tant les querelles étaient nombreuses. Dès lors, en 1993 avant la fameuse finale turinoise et dans une compétition outrageusement dominée par Efes et l’Aris, la matière incandescente ne demande qu’à prendre feu. Sur toute la compétition, le bilan des deux équipes est égal, 11 victoires pour une défaite. Tout le monde s’attend à une rencontre disputée et âpre à une époque où les effectifs sont loin d’être aussi pléthoriques qu’aujourd’hui. Et où le nombre de joueurs étrangers est limité à deux (hormis les nombreux naturalisés dans le camp grec). Il y a pourtant du beau monde sur le terrain côté grec avec le meneur Panagiotis Yannakis, vainqueur de l’Eurobasket 1987 en compagnie de la légende Nikos Galis. Ainsi que le pivot US Roy Tarpley (décédé en 2015) passé les Mavericks et son compatriote, l’ailier JJ Anderson, passé lui aux Jazz. Sans compter sur l’ailier fort russo-grec Michail Misunov multiple vainqueur (4 titres et 4 Coupes de Grèce) du championnat grec avec l’Aris à la fin des années 80. L’ensemble étant coaché par l’Israélien Zvi Sherf en provenance du Maccabi Tel-Aviv cette saison-là. Face à eux, Efes Pilsen peut compter sur l’as du coaching turc, Aydın Örs qui mériterait un bel hommage eu égard à ses états de service pour le basket turc. Un Efes qui s’appuie sur le terrain sur le génie Macédonien Petar Naumoski, un des précurseurs US du basket turc, Larry Richard, un pivot aussi efficace que sympathique. Ainsi qu’un trio couvé au club et biberonné par Örs en personne. Tamer Oyguç pivot de 2m13 et futur capitaine, Volkan Aydın, spécialiste des tirs à trois points létaux et Ufuk Sarıca (prononcez Oufouk et dont le prénom signifie horizon en VO). Tous les trois étant arrivés au club (Oyguç) ou via la formation (Volkan et Ufuk) à la fin des années 80.

Tout est réuni pour une magnifique finale mais il n’en sera rien. Cadenassé, défensif et avec des joueurs se rendant coup pour coup, on est loin du « NBA Show Time » et autres envolées au score. Dans ces conditions, chaque ballon vaut de l’or et le résultat offre un match défensif au possible. Après un dernier tir de Naumoski qui ressort du cercle, les Grecs remportent finalement la Saporta Cup saison 1992-1993 sur le score « large » de… 50-48. Passons sur la partie monumentale de Tarpley (19 points et 18 rebonds !!) pour s’apesantir sur la fin de rencontre. Dès que le coup de sifflet de l’arbitre retenti et après des démonstrations de fête légitimes côté grec, une masse de supporteurs jaunes et noirs fond sur le banc turc. L’objectif : littéralement en découdre avec celui-ci, histoire de « pacifier » les relations et continuer la rencontre autrement. Sous l’œil dépassé de la police italienne, c’est donc un magma de supporters grimés en jaune et noir qui déferle sur les Turcs qui, pour se défendre, lancent vers leurs agresseurs des… chaises et fuient directement aux vestiaires. Pourtant, dans cet océan de haine ou de bêtise, un joueur montre, côté turc, sa véhémence. Ufuk Sarıca, 20 ans à l’époque et dont la rage se tourne aussi bien vers la partie perdue que sur l’attaque des supporteurs de l’Aris. On peut le voir sur les images d’archives éclater toute sa colère en rentrant aux vestiaires.

Dès lors, dans un pays habitué à voir ses sportifs tête basse après une défaite en toute circonstance, Ufuk Sarıca va symboliser la haine de la défaite à tout prix. Car malgré son jeune âge, le bonhomme a du talent, beaucoup de talent, un gros caractère et des doigts de fée. Né en 1972 à Istanbul, Sarıca fait tout d’abord ses classes au sein de l’académie d’Efes Pilsen sous la houlette de coach Örs, formateur par excellence de nombreux joueurs turcs durant plus de 25 ans. Dans cette optique, Sarıca fera partie de la grande promotion d’Efes qui va secouer saison après saison l’Europe du basket à partir de la saison 1992-1993. Une équipe jeune, taillée dans le roc et dont le patron, après Naumoski, est bel et bien ce jeune arrière au caractère bien trempé. Un diable sur ressort capable de tirs, notamment à trois points, dans toutes les positions possibles. Dès lors, la saison 1992-1993 est donc la rampe de lancement idéale de cet Efes Pilsen aussi bien sur la scène nationale qu’européenne. Avec l’arrivée aux commandes de l’équipe première d’Aydın Örs une saison auparavant, en 1991-1992, Sarıca et toute l’équipe vont mettre en place une domination nationale basée sur une défense de fer et un engagement de tous les instants. Puis, après avoir tel un boa étouffé l’adversaire, formuler un basket de transition fatal pour les adversaires. Ces attaques rapides sur le panier adverse, le jeune Ufuk en fait sa spécialité. Dans cette optique, Sarıca mais aussi Oyguç, Aydın, Mustafa Kemal Bitim dont le fils Onuralp est un prospect important actuellement en Turquie sont les relais du coach. Puis, plus tard, Hüseyin Beşok, Hedo Türkoğlu, Mirsad Türkcan ou encore Ömer Onan vont profiter du savoir-faire de maître Örs. Et perpétuer la tradition d’Efes Pilsen dans la formation et la production de joueurs de haut niveau, sur la scène nationale, européenne et même NBA (Türkcan, Türkoğlu et Mehmet Okur).

RAZZIA EN TURQUIE, SUCCES EUROPEEN, DEPART A ÜLKERSPOR ET EXPERIENCE A L’ETRANGER

En Turquie, peu de place au doute, Efes Pilsen est quasiment intouchable dans ces années. Après une petite mise en route fin des années 90 pour revenir à son niveau des « 80’s », puisque que le club a été champion en 1979, 1983 et 1984, l’équipe se taille la part du lion. A partir de la saison 1991-1992, Efes Pilsen domine les débats de la tête et des épaules et la saison 1992-1993 (une fois encore) est d’anthologie avec un carton plein phénoménal : 30 victoires sur 30 journées, des quarts, demis et finales expédiées sans aucune défaite pour obtenir le titre de champion de Turquie. Pour cette équipe où l’ossature est composée de Naumoski, Oyguç, Aydın et Sarıca, les titres s’enchaînent avec la saison 1993-1994 ainsi qu’entre 1995 et 1997. Sans compter les Coupes de Turquie (cinq pour Sarıca au total) et la Coupe du Président opposant le champion national et le vainqueur de la Coupe de Turquie (trois trophées pour Sarıca notamment). Cependant, le point d’orgue de cette domination se situe lors de la saison 1995-1996 avec l’obtention de la Coupe Koraç. Une Coupe qui réunissait, il faut le reconnaître, la crème de la crème du basket européen et qui était la troisième par ordre d’apparition après l’Euroleague et la Coupe Saporta. Songez donc aux équipes présentes et l’on verra toute la difficulté de remporter ce titre européen à cette époque. Pêle-mêle : Stefanel Milano, Fenerbahçe, Estudiantes Madrid, Varese, Panionos, Teamsystem Bologna, le tenant du titre avec l’Alba Berlin, l’ASVEL, Scavoloni Pesaro, AEK Athènes ou encore Manresa. Bref, du costaud qui voit Efes Pilsen affronter Varese, les Grecs du Panionos et Andorra lors du premier tour. Avec 5 victoires et une défaite, la bande à Sarıca qui enregistre le retour au bercail de son maître à jouer Petar Naumoski, après une saison au Benetton Treviso, affronte en quarts de finale une équipe… turque. Le Fenerbahçe d’Ibrahim Kutluay, plus gominé et shooteur que jamais. Grâce à une rencontre aller superbement négociée (95-68), Efes Pilsen se qualifie au meilleur des deux manches malgré une défaite 74-56 au retour. Dès lors, la légende d’Ufuk Sarıca va s’inscrire dans la durée en demi-finale face aux favoris de l’épreuve, les Italiens de Teamsystem Bologna du duo de feu, Aleksandar Djordjevic et Carlton Myers. Le numéro 15 prend le jeu à son compte à Istanbul lors de la première manche et se met en avant de manière spectaculaire.

En inscrivant pas moins de 34 points dont 9 tirs à trois points. Ce qui permet à Efes de remporter la partie sur le large score de 102-78. Un bon matelas d’avance avant le retour en Italie durant lequel Ufuk Sarıca et Efes vont être malmenés durant toute la partie. Problèmes de fautes tôt dans la partie, arbitrage qui pose question côté turc et le pivot Oyguç exclu pour cinq fautes. Sans compter, pour compléter le tableau, un Petar Naumoski sur le fil du rasoir avec quatre fautes durant toute la partie. Bref, la rencontre a tout du traquenard. Le club turc vacille, tremble et semble plier mais ne rompt pas. En partie grâce à un duo qui se décide à lancer l’offensive. Sarıca et le numéro 8 Volkan Aydın, bien aidés par le jeune Mirsad Türkcan, 20 ans qui adore quand toute une salle exprime sa colère contre lui. En s’extirpant finalement 97-91 du piège italien, Efes Pilsen se retrouve donc en finale face à un autre club italien. Le Stefanel Milano de Gregor Fucka et coaché par Bogdan Tanjević. Là encore, malgré une double confrontation encore plus serrée face à un féroce adversaire, Efes Pilsen prend les devants. En remportant la première manche 76-68, les Turcs se conditionnent avant le retour à Milan. Rencontre durant laquelle Aydın Örs gagne sa bataille d’échecs face à Tanjević. Plus tard, pour l’anecdote, Tanjević remplacera Örs, en 2007, à Fenerbahçe. En attendant, malgré Dejan Bodiroga, Rolando Blackman ou encore Nando Gentile, Efes et Sarıca s’adjugent la Coupe Koraç d’un petit point sur l’ensemble de la partie (76-68 et 70-77). Le traumatisme de Turin s’estompe donc à Milan et cette victoire permet au club turc de devenir le premier club du pays à remporter un trophée européen.

Après cet exploit et un dernier titre national avec Efes lors de la saison 1996-1997 et une Coupe de Turquie (1998), Sarıca n’a plus rien à prouver. 10 ans au sein des « Pilsener », une pelletée de titres et l’arrière turc acte son départ lors de la saison 1999-2000 vers l’autre club en vogue des années 90 à Istanbul, Ülkerspor. Du houblon (Efes) au chocolat (Ülker), il n’y a qu’un pas et Ülkerspor, qui a déjà un titre de champion de Turquie lors de la saison 1994-1995 avec Tanoka Beard notamment, saute sur l’occasion. Un sponsor versé dans la fabrication et la production à grande échelle d’une vaste gamme de biscuits (délicieux, par ailleurs) et dans la chocolaterie. Côté terrain, Sarıca débarque dans une équipe où le leader est Harun Erdenay. Une légende locale, arrière de son état, marqueur frénétique et qui accueille Ufuk Sarıca comme s’il était à la maison. Celui-ci n’est pas trop dépaysé puisque Erdenay fait partie intégrante de la sélection nationale turque à l’instar de ce bon vieux Ufuk. Parmi les autres joueurs marquants de l’époque, citons également durant les deux saisons de Sarıca (entre 1999 et 2001), Kerem Gönlüm, un ailier-fort qui va étirer sa carrière durant plus de 20 ans. L’ancien meneur américain du CSP Limoges, Jerome Allen, son compatriote Mark Pope, ancien des Pacers, l’ailier Haluk Yıldırım, le couteau suisse de l’équipe. Enfin, précisons pour l’histoire, la présence d’un certain Zaza (Zaur) Pachulia, 16 ans à l’époque. Le Géorgien est formé à Ülkerspor et possède aussi la nationalité turque. Pachulia qui sera plus tard Champion NBA, deux fois en tant que joueur (2017 et 2018) ainsi qu’en 2022 en tant « qu’executive » dans l’équipe des Warriors de Stephen Curry. Ceci étant dit, c’est donc dans une équipe expérimentée que Sarıca fait du Sarıca dès qu’il le peut et permet à son club de remporter le titre national lors de la saison 2000-2001 face à… Efes Pilsen (4-2). Un septième titre personnel mais sonne le glas d’une carrière qui commence quelque peu à décliner par ailleurs. A titre d’exemple, dans une équipe d’Efes Pilsen où le numéro 15 était une des options offensives principale, à Ülkerspor, lors de la saison du titre, Sarıca n’a été que le sixième meilleur marqueur de l’équipe. Avec trois rencontres disputées et 14 points marqués en play-offs et un physique chancelant, l’heure est au départ pour le Turc en 2001. Cette fois-ci, il franchit le Rubicon et part à l’étranger puisque, ayant fait le tour de la Turquie, Ufuk Sarıca désire découvrir une autre ambiance. Malheureusement, entre Israël (Bnei Herzliya) et l’Italie (Siena), l’expérience tourne court et l’arrière revient au pays.

Direction Izmir et le club de Pınar Karşıyaka lors de la saison 2001-2002 pour son troisième club turc. L’occasion de découvrir un club de passionnés qui va marquer le joueur et futur coach dans son club de cœur. En attendant ce bonheur réciproque entre ses supporteurs et lui, Sarıca repart une saison plus tard à Istanbul pour finir sa carrière en tant que joueur au sein de Darüşşafaka en 2002-2003 puis Beşiktaş la saison suivante. Avant de tirer un trait, en 2004, sur une carrière étirée sur près de 15 ans. Remportant de nombreux titres, avec de riches expériences et une volonté farouche de gagner à tout prix dans chacune de ses équipes. Un joueur également marquant pour la sélection turque des années 90 avec deux Eurobasket en 1997 et 1999 pour un résultat identique, huitième à chaque fois mais qui a porté Efes Pilsen et permis de mettre Istanbul et la Turquie sur la carte du basket continental. Face aux Espagnols, Italiens, Grecs, Russes, Français, Sarıca n’a jamais reculé et a toujours fait montre d’une volonté hors norme. Pour gagner, encore et toujours.

BASCULE SUR LE COACHING, D’ASSISTANT A COACH VAINQUEUR DU CHAMPIONNAT

C’est un fait, quand un joueur renommé arrête sa carrière, une autre commence en général avec le coaching. Selon la personnalité, la capacité, l’envie et la volonté de s’améliorer, avec plus ou moins de succès. Après avoir terminé à Beşiktaş lors de la saison 2003-2004, Sarıca commence donc sa nouvelle vie en passant de l’autre côté de la ligne en 2006, avec feutres et tableaux cette fois. En devenant tout d’abord assistant puis coach principal de l’équipe de Beşiktaş puis assistant de nouveau durant deux saisons dans le même club. Histoire de se faire la main et de commencer à avoir des principes de jeu bien établies. Surtout, l’occasion est belle pour l’ancien arrière d’apprendre auprès d’une vieille connaissance. Un maître dans le management en la personne d’Ergin Ataman qui prend les rênes de Beşiktaş lors de la saison 2007-2008 avec Sarıca comme adjoint donc. Une belle idée puisque les « Aigles noirs » terminent premiers de la saison régulière et parviennent jusqu’en demi-finale des play-offs, éliminés par le club d’Ankara, Türk Telekom. Un binôme qui fonctionne et un parcours qui ne laisse pas indifférent, c’est leur ancien club qui les récupère la saison suivante. En effet, Ataman était l’adjoint d’Aydın Örs à Efes Pilsen notamment lors de la victoire en Coupe Koraç. Dès lors, Sarıca et Ataman débarquent sur banc des « bleus et blancs » durant deux saisons, entre 2008 et 2010. A la clé, un titre de champion obtenu lors de la saison 2008-2009 pour les deux compères. Ataman retournant à Beşiktaş lors de la saison 2011-2012, Sarıca se retrouve par la suite adjoint du Croate Velimir Perasović. Après le licenciement de ce dernier, Sarıca prend finalement les manettes du club lors de la saison 2011-2012 dans une équipe brinquebalante.  Un Efes loin de ses standards et qui traverse les années 90 comme une âme en peine. Une expérience de coach principal finalement mitigé pour le Turc du côté de l’Anadolu Efes avec pléthore de joueurs mais pas de réel chemin balisé.

D’autant plus que son ancien mentor Ataman devient champion de Turquie, cette saison-là, avec Beşiktaş et s’offre même un triplé avec l’Eurochallenge face à l’Elan Chalonais et la Coupe de Turquie pour le dessert. Pour l’impétrant Turc, après Beşiktaş et Anadolu Efes, deux équipes au sein desquelles l’ancien joueur a évolué et qui lui ont mis le pied à l’étrier, mais avec des expériences insuffisantes, un choix doit être fait. Dès lors, une nouvelle fois le destin le met en face d’une autre de ses anciennes équipes, Pınar Karşıyaka. Club d’Izmir, sponsorisé par une marque de lait bien connue en Turquie (Pınar) et dont le nom signifie « de l’autre côté » en référence au golf d’Izmir qui sépare la ville deux. Douceur de vivre à elle seule, c’est également la troisième ville de Turquie après la mégalopole Istanbul et la capitale Ankara. Du soleil, la mer toute proche, des gens sympathiques et une belle ambiance toute l’année mais surtout une équipe en jachère où tout doit être dépoussiéré et bâti. Équipe de milieu voire bas de tableau après deux titres (championnat et Coupe de Turquie) remportées lors de la saison… 1986-1987. Autant dire une éternité dans le basket turc. Dans ces conditions, au sein d’un club qui a tout à gagner dans cette collaboration dans un quartier féru de basket et une salle incandescente, la mayonnaise a tout pour prendre entre Ufuk et l’équipe. Un cadre débordant de passion certes mais qui lui laisse du temps pour construire à son rythme, différemment de ses expériences précédentes. Le début de la gloire en tout cas pour toutes les parties prenantes puisque durant quatre saisons, entre 2012 et 2016, Ufuk Sarıca remet Pınar Karşıyaka au centre du jeu en réussissant l’improbable. Dès la première saison, Karşıyaka, après avoir notamment éliminé en quart de finale de l’Eurochallenge Paris-Levallois, perd en finale à domicile face aux Russes de Krylia (77-76). Tout en étant cinquième du championnat et demi-finaliste des play-offs. 2013-2014, premier trophée avec la Coupe de Turquie conquise à face l’Anadolu Efes (66-65) après avoir éliminé le Fenerbahçe de Željko Obradović en demi-finale. Derrière un trio de feu avec à la mène la présence de Bobby Dixon. Un meneur de poche, ancien de la JDA Dijon et de l’ASVEL, futur international turc et légende de Fenerbahçe plus tard. Connu également sous le nom d’Ali Muhammed en hommage au boxeur défunt Mohamed Ali, un joueur surtout rapide et déroutant pour ses adversaires. Derrière, au poste de pivot, la présence dissuasive du gaucher uruguayen Esteban Batista, ancien d’Efes, qui, bien alimenté, est un danger au scoring permanent. Sans compter la présence de l’ailier-fort Jawad Williams, ancien de Paris-Levallois. Un trophée ajouté à celui de la Coupe du Président, également obtenu en 2014 qui donne de l’appétit à toute une ville sous la houlette d’un Sarıca au four et au moulin et qui apporte sa grinta sur le banc.

La saison suivante, le résultat est encore plus grand, l’acmé d’une carrière et le sommet pour toute une ville dans un basket turc habitué à l’hégémonie des clubs d’Istanbul. Izmir obtient le titre de champion de Turquie, toujours avec Dixon aux manettes et bien accompagné cette fois par les Américains DJ Strawberry, Kenny Gabriel, Jon Diebler pour le tir extérieur et le Colombien Juan Palacio. Ainsi que Barış Hersek, l’homme aux 16 trophées dont deux Européens (Euroleague avec le Fener en 2017 et l’Eurochallenge avec Ataman et Beşiktaş en 2012). Une saison épique et une finale de play-offs largement dominée face à son ancien club, l’Anadolu Efes, une nouvelle fois. Qui aime bien châtie bien dirons-nous ou un compte à régler pour Ufuk ? Toujours est-il que ce titre est venu récompenser un groupe exceptionnel avec des joueurs collectifs et altruistes à l’image de Bobby Dixon, devenu le véritable chouchou de la bouillante Karşıyaka Arena. Par la suite, pour la dernière saison, en 2015-2016, Karşıyaka atteint son plafond de verre et l’heure du départ sonne une fois encore pour son coach et bon nombre de joueurs. Déjà assistant coach de l’équipe nationale, le coach turc bifurque vers Istanbul et prend la tête de Beşiktaş en tant que coach principal. Durant deux saisons (entre 2016 et 2018) et, à l’instar de Vincent Collet, cumule même la double casquette d’entraîneur et de sélectionneur entre 2017 et 2020. Côté club, Beşiktaş réussit une bonne saison 2016-2017 en finissant derrière Fenerbahçe en saison régulière et parvenant en finale. Mais se fait laminer par la bande de coach « Obra » avec une défaite 4-0 en finale des play-offs. La saison suivante est moins intéressante puisque les « noirs et blancs » du quartier du même nom se font éliminer dès les quarts. Côté sélection, citons une piètre 14ème place obtenue en 2017 lors de l’Eurobasket mais il aurait pu en être tout autrement lors du Championnat du monde 2019 disputé en Chine. Face à « Team USA » de Gregg Popovich lors du premier tour, la Turquie passe tout près de l’exploit. En menant lors de deux premiers quarts temps et en ayant poussé les Américains jusqu’à la prolongation, les hommes de Sarıca craquent dans les derniers instants de la rencontre. Doğuş Balbay d’abord puis Cedi Osman ensuite (qui fera de même trois ans plus tard lors de l’Eurobasket 2022 face à la France) ratant leurs lancers-francs, les États-Unis remportent alors la rencontre sur le score de 93-92. La sueur froide face à de courageux Turcs mais insuffisants pour ces derniers qui finissent à une 22ème place la compétition après être passé tout près d’un exploit historique. Exploit qui aurait pu tout changer mais dans un pays qui a du mal à voir ses jeunes pousses émerger, progresser et se mettre en valeur, Ufuk Sarıca paiera finalement également deux choses pour la suite de son aventure avec la sélection. Un caractère bien tranché notamment concernant la naturalisation du meneur de l’Anadolu Efes Shane Larkin qu’il n’a, semble- t-il, pas accepté. Et une confrontation avec un autre ancien de la maison Efes et président de la Fédération turque, Hedo Türkoğlu, partisan, lui, de la présence de Larkin en sélection turque. La vérité se situant sans doute entre les deux et notamment dans une supposée ingérence de la Fédération dans le travail du coach.

ENIEME RETOUR, A IZMIR POUR DE NOUVELLES AVENTURES AVANT L’ÉTRANGER ?

Qu’à cela ne tienne, Sarıca étant un homme prévoyant, ce départ n’a pas eu d’effet négatif sur sa carrière puisque l’homme à la chevalière est revenu à Izmir dès 2019. Tel un chanteur qui écrit ses mélodies et se produit ensuite, la carrière d’Ufuk est une succession d’aller-retour dans les plus grandes salles du pays. Une sorte de va-et-vient permanent qui prouve également que le pouvoir du basket turc se concentre sur quelques clubs, à Istanbul principalement où la politique est aussi importante que la capacité technique des coachs. Pour Sarıca, la « belle Izmir » et Pınar Karşıyaka lui offrent une possibilité de travailler selon ses principes et ses préceptes. L’histoire d’amour continue donc pour un joueur qui a marqué toute une génération (dont l’auteur de ces lignes). Un gagnant jamais résigné et qui a été le principal artisan de la mise sur orbite du basket en Turquie en compagnie de Petar Naumoski, Harun Erdenay, Ibrahim Kutluay et l’élégant meneur Orhun Ene. Un coach exigeant, dur parfois mais qui a appris de ses erreurs pour réussir à tirer le meilleur de ses équipes et permis à quelques joueurs de se surpasser. Parmi ces joueurs, outre Dixon, citons Amath M’Baye qui a passé trois saisons à Pınar Karşıyaka (entre 2019 et 2022) sous les ordres de Sarıca avant de signer à l’Anadolu Efes cette saison sous le patronage d’Ergin Ataman. S’il est donc difficile de rééditer un exploit comme celui du titre de 2015, Ufuk Sarıca est désormais un coach reconnu et établi dans ses frontières. Titré en tant que joueur et coach, sachant gagner et allant toujours plus haut, il représente, à 50 ans, une valeur sûre du basket turc. Dès lors, s’il quitte Izmir et Karşıyaka, quelle sera la prochaine destination du bonhomme ? Une nouvelle fois Istanbul ou alors une expérience à l’étranger, lui qui a fait trembler l’Europe entière dans ses belles années. Mais qui n’a pu concrétiser cette expérience durant sa carrière de joueur. Difficile à dire évidemment mais Sarıca a plus d’un tour dans un sac bien rempli. Car Ufuk, comme son prénom l’indique, a pour horizon la gagne. Toujours au départ, souvent à l’arrivée.

UFUK SARICA DANS SES OEUVRES

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About Volkan Ozkanal (27 Articles)
Fan de basket européen, d'Anadolu Efes, de Fenerbahçe du KK Partizan Belgrade et du CSKA Moscou, je voue un culte à l'immense Željko Obradović ainsi qu'à Petar Naumoski, grâce à qui j'ai appris à aimer la balle orange. Passionné également d'histoire, j'essaye de transmettre ma passion à travers Basket Retro.

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