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[Portrait] Mirsad Türkcan, cœur de Turc

Portrait

Montage Une : Fabien Mathieu pour Basket Rétro

Il y a près de 10 ans, un des meilleurs joueurs de basket turc prenait sa retraite après presque 20 ans de carrière. De la Turquie à la Russie, en passant par l’Italie, la France et même la NBA, Mirsad Türkcan a marqué tout un pays et une époque par sa rage de vaincre.

DES BALKANS A LA DRAFT NBA EN 1998, SYMBOLE TURC ET EXPÉRIENCE PARTAGÉE

Anthony Saliou, collaborateur au sein de Basket Retro a publié récemment un formidable ouvrage à propos de la saison 1998/1999 (« NBA 1998/99, l’histoire folle d’une saison historique », Édition Amphora). Une saison entrée dans la légende américaine du basket pour le meilleur avec les arrivées dans la Ligue de l’Allemand Dirk Nowitzki (Champion avec les Dallas Mavericks en 2011), Paul Pierce (avec les Boston Celtics en 2008), Vince « Air Canada » Carter et ses plus de 20 ans de carrière ou encore Mike Bibby, futur cadre des Sacramento Kings. Mais également pour le pire puisque cette saison est aussi connue pour son « lock-out » interminable avec seulement trois mois de compétition (de février à mai 1999). Cependant, outre ces péripéties, un pays réussit malgré tout à être mis en lumière grâce à un de ses représentants. Mirsad Türkcan, ailier fort âgé à l’époque de 22 ans, a la particularité d’être le premier joueur turc drafté en NBA, en 18ème position par les Houston Rockets, même si son arrivée aux États-Unis sera aussi rapide que son départ. Envoyé aux New-York Knicks puis chez les Bucks de Milwaukee, le Turc ne va jouer qu’un total de 17 rencontres entre 1999 et 2000. Quoiqu’il en soit, peu importe la manière, la symbolique vient couronner la plénitude d’un joueur avec une expérience assez phénoménale à cet âge. Né à Novi Pazar, en Serbie actuelle et qui fut un « Sandjak », c’est -à-dire un bastion militaire sous l’Empire ottoman, en 1976, le jeune Mirsad a tout d’abord une particularité. D’origine bosniaque, le futur turc se nomme en réalité… Jahović et est très rapidement détecté par les scouts de la Fédération… turque de basket qui ont toujours été très actifs dans cette ancienne région de l’Empire ottoman.

Mirsad Türkcan sous le maillot de Fenerbahçe (Crédit photo : haberturk.com)

Dès lors, direction Istanbul et Efes Pilsen pour ce fils de médecins qui est engagé dès la saison 1994/1995 au club de manière professionnelle. Jahović dont le nom va évoluer en Türkcan (« cœur de Turc » littéralement) suit le cheminement tracé pour tout nouveau naturalisé en Turquie qui veut que ces derniers prennent des noms à consonance turcs. Et ils sont nombreux les joueurs à avoir « changé » leurs noms : Adis Bećiragić, un ancien meneur bosniaque d’Ülkerspor qui prend le nom d’Aziz Bekir, son coéquipier de l’époque, Asim Paščanović pivot bosniaque également, plus connu sous le nom d’Asım Pars et qui évoluera même au sein de la sélection turque. Ou encore, l’ailier fort passé par Pau-Orthez et mort assassiné à New-York en 2015, connu en Turquie sous le nom d’Ali Karadeniz, Erwin Dudley, pivot notamment de Galatasaray et Beşiktaş (Champion de l’Eurochallenge en 2012 face à l’Elan Chalon) connu sous le nom d’Ersin Dağlı. Et les deux derniers de la liste, Bobby Dixon, ancien meneur de Fenerbahçe qui s’est « baptisé » Ali Muhammed en hommage au champion de boxe Mohamed Ali et l’actuel prospect turc, nigérian d’origine dont on risque d’entendre parler prochainement, le pivot Ikechukwu Stanley Okoro qui évolue sous les couleurs turques en catégorie jeunes, connu sous le nom d’Adem Bona. Des exemples parmi d’autres qui permettent de mieux « intégrer » un joueur mais qui permet surtout au jeune Mirsad de se frayer un chemin dans le club le mieux structuré de Turquie. Efes Pilsen, l’ancien nom de l’actuel Anadolu Efes, Champion d’Euroleague est synonyme, encore aujourd’hui, d’un professionnalisme sans faille dans le basket turc. Idéal donc pour un jeune joueur qui bénéficie, en plus, d’un coach qui donne la part belle aux jeunes pousses locales. En la personne d’Aydın Örs, entraîneur aussi taiseux qu’à cheval sur le travail, l’effort et la discipline.

Türkcan (à gauche) drafté par les Houstons Rockets. Avant que son compatriote Hedo Türkoğlu (à droite) prenne le relais avec les Kings (Crédit photo : trtspor.com.tr)

SAISON 1994/1995 DÉCISIVE, MATCH EN GRÈCE ET DÉBUT DU RÈGNE DE TÜRKCAN LE REBONDEUR

Champions de Turquie les trois saisons précédentes (entre 1991 et 1994), Efes Pilsen vit une saison de transition en 1994 avec le départ de son meneur macédonien, le légendaire Petar Naumoski (qui prendra le nom turc de Polat Namık mais sans l’utiliser, lui) vers Benetton Treviso. Dès lors, avec un remplaçant qui a du mal à trouver ses marques, l’italo-américain Chris Corchiani, Efes Pilsen débute très mal sa campagne européenne. En s’inclinant très lourdement, dès le premier match et pour la première rencontre de leur histoire face à l’Olympiacos, sur le score de 42 à 77, à Istanbul, le 27 octobre 1994. S’en suivra une course-poursuite pour tenter de recoller les morceaux et arracher une qualification. Dans cette optique, la rencontre retour face à ces mêmes Grecs a une saveur toute particulière pour Mirsad Türkcan. Dans une ambiance chauffée à blanc, à la limite de la haine avec des supporters locaux de plus en plus virulents, Efes Pilsen n’en mène pas large. Pourtant, Aydın Örs, dans cette ambiance incandescente, tente un pari audacieux (ou fou) ce 12 janvier 1995. Celui de lancer le jeune Mirsad dans le bain grec, ce qui est, à priori, une idée saugrenue. Pourtant, sans l’ombre d’un doute, Türkcan en profite pour se révéler à la face du basket européen. Un jeu hors norme, une énergie débordante et galvanisé par la foule hostile, l’ailier fort va littéralement marcher sur l’Olympiacos. Et permettre à son équipe d’obtenir une victoire précieuse 56-79 face à Eddie Johnson, ailier NBA (Seattle, Sacramento, Suns), Panayótis Fasoúlas, Dragan Tarlać, Milan Tomic et consorts. 7 points seulement mais une présence défensive de premier plan pour le Turc qui malgré cette victoire de prestige est éliminé avec son club en phase de poule. Qu’à cela ne tienne, Efes Pilsen, la Turquie et l’Europe découvrent une pépite qui va faire parler d’elle dans les années à venir.

La saison suivante va être d’un meilleur tonneau avec le retour du fils prodigue, Petar Naumoski, vainqueur de la Coupe Saporta avec Benetton, ainsi que l’arrivée du fantasque et regretté Conrad McRae dans l’effectif. Une saison pleine et riche pour Mirsad qui contribue grandement à remporter le Championnat turc, la Coupe de Turquie mais surtout la Coupe Koraç face au Stefanel Milano de Gregor Fučka. Une performance de choix pour Türkcan en finale qui permet à Efes Pilsen de remporter le trophée avec 6,5 points et surtout 9,5 de moyenne aux rebonds sur l’ensemble de deux rencontres. Une saison grandiose et une suite du même acabit en Euroleague, ce qui va propulser le Turc dans une autre dimension. Chaque saison, Efes Pilsen met donc en avant une politique haute en couleur en recrutant la crème des basketteurs pour étoffer son effectif. Pourtant, malgré la présence de Russe (Vasili Karasev), Américains (Derrick Alston, Mark Pope, Brian Howard, ancien de l’ASVEL), Yougoslaves (Zoran Savić, Predrag Drobnjak) ou Turcs (Hedo Türkoğlu, Hüseyin Beşok, futur champion de France en 2006 avec Le Mans), Efes Pilsen et Türkcan ne parviennent jamais à passer l’étape des quarts de finales en Euroleague. Un échec collectif mais sur le plan personnel et national Mirsad Türkcan augmente son palmarès en Championnats (3 titres), en Coupes de Turquie (4) et en Supercoupe de Turquie (3). L’heure, après cinq belles saisons en Turquie, de prendre le large intervient donc à l’issue de la Draft et de la saison tronquée en NBA en 1998/1999. De Houston, à New-York en passant par Milwaukee, un détail permet de penser que le « Turc bondissant » n’a jamais véritablement eu sa chance dans une ligue où la part belle faite au physique est pourtant grande. Un regret pour Türkcan qui, des années plus tard, affirmera avoir une « blessure » dans son cœur : cette période américaine frustrante et tronquée.

ENTRE FRANCE, RUSSIE, ITALIE, UNE FAIM DE REBONDS

Après la Turquie, les Etats-Unis et la NBA, Mirsad le magnifique va poser ses valises à… Paris, au sein du Paris Basket Racing de l’entraîneur Ron Stewart. Un club ancêtre des Metropolitans 92 de Levallois et une saison 2000/2001 où le Turc de 24 ans trouve l’occasion de croiser un jeune meneur de jeu au talent déjà prometteur : Tony Parker qui sera drafté en 2001 par les San Antonio Spurs. Pour le Turc, ce passage à Paris est davantage une étape temporaire pour lui permettre de rebondir et retrouver le rythme qu’un projet à long terme. L’étape française étant de courte durée, Mirsad a dès lors l’occasion de repartir à l’aventure. Plus à l’est, au CSKA Moscou au sein d’une des équipes d’Euroleague les plus côtés où se côtoient le Croate Gordan Giriček, futur arrière des Utah Jazz, les Russes Zakhar Pashutin et Alexander Petrenko, décédé en 2006, le Letton Raimonds Miglinieks et l’Argentin Rubén Wolkowyski, futur vainqueur en 2004 des JO d’Athènes avec Manu Ginóbili et Luis Scola. Dans cette armada, le Turc se sent comme un poisson dans l’eau. Coaché par l’ancien vainqueur des JO de Séoul avec l’URSS, en 1988, Valeri Tikhonenko, Türkcan est dans tous les bons coups de Moscou en championnat et en Europe. Pourtant éliminés en phases de poules, le Turc est désigné MVP de la saison régulière, dans le second cinq majeur de la grande compétition européenne avec le meneur américano-slovène Ariel McDonald, le regretté arrière américain Alphonso Ford, le pivot américain Joseph Blair, né à Akron dans la même ville qu’un certain Lebron James et l’italo-argentin de Trévise, Marcelo Nicola. Deuxième meilleur marqueur du CSKA derrière Giriček avec près de 18 points de moyenne, premier au rebond avec près de 13 de moyenne et aux passes décisives (près de 3), Türkcan est littéralement devenu le maître des airs avec plus de 200 rebonds en 17 rencontres d’Euroleague. Une spécialité qui va le propulser au sommet de la hiérarchie européenne et ce, pour longtemps.

Cependant, malgré ses belles performances, l’idylle entre une équipe en renouvellement, tournée vers les joueurs de l’est et Türkcan ne dure pas. La saison 2002/2003 est pour lui l’occasion d’expérimenter un nouveau championnat avec le Montepaschi Siena, en Italie. Mais en retrouvant au passage une vieille connaissance en la personne d’Ergin Ataman, ancien coach assistant au sein d’Efes Pilsen. Pour l’entraîneur turc, une belle occasion d’attirer un joueur qu’il a bien connu et dans un club tout récent vainqueur de la Coupe Saporta une saison auparavant. Pour cela, Türkcan est bien entouré par la présence d’Alphonso Ford, du meneur macédonien gaucher Vrbica Stefanov, du pivot italien Roberto Chiacig et de l’ailier lituanien Mindaugas Žukauskas. Sur le plan national, Siena est éliminée en demi-finale des play-offs par Benetton Treviso mais l’Euroleague permet au club italien de briller et à Türkcan de se sublimer. Un premier tour très compliqué avec une qualification arrachée de justesse pour commencer (6ème place sur 8 avec une petite victoire d’avance sur le Žalgiris Kaunas). Avant une seconde étape de poule rondement menée et une qualification obtenue avec la première place devant le Skipper Bologne, le Panathinaïkos et un autre club qui devra disparaître mais qui va compter dans la carrière de l’ailier turc, Ülkerspor. La suite est pourtant une nouvelle élimination contre le… Benetton Treviso (62-65) mais une belle troisième place obtenue contre le… CSKA Moscou 79-78 avec 14 points et 4 rebonds de Mirsad Türkcan. Le Barcelone de Gregor Fučka remportant l’édition 2003 à domicile. Une fois encore, le Turc est désigné MVP de saison régulière et se trouve au sein de la deuxième équipe d’Euroleague en compagnie du meneur Marcus Brown, ancien de Limoges, de l’arrière serbe Miloš Vujanić, du pivot croate Nikola Vujčić et de l’Argentin Andrés Nocioni. Mirsad Türkcan, après ces belles promesses et avec l’envie de bouger quitte l’Italie et revient au… CSKA Moscou la saison suivante (2003/2004) mais dans un nouvel environnement. Drivé par le coach de légende, le Serbe Dušan Ivković, le Turc volant va avoir davantage de matière autour de lui.

Le CSKA rendant hommage à Mirsad Türkcan (Crédit photo : cskabasket.com)

Au CSKA, à la mène, le Grec « nonchalant » mais tellement talentueux, Theo Papaloukas, les Américains Marcus Brown (meneur), JR Holden (futur russe et arrière de métier) et le pivot Victor Alexander, le Serbe Dragan Tarlać né dans un autre Novi en Serbie actuelle, Novi Sad. Ainsi que les internationaux Russes Sergei Monia, Viktor Khryapa, Alexey Savrasenko et Sergey Panov. Un dosage subtil fait de physique et de technique censé permettre au « master class » russe de tout remporter sur son passage. Notamment l’Euroleague, une compétition durant laquelle l’équipe de Türkcan survole les débats lors des phases de poules. Premiers de leurs groupes pour commencer la première phase puis lors de la seconde pour une place qualificative en Final Four à Tel Aviv. Hélas pour le CSKA, ils tomberont sur une équipe du Maccabi en mission, à domicile. Défaite 93-85 face aux Israéliens malgré un « double-double » du Turc (10 points et 10 rebonds pour 8 fautes provoquées). Les Russes se consolent donc avec une troisième place obtenue face au… Montepaschi Siena. Le Maccabi remportant le trophée en atomisant les Italiens du Skipper Bologna 118-74 pour ce qui est le record pour une finale d’Euroleague à ce jour. Sur un plan personnel, Mirsad aka « Mister Ribaund » finit dans l’équipe type de la compétition européenne avec du très beau monde : le futur serbe Dejan Bodiroga, les Lituaniens Arvydas Sabonis et Šarūnas Jasikevicius, ainsi que son coéquipier du CSKA, Marcus Brown. Sans compter un titre de Champion de Russie obtenu en finale face à l’UNICS Kazan (3-1). D’aucuns diraient plus pas mal comme gains et trophées mais Türkcan rend une nouvelle fois les clés et quitte le CSKA mais pas Moscou. D’un Moscou à l’autre, l’ailier-fort rejoint le Dynamo et retrouve Ariel McDonald, le pivot grec Lazaros Papadopoulos, l’arrière Trajan Langdon, en provenance d’Efes Pilsen ainsi que le meneur Américain Lynn Greer et le pivot jumeau Lituanien Kšyštof Lavrinovič. En Ligue Russe, la « Russia Super League A », le Turc tourne en moyenne à 18 points et 11 rebonds mais le Dynamo perd en finale face au rival du… CSKA (3-1). En Eurocup, Türkcan a sensiblement les mêmes statistiques (près de 18 points et 10 rebonds en moyenne) mais son club se fait aussi éliminer en Top 16 par le club serbe d’Hemofarm Vršac. On le voit, malgré les années et les différents clubs, Türkcan ne perd jamais son rythme et est un pilier sur lequel ses équipes s’appuient. Dès lors, la boucle européenne étant, en quelque sorte bouclée, le Turc se décide à faire son grand retour au pays et à Istanbul.

RETOUR A ISTANBUL, LÉGENDE A FENERBAHCE ET N°6 MYTHIQUE

La saison 2005/2006 est le signe d’un retour aux sources pour Türkcan qui signe dans le club d’Ülkerspor. Propriété d’une des plus grandes familles de Turquie, la marque Ülker produit toute sorte de biscuits et son club de basket attire bon nombre de joueurs (re)connus autour du Turc. Parmi eux, İbrahim Kutluay, lui aussi de retour à Istanbul après une expérience mitigée en NBA à Seattle, le massif pivot hongrois Robert Gulyas, ancien de Pau-Orthez, ASVEL et Chalon-sur-Saône. Le meneur macédonien, ancien de Siena, Vrbica Stefanov, les Américains avec l’arrière gaucher, Jeff Trepagnier, l’ailier fort Marcus Haislip avec lequel Türkcan aura maille à partir la saison suivante dans une bagarre entre les deux joueurs devenue célèbre lors d’une rencontre entre Fenerbahçe et Efes Pilsen… et le pivot Ira Clark. Ajoutés à cela les Turcs, entre les internationaux Ömer Onan (arrière), le jeune Oğuz Savaş (pivot), Cüneyt Erden (meneur) et l’équipe d’Ülkerspor a fière allure sur le papier. Dans cette équipe sponsorisée également par la marque d’électroménager « Beko » qui sera le futur nom accolé à Fenerbahçe et dont le président n’est autre qu’Ali Koç (actuel président de toutes les sélections de Fenerbahçe), la nouvelle équipe de Mirsad Türkcan a du matériel pour évoluer en Euroleague. Dès lors, chapeauté par Ergin Ataman en personne, Ülkerspor se qualifie au premier tour in-extremis, chipant la dernière place au… Montepaschi Siena, ancien club d’Ataman et Türkcan. Hélas, au second tour, la mayonnaise ne prend pas face des équipes plus confirmées et Ülkerspor finit même dernière de son groupe. Suffisant malgré cela pour que le pivot turc soit désigné une nouvelle fois meilleur rebondeur de la compétition. Son totem de vérité et sa prééminence sur la concurrence en font donc une nouvelle fois le propriétaire du titre. En championnat, les investissements consentis par Ülkerspor sont plus payants. Mirsad devient même le troisième meilleur marqueur (près de 12 points de moyenne) de son équipe derrière Kutluay et Haislip, le meilleur rebondeur (9,5). Ce qui permet à son club de remporter le titre face à Efes Pilsen (4-0) en finale de play-offs et un quatrième titre de Champion de Turquie à titre personnel.  Cependant, en réalité, cette équipe et ces joueurs transférés n’ont qu’un seul but au-delà de cette saison : agréger Ülkerspor au sein du mastodonte turc Fenerbahçe. En effet, la saison 2006/2007 est l’occasion d’un rapprochement entre les deux clubs et Kutluay, Onan et Türkcan pour les plus notables viennent renforcer le « Fener » dans une fusion-acquisition à sens unique. Ülkerspor devant par ailleurs finir par disparaître progressivement du championnat turc quelques années plus tard.

Au sein de Fenerbahçe donc, Mirsad Türkcan, qui est par ailleurs supporteur du club de foot éponyme, se trouve dans une ambition démesurée, un public en folie à chaque rencontre et… énormément d’arrivées. Dès lors, Fenerbahçe Ülker avec sa nouvelle désignation jette son dévolu sur le mythique coach turc Aydın Örs qui retrouve son poulain d’Efes Pilsen. En optant concrètement pour une stratégie de noms reconnus dans le basket européen mixés à des jeunes prospects du cru. Parmi ces joueurs, les meneurs Américains Will Solomon, Marques Green et le pivot James Gist, né en Turquie sur la base militaire d’İncirlik à Adana dans le sud du pays. Pour pérenniser la tradition balkanique, ajoutons-y le turco-bosniaque Damir Mršić (connu comme Demir Kaan également), un arrière absolument démentiel dans le « scoring » et qui a fait une grande partie de sa carrière en Turquie. Ainsi que les Croates Bojan Bogdanovic, actuel « Jazz », à Utah, Marko Tomas, Roko Ukić, les Lituaniens Šarūnas Jasikevicius, Darjuš Lavrinovič, le Slovène Gašper Vidmar ou encore le Suisse Thabo Sefolosha, le Letton massif Kaspars Kambala et l’ailier à tout faire, le bosno-turc Emir Preldžič. Sur le plan national, des jeunes pépites émergeront dans cette politique frénétique dont les plus notables sont les pivots Semih Erden et Ömer Aşık, futur pivot des Bulls, de Houston et des Pelicans. Côté coachs, même politique car, outre Örs, le Monténégrin Bogdan Tanjević et le Croate Neven Spahija, passé par le Maccabi et Valence se retrouvent à Fenerbahçe avec Türkcan. Durant ces six années, si Türkcan remporte, outre les Coupes de Turquie et autres Supercoupes, quatre autres Championnats de Turquie en 2007, 2008 et 2010 et 2011, Fenerbahçe ne va jamais obtenir de succès probants en Euroleague, son objectif affiché. Malgré le budget, les joueurs et les entraîneurs recrutés, le club reste bloqué en phases de poules et ne pourra jamais briser le plafond de verre avant l’arrivée d’un maître en la matière quelques saisons plus tard (Željko Obradović en 2013).

Mirsad Türkcan lors de son jubilé à Fenerbahçe (Crédit photo : Hürriyet Daily News)

Outre le quart de finale obtenu lors de la saison 2007/2008 (élimination face au Montespaschi Siena 2-0), le « Fener » ne va donc jamais sortir des poules et aller en Final Four, son objectif de départ. Ce sera donc une ambivalence pour Türkcan, davantage habitué à briller avec ses équipes en Euroleague que sur le plan national ses dernières saisons. Pourtant, malgré ces résultats décevants hors de ses frontières, Türkcan ne chôme pas et continue son travail de rebondeur féroce quel que soit l’adversité. Tant et si bien qu’en 2009, le Turc glane son millième rebond en Euroleague en devenant le premier joueur à dépasser ce cap (avant d’être lui aussi dépassé par le Madrilène Felipe Reyes des années plus tard). Türkcan est donc véritablement tourné, dans ces années, vers Fenerbahçe et s’en va terminer sa carrière en légende du club à partir de 2012. Une fin de sa carrière pourtant difficile et qui le touche à 34 ans avec une rupture des ligaments croisés en 2011. Ce qui entraîne un « break » forcé et Türkcan doit mettre un terme total à sa prodigieuse carrière entre jeu physique, technique, rebonds et rage de vaincre. Pour autant, Fenerbahçe ne l’oublie pas et lui rend hommage en retirant son fameux numéro 6 avec le capitaine Ömer Onan (numéro 7). En lui offre également un poste de manager de l’équipe première faisant le lien avec la « communauté » balkanique des joueurs composant Fenerbahçe au cours des saisons suivantes. Plus tard, c’est au tour de l’Euroleague de l’inclure dans l’équipe de légende de l’organisation, en compagnie du « who’s who » du basket européen : les Grecs Theo Papaloukas et Dimitris Diamantidis, les Lituaniens Šarūnas Jasikevicius, Ramūnas Šiškauskas et l’Espagnol Juan Carlos Navarro. Un joueur au cœur vaillant, à la capacité physique exceptionnelle et avec un sens de la gagne peu commun parmi les joueurs turcs des dernières années. Que ce soit en Turquie, en Italie ou en Russie, Mirsad Türkcan a également permis, et il faut le souligner, à ses successeurs d’avoir davantage confiance en eux et en leur capacité. Aussi bien à travers l’académie d’Efes Pilsen qui continue à produire, former et éveiller la quête de départ de ces jeunes joueurs (Cedi Osman de Cleveland en est le dernier exemple probant) qu’au sein du « Fener » et a permis aux Erden et surtout Aşık d’aller en NBA et, pour ce dernier, avant sa maladie, d’y rester plusieurs saisons d’affilées. Pourtant, au-delà des clubs, Türkcan a également eu un destin et une présence importante en équipe nationale turque.

« C’est ma grosse erreur. Maintenant, quand je pense à ma carrière, je le reconnais. En NBA, il est important d’être au bon endroit, au bon moment. Je n’y étais pas et je suis désolé pour cela. Je suis revenu en Europe et j’ai eu une grande carrière. J’ai rencontré de grands entraîneurs et joueurs, mais je pense que j’aurais pu avoir la chance de jouer en NBA pour 5 à 6 ans si j’étais dans une autre équipe. En fin de compte, je ne regrette rien » Mirsad Türkcan et son regret concernant la NBA (Crédit : newsbasket-beafrika.com)

PILIER DE L’ÉQUIPE NATIONALE TURQUE, APRÈS CARRIÈRE DANS LE… FOOT

En équipe nationale, Mirsad est présent de façon quasi continue durant près de 10 années. En participant à sept compétitions européennes (majoritairement) et internationale de 1995 à 2005. Six Championnats d’Europe (1995, 1997, 1999, 2001, 2003 et 2005), ainsi qu’un Championnat du monde en 2002 aux Etats-Unis sont à son tableau d’honneur. Dès 1995, au Championnat d’Europe en Grèce jusqu’au dernier en 2005 en Serbie-Monténégro, à l’époque. Si les résultats sont moyens voire mauvais, l’apogée de sa carrière en équipe nationale turque est glanée en 2001, à domicile. Lors de ce Championnat d’Europe turc, avec son mentor Aydın Örs à la manœuvre, Mirsad Türkcan participe à la plus grande campagne de sa sélection. En compagnie de ses onze camarades de jeu, allant d’İbrahim Kutluay, à l’ailier Harun Erdenay, du meneur mythique Kerem Tunçeri à son ami, originaire également des Balkans comme lui, Hidayet Türkoğlu qui va évoluer à Sacramento, San Antonio et Orlando. D’Ömer Onan, des pivots Asım Pars, Kaya Peker, Hüseyin Beşok et Mehmet Okur, futur joueur des Utah Jazz au meneur de légende d’Ülkerspor et de Galatasaray (et actuel sélectionneur turc) Orhun Ene et à l’ailier Haluk Yıldırım. Ce que la Turquie produit alors de meilleur avec des joueurs confirmés (Ene, Erdenay, Kutluay), des jeunes en devenir (Okur, Türkoğlu et Peker) et l’expérience de Türkcan, galvanisé par le public frénétique et les salles pleines. Cet Euro 2001 est un rêve éveillé pour les Turcs versés dans le groupe B, en compagnie de l’Espagne de l’inoxydable Pau Gasol, de la Lettonie de Kaspers Kambala, un puissant pivot qui s’essaiera même plus tard à la… boxe et la Slovénie du pivot Rasho Nesterović de Minnesota. Les coéquipiers de Türkcan réussissent même à sortir premiers du groupe avec deux victoires et une défaite (une lourde face à la Slovénie) et continuent leur chemin derrière un « Ibo » Kutluay en feu (20 points face à la Lettonie, 19 contre la Slovénie et 35 face à l’Espagne pour une belle victoire 79-84).

Ce qui entraîne dès lors la sélection turque directement vers les quarts de finales face à la Croatie dans une rencontre incandescente. Face à ses « ex »-compatriotes de l’ex-Yougoslavie, Mirsad Türkcan prend la relève de Kutluay et est partout sur le terrain. Ses 20 points, 14 rebonds permettent aux Turcs d’obtenir une victoire (87-85) en prolongations face à des Croates tenaces dans la défunte salle brûlante Abdi İpekçi Arena (détruite en 2018). En face Gordan Giriček, Nikola Vujčić et Damir Mulaomerović, le régional de l’étape, de la salle et du pays (il joue à Efes Pilsen à l’époque) n’ont pas démérités mais repartent éliminés. Les demi-finales opposent la Yougoslavie à l’Espagne et l’Allemagne à la Turquie. Cette rencontre germano-turque est, en quelque sorte, un « copié-collé » de la précédente avec une Allemagne accrocheuse, des Turcs en mission et un public bouillant au milieu. Avec ses 10 points et sa présence face à un Nowitzki tenant fermement la barque allemande, Mirsad Türkcan et les siens réussissent leur pari et s’extirpent finalement du piège de cette demi-finale. En prolongations, la Turquie, dans une ambiance irrespirable obtient sa finale tant attendue d’un point (79-78). Dans l’autre demi, la Yougoslavie disposant de l’Espagne (78-65) dans un duel Sacramento (Peja Stojaković, 30 points) – Memphis (Gasol, 22 points et 11 rebonds) tournant à l’avantage de Stojaković et des siens.

La sélection nationale turque finaliste malheureuse de l’Eurobasket 2001 en Turquie (Crédit photo : futbolmedya.com)

En finale, ce 9 septembre (jour de l’assassinat du Commande Massoud en Afghanistan et à la veille des évènements tragiques du 11 septembre 2001), à Istanbul pourtant, malgré tout le travail abattu par Kutluay (16 points), Türkoğlu (13 points) et Türkcan (8 points), Bodiroga (18 points) et le régional de l’étape, là aussi, Vlado Šćepanović d’Efes Pilsen (19) sonnent le glas des espoirs turcs et remportent le trophée sur le score de 78-69. Pour la petite histoire, Svetislav Pešić (dont le propre fils Marko finira 4ème avec… l’Allemagne) et ses hommes remportent le trophée pour l’entité yougoslave (avant l’obtention du titre à Indianapolis, un an plus tard lors du Championnat du monde) pour la dernière fois en Europe puisque l’édition suivante, en Suède en 2003, la dénomination de « Serbie-Monténégro » sera sa nouvelle désignation. Quoiqu’il en soit, cet Euro 2001 a mis en avant une qualité de basket exceptionnel, une ambiance de dingue à chaque rencontre, des matchs serrés et une présence de joueurs aussi talentueux que géniaux. Une flopée de joueurs exceptionnels parmi lesquels : Dejan Bodiroga, Peja Stojaković, Marko Jarić (Yougoslavie), Pau Gasol (Espagne), Mehmet Okur, Mirsad Türkcan, İbrahim Kutluay, Hüseyin Beşok (Turquie), Dirk Nowitzki (Allemagne), Derrick Sharp (Israël), Andrei Kirilenko (Russie), Ramūnas Šiškauskas, Šarūnas Jasikevicius (Lituanie), Roberts Štelmahers (Lettonie), Theo Papaloukas, Fragiskos Alvertis (Grèce), Damir Mulaomerović (Croatie), Gregor Fučka (Italie).

Le foot n’est jamais loin en Turquie. Mirsad Türkcan (et ses grandes jambes) est le manager de Cengiz Ünder (à gauche), néo-joueur de l’Olympique de Marseille en compagnie du défenseur de Leicester Çağlar Söyüncü (en pull gris) – (Crédit photo : twitter.com/tribundergi)

Pour Mirsad Türkcan, qui finit 6ème meilleur rebondeur de la compétition, la plénitude est atteinte à titre personnel. En ayant permis à son pays de bien figurer dans cet Euro et d’obtenir la médaille d’argent. Dès lors, le Turc va laisser progressivement les clés du camion à la génération suivante des Erden, Aşık voire Ersan İlyasova et le jeu à son ami Türkoğlu (actuel président de la Fédération turque, par ailleurs). Aujourd’hui, après avoir été manager au sein de Fenerbahçe, le natif de Novi Pazar a pris une voie totalement différente du basket mais pas de ses origines. Le Turc dont la petite sœur Emina… Jahović est une chanteuse très connue dans les Balkans et l’ex-épouse d’un des rois de la scène musicale turque, Mustafa Sandal, est devenu agent de joueurs dans le… football. Grâce à sa connaissance de la langue et son carnet d’adresse qui comprend bon nombre de joueurs issus des Balkans (Edin Džeko de l’Inter Milan notamment). Ainsi que, pour les supporteurs de l’Olympique de Marseille, l’ailier (ça ne s’invente pas) turc international Cengiz Ünder, nouvel arrivé dans l’effectif olympien. Une bien belle carrière que celle d’un joueur qui a su se transcender et aller de l’avant pour devenir une légende dans son club de cœur (Fenerbahçe), d’adoption (Efes Pilsen) mais également un pilier multitâche. Türkcan se dit également « âme turc ». Trop fort donc pour lutter contre !!

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About Volkan Ozkanal (27 Articles)
Fan de basket européen, d'Anadolu Efes, de Fenerbahçe du KK Partizan Belgrade et du CSKA Moscou, je voue un culte à l'immense Željko Obradović ainsi qu'à Petar Naumoski, grâce à qui j'ai appris à aimer la balle orange. Passionné également d'histoire, j'essaye de transmettre ma passion à travers Basket Retro.

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