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[Portrait] Jerry Sloan, The Original Bull

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

De Mr Chicago Bull au coach emblématique du Jazz pendant un quart de siècle, portrait d’une figure marquante et respectée de tous en NBA.

MR. CHICAGO BULL (1966-1976)

Bien avant l’arrivée de Michael Jordan, Jerry Sloan était connu sous le nom de Mr. Chicago Bull. Du haut de ses 196cm, Sloan était un arrière respecté pour sa défense et son sens du rebond. En onze ans de carrière NBA (755 matchs, + 52 en playoffs), Sloan affiche une moyenne de 14 points et 7,4 rebonds. Mais sa véritable force, sa défense, échappe à l’analyse statistique. Les interceptions ne seront comptabilisées qu’à partir de 1973, et à plus de 30 ans et sur ses trois dernières saisons, Sloan tournait à 2,2 ballons volés par matchs.

1964 sous le maillot d’Evansville, en universitaire

Né au sein d’une famille de 10 enfants et élevé à la dure par sa mère (son père meurt lorsqu’il n’a que quatre ans) dans une ferme à Gobbler’s Knob, petite bourgade dans le sud de l’Illinois, le jeune Jerry signe à Evansville au début des années 1960. C’est là qu’il mène l’équipe à deux championnats nationaux de la division II de la NCAA. Sélectionné par les défunts Baltimore Bullets (aujourd’hui Washington Wizards) au deuxième tour de la draft NBA de 1965, il y passe une saison rookie discrète, avant d’être sélectionné par Chicago lors de la draft d’expansion de 1966. Quelques matchs seulement après le début de la saison, les Bullets proposent à Chicago de revenir sur l’échange. « Non, mille fois non« , leur répond Dick Klein, le propriétaire des Bulls. Johnny « Red » Kerr, jeune entraîneur de ces Bulls naissants, est également sous le charme. Pour son année sophomore, la première avec Chicago, Sloan sera All-Star, tournant à plus de 17 points et 9 rebonds de moyennes, en 37 minutes. Les doutes sont balayés.

1965, rookie aux Washington Bullets

« Lorsque j’ai quitté Baltimore, je ne savais pas si je serais capable de jouer dans cette ligue ou non. J’ai été drafté assez haut, mais je n’ai pas beaucoup joué à Baltimore et j’ai commencé à avoir des doutes. Deux semaines avant mon départ pour Chicago, mon frère s’est suicidé. Je m’étais préparé mentalement à jouer. Mais j’étais inquiet car je ne m’étais pas entraîné pendant une semaine à cause des funérailles de mon frère. Heureusement, j’étais en pleine forme. J’ai pu jouer dur chaque minute du camp d’entraînement et j’ai pris confiance en moi. À partir de là, Johnny Kerr m’a donné encore plus de confiance en me permettant de jouer ».

Pour sa troisième saison à Chicago, Sloan verra arriver un nouvel entraîneur, le fantasque Dick Motta (futur champion avec les Bullets en 1978). Motta est une tornade sur le banc, du genre à mettre une demi-volée dans le ballon suite à un mauvais coup de sifflet, ou à cracher sur le ballon avant de le rendre à l’arbitre. Motta ne le connaît pas, il n’a même jamais vu un matchs des Bulls. Mais les deux hommes se sont vite trouvés.

« Lors de notre premier camp d’entraînement, il nous a fallu dix minutes pour reconnaître qu’il était très spécial« , dira Motta à propos de Sloan. « Il n’y avait pas beaucoup de joueurs qui avaient son intensité. J’ai commencé à dépendre de lui plus par nécessité qu’autre chose. C’était une évolution naturelle. Il abordait son jeu comme s’il était désespéré. Une fois, lors d’un stage, j’ai entendu Jerry dire : « Quand je mets mes chaussures, je suis nerveux parce que c’est peut-être la dernière fois que je les mets. Je veux donc jouer le meilleur match que j’ai jamais joué ou avoir le meilleur entraînement que j’ai jamais eu. C’est ce qu’il a fait tout au long de sa carrière.« 

S’il y a un aspect de son jeu qui illustre cette intensité, c’est bien sa capacité à prendre des tampons. Dans les années 1970, Motta met en place le backcourt le plus intimidant de la ligue en associant Sloan à Norm Van Lier, un autre défenseur de haut rang (meneur triple All-Star et huit fois All-Defensive). Très vite, les adversaires se plaignent que Sloan et Van Lier bénéficient d’un traitement de faveur de la part des arbitres, qu’ils tirent les gens vers eux pour obtenir des fautes offensives. « Il n’y avait pas deux arrières plus durs que Sloan et Van Lier« , selon Jeff Mullins, triple All-Star et champion avec les Warriors en 1975.

1970, face à Jerry West

À l’instar des équipes du Jazz que Sloan entraînera plus tard, les Bulls du début des années 1970 (essentiellement Bob Love, Chet Walker, Tom Boerwinkle, Clifford Ray, et donc Sloan et Van Lier) gagnent régulièrement 50 matches par saison. Dick Motta avait l’habitude de dire : « Quand les gens regardent cette équipe, ils oublient un ingrédient clé : la taille du cœur de Jerry Sloan. Il n’avait peur de rien. Son corps était capable d’encaisser de sacrés coups (Sloan jouera un match face aux Cincinnati Royals avec deux côtes cassées). En 28 ans de carrière, le joueur que j’admire le plus est Sloan. Je n’ai jamais côtoyé un plus grand compétiteur »

1975 face à John Havlicek

Avec ces Bulls, Sloan ira au plus loin en finale de conférence, en 1975 face aux Warriors de Rick Barry, futurs champions (Chicago se trouve dans la conférence Ouest à l’époque). La série se jouera en sept manches. L’article en lien revient en détail sur cette série.

Sa carrière de joueur se termine quelques mois plus tard par une blessure au genou au début de la saison 1975-76. Sloan aura été deux fois All-Star et nommé quatre fois dans la première équipe All-Defensive de la ligue et deux fois dans la deuxième équipe All-Defensive.

Symbole de cette jeune franchise des Bulls, Sloan verra son numéro 4 retiré par Chicago, le tout premier maillot honoré par le futur club de Michael Jordan.

COACH DES BULLS (1977-1982)

Après sa carrière de joueur, Jerry Sloan accepte le poste d’entraîneur principal à Evansville, son alma mater, l’équipe que Sloan, trois fois All-American, avait mené à une saison de 29-0 et à deux titres nationaux. Il change d’avis et démissionne cinq jours plus tard. Au lieu d’entraîner à l’université, Sloan devient assistant chez les Bulls et est nommé entraîneur principal de l’équipe en 1979. Les propriétaires l’avaient choisi, pensant qu’il était l’homme qu’il fallait pour diriger l’équipe. Mais il a eu du mal à ajuster son intensité :

« Je n’étais pas prêt à devenir entraîneur, c’est évident. Mais comme j’avais joué ici, je me suis dit que si j’avais les bonnes personnes autour de moi pour m’aider, j’avais une meilleure idée de tout ce qui se passait ici et de certains des problèmes auxquels il fallait faire face. Il faut avoir de l’intensité jusqu’à un certain point, l’intensité que j’avais en tant que joueur, j’ai eu du mal à la mettre de côté en tant qu’entraîneur. « 

1981, sur le banc de Chicago

La première saison 1979-80 de Sloan en tant qu’entraîneur principal finit en 30-52, et pour sa deuxième année, Chicago est en positif avec 45 victoires et une qualification en playoffs, où ils battent les Knicks au premier tour, mais s’inclinent face aux Boston Celtics en demi-finale de conférence. La saison suivante, 1981-82, se gâte, et alors que l’équipe démarre sur un piètre 19-32, le manager général Rod Thorn licencie M. Chicago Bull.

COACH DU JAZZ (1988 – 2011)

Malone, Sloan, Stockton, le trio inséparable

Sloan retrouve un banc en tant qu’assistant de Frank Layden à Utah, en 1985 et ce jusqu’en 1988, date à laquelle il passe entraîneur principal, lorsque Layden devient président du club. Son premier contact avec la franchise de Salt Lake City date de 1984, où il passe un an en tant que scout pour Frank Layden, déjà. Aux côtés du jovial Layden, Sloan apprend à se détendre (un peu). On lui attribue tout de même un bilan de 446 fautes techniques (joueur et entraîneur), sur quatre décennies. Quelques exclusions et suspensions ici et là. Quelques arbitres chahutés à l’occasion. Karl Malone dira de son coach qu’il était tellement sanguin dans les moments chauds qu’il ne fallait même pas l’approcher, notamment dans les vestiaires.

« Une chose que j’aurais aimé faire mieux en tant qu’entraîneur, c’est de m’entendre avec les arbitres. Je n’ai jamais été très bon dans ce domaine… Je pense que j’ai fait du mal à notre équipe à plusieurs reprises lorsque je me suis un peu trop laissé emporter par mon désir de gagner. »

La bannière honorifique

La suite de sa carrière à Utah est évidemment davantage connue de tous. 1223 victoires. Seuls Popovich, Don Nelson et Lenny Wilkens sont au-dessus. Une longévité honorée par la franchise du Jazz, qui hissera une bannière à la Vivint Arena (auparavant Delta Center) en son honneur. En 23 saisons à la tête de cette équipe, Sloan connaîtra les playoffs 19 fois, dont les 15 premières années d’affilée, avec en point d’orgue deux finales, 1997 et 1998, face aux Bulls de Phil Jackson et His Airness, bien sûr. Une seule saison en négatif (2004-05, la période Boozer, Kirilenko, Raja Bell, Matt Harpring ou encore Giriček, saison marquée par des blessures en cascade). 13 saisons à plus de 50 victoires. Le Jazz de l’ère Sloan – MaloneStockton sera compétitif chaque année, et il sera le premier entraîneur à atteindre les 1000 victoires avec une seule et même franchise. Un bilan sans bague, ni même de titre d’entraîneur de l’année, mais reconnu par ses pairs, avec une intronisation au Hall of Fame en 2009, alors qu’il est encore en poste, la même année que son fidèle meneur de jeu John Stockton. En 2011, âgé de 68 ans, fatigué et en conflit avec la star de l’équipe, Deron Williams, il démissionne. Son ancien joueur de 1991 à 1994, et assistant depuis les départs de Stockton et Malone, Tyrone Corbin, prend la suite, sans réussir à redresser la barre.

1993, avec Mark Eaton, Stockton et Malone

Sloan décède en 2020 à l’âge de 78 ans, diminué depuis plusieurs années par la maladie de Parkinson et la démence à corps de Dewy. Les hommages pleuvent. Pour Jerry Reinsdorf, propriétaire des Bulls « Jerry était le visage des Bulls depuis sa création et jusqu’au milieu des années 1970« . Son fidèle relai sur le terrain, John Stockton, synthétisera peut-être avec le plus de justesse son entraîneur de toujours: « Coach Sloan représente ce que la NBA devrait être. Dévoué envers ses coéquipiers, ses entraîneurs, sa franchise et le basket-ball, il n’a jamais demandé de reconnaissance. En fait, il l’évite. Ses résultats parlent d’eux-mêmes et il a créé un environnement qui permet à ses équipes de gagner, ce qu’elles font. J’ai de la chance d’avoir joué pour lui« .

Crédits photos: Washington Wizards / Getty Images / Sports Illustrated / NBA

About José Chédotal (11 Articles)
Passéiste de basse intensité. X= @mainscarrees

2 Comments on [Portrait] Jerry Sloan, The Original Bull

  1. Bonjour, Magnifique portrait d’un joueur et entraîneur mythique ! Bravo !

    Cordialement,

    Metenier Laurent

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