[Portrait] Jeff Mullins, l’autre Mullin(s) de la Baie
Portrait
Avant Chris, il y eut Jeff et celui-ci avait un « s » à la fin de son patronyme. Une légende des Warriors des années 70 qui incarna parfaitement les valeurs de cette franchise que sont le combat, l’abnégation et des tonnes de shoots!

Hawkins et devant Bill Bradley, Joe Caldwell ou encore Paul Silas) @ Getty Images
L’histoire du jeune Jeff Mullins commence du côté de Lexington dans le Kentucky. Sa passion dévorante pour le basket lui permet de rapidement s’imposer comme le meilleur lycéen de l’état et même du pays tout entier. Le magazine Sunday ( une référence du classement de lycéen depuis 1957) le nomme dans le meilleur cinq de son All-america Parade (aux côtés de Connie Hawkins et devant Bill Bradley, Joe Caldwell ou encore Paul Silas).
Les plus prestigieux programmes universitaires rêvent de voir Mullins grossir leur rang. Jeff s’engage chez les Blue Devils à Durham en Caroline du nord. Le coach, Vic Bubas en fait l’un de ses hommes de base dès sa première saison. L’ailier d’1,93m ne déçoit pas avec ses 21 pts, 10,4 rebs à 51,4% de réussite. Il devient rapidement le leader incontesté, avec Art Heyman ,des Blue devils. Mullins va d’ailleurs emmener son équipe à 2 final four consécutifs. Duke ne décrochera pas le titre national mais n’en seront pas loin en 64′ face à UCLA. Cette finale sera l’occasion de voir deux esthètes du jeu s’affronter: Gail Goodrich et Jeff Mullins. Ils se rendront coup pour coup (27 pts pour Gail et 22 pour Mullins). UCLA remporte le titre 98-83 et Mullins décide de se présenter à la draft 64′ non sans un nombre incalculable de trophées en tous genres:
3 fois ALL-ACC, 2 fois All-region, MVP tournoi ACC, MVP ACC,…Il faut dire qu’il quitte Duke avec des stats fabuleuses 21,9 pts, 9 rebs.
Mais lors de cette draft 64′, Jeff Mullins ne sait pas qu’en coulisse se trâme un jeu bien pervers. Les St Louis Hawks disposent du 5ème choix. Derrière eux, ce sont les San Francisco Warriors qui choisiront en 6ème. Lors des playoffs 64′, les Hawks ont été battu par les Warriors de Wilt Chamberlain et il ne manque à ces derniers qu’un poste 2 pour décrocher un titre. St Louis va, malheureusement prendre une bien mauvaise décision. Ils sélectionnent Jeff Mullins pour éviter qu’il rejoigne les Warriors. Voilà que Jeff se retrouve dans une équipe où deux stars, Lenny Wilkens et Richie Guerin, font la pluie et le beau temps. Vous conviendrez qu’entrer dans une équipe qui n’a absolument pas besoin de vous n’est jamais chose aisée!
Le flamboyant lycéen et universitaire n’est que l’ombre de lui même. Il ne joue qu’une dizaine de minutes par match pour des stats insipides autour de 5 pts et 1,5 ass. A noter que le concurrent direct de Mullins n’est autre que Richie Guerin…l’entraîneur-joueur des Hawks! Dans ce contexte forcément très particulier, le jeune Mullins ne peut pas exprimer son talent. Lui, qui à toujours été le leader de ses différentes équipes vit très mal cette situation.
Mais un homme va changer cela. Une légende de la nba va croire en Mullins. Bill Sharman, ex-joueur des Celtics. En effet, dés sa signature comme head coach des Warriors, il fait des pieds et des mains pour obtenir l’arrière Mullins. Son arrivée dans la baie d’Oackland se fera en deux temps. D’abord, St Louis l’inscrit dans la liste de joueur éligible à l‘expension draft 66’ lors de l’arrivée en NBA des Chicago Bulls. Sharman n’hésite pas à envoyer Guy Rodgers (meneur de jeu très respecté) contre le jeune arrière qui n’aura donc pas joué une seule minute avec les Bulls.

Crédits photo : NBAE
La carrière de Mullins peut enfin décoller à San Francisco. D’ailleurs, la destinée de Jeff était bien, depuis le début, chez les Warriors. Bill Sharman connaît le jeu de Mullins et va tout faire pour le mettre en confiance. Dès leur première rencontre Mullins nous raconte ce que Sharman lui a demandé:«Jeff, je veux que tu joues comme tu le faisait à la fac». Il va lui offrir 24 minutes de temps de jeu dans une équipe aux bases très solide pouvant déjà compter sur le meilleur scoreur de la ligue Rick Barry (35,4 pts par match) et le musculeux intérieur Nate Thurmond ( 18,7 pts 21,3 rebs). Pour sa première vraie saison, Mullins est dèjà la 4 ème option (12,9 pts) et le joueur le plus adroit de son équipe (45,8%).
Sharman, à n’en pas douter, sait faire jouer ses équipes. Au delà de son sens tactique aiguisé, il est le premier a imposer à son équipe le «décrassage» matinal après chaque match (repris depuis par l’ensemble du sport pro mondial). Dès sa première saison, il emmène ses Warriors en playoffs. Cette campagne 67′ sera de toute beauté! Les Warriors éliminent les Lakers (Elgin Baylor/Goodrich) 3 victoires à 0. Mullins, quant à lui, s’impose encore un peu plus dans la rotation (13,7 pts, 8,3 rebs, 2,3 ass). Mais, ironie du sort, Mullins va croiser la route de son ancienne équipe des Saint- louis Hawks.

Crédits photo : NBAE
Déterminé à prouver à ses anciens dirigeants et coéquipiers qu’il était un joueur de premier plan, il va élever son niveau de jeu. Et pas qu’un peu! Il va littéralement enfoncer son ex-coach et vieille gloire NBA Richie Guerin. Il va surtout monter en pression tout au long de la serie avec 13 pts, 7 ass lors du 1er match puis il se déchaîne avec 26 pts,7 rebs,5 ass dans le game 2.
20/8/6 dans le game 3, 40/9/4 dans le game 4 puis termine les Hawks avec 26 pts dans le game 6.
Après cette série, on ne doutera plus des capacités de Mullins. Cette saison là, les Warriors échouent en finale NBA face aux Philadelphia Sixers d’un certain Wilt Chamberlain. Rick Barry est sur une autre planète, juste injouable. Malgré la défaite, Barry tourne à une moyenne stratosphérique de 40,8 pts, 8,8 rebs et 3,3 ass. Mullins fait le travail correctement (14 pts,5 rebs, 4 ass) mais il est gêné par la défense pot de colle du génial Hal Greer.

Crédits photo : NBAE
La suite sera plus compliqué collectivement car Rick Barry s’exile en ABA. De fait, Mullins récupère les systèmes qu’exploitait Barry pour devenir un scoreur de premier ordre. Il tourne désormais à 18,9 pts, 5,7 rebs, 4,4 ass. De nouveau, il croise les Hawks en post season et les ecrase de sa classe ( 27 pts de moy.). Les Warriors s’inclineront face aux Lakers du duo Jerry West/ Baylor.
Mullins exprime enfin tout son talent de basketteur. Capable de shooter à longue distance mais aussi de pénétrer grâce à son 1er pas rapide et ses appuis en béton. L’adepte du pull up jumper est aussi capable de créer balle en main tout en étant toujours assez rusé pour grappiller des rebonds et envoyer des contre-attaques tonitruantes.
Ses meilleurs saisons statistiques, il les jouera entre 1968 et 1971. Le blanc bec aux oreilles décollées sera 3 fois All-star suite à sa prise de pouvoir et ses énormes stats ( 22,8, 22,1, 20,8 pts). Mais, orphelin de Rick Barry, les Warriors se font sortir régulièrement au premier tour des playoffs. Pas mal de choses changent alors chez les Warriors. D’une part, ils s’installent à Oackland pour devenir les Golden State Warriors et placent l’ex meneur de jeu Al Attles au coaching.
La relation entre Attles et Mullins va dépasser le cadre du basket. Les deux hommes se respectent, se comprennent et ont la même conception du basket et de la vie en général. Mullins racontent:
« Al Attles est le gentleman parfait, juste un gars formidable. Très ouvert aux idées et suggestions. Il traitait tout le monde de la même façon, avait le respect de tout le monde. Vous ne pouvez pas trouver un meilleur gentleman en NBA qu’Al Attles. En fait, c’était une joie de jouer pour et avec lui. »
Lors de la saison 72/73′, les Warriors reconstituent le duo Mullins/Barry,de retour en NBA après son escapade sur les terres ABA. Les premiers Splash brothers de l’histoire des warriors vont s’en donner à cœur joie (22,3 pts pour Barry et 17,8 pts pour Mullins). Ce duo extérieur est injouable car ce monstre a 2 têtes n’a pas de point faible offensivement parlant. Çà shoote de n’importe où et ça rentre. Il est quasiment impossible de les arrêter quand c’est pas l’un, c’est l’autre qui vous exécute. Pourtant, les Lakers auront le dernier mot et les élimineront 4v-1d en finale de conférence. Malgré une équipe très forte, les GSW n’y arrivent pas:«Un des problèmes auxquels nous étions confrontés était que nous étions toujours qualifiés pour participer aux séries finales mais que nous devions soit battre Milwaukee avec Kareem et Oscar, soit les Lakers avec Wilt, Jerry, Elgin Baylor…»

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La carrière de Mullins arrive à son crépuscule et c’est désormais sa science du basket qu’il apporte au collectif plus que ses grosses moyennes. Et, c’est finalement dans un rôle de 6ème homme qu’il va connaître la joie d’un titre NBA. Lors de cette saison 1974-75‘, Rick Barry est encore au sommet et va livrer une saison grandiose. Et c’est malgré le départ de Nate Turmond à Chicago que les warriors vont se hisser en finale NBA. Mullins étant celui qui prend le relais de Barry lorsqu’il faut mettre dedans et imprimer un rythme à son équipe. La finale sera gagné 4 à 0 mais chaque match aura été disputé jusqu’à la fin.
Mullins peut exulté de joie, lui l’incarnation profonde de ce club qui a sauvé sa carrière bien mal partie. Il a rendu aux warriors toute la confiance mis en lui. Il est l’un de ceux qui ont laissé des traces dans l’ADN même des warriors. Du jeu, du shoot, du combat, de la grinta.
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