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Dick Motta, le petit diable fougueux

Portrait

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

Et pourtant, rien ne le prédestinait aux parquets de basket ! Diplômé de l’agriculture, inflexible, Dick Motta chemine pourtant pendant 30 longues années en tant que coach NBA. De Washington à Dallas en passant par Chicago, Basket Retro se penche sur un parcours singulier. Portrait. 

Nous sommes le 13 janvier 1978. Les Washington Bullets, sous les ordres de Dick Motta étrillent le Portland de Bill Walton, Champion NBA sortant. Washington en est alors à un bilan de 24 victoires pour 15 défaites après avoir perdu 6 de leurs 10 premières rencontres. La presse est élogieuse devant la démonstration de force proposée ce soir là par DC. Pourtant, minés par les blessures, « les balles » ne se qualifient que de justesse pour les playoffs qu’ils débutent au complet en avril, au grand soulagement de Motta. Atlanta est d’abord balayé. Vient  ensuite le tour de San Antonio, défait 4 à 1 au second tour. Dans le match 5 de cette série, l’éclairage s’éteint dans la salle à 62-61 alors que les Spurs réalisent une remontée spectaculaire. L’arrière des Spurs, lui, Mike Gale, qui a oublié son maillot dans le Texas, joue avec une tenue à l’envers des Bullets… En Finale de Conférence, encore, Philadelphie ne fait pas le poids. Tant et si bien que Washington se qualifie pour la seconde fois de son histoire pour les NBA Finales ! Les première tentative en 1975 voit Golden State balayer Washington 4 à 0  ! Mais, en cette fin de saison NBA 1978, les éléments semblent s’aligner en faveur de Motta et des siens. La superbe série qui met aux prises DC à Seattle va jusqu’au match 7.

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Washington Bullets 1978. Source : NBA.com

 Motta qui souhaite contrer le duo d’intérieur des Sonics composé de Marvin Webster et de Jack Sigma lance à la surprise générale l’ailier Bob Dandridge à la mène. Le but est de grandir son 5 de départ pour mieux contrôler le rebond. Mais Motta va perdre son pari car Seattle prendra 53 rebonds contre 41 à sa formation. Ce qu’il n’avait pas prévu cependant, c’est que Dandridge serait le meilleur marqueur des siens avec 19 points et qu’il contraindrait le meneur Dennis Johnson,  à un cauchemardesque 0/14 aux tirs. Washington s’impose à Seatlle 101 à 94. Dick Motta est alors, à 48 ans, au sommet de son art.

LA FULGURANCE

Pour mieux comprendre qui est Dick Motta, il faut revenir à ses premiers pas. Dick est né le 3 septembre 1931 à Midvale, dans l’ Utah. Motta est un rural, ses parents sont fermiers et il va faire ses études dans le lycée agricole voisin : la Jordan School à Sandy, toujours dans l’Utah. Il y sort diplômé agricole. Nous sommes en 1953.

Je n’ai jamais su comment vivaient les autres jusqu’à ce que j’aille à l’université. Je n’ai jamais pensé à l’université. J’allais juste être agriculteur. Tous les Italiens sont des agriculteurs, c’est tout ce qu’il y a à faire. Rien d’autre ne m’est venu à l’esprit.

Motta va fréquenter ensuite donc Utah State Université. Très caractériel, parfois intolérant, il se brouille avec un de ses enseignants pour une histoire de plans de tomates et de poivrons ! Cet incident n’est pas anodin car il prouve combien Dick est rigide et s’il croit qu’il a raison, il ne plie jamais. Frustré par l’agriculture qu’il juge peu en adéquation avec ses compétences, Motta devient professeur de sport la journée et chauffeur de bus le soir. Au basket, en dépit de son caractère et de son excentricité, il s’y dévoile vite un très bon stratège. Il entraîne une équipe de fille pour ses débuts et vit chichement dans une pension de famille où il rencontre Janice Fraser qui est encore son épouse. Dick fait ensuite son service militaire puis prend en main l’équipe de Idaho High School Activities à Grace, en 1956. A l’époque, il choisit le basket plutôt que le football car le campus vient de voir naître une nouvelle salle. Parfois, il organise des séances extérieures, sous la neige. Motta introduit également des séances de lutte à certains entraînements. Et les succès s’accumulent ! C’ est ainsi que IDHA champion de l’Etat en 1959. Motta, lui, impose aux siens une discipline stricte et va poursuivre une progression invraisemblable.  Une fulgurance !

Les choses ne sont jamais assez bonnes pour Dick, dit son épouse de lui. Elles doivent toujours être meilleures. Il doit toujours y avoir autre chose. Vous savez, je pense que les ennuis aiment le suivre, mon petit diable fougueux.

On comprend mieux avec cette description pourquoi de nombreux journalistes le qualifie de : « personne la plus intrigante chez les coachs depuis Red Auerbach ».

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L’arbitre Mendy Rudolph. Crédit : AP

En effet, Dick oscille entre  » bouffoneries controversées » et franchise. De religion mormone, il n’hésite pas à faire des blagues sur les joueurs de couleur noire. Allégations racistes ? Difficile à dire, en tous cas, ces remarques lui vaudront plus tard l’inimité du très célèbre arbitre Mendy Rudolph. Ces deux-là se détesteront cordialement.

LES COMMANDEMENTS

Devenu localement connu et respecté, Motta devient en 1962 coach de la fac de Weber State, toujours dans l’Utah. Pendant six ans, il y remporte 3 fois le Championnat de la Big Sky (65, 66 et 68) avec un bilan de 156 victoires pour 43 défaites mais ne reçoit que peu de reconnaissance nationale malgré la présence dans cette conférence des facs d’Utah, Utah State ou Brigham Young. La chance de Motta va résider dans le fait que le General Manager des Bulls (Dirk Klein) est venu à Weber State pour « scouter » un joueur. A l’époque, il n’a vu qu’un ou deux matchs de NBA à la télé. Toutefois, il devient en 1968 coach des Bulls. Et Motta y restera jusqu’en 1976. Chicago est alors réputée rugueuse et défensive mais la franchise ne remporte, sous l’ère Motta, qu’un titre de Division malgré des saisons à plus de 50 victoires. En 1971, Motta est élu Coach Of The Year ce qui lui permet de renégocier son contrat. Il devient alors le coach le mieux payé de la Ligue. Ses succès sont cependant limités en playoffs avec une seule finale de conférence en 1975. Dick va démissionner en mai 1976, et ce après une saison catastrophique (24-58). Mais le mythe est né ! Entre sincérité, authenticité et provocation. A l’époque, voilà ce qu’il déclarait à  la presse locale :

Écoutez, il n’y a que trois raisons pour lesquelles je quitterai un entraînement: 1) si l’un de mes parents décède, 2) si ma femme est malade, ou 3) si mes enfants sont malades. Et j’entraîne mes joueurs comme les lycéens de Weber State. Même payés et gâtés, ils ont besoin de conseils

A Chicago, les soirs de défaites, il pleure parfois et rentre dans des colères folles. Pendant les rencontres, il harangue les foules lors des rencontres. Et, les gens vont l’adorer pour cela. Motta est un vrai personnage ! Avec ses joueurs, Motta a imposé une ligne directrice très strictes : Les commandements de Dick. Depuis, il les porte dans une pochettes, sur ses bras, et nos sur des tablettes de pierre comme Moïse. 

Les règles ? dit Motta, j’en ai une vingtaine. Elles portent principalement sur la ponctualité, la courtoisie et le bon sens. 

Au fil du temps, les commandements originaux de Dick ont été modifiés pour inclure des dispositions traitant du volume excessif des magnétophones dans les avions et de l’utilisation non autorisée de produits pharmaceutiques (dopant ?). images (1)

Motta est le premier coach à imposer deux heures par jour de séance d’entrainement…. Pour l’époque : c’est du jamais vu. Et pas de sifflet ! Autoritariste, sa présence suffit à ce que les joueurs s’entraînent sérieusement. Il faut exécuter ce que Motta dit, son leitmotiv est la discipline. Jerry Sloane qui jouera pour lui aux Bulls déclarera après coup :

Son système fonctionnait parce que nous faisons ce qu’il nous disait de faire, et si nous ne respections pas ses choix, il soulevait l’enfer.

UNIVERS IMPITOYABLE

Parti à Washington en 1976, il y restera jusqu’en 1980. Nous avons vu en introduction comment il était devenu Champion NBA en 1978 en remportant un match 7 à Seattle. L’année suivante Seatlle prendra sa revanche sur Motta et les siens. Le titre de 1978 reste le premier titre pour la ville de Washington depuis le sacre des Redskins en NFL en 1942 ! Depuis, la ville de DC reste fannie ! Aux Bullets, la relation entre Motta et plusieurs joueurs cadres est devenu vite délétère. Certains, et notamment la star Elvin Hayes, commencent à considérer les commandements de Dick comme un peu trop « militaires » pour du basket. Alors, l’histoire tourne vinaigre et, en mai 1980, Motta part de la capitale pour le Texas. Direction Dallas et son univers impitoyable de 1980 à 87. C’est ainsi que Motta va entraîner sa troisième franchise. Et, un peu comme pour Chicago, c’est une jeune franchise qu’il va mener vers de belles performances. Motta et les Mavs sont en progression tous les ans sous son ère. Dallas finit ainsi en 1981 avec 15 victoires puis 28, 38, 43, 44, 44 et 55 victoires en 1987.

150609144255-dick-motta-coaches-mavs-mark-aguirre-bench-1987-archive.home-t1La petite histoire raconte que Motta n’a jamais signé de contrat avec les Mavs. Juste un shake ! Le proprio Carter est aussi rigide que lui mais les deux s’entendent sur la manière à suivre pour mener Dallas vers le succès. Ils vont tout miser sur la draft et construire autour des joueurs choisis. En 1980, Motta drafte Kiki Vandeweghe qui refuse de jouer pour Dallas ! Denver se porte acquéreur de l’ancien d’UCLA contre deux premiers tours de draft (1981 et 1985) C’est ainsi que les Mavs choisissent Rolando Blackman et Mark Aguirre en 1981. Ce dernier correspond bien plus aux attaques très stéréotypés que demande Motta :

Avant la draft, j ‘ai rencontré Mark Aguirre pour discuter avec lui. Nous avons échangé 4 heures. Au départ, nous avons blagué mais au final je souhaitais savoir s’il serait capable de respecter les Commandements de Dick.

A la draft, en 1983, suivront Derek Harper et Dale Ellis puis Sam Perkins en 1984, Detlef Schrempf en 1985 et Roy Tarpley en 1986. Motta est aussi droit dans ses choix qu’une autoroute américaine ! Parfois, Motta humilie ses joueurs en plein match. Mais au final, il les fait progresser. D’ailleurs, personne n’a été traité aussi durement que Mark Aguirre.

J’ai dit des choses à Mark que je n’aurais jamais dit à mon chien. Et, j’ai un beau chien. Et, je l’ai beaucoup regretté !

Premier coach de l’histoire de Dallas avec un bilan supérieur à 50 victoires (55 en 1986/87), Motta ira à Sacto de 1989 à 1992. Il reviendra à Dallas pour accompagner les 3 J : Jason Kidd, Jimmy Jackson et Jamal Mashburn. Les statistiques personnelles de ces trois-là sont excellentes mais les résultats ne suivent pas. Alors Dick se retire. Et comme, notre homme ne fait jamais les choses à moitié, il part pour l’Idaho. La-bas, il se retire avec son épouse dans une cabane de pêche à Fish Haven, où il était déterminé à ne plus jamais réémerger pour qui que ce soit et pour quoi que ce soit. Avec son épouse, ils dirigent longtemps un bed and breakfast dans l’Idaho. Motta déclarera plus tard  n’avoir quasiment  jamais été pas capable de dormir plus de trois heures d’affilée. C’est un homme hors norme qui a par exemple arrêté de fumer en 1971, le soir où son équipe a battu les Bucks de Lew Alcindor avec 33 rebonds de son pivot Tom Boerwinkle. Un homme d’une franchise incroyable avec les journalistes :

Beaucoup de journalistes ont été trompés depuis si longtemps, moi je vous dit la vérité !

Et quand on lui demandait son avis sur un match de ses joueurs, il répondait qu’il avait été nul ou que c’était bien fait car il ne faisait rien à l’entrainement. Étonnant comme communication. Cela a beaucoup dérouté les fans et les directions des différentes franchises que Motta a côtoyé. Mais au final, il aura beaucoup influencé de grands coachs comme Jerry Sloan, Mitch Kupchak, Bob Weiss, Bernie Bickerstaff, Danny Ainge, Scott Brooks, Jason Kidd, Mark Jackson ou encore Rick Adelman.

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About Guillaume Paquereau (70 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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