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[Portrait] Andrei Kirilenko, nom de code AK-47

Portrait

Illustration Une : Adrien PMMP pour Basket Rétro

Que ce soit à Saint-Pétersbourg ou au CSKA Moscou, Andrei Kirilenko bat tous les records de précocité en Russie. Plus jeune joueur international à être drafté en NBA, il débarque dans une équipe du Jazz en fin de cycle. Sa polyvalence et son flair défensif font naître une nouvelle période faste chez les Mormons. Pour autant, Andrei n’oublie pas sa sélection lors des grands rendez-vous FIBA. Son palmarès Outre-Atlantique et Européen est aussi grand que son envergure. Portrait de AKA-47, un joueur atypique au surnom taillé sur-mesure.

UN TALENT PRECOCE

L’Avtomat Kalachnikova modèle 1947 est le fusil d’assaut le plus répandu sur le globe. Baptisé plus simplement AK-47, il est le fleuron de l’industrie militaire russe. Un succès dû à sa grande fiabilité aux tirs, sa polyvalence dans tous types d’environnements (désert, forêt, marécage) et sa précision dans la défense rapprochée. Trois qualités que l’on retrouve chez un autre spécimen d’AK-47, Andrei Kirilenko. Pas un hasard, si le joueur a pour surnom cette célèbre arme à feu. En plus de ses initiales similaires et de son numéro fétiche de maillot, Kirilenko est né à Ijevsk, au cœur de l’Oural, une ville considérée comme le berceau de la fabrication du AK-47. Mais, Andrei ne reste pas très longtemps dans cette province reculée de l’URSS. Il rejoint Saint-Pétersbourg, où sa mère basketteuse professionnelle poursuit sa carrière, d’abord au Petrel Leningrad puis au Spartak. Son père, lui, est entraîneur du club de foot d’Iskra. Avec de tels parents, difficile de ne pas s’essayer au sport. A sept ans, il a déjà pratiqué la natation et le ballon rond. Une précocité qu’il transpose ensuite au basket. Le jeune Andrei grille les étapes au fur et à mesure de son impressionnante croissance et enchaîne les sur-classements. Il devient champion de Russie dans la catégorie U14 et ne tarde pas à rejoindre les rangs de l’équipe senior du Spartak Saint-Pétersbourg.

Lors de la saison 1996-97, il fait partie du groupe pro… il n’a alors pas seize ans. Une sorte de stage d’observation où il entre pour la première fois en jeu le 18 janvier faisant de lui le plus jeune joueur de l’Histoire dans le championnat russe. Du temps de jeu, Kirilenko en aura, en revanche, lors des Championnats d’Europe Junior en 1997. La pieuvre russe étale sa polyvalence pour la première fois sur la scène européenne en tournant à 19.5 points, 10.2 rebonds et 3.9 interceptions. Des chiffres qui font de lui le MVP de la compétition. La trajectoire de AKA-47 est lancée ! Sa carrière décolle la saison suivante au Spartak. Cette fois, Andrei est une pièce essentielle de l’équipe. Il participe à 41 matches, où il récolte 11.9 points et 4.6 rebonds à tout juste 17 ans. Insuffisant toutefois pour faire mieux qu’une dixième place en championnat. Si Kirilenko veut se montrer, il va devoir exporter ses talents. Dès l’intersaison, il se fait draguer par le CSKA Moscou et son coach Stanislav Eremin. Depuis le démantèlement de l’URSS en 1991 et la création de la Superligue de Russie, l’ex club de l’Armée Rouge a raflé tous les titres de champion. En matière de recrutement, rien n’échappe à l’œil de Moscou. Kirilenko ne déroge pas à la règle et rejoint la capitale en 1998.

Andrei-Kirilenko-spartak

© Sport Express

Encore mineur pour le coup d’envoi de la saison, Andrei prouve qu’il peut rivaliser avec les plus grands. Bombardé titulaire, il envoie une salve à 25 points pour ses débuts sous ses nouvelles couleurs. Son profil hybride plait énormément à l’entraîneur Stanislav Eremin. Champion du monde et d’Europe avec l’URSS en tant que joueur, le coach s’est spécialisé dans le développement des talents en s’occupant d’abord des sections jeunes du CSKA. Il tente d’optimiser le physique atypique de AK-47. Trop frêle pour tenir le choc dans la raquette, son envergure et sa rapidité sont en revanche des armes dissuasives en défense sur les ailiers. Il devient le couteau suisse de l’équipe, l’homme de main d’Eremin qui l’envoie sur des missions de protection rapprochée. Ses stats ne sont encore clinquantes mais en disent long sur sa polyvalence : 12.4 points, 4.2 rebonds et 2.1 assists. Il fête d’ailleurs sa majorité avec sa première nomination pour le All Star Game russe. En plus de la victoire avec sa sélection de l’Ouest (138-107), il remporte le Slam Dunk Contest ! Cette même saison 1999, Andrei n’est pas au bout de ses surprises. Lors de la draft, il est retenu à la 24ème position par le Jazz d’Utah. A 18 ans et 132 jours, il devient le plus jeune joueur international à être recruté par la NBA et le premier russe à connaître l’honneur du First Round. L’ancien coach et analyste TV, Hubie Brown le décrit comme un talent encore brut, très athlétique, à l’aise dans le jeu en mouvement. A l’époque, les Mormons avaient une franchise WNBA baptisée Utah Starzz qui possédait de nombreux scouts sur le sol russe pour détecter les espoirs féminins. Ce sont eux qui ont déclenché la sirène d’alarme quand ils sont tombés par hasard sur AK-47. Ils se montrent suffisamment convaincants pour que le Jazz s’investisse dans le projet Kirilenko. L’équipe vit encore dans l’ère du duo John StocktonKarl Malone et n’est pas pressée pour exfiltrer le soviet weapon.

Le grand saut Outre-Atlantique attendra, car Andrei est désormais indispensable dans l’effectif du CSKA. Il renifle le jeu malgré son âge. Logique pour un jeune qui a quasiment appris la basket in utero, sa mère ayant continué de s’entraîner jusqu’à son septième mois de grossesse ! Il confirme ses progrès dès la saison 1999-2000 avec le trophée de meilleur joueur russe du championnat. Une incroyable précocité validée par deux titres successifs en championnat. A l’échelon international, le gamin commence sérieusement à se faire un nom. Eliminé en huitième de finale par le Cibona Zagreb, Andrei cumule 45 points et 19 rebonds sur les trois matches de cette série. Et il n’a pas encore 20 ans lorsqu’il est appelé en équipe nationale pour participer aux Jeux Olympiques de Sydney. Second scoreur (9.4 points), meilleur rebondeur (5.0 prises) et intercepteur (2.1 steals) de la sélection russe, il n’a pas froid aux yeux devant les grosses cylindrées FIBA. AK-47 balance une première ravale à 16 points et 9 rebonds dans une victoire contre l’Espagne avant de plier avec les honneurs face à Team USA en quart de finale avec 11 points et 4 rebonds.

Andrei-Kirilenko-CSKA1999

© Sportslive.ru

Après cette parenthèse internationale, le retour au CSKA est plus difficile. L’arrivée d’un nouvel entraîneur, Valeri Tikhonenko, provoque le départ de plusieurs cadres de l’équipe vers le PBC Oural Perm. Pièce angulaire du club moscovite, Kirilenko ne peut empêcher ses anciens coéquipiers de ravir le titre au CSKA. Pas grave, AK-47 a gardé ses munitions pour la SuproLeague. Sur la scène européenne, il multiplie les grosses performances comme son triple double de haute volée contre le Lietuvos Rytas : 13 points, 11 rebonds et 10 steals. Le premier triple double enregistré avec des interceptions ! Et si certains doutent encore de sa polyvalence, Kirilenko termine sa campagne dans le Top 10 de sept des huit catégories statistiques. Du haut de ses 20 ans, il porte Moscou jusqu’au Final Four, tombant les armes à la main contre le Maccabi Tel Aviv, futur vainqueur de l’épreuve. Avec un tel CV, Andrei est enfin prêt pour franchir l’Atlantique. Pourtant le scepticisme est grand au Kremlin. Jusqu’ici les seuls Russes à avoir tenté leurs chances en NBA ont fini en chair à canon : 10 petits matches pour Sergei Bazarevich avec les Hawks et zéro minute pour Nikita Morgunov malgré trois CDD avec les Trailblazers. Son ancien coach Stanislav Eremin est l’un des rares à croire au succès de Kirilenko aux USA :

Andrei a tout pour progresser encore pendant les cinq prochaines saisons et de ne pas atteindre son plafond. Au CSKA, l’équipe a tout de suite eu besoin de lui. Et lui avait besoin du rôle qu’on lui a accordé. Andrei n’évolue pas sur des modèles de jeu, mais sur l’intuition. Ses matches les plus excellents ont toujours eu lieu dans des situations difficiles. Par conséquent, j’ai soutenu Andrei dans son désir d’aller jouer en Amérique. Pour son futur développement, il a besoin d’un environnement et d’un système fondamentalement différent.

DE MOSCOU A SALT LAKE CITY

Son arrivée dans la Grande Ligue est largement facilitée par l’encadrement du Jazz. La vie à Salt Lake City est loin d’être débridée comme dans d’autres villes des Etats-Unis et son acclimatation n’en est que plus rapide. Lors de cette saison 2001-02, le Jazz mise beaucoup sur son rookie russe car l’équipe n’a qu’un autre débutant dans le roster, le pivot Jarron Collins, drafté en 53ème position. Karl Malone fête ses 38 printemps et Stockton ses 39, c’est dire si la transition se rapproche chez les Mormons. Pour ajouter un peu de piment à ses débuts, Kirilenko se voit contraint d’abandonner son traditionnel numéro 13 porté à Moscou. Arrivé quelques jours avant lui dans l’Utah, John Amaechi a choisi ce maillot. Déjà affublé du surnom de AK-47 par ses futurs coéquipiers lors de sa draft, Andrei n’a pas d’autres choix que d’endosser le numéro 47 ! Avec un tel pseudo, il est paré pour se lancer dans le grand bain. Le coach Jerry Sloan lui fait immédiatement confiance avec plus de 20 minutes de temps de jeu sur le premier mois de compétition. Au bout de seulement deux semaines, contre Orlando, il démontre son potentiel des deux côtés du parquet avec une feuille de stats criblée de part en part : 13 points, 8 rebonds, 4 blocks, 2 passes, 2 steals. Tandis qu’en face, Tracy McGrady agonise sous l’étreinte du russe avec un piteux 5/18 aux tirs ! Son activité débordante impressionne même le Mailman, tout surpris de voir surgir Andrei en deuxième lame défensive quand il est dépassé par son adversaire. Le style de jeu très intuitif de Kirilenko dénote dans le collectif du Jazz. Ses grandes embardées en attaque tranchent avec le ronron prévisible du pick’n’roll Stockton-Malone. Il n’y a pas que sur le terrain qu’Andrei est déroutant. En interview, le Russe ne pratique pas la langue de bois, comme cette déclaration restée en travers de la gorge des journalistes après son duel face aux Kings :

En tant qu’adversaire direct pendant le match, Chris Webber ne m’a pas semblé aussi grand que lorsque je le regardais à la télévision. Il faut certainement rendre grâce aux réalisateurs américains.

Andrei-Kirilenko-Karl-Malone-2001

© Getty Images

Preuve que s’il veut durer dans la Ligue, AK-47 a encore des choses à apprendre. La présence des vétérans du Jazz va dans ce sens. Alors qu’il aide un adversaire à se relever, Malone lui remet immédiatement les idées en place, en lui indiquant que la règle ici, est de ne jamais tendre la main à l’ennemi. Le message est reçu et à l’instar de son sosie, le boxeur Ivan Drago aperçu dans Rocky IV, Kirilenko terrorise les attaquants adverses grâce à sa lecture innée du jeu. En fin de saison, cela donne 1.4 steal et 1.9 block en moyenne ! Titularisé en janvier suite à la blessure de Donyell Marshall, AK-47 termine en trombe les derniers mois de compétition. Au final, il ajoute 10.7 points, 4.9 rebonds et 1.1 assist à ses stats défensives. Un arsenal ultra complet qui lui vaut une place dans la All-Rookie First Team qui a un fort accent du Vieux Continent avec la présence à ses côtés de Pau Gasol et Tony Parker. C’est d’ailleurs un autre européen qui lui vole la vedette pour sa découverte des playoffs. Porté par un Peja Stojakovic en feu, Sacramento ne fait qu’une bouchée du Jazz au premier tour. Le scénario se répète l’année suivante avec une élimination 4 à 1 toujours face aux Kings. Sur le plan personnel, Andrei perd sa place de titulaire à l’aile au profit de Matt Harpring signé pendant l’été. Jerry Sloan apprécie son énergie en sortie de banc, mais le Russe en veut plus. Le vrai tournant a lieu en 2003 avec la retraite de John Stockton et l’exode de Karl Malone parti distribué le courrier à Los Angeles. Le départ du Mailman laisse un grand vide sur le poste 4 que Kirilenko s’empresse de récupérer.

L’ARME FATALE DU JAZZ

A Salt Lake City, les fans s’attentent à une période sombre avec une reconstruction à amorcer. On ne tourne pas la page d’un duo de Hall Famers vieille de 18 ans d’un claquement de doigt. Le 5 majeur au début de la saison laisse craindre le pire : Carlos Arroyo, DeShawn Stevenson, Matt Harpring, AK-47 et Greg Ostertag. Sur le banc, c’est pire ! Utah ne compte pas moins de cinq rookies : Mo Williams, Raul Lopez, Curtis Borchardt, Sasha Pavlovic et Ben Handlogten. Avec un tel mélange de no names et de débutants, les bookmakers placent les Mormons tout en bas de la Conférence Ouest avec un plafond fixé à 20 victoires. Hormis Kirilenko et Harpring, aucun joueur n’a déjà dépassé les 10 points de moyenne sur une saison. A 22 ans, Andrei prend la direction de ce bataillon de sans-grades. Le manque de talents est compensé par une activité collective débordante. Première lame offensive et défensive, AK-47 est encensé par tous les spécialistes. Et ce n’est pas Jerry Sloan qui dira le contraire :

Je sais que beaucoup de gens ne l’appellent pas encore une star. S’il ne l’est pas encore en ce moment, il est sur le point d’être l’un des joueurs les plus brillants de la Ligue. Il est comme cette corde là-bas. Il a des bras et des jambes qui vont dans tous les sens et en plus il couvre vraiment beaucoup de terrain juste avec ses mains.

Andrei-Kirilenko-AllStarGame

© Getty Images

Le coach a vu juste. A la surprise générale, fort d’un bilan à l’équilibre avec le Jazz, Andrei est retenu pour le All Star Game 2004 à Los Angeles. Une apparition timide – 2 points et 1 rebond en 10 minutes – mais qui le booste avant le run final pour les playoffs. Déjouant tous les pronostics, Utah boucle l’exercice avec 42 victoires pour 40 défaites. Une feuille de route synonyme de quatrième place à l’Est, mais insuffisante à l’Ouest ! Les Mormons ratent la postseason à un match près et occupent même la dernière place de la très relevée Midwest Division. Kirilenko peut se consoler avec sa première sélection dans les All-Defensive Teams. AK-47 a tout simplement été au four et au moulin, leader du Jazz au scoring (16.5 points), aux rebonds (8.1 prises), aux interceptions (1.9 steal) et aux contres (2.8 blocks). Summum de la polyvalence, il enregistre deux Five by Five (au moins 5 unités dans 5 catégories statistiques) faisant de lui le seul joueur de l’Histoire avec Hakeem Olajuwon, à réaliser plusieurs fois cette performance au cours d’une même saison. Alors que l’on prédisait le pire à cette équipe, la reconstruction à Salt Lake s’écrit désormais en cyrillique. Pour preuve, mis à part Andrei, seul Carlos Arroyo possède un PER supérieur à la moyenne de la Ligue. Les quatre matches ratés par le Russe sur blessure se sont soldés par autant de blowouts. En moyenne, le Jazz surclassait son adversaire de 1.5 point sur 100 possessions lorsque AK-47 était sur le parquet et accusait un déficit de 11 points quand il était sur le banc ! La saison 2005 confirme cette tendance. A cause d’une entorse du genou droit puis d’une fracture au bras gauche, Kirilenko rate la moitié de l’exercice. Sur le plan individuel, il finit tout de même leader NBA aux blocks (3.3 contres en moyenne) et s’invite une nouvelle fois dans les All-Defensive Teams. Mais côté collectif, Utah termine avec 26 victoires au compteur, son pire bilan depuis 1982 ! Si les Mormons veulent retrouver le haut du panier, il va falloir lui trouver d’autres compagnons d’armes.

La draft apporte un premier élément de réponse avec le choix de Deron Williams à la troisième position. Arrivés respectivement de Cleveland et Detroit l’été précédent, Carlos Boozer et Mehmet Okur commencent également à se faire à leurs nouvelles couleurs. Leader de cette escouade, AK-47 signe un contrat à la hauteur de son talent : 86,3 millions sur 6 ans, un pactole qui fait de lui le sportif russe le mieux payé de l’Histoire. Il justifie la confiance de ses dirigeants sur le parquet en enregistrant deux nouveaux triple double, dont un monstrueux en mars avec 15 points, 14 rebonds… et 10 blocks. Ses statistiques à l’issue de la saison transpirent la polyvalence à tous les étages : 15.3 points, 8.0 rebonds, 4.3 assists, 3.2 contres et 1.5 interception. Le Jazz décroche un bilan équilibré mais rate encore d’un rien les playoffs. Une habitude qui commence à déplaire au propriétaire de la franchise, Larry Miller, qui exige des résultats. Jerry Sloan change alors son fusil d’épaule avec AKA-47. Il confie les clés de l’équipe au tandem Deron Williams-Carlos Boozer, pendant que Kirilenko joue les stoppeurs défensifs. Une formule qui porte tout de suite ses fruits. Longtemps gêné par les blessures, Booz est au top de sa forme avec plus de 20 points de moyenne et D-Will régale ses coéquipiers en flirtant avec les 10 caviars par match. Habitué à l’attention médiatique, Andrei est mis de côté. Un nouveau statut qu’il ne supporte pas. Il rentre en guerre avec son coach, exigeant plus de responsabilités. Le Russe boude avec un temps de jeu en berne et une production offensive quasiment divisée par deux. Dans une interview accordée à ESPN, il met la pression aux dirigeants en menaçant de quitter la Ligue tout en laissant son salaire sur la table :

Je veux juste expliquer ce que je ressens. Je suis dans une position où je pourrais sacrifier ma carrière en NBA. Je ne veux pas profiter de quelque chose que je ne mérite pas. Bien sûr que c’est bon d’avoir beaucoup d’argent, mais je suis prêt à gagner moins. L’importance de mon salaire ne signifie pas tout pour moi. L’essentiel c’est de jouer avec la passion. Quand j’ai signé mon contrat, l’avenir était complètement différent, je pensais que je jouerais, gagnerais et me réjouirais. Malheureusement, c’est fini tout cela maintenant, même pendant des victoires. Je voudrais être là où l’on a besoin de moi et je sens que mon pays a besoin de moi. Croyez-moi, je suis vraiment prêt à quitter la NBA !

Andrei-Kirilenko-Jerry-Sloan

© Daylife

A 65 ans, Jerry Sloan en a vu d’autres. Il laisse passer l’orage et ne bronche pas. Son plan fonctionne. Utah décroche 51 victoires et fonce droit sur la post-season. Au premier tour, les Rockets de Tracy McGrady et Yao Ming donnent du fil à retordre au Jazz qui se sort du guêpier dans un Game 7 couperet à l’extérieur. Au tour suivant, ce sont les surprenants Warriors, tombeurs des Mavericks leaders de la Conférence Ouest, qui se dressent sur le chemin. Les « We Believe » et leur style de jeu flamboyant jouent crânement leur chance à l’image de Baron Davis qui emplafonne Kirilenko pour le dunk des playoffs. Ce poster a le mérite de réveiller AK-47 ! De 5.3 points de moyenne contre Houston, le Russe envoie 16 points et 9.3 rebonds après le coup de semonce de Davis. A l’intérieur, la doublette Okur-Boozer termine le travail en 5 matches. Utah retrouve la Finale de Conférence, quatre ans seulement après le retrait de son duo iconique Malone-Stockton. Surclassés largement par le futur champion, San Antonio, les hommes de Sloan montrent tout de même qu’il faudra compter sur eux à l’Ouest. Quant à Kirilenko, il a l’occasion d’évacuer sa frustration accumulée pendant la saison lors de l’Eurobasket 2007.

L’EURO 2007 POUR SE RELANCER

A 26 ans, Andrei est en plein dans son prime et compte bien replacer la sélection russe sur l’échiquier européen. La Grèce, tenante du titre et l’Espagne, hôte de l’épreuve sont les grandissimes favoris. Mais, dès les matches de poule, AK-47 vide son barillet sur les Serbes (24 points, 12 rebonds) puis les Grecs (12 points, 17 rebonds). En quart de finale, ce sont les Français emmenés par Tony Parker qui subissent les foudres d’Andrei en défense avec 7 interceptions et 4 contres ! Sa plus grande performance, Kirilenko la sort en demi, face aux Lituaniens pourtant archi-favoris : 29 points à 10/14 aux tirs et 8 rebonds. La Russie drivée par le coach David Blatt retrouve la finale de la compétition après 14 ans de disette. AK-47 s’apprête à donner l’assaut final contre l’Espagne devant un public chauffé à blanc. Les 15.500 spectateurs du Palacio de Deportes de Madrid vont assister à l’un des plus gros upsets de l’Euro. Portés par Andrei, meilleur scoreur de la rencontre avec 17 points, les Russes maîtrisent de justesse les Espagnols (60-59) grâce à un dernier tir de JR Holden. En toute logique, AK-47 est le nouveau Tsar du Vieux Continent avec un titre de MVP de l’Eurobasket et une ligne de stats qui laisse rêveur : 18.0 points à 47,3% de réussite, 8.6 rebonds, 2.4 assists, 2.2 steals et 1.7 blocks !

Andrei-Kirilenko-MVP2007

© EuroLeague.net

Cette médaille d’or a le mérite de rassurer Andrei sur son véritable niveau de jeu. Son retour dans l’Utah pour le training camp cristallise les tensions. Entre temps, Jerry Sloan avait mis les points sur les i en déclarant qu’il n’avait pas besoin qu’un joueur l’aime, mais simplement qu’il joue pour lui. Il faut l’intervention du general manager, Kevin O’Connor, pour apaiser les deux fortes têtes. Un terrain d’entente est trouvé : Kirilenko retrouve un temps de jeu supérieur à 30 minutes, mais reste une troisième option en attaque. Pour le bienfait du groupe, AK-47 s’acquitte des missions défensives et se fond dans le collectif. Un bilan probant de 54 victoires valide les concessions accordées par le Russe. Les Rockets passent de nouveau à la trappe au premier tour, mais Kirilenko ne parvient pas à stopper Kobe Bryant en demi-finale de conférence. Le Black Mamba tourne à 33.2 points sur la série et devient la bête noire des Mormons. Les deux saisons suivantes se ressemblent. Le Jazz est solide en régulière mais butte sur les Californiens en playoffs : 4-1 en 2009 puis 4-0 en 2010. Malgré quelques ajustements dans le roster comme les arrivées de Kyle Korver ou Paul Millsap, rien n’y fait, Salt Lake ne retrouve pas les sommets.

L’exercice suivant en 2010-2011 reste même dans les Annales comme les plus grandes montagnes russes sur une saison. Al Jefferson remplace Carlos Boozer avec la même efficacité dans la raquette et le collectif du Jazz conserve ses fondamentaux pour un bilan solide de 27 victoires pour 13 défaites mi-janvier. En désaccord avec certains systèmes de Jerry Sloan, Deron Williams entre en conflit avec son coach après une défaite à Chicago. Le clash de trop pour l’entraîneur emblématique du Jazz qui démissionne le 10 février. Deux semaines plus tard, D-Will est évacué de l’équipe lui aussi, direction New Jersey. Kirilenko assiste impuissant au démantèlement du projet initial de reconstruction. En roue libre après le All Star Break, Utah accumule 17 défaites sur cette période et rate bien sûr le wagon des playoffs. Andrei maintient des stats correctes (11.7 points, 5.1 rebonds et 3.0 passes), mais laisse derrière lui une symphonie inachevée au Jazz. Arrivé au terme de son contrat XXL qui faisait de lui l’un des 10 joueurs les mieux payés en NBA, AK-47 s’apprête à tester le marché des agents libres pour la première fois de sa carrière.

2011-12, SA CAMPAGNE DE RUSSIE

Andrei-Kirilenko-CSKA2012

© EuroLeague.net

Le lock-out de 2011 perturbe les plans de Kirilenko. Comme beaucoup d’autres européens, il fait le choix de revenir sur le Vieux Continent en attendant le reprise des matches. Sa destination : le CSKA Moscou, où il signe un contrat de trois ans avec une clause lui permettant de retourner en NBA. A 30 ans, il retrouve une armada moscovite composée de Nenad Krstic, Milos Teodosic, Victor Khryapa, Ramunas Siskauskas ou encore l’ex choletais Sammy Mejia. L’entraîneur Jonas Kazlauskas était opposé au recrutement d’un NBAer avec le risque de le voir partir, une fois le lock-out terminé. Mais, il fait une exception pour Kirilenko, l’enfant du pays ! L’objectif est clair pour le coach : gagner l’Euroleague. Dès son premier match, AK-47 annonce la couleur face à Kaunas : 17 points, 15 rebonds et 5 passes. Leader du CSKA, Andrei retrouve ses sensations et quand la NBA annonce enfin sa reprise, son verdict est sans appel. Pas question d’abandonner ses coéquipiers sur la route, il reste à Moscou.

Après avoir remporté l’Euro 2007, j’ai aussi envie de gagner la principale compétition européenne en club. C’est vraiment la raison première pour laquelle je suis revenu ici. D’autres aspects m’ont ensuite conforté dans mon choix : l’ambiance du vestiaire, le bonheur de jouer devant la famille. Je suis arrivé très jeune en NBA et là-bas, j’ai progressé dans tous les domaines. Le jeu européen est différent, plus lent, plus tactique et moins orienté vers les individualités. Mais, je n’ai pas eu de mal à m’adapter car c’est le basket que l’on joue en sélection nationale et parce que j’ai toujours été tourné vers le collectif. Je prends du plaisir à jouer pour le club qui m’a fait grandir avec des joueurs que je côtoie depuis des années et avec qui je peux parler russe.

Dans un environnement aussi favorable, AK-47 dézingue la concurrence. Le CSKA avale les matches de poule avec une fiche de 15 victoires pour une défaite. Ni Bilbao en quart, ni le Panathinaïkos en demi ne font le poids. Opposé à l’autre géant grec en finale, l’Olympiakos, Moscou s’incline sur la dernière possession. Vassilis Spanoulis parvient à attirer Kirilenko sur son drive et décale Georgios Printezis qui score sur un floater. Andrei voit son rêve s’envoler, mais l’empreinte laissée sur la compétition est énorme : leader aux rebonds (7.5 prises), aux contres (1.9 blocks) et à l’évaluation (24,18), il s’octroie le trophée de MVP de la saison régulière et celui de Meilleur Défenseur.

UN DERNIER TOUR ET PUIS S’EN VA

A l’orée de la saison 2012-13, Andrei est face à un dilemme : continuer l’aventure avec le CSKA ou retourner en NBA où les Nets et son propriétaire russe Mikhaïl Prokhorov l’attendent. Finalement, il opte pour une autre solution plus lucrative. Fin juillet, il signe chez les Timberwolves un contrat de 20 millions sur 2 ans. Dans ses bagages, AK-47 emmène son porte-flingue du CSKA, Alexey Shved. Dans une équipe très jeune, Andrei est embauché pour jouer les grands frères et devenir le patron défensif. Mais, les blessures vont miner ce nouveau projet : 64 matches ratés par Kevin Love, 25 par Ricky Rubio, c’en est trop pour ces louveteaux. Kirilenko a beau se démener de son mieux – 12.4 points, 5.7 rebonds et 2.8 passes – Minnesota ne décroche que 31 victoires, le meilleur bilan depuis le départ de Kevin Garnett en 2007 tout de même.

Durant l’été, Andrei fait un ultime pied de nez à la NBA. Il décline sa player option de 10 millions pour s’engager avec Brooklyn via un contrat de 3,2 millions. L’ambition de son compatriote Prokhorov a emporté le morceau. Le proprio mégalo des Nets a construit un roster d’anciens All Stars pour aller chercher le titre. La papy team composée de Paul Pierce, Kevin Garnett, Joe Johnson ou encore Deron Williams ne fera pas mieux qu’une demi-finale de conférence contre le Heat. Abandonné en bout de banc, AK-47 tire des balles à blanc : 5.0 points en 19 minutes. Transféré finalement chez les Sixers au cours de la saison 2015, il est coupé en février. Il a alors juste le temps de signer au CSKA pour un baroud d’honneur et un dernier titre de VTB League avec les moscovites.

Andrei-Kirilenko-Nets-Timberwolves

© Getty Images

Retraité des parquets, Andrei s’investit avec sa compagne, la chanteuse Masha Lopatova, dans des œuvres caritatives au profit des enfants. Il a même reversé l’intégralité de ses gains avec le CSKA en 2011 pour sa Fondation Kirilenko For Children. Toutefois, son investissement dans le monde de la balle orange ne s’est pas arrêté. Dès août 2015, il est élu à la tête de la Fédération Russe de Basketball après avoir reçu 215 votes… sur les 215 bulletins validés ! Véritable icône du basket dans son pays, il a fait le ménage dans une organisation secouée par de nombreux problèmes internes qui avaient failli coûter la place de la Russie à l’EuroBasket 2015.

SES STATISTIQUES EN CARRIERE

Andrei Kirilenko

SON PALMARES

  • Champion de Russie (1999, 2000, 2012, 2015)
  • MVP du Championnat Russe (2000, 2012)
  • Médaille d’or à l’EuroBasket (2007)
  • Médaille de bronze à l’Eurobasket (2011)
  • Médaille de bronze olympique (2012)
  • MVP de l’EuroBasket (2007)
  • MVP de l’EuroLeague (2012)
  • Meilleur Joueur Européen (2007, 2012)
  • All Star NBA (2004)
  • NBA All-Defensive First Team (2006)
  • NBA All-Defensive Second Team (2004, 2005)
  • NBA All-Rookie First Team (2002)

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Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

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