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[Portrait] Svetislav Pesic, le Sorcier Serbe

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

Dans toute l’architecture du basket yougoslave, il n’est pas le plus reconnu à sa juste valeur. Pourtant, avec son palmarès aussi long que les bras de Jokić, ses titres européens et sa longévité, Svetislav Pešić, 76 ans au compteur, est une figure qui compte dans le basket européen. Pas le plus reconnu, mais un homme qui est présent dans les sphères de la balle orange depuis six décennies et qui cultive malgré tout une certaine discrétion. Pour ce natif de Novi Sad, ville située à un peu plus d’une heure de route de la capitale Belgrade, à une encablure du Danube, le basket est toute sa vie dès le plus jeune âge. Tant et si bien qu’il quitte en 1964 sa ville natale pour aller à Pirot, à quatre heures de Novi Sad, au sud-est du pays, pour intégrer le KK Pirot à 15 ans seulement afin d’y parfaire une formation de trois saisons en deuxième division yougoslave, la Druga Liga. Par la suite, le grand bond est effectué au Partizan Belgrade durant quatre saisons à partir de 1968 où, à 19 ans, des responsabilités lui sont confiées. 15 rencontres pour commencer lors de la saison 1968-1969 puis une bonne vingtaine les trois saisons suivantes pour des lignes statistiques allant de 5 à 8 points de moyenne. Pour autant, si le Partizan d’aujourd’hui est une institution, dans les années 70, il fallait aller dans les clubs situés hors de Belgrade pour briller. Pour Pešić, la saison 1971-1972 change son destin, puisqu’il débarque au KK Bosna Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine actuelle. Une équipe de Bosna qui végète en deuxième division et qu’il parvient à ramener avec ses coéquipiers au sein de la « Prva savezna košarkaška liga », la première division yougoslave. Entre 1972 et 1975, le KK Bosna réussit tout d’abord à se maintenir puis, à partir de 1975 et au fil des saisons suivantes, l’équipe progresse pour finir respectivement troisième, puis second et enfin champion de Yougoslavie lors de la saison 1977-1978. Une saison exceptionnelle puisque Bosna termine la saison régulière à la première place avec 23 victoires pour seulement trois défaites.

Avant de remporter dans un format de play-offs, la Coupe de Yougoslavie en éliminant respectivement Brest Olimpija, actuellement connu sous le nom Olimpija Ljubljana. Budućnost en quarts et l’Etoile Rouge de Belgrade en demi ne font pas le poids, ce qui permet au KK Bosna de glaner la Coupe face au Radnički Belgrade sur le score de 98-87 en finale. Le « roster » de cette équipe ? Il suffit d’y jeter un œil pour s’apercevoir que l’équipe a fière allure et représente bien le basket yougoslave de l’époque. Citons pêle-mêle Ratko Radovanović, pivot de son état et passé durant sa carrière par la France au… Stade Français. Plus connu pour son équipe de rugby éponyme, Radovanović a même été coéquipier durant trois saisons, entre 1983 et 1986, de Monsieur Hervé Dubuisson, « himself » ! Comptons également Sabit Hadžić, décédé en 2018, médaillé de bronze au JO de Los Angeles en 1984 avec Dražen Petrović, le Bosnien Sabahudin Bilalović (mort en 2003), machine à marquer notamment lors de l’Euro 1993 avec la Bosnie, puisqu’il termine meilleur marqueur de la compétition, avec une moyenne de 25 points en huit rencontres. Bosnien toujours avec le meneur Nihad Izić, bien connu en Turquie entre sa carrière de joueur, de coach en club ou en espoirs et en tant qu’assistant, notamment en 2010 lors de la Coupe du monde FIBA, du coach de l’époque, Bogdan Tanjević. Tanjević justement est l’entraîneur de cette petite armada dont la star est Mirza Delibašić, le génial arrière passé ensuite par le Real Madrid et Caserte en Italie. Vainqueurs de deux Eurobasket en 1975 et 1977, d’une Coupe du monde FIBA en 1978 et des JO de Moscou avec la Yougoslavie en 1980, Delibašić fait partie intégrante du panthéon du basket yougoslave au même titre que Petrović. Une légende vivante malgré son décès en 2001 à seulement 47 ans.

Pour Pešić, ce premier titre en carrière à 29 ans couplé à la Coupe de Yougoslavie préfigure déjà son passage dans son jardin préféré : la Coupe d’Europe. En effet, lors de la saison 1978-1979, Bosna participe à l’ancêtre de l’Euroleague, la « FIBA European Champions Cup ». A travers un format baroque qui regroupe six poules allant de A à F de quatre équipes (sauf la B qui n’en a que trois…), deux clubs… égyptiens y participent même. Sans compter les Luxembourgeois, Néerlandais, Portugais et Autrichiens qui figurent en bonne place. Dans cette Eurovision de la balle orange, le Bosna de Pešić se trouve dans le groupe E en compagnie du Zbrojovka Brno (Tchécoslovaquie), Partizani Tirana (Albanie) et des Chypriotes de AEL Limassol. En six rencontres, les Yougoslaves en remportent cinq et passent directement en demi-finale. Une demi-finale encore plus folklorique puisque les six premiers de chaque groupe se retrouvent dans un groupe avec les deux premiers qui disputent la finale. A ce petit jeu, les Italiens de Emerson Varese et Bosna tirent leur épingle du jeu avec un même un point-average négatif pour l’équipe de Sarajevo (-1). La finale a donc lieu à Grenoble et voit Bosna l’emporter sur le score de 96-93 face à Varese. Une équipe de Bosna qui n’a pourtant vue l’arrivée que de deux joueurs en début de saison avec Borislav Vučević dont le fils Nikola évolue en NBA depuis près de 15 ans. Ainsi que l’ailier monténégrin Žarko Varajić, décédé en 2019, qui finit meilleur marqueur de la finale avec la bagatelle de 45 points sur les 96 marqués par son équipe. En deux saisons donc, un titre de champion, une Coupe et une Coupe d’Europe, c’est plus que bien pour Pešić qui décide tout simplement de finir sur cette bonne note. A l’instar d’Aimé Jacquet qui part avec le gain de la Coupe du monde 1998 en poche, Pešić stoppe sa carrière de joueur sur cette victoire européenne. Nous sommes en 1979 et durant trois ans, l’arrière de formation prend ses distances avec le jeu.

Trois ans, c’est long mais à 33 ans, Svetislav Pešić décide de se relancer en retournant à ses premiers amours : Sarajevo et son club du KK Bosna. En 1982, le natif de Novi Sad reprend donc les rênes de son équipe favorite et retrouve quelques-uns de ses anciens coéquipiers : Predrag Benaček, Borislav Vučević, Ratko Radovanović, Sabit Hadžić ou encore Žarko Varajić. A ces cinq joueurs confirmés, il faut rajouter le futur médaillé d’or de l’Eurobasket 1989, Mario Primorac, pivot de son état et de l’ailier-fort de Zenica, en Bosnie, Emir Mutapčić qui deviendra coach notamment en Allemagne. Sur le papier, l’équipe est solide et expérimentée et Bosna peut voir venir. Seulement dans cette pépinière qu’est la Yougoslavie de Tito qui est mort deux ans auparavant, en 1980, il y a quelques loups qui chassent les brebis avec un appétit féroce. Le loup en question est un obsessionnel compulsif, adepte de la gagne et avec un caractère à faire passer le Sergent Hartmann de « Full Metal Jacket » pour un tendre agneau. Dražen Petrović évolue au sein de l’équipe croate de Šibenka Sibenik et chasse les trophées et les records avec avidité.

Dès lors, en 22 journées, Šibenka termine en tête avec une victoire de plus (16 contre 15) que le Partizan et Bosna. Tout se joue donc sur les play-offs où Šibenka figure en haut du tableau tandis que Bosna est en bas, ce qui leur évite de se retrouver avant une éventuelle finale. Petrović et sa bande se défont respectivement en trois rencontres de Jugoplastika et de l’Etoile Rouge pour arriver en finale quand Bosna fait de même avec le Zadar puis le Partizan. La finale tant attendue oppose comme prévu Šibenka à Bosna. Après deux rencontres, chaque équipe remporte une partie et la troisième manche voit finalement Šibenka glaner le titre sur le score de 83-82. Une défaite d’un point qui fait mal mais Svetislav Pešić pour sa première en tant que coach a de la chance. Beaucoup de chance puisque son équipe devient champion de Yougoslavie pour sa première saison comme coach principal. La raison est une soi-disant erreur d’arbitrage qui offre à Petrović deux lancers-francs mais qui n’est pas réglementaire puisque sifflé hors du temps réglementaire, justement. Pour couper la poire en deux, la Fédération yougoslave propose donc de rejouer la finale sur terrain neutre mais les Croates refusent et voient donc le titre leur échapper. Gagner dans ces conditions peut paraître étrange mais toujours est-il que le titre revient officiellement à Sarajevo.

La suite de la carrière de Pešić avec Bosna voit l’émergence des puissances croates du Cibona avec Dražen Petrović, du Jugoplastika Split de Toni Kukoč ou du Partizan de Sasha Djordjevic. Des écueils trop difficiles à surmonter pour les joueurs du Bosna qui tombent régulièrement en quarts de finale des play-offs. Seule bonne nouvelle, le gain de la Coupe de Yougoslavie obtenu en 1984 face aux Croates du KK Alkar. Face à des budgets plus importants et sur fond de nationalisme qui va bientôt mettre en place l’unité yougoslave tant vantée, le Bosna ne parvient plus à suivre la cadence. Dans ces conditions, après cinq saisons de lutte, Pešić décide de quitter la Yougoslavie pour prendre en main la destinée de la sélection allemande à partir de 1987. La sélection d’Allemagne de l’Ouest puisque le pays est séparé par le Mur de Berlin qui disparaîtra en novembre 1989. En attendant, si l’Allemagne fait actuellement partie des favoris pour l’Eurobasket 2025, disons-le clairement à l’époque où le coach yougoslave puis serbe en devient l’entraîneur, l’équipe n’a pas sa puissance de feu d’aujourd’hui. Entre 1987 et 1993, la sélection allemande ne participe à aucun championnat du monde et seulement deux Euros. La première en 1987, en Grèce, terminée à la sixième place avec l’Israélien Ralph Klein à sa tête, et 1993. Ainsi qu’une septième place glanée aux JO de Barcelone en 1992 avec Pešić à sa tête. Des Jeux Olympiques qui voient l’Allemagne tomber sur le groupe de la mort avec les États-Unis version « Dream Team », la Croatie de   Petrović, le Brésil et l’Espagne. Avant de se faire éliminer par un ersatz d’équipe représentant l’ex- Union soviétique en quart de finale. Décevant mais suffisant pour obtenir de l’expérience et monter une opération commando dont Pešić a le secret. L’objectif est l’Eurobasket 1993 qui se déroule en… Allemagne. Parmi les douze joueurs de 1992 présents à Barcelone, sept joueurs sont de la partie en 1993 : Henrik Rödl, Jens Kujawa, Michael Jackel, Gunther Behnke, Hansi Gnad, Stephan Baeck, Henning Harnisch. Exit les stars labellisées NBA, Uwe Blab et Detlef Schrempf et place à un duo de feu en la présence de Michael Koch meneur du Bayer Leverkusen et surtout le pivot Christian Welp, drafté par les 76ers en 1987 et passé par les Spurs et qui évolue lui aussi au Bayer. Un pivot 100% Bundesliga, qui se connaît bien et sur lequel s’appuie Pešić. Sur le papier, pas l’équipe la plus attrayante puisque les favoris sont les Russes avec Vasily Karasev, Sergei Babkov, Sergei Bazarevich, l’Espagne des frères de Badalone, Rafael et Tomás Jofresa ou encore la Grèce de Panagiotis Giannakis et Panagiotis Fasoulas. La Croatie, quant à elle, est favorite mais arrive dans des conditions particulières suite au décès de sa star Dražen Petrović dans un accident de voiture sur une autoroute allemande trois semaines à peine avant le début de la compétition.

Cependant, la chance est avec l’Allemagne puisque les coéquipiers de Koch sont dans un groupe abordable avec l’Estonie, la Slovénie et la Belgique. Dans ces conditions, les Allemands se qualifient en compagnie de l’Estonie et la Belgique et avec une victoire de plus pour le second tour où les trois pays retrouvent la France, la Turquie et la Croatie. Les Allemands perdent face à la France de Yann Bonato, Stéphane Risacher et Antoine Rigaudeau et la Croatie. La Turquie quant à elle est défaite et leur permet de terminer quatrième de cette poule croisée. Direction donc les quarts de finale où dans un monde logique, l’Espagne se déferait aisément de l’Allemagne. Mais, poussés par un public munichois incandescent et derrière un magistral Chris Welp (23 points), les Allemands éliminent les Espagnols après prolongations (79-77). En demi, rebelote face à la Grèce avec une victoire 76-73 et 15 points de Welp. La finale face à la Russie se déroule dans les mêmes conditions et voit l’Allemagne remporter l’Eurobasket 1993 chez elle d’un petit point (71-70), avec 18 points pour Welp. La Croatie complétant le tableau avec une seule défaite au compteur (face à la Russie en demi) tandis que Russes et Allemands finissent sur un 6-3. Le titre de MVP est logiquement décerné à Welp pour l’ensemble de son œuvre et celui-ci figure également dans le cinq du tournoi avec le Croate Dino Radja, le meneur russe à moustache Sergei Bazarevich, la légende de Badalone Jordi Villacampa et le massif ailier grec Fanis Christodoulou. Belle victoire et chapeau à Svetislav Pešić qui a réussi un coup magistral en offrant au pays d’outre-Rhin le premier trophée de son histoire au basket. Cependant, à peine les festivités terminées, le Serbe prend les devants et quitte la sélection allemande. Direction Berlin chez l’Alba à 44 ans et durant sept saisons, le coach goûte aux joies de la Bundesliga en réussissant progressivement à mettre fin à l’hégémonie du Bayer Leverkusen. Si le club de Rhénanie-du-Nord-Westphalie est connu au football pour avoir été abonné à la poisse dans les années 90 en glanant même le peu glorieux surnom de « Neverkusen », au basket, c’est tout l’inverse. En effet, le club allemand est champion d’Allemagne quatre fois depuis 1990 tout en étant premier de la saison régulière à chaque fois. Pešić réussit à mettre fin à cette hégémonie en 1997 en remportant par la suite quatre titres nationaux, jusqu’en 2000.

Mais son exploit le plus retentissant est la Coupe d’Europe de nouveau. Lors de la saison 1994-1995, malgré une phase de poule compliquée, l’Alba s’extirpe derrière Pau-Orthez et devant l’Estudiantes de son groupe et se qualifie en quarts de finale de la Coupe Koraç. Le Filodoro (aujourd’hui Fortitudo) Bologne puis les Espagnols de Cáceres en demi-finale passent à la trappe. En finale face au favori ultime, l’Alba Berlin affronte le Stefanel Milano et parvient en deux manches, 87–87 à l’aller et 79–85 au retour, à glaner la Coupe. Pas de chance pour les Italiens qui feront un « doublé » en 1996 face à Efes Pilsen et perdront de nouveau la finale de la Koraç. Les joueurs de l’Alba réussissent donc la gageure de l’emporter malgré un effectif peu étoffé mais avec un grand courage et de l’abnégation. Les têtes d’affiche des Berlinois sont le meneur chauve (et ex-coach de Monaco en 2024), Saša Obradović, le pivot bosno-slovène Teoman Alibegović, le regretté ailier-fort allemand Ademola Okulaja, décédé en 2022 et l’arrière Henrik Rödl. Pešić a pu également s’appuyer sur ses grognards Champions d’Europe en 1993 : Gunther Behnke, Stephan Baeck et le turco-allemand Teoman Öztürk. Dès lors, après avoir entraîné en Yougoslavie, au sein d’une sélection nationale puis en club, durant de nombreuses années, Pešić décide de se mettre en format court désormais. Pas plus de deux saisons dans un club voire même une petite saison, histoire de mettre en pratique ses formats commandos.

A 52 ans, le vieux sorcier serbe prend finalement les commandes de la sélection yougoslave lors de la saison 2001-2002. Plus exactement, la République fédérative socialiste de Yougoslavie qui émerge des décombres sanglants de la Yougoslavie. L’objectif est de réussir à mettre en place le puzzle afin d’arriver de manière compétitive pour l’Eurobasket 2001, en Turquie. Les hommes du coach serbe se trouvent dans le groupe C en compagnie de l’Estonie mais surtout de la Croatie et de… l’Allemagne. Dans une compétition qui réunit la crème de la crème, l’effectif yougoslave est son plus grand atout mais aussi sa plus grande faiblesse car onze joueurs sur douze sont des cadors reconnus à leurs postes. A leur tête, le génie Dejan Bodiroga du Panathinaïkos et quatre joueurs qui évolue au sein du club monténégrin de Budućnost : Saša Obradović, le shooteur Igor Rakočević, Dejan Milojević décédé en 2024 alors qu’il était dans l’encadrement des Golden State Warriors et Dejan Tomašević. Deux joueurs NBA sont également présents avec Peja Stojaković et le pivot Dragan Tarlać. Les deux compères d’Efes Pilsen qui évoluent à domicile, Predrag Drobnjak et Vlado Šćepanović, l’incandescent Milan Gurović et le meneur Marko Jarić. Du talent mais aussi une volonté de contenter tous ces titulaires en puissance. Mais les compères de Bodiroga font le job lors du premier tour et signe un trois à zéro sans coup férir. Stojaković soignent ses stats avec 21, 21 et 22 points face aux Estoniens, Croates et Allemands.

Une fois la qualification acquise et les play-offs validés pour les équipes concernées, place aux quarts de finale de la compétition qui voient les Yougoslaves affronter la Lettonie du duo Roberts Štelmahers (meneur) – Kaspars Kambala (pivot). Verdict sans appel avec une victoire 114-78 et 29 points pour Stojaković. Par la suite, l’Espagne est tenue à 65 points en demi contre 78 pour les hommes de Pešić dont 30 rien que pour Peja Stojaković. La finale oppose donc la Turquie, à Istanbul, à la Yougoslavie. Si les Turcs résistent bien lors du premier quart-temps avec un Kutluay en feu, Šćepanović (19 points) et sa bande en mission sont trop forts pour des Turcs dépassés et qui s’inclinent avec les honneurs : 78-69. Cet Euro est aussi qualificatif pour le Championnat du monde qui se déroulera aux Etats-Unis en août 2002 à Indianapolis.

Une année plus tard donc, les hommes de Pešić arrivent sûrs de leurs forces mais avec une équipe remaniée. Vlade Divac, Miloš Vujanić, Vladimir Radmanović, Dejan Koturović et Žarko Čabarkapa intègrent la rotation balkanique qui a paradoxalement plus de mal à se mettre en route. Malgré une défaite contre l’Espagne, ils se qualifient pour le second tour en compagnie des Espagnols et de l’Angola. Dans un groupe croisé avec Porto-Rico, la Turquie et le Brésil, les coéquipiers du capitaine Dejan Bodiroga s’inclinent contre Porto-Rico du génial meneur Carlos Arroyo. Mais sauvent leur tête face au Brésil puis la Turquie. Direction les quarts où du lourd se dressent face à eux avec les États-Unis de Paul Pierce, Jermaine O’Neal et Reggie Miller notamment. Mais la Yougoslavie a du répondant et est en mission avec une équipe dure au mal composée de besogneux tels que Gurović le multi-tatoué, d’un cerveau avec Bodiroga, du talent avec Jarić, de l’expérience avec Divac et du shoot à gogo avec Rakočević et Stojaković, capables d’arroser sans coup férir. Autant dire que la rencontre est plus que serrée et à ce petit jeu, ce sont les Européens qui l’emportent, 81-78 avec 20 points de Stojaković et 11 rebonds de Divac. Choc pour les USA qui se trouvent éliminés et « mention » spéciale pour Elton Brand qui vivra une nouvelle humiliation en 2006, au Japon, lors d’un autre championnat du monde face à la Grèce de Spanoulis.

En demi-finale, les Yougoslaves retrouvent la surprise de la compétition avec la Nouvelle-Zélande de Kirk Penney et Pero Cameron et l’emportent 89-78. La finale opposera donc la Yougoslavie à l’Argentine de Manu Ginóbili. Dans une finale disputée et avec prolongations, les Yougoslaves font la différence grâce à Bodiroga et ses 27 points quand en face, le pivot Fabricio Oberto de Tau Cerámica fait un joli double-double avec 28 points et 10 rebonds. Score final, 84-77 et un nouveau titre pour Svetislav Pešić qui va se spécialiser dans ces expéditions qui rapportent gros. Petite anecdote familiale, la famille Pešić est doublement titrée puisque Marko, fils de Svetislav, glane avec la sélection allemande le bronze. Après un petit intermède en club, de nouveau en Allemagne, au RheinEnergie Köln, le voici qui débarque pour la première fois de sa carrière de club au sein d’un géant européen. Le FC Barcelone, lors de la saison 2002-2003 mise donc sur Pešić dans une saison qui changera la carrière du Serbe et affirmera sa réputation d’hommes à trophées. A Barcelone, l’équipe est composée de quelques cadors européens avec en tête de pont le meneur Lituanien Šarūnas Jasikevičius, Dejan Bodiroga, Juan Carlos Navarro, les doubles tours de contrôles Patrick Femerling (2m15) et Roberto Dueñas (2m21) et l’Italien Gregor Fučka.

En Liga ACB, Barcelone termine en tête avec 27 victoires et seulement sept défaites devant Pamesa Valencia et Unicaja Malaga. Le Real Madrid termine, quant à lui, à une piètre dixième place. Place donc aux quarts de finale qui voient Barcelone disposé du CB Lucentum, trois manches à zéro. En demi, l’Estudiantes Madrid ne fait pas non plus le poids (3-1). La finale oppose Barcelone à son dauphin de saison régulière, le Pamesa Valencia et sa colonie argentine. Alejandro Montecchia, Federico Kammerichs et Fabricio Oberto sont les têtes d’affiches de Valencia mais, malheureusement pour eux, ils ne résistent pas à l’armada catalane. Résultat, victoire de Barcelone trois manches à zéro avec Jasikevičius qui termine MVP de la finale. Pour faire bonne mesure, les hommes de Pešić remportent également la Copa del Rey et, dans une entente cordiale, le titre de MVP est cette fois-ci décerné à Dejan Bodiroga. Beau doublé mais le meilleur est encore à venir puisque dans une saison durant laquelle la finale de l’Euroleague se déroule à Barcelone, Jasikevičius, Bodiroga et consorts ont l’idée de rafler le trophée à domicile. Pour cela, durant la saison régulière, Barcelone réussit à se hisser, en compagnie du Benetton Treviso dans le Top 16 avec onze victoires et seulement trois défaites. Au tour suivant, quatre groupes sont constitués et seul le premier de chaque poule se qualifie pour le Final Four. Dans le groupe G, Barcelone, avec un bilan de cinq victoires et une défaite, tire son épingle du jeu devant l’Olympiacos, l’Union Olimpija et l’ASVEL. Direction donc Palau Sant Jordi pour deux demi-finales relevées avec, d’un côté, les Italiens du Montepaschi Siena du regretté Alfonso Ford qui affronte le Benetton Treviso de Tyus Edney et, de l’autre, Barcelone aux prises face au CSKA Moscou de JR Holden et Victor Alexander.  Benetton remporte la partie 62-65 et Barcelone dispose du CSKA 76-71, avec 21 points et 9 rebonds de Gregor Fučka. La finale met aux prises les deux équipes qui s’étaient déjà affrontées lors du premier tour de la compétition. Mais, malgré Edney, Barcelone, avec un Bodiroga au four et au moulin (20 points, 8 rebonds et 2 passes) soulève enfin le trophée européen suprême pour la première fois de son histoire. C’est donc un beau triplé que Svetislav Pešić peut ajouter à sa collection qui commence à avoir de l’allure. Dès lors, la saison 2003-2004 semble également bien parti malgré le départ de Jasikevičius au Maccabi Tel-Aviv, le Lituanien y fera un triplé avec le « club-nation » en remportant l’Euroleague en 2004 et 2005, en plus de 2003 avec les Catalans. Barcelone enregistre l’arrivée du Brésilien Anderson Varejão et remporte une nouvelle fois la Liga ACB face à Estudiantes Madrid (3-2), la Copa del Rey revenant au Tau Cerámica Vitoria d’Andrés Nocioni, avant son départ pour les Bulls la saison suivante. Toutefois, pas de miracle en Euroleague malgré une belle première partie de saison puisque les Catalans se retrouvent éliminés lors de la seconde phase de groupe. A partir de là, pour Svetislav Pešić, une carrière de voyageur commence avec quelques trophées glanés par-ci par-là et une furieuse envie d’aller et revenir dans certains de ses anciens clubs au gré des missions.

Après Barcelone, Svetislav Pešić part en Italie au sein de la Virtus Roma pour deux saisons, entre 2004 et 2006. Deux fois sixièmes avec le club romain et jamais plus haut qu’une demi-finale, il y retrouve même durant une saison son élève Dejan Bodiroga qui termine sa carrière en 2007 à Rome. Après ces deux saisons, Pešić revient en Espagne, en prenant les commandes de Girona, en Catalogne. L’Akasvayu Girona termine 7ème de saison régulière et se fait éliminer en quarts de finale des play-offs par Tau Cerámica (3-1). Mais le coup de génie se passe en Eurocup, dans une compétition dominée de la tête et des épaules par les joueurs de Pešić. Girona fait un sans-faute (deux fois 6-0 à chaque étape de poules) en battant au passage nos représentants Gravelines et Dijon. En quarts, seuls les Grecs du Panionos mettent fin à l’invincibilité des Catalans mais se font éliminer quand même deux manches à une. Direction le Final Four qui se déroule à… Girone avec une confrontation face à Estudiantes. Un match sans souci particulier puisque les hommes de Pešić l’emportent aisément 89-52. Place donc à la finale qui les oppose aux Ukrainiens de Azovmash, connu aujourd’hui sous le nom de MBC Mariupol. Bilan, victoire de Girona sur le score de 79-72 et premier titre pour ce club qui disparaîtra moins de dix ans plus tard, en 2013. Un bilan exceptionnel et des joueurs qui le sont tout autant tels que le meneur US naturalisé slovène Ariel McDonald, MVP de la finale. Dalibor Bagarić, pivot croate drafté en 2000 par les Bulls, le Serbe et ex-Manceau Marko Kešelj, aujourd’hui politicien et vainqueur de l’Euroleague 2012 avec l’Olympiacos. Gregor Fučka, le meneur espagnol Víctor Sada, passé par Barcelone, l’ailier lituanien Dainius Šalenga, vainqueur de l’Eurobasket 2003, l’arrière US et homme-fort de Siena, Bootsy Thornton. Enfin, Fernando San Emeterio qui partira faire les beaux jours de Baskonia et l’inoxydable Darryl Middleton, 41 ans à l’époque. Un certain Marc Gasol, 22 ans, est aussi de la partie et tentera plus tard de sauver son club de cœur, en vain.

Un nouveau trophée mais Pešić quitte Girona et fait escale respectivement une saison à chaque fois au Dynamo Moscou, à l’Etoile Rouge de Belgrade puis, après un petit intermède, à Valencia lors de la saison 2010-2011. Avant de revenir à l’Etoile Rouge et repartir en Allemagne. Là-bas, durant quatre saisons au Bayern Munich, le Serbe entraîne une équipe qui évolue en Euroleague tout en glanant une nouvelle Bundesliga en 2014. Sa cinquième au total outre-Rhin avec l’ancien meneur de l’Élan Chalon Malcolm Delaney à la baguette. A la sortie de cette étape, où le coach serbe entraîne même son beau-fils, Jan Jagla, durant une saison en 2014–2015, à 69 ans, un retour au bercail se fait ressentir de nouveau. Direction la Catalogne où le vieux sorcier réussit à glaner deux Coupes d’Espagne en 2018 et 2019 face à l’ennemi juré, le Real Madrid. Thomas Heurtel et Adrien Moerman puis Heurtel et Kevin Séraphin sont dans les effectifs vainqueurs des Copa del Rey. 2018 voit également Barcelone échouer en quart de finale de l’Euroleague face à l’Anadolu Efes (3-2) puis être défait par le Real en finale de l’ACB. Arrive donc la fameuse saison 2019-2020 durant laquelle la menace du Covid-19 entraîne l’arrêt de toutes les manifestations et regroupements avec un confinement mondial au printemps 2020.

Dès lors, à l’instar de nombreuses personnes qui se sont posées des questions à cette époque sur le sens de leurs vies, Pešić, qui a désormais 71 ans, doit sans doute penser que tenir le rythme d’une équipe Euroleague devient un peu trop difficile. Après une année à recharger les batteries, il accepte de reprendre en main les destinées de la sélection serbe, en 2021. Un poste moins exposé au quotidien mais avec une première échéance, l’Eurobasket 2022 qui se tient dans quatre pays (République tchèque, Géorgie, Italie et Allemagne). Avec Nikola Jokić, Vasilije Micić et Marko Gudurić, entre autres, les Serbes arrivent en force.

Versés dans un groupe abordable avec notamment la Finlande, la Pologne et la Tchèques, les Serbes ne font pas de quartier et remportent leurs cinq premières rencontres. Cependant, l’Italie passe par là et se qualifie lors des 16èmes de finales (94-86). Grosse désillusion du côté de Belgrade dans une édition remportée par l’Espagne des frères Hernangómez face à la France (88-76). Mais pas le temps de tergiverser puisque 2023 arrive rapidement. Direction l’Asie pour la Coupe du monde FIBA, entre le Japon, l’Indonésie et les Philippines, les Serbes décident de rapatrier Nikola Jović, Filip Petrušev et le capitaine Bogdan Bogdanović, trois joueurs NBA, mais sont privés de Jokić. Mondialisation oblige, la Serbie se trouve dans le groupe B en compagnie de Porto-Rico, la Chine et la rugueuse formation du Soudan du Sud. Comme précédemment, la première phase se déroule sans accroc avec trois victoires dans la musette. Lors du second tour, la Serbie et Porto-Rico tombent dans un groupe avec l’Italie et la République Dominicaine et dès la première rencontre, les Italiens remportent la mise, 78-76 face aux Serbes. Ces derniers se reprennent et ne font qu’une bouchée des Dominicains avant un quart de finale face à la Lituanie. Derrière un Bogdanović de feu (21 points), les Serbes se qualifient pour la demi-finale (87-68) face au Canada. Face à une sélection menée par RJ Barrett et Shai Gilgeous-Alexander, la Serbie s’en remet une nouvelle fois à Bogdanović (23 points) pour passer l’écueil (95-86). Comme un symbole pour Pešić, l’Allemagne fait face à son équipe et dans une finale serrée, ce sont les Allemands qui remportent le trophée (83-77) derrière le duo Dennis Schröder (28 points) – Franz Wagner (19 points et 7 rebonds). En face, malgré l’apport d‘Aleksa Avramović, il a manqué de puissance et de jus pour damer le pion aux Allemands du coach Canadien Gordon Herbert. Va donc pour une médaille d’argent avant la compétition reine, à savoir les JO de Paris de 2024. Un menu copieux à souhait attend les Serbes dès le début, avec Porto-Rico, le Soudan du Sud et surtout les Etats-Unis Cette fois-ci, pas d’absent majeur puisque Nikola Jokić rejoint ses coéquipiers. La logique est respectée avec une défaite d’entrée de jeu face aux Américains de LeBron James et Kevin Durant, 110-84. En quarts de finale, les Serbes défient les Australiens et leurs joueurs NBA et après un combat de chiffonnier, prennent le dessus lors de la prolongation (95-90). Mention à Jokić qui est à une passe d’un triple-double (21 points, 14 rebonds et 9 passes). En demi, les USA de Steph Curry (36 points) s’extirpent du piège serbe, 95-91 pour aller en finale. Côté serbe, c’est une déception mais atténuée par une médaille de bronze glanée face à l’Allemagne (93-83) avec un beau triple-double du « Joker », 19 points, 12 rebonds et 11 passes. Et une petite revanche prise au passage face à leur bourreau de la Coupe du monde précédente. La Serbie est aussi, avec la France en finale, la seule équipe à avoir pousser les Américains dans leurs retranchements dans cette compétition.

Dès lors, Svetislav Pešić a goûté finalement à toutes les médailles possibles dans toutes les compétitions. Aux côtés de grands noms tels que Aleksandr Gomelski, Aleksandar Nikolić, Božidar Maljković, Dušan Ivković ou encore Željko Obradović, docteurs en titres européens, mondiaux et olympiques, il est l’une des dernières figures tutélaires du coaching européen. A 76 ans, « Kari », son surnom, a l’envie de faire partie d’une aventure et montrer sa science. Pour une dernière aventure?

Crédits photos : FIBA/Getty

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Fan de basket européen, d'Anadolu Efes, de Fenerbahçe du KK Partizan Belgrade et du CSKA Moscou, je voue un culte à l'immense Željko Obradović ainsi qu'à Petar Naumoski, grâce à qui j'ai appris à aimer la balle orange. Passionné également d'histoire, j'essaye de transmettre ma passion à travers Basket Retro.

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