Saski Baskonia-Vitoria et le basket, une histoire à toute épreuve
Espagne
L’Euroleague a repris ses droits dans des conditions sanitaires très strictes et une ambiance générale particulière. Toutefois, une chose ne changera jamais, la présence au plus niveau du Saski Baskonia de Vitoria-Gasteiz. Une ville qui respire pour le basket depuis de nombreuses années et dont l’équipe sera une nouvelle fois le poil à gratter de la plus grande compétition européenne de basket.

Luis Scola, Pablo Prigioni, Kaya Peker, Serkan Erdoğan et Igor Rakočević en grande discussion (Crédit photo : Euroleague)
HISTOIRE ATYPIQUE DANS LE PAYSAGE BASKET EUROPEEN
Le basket en Europe est devenu un business récurrent dans lequel les équipes se doivent d’obtenir des résultats au vu de leurs investissements conséquents. Si culturellement, certaines régions d’Europe respirent pour la balle orange à l’instar de la Lituanie, les grosses cylindrées ne sont jamais bien loin. Real Madrid, FC Barcelone, Anadolu Efes, Fenerbahçe, CSKA Moscou et même l’ASVEL, toutes ces équipes sont calibrées pour réussir et maximiser la rentabilité des joueurs au possible. Difficile donc pour les clubs les moins huppés ou du moins ne possédant pas la solidité d’un groupe important derrière soi. Toutefois, dans le Landernau du basket européen, il existe un petit village Basque qui lutte depuis maintenant une quinzaine d’années à armes égales face aux grosses écuries. Un club qui ne donne jamais sa part au chien et réussit, année après année à se hisser vers les cimes de la réussite. En effet, le « TD Systems Baskonia Vitoria-Gasteiz », plus communément connu sous le nom de Saski Baskonia réussit la gageure d’être une des équipes les plus rudes et solides d’Euroleague.

Le dernier logo du club Basque (Crédit photo : Wikipédia)
Une équipe atypique à travers son histoire, physique mais qui aura également connu des joueurs de valeurs et de talents capables de prendre le jeu à leur compte. Vainqueurs quatre fois de la Liga, le championnat espagnol, tenant du titre actuellement après le Final Four organisé en Espagne pour la reprise du championnat, arrêté en raison de l’épidémie du « Covid 19 » qui s’est répandue de par le monde, le club Basque est plus qu’un faire-valoir. Obtenant des résultats probants dans les Coupes d’Europe avec notamment dans sa besace une Coupe Saporta remportée lors de la saison 1995-1996 et des places d’honneurs obtenues lors des Final Four d’Euroleague. C’est donc plus qu’une simple équipe qui se présente saison après saison sur le devant de la scène. Mais ce qui rend ce club si atypique dans le paysage du basket est sa nomination et son changement régulier de noms à travers les saisons.
CERAMIQUE OU BANQUE, DES CHANGEMENTS DE NOMS REGULIERS
En règle générale, les clubs de basket en Europe, outre les clubs Allemands et le CSKA Moscou, se divisent en deux catégories. Les grosses écuries étant forcément plus reconnues et donc attractives, les sponsors se pressent pour accoler leur nom aux clubs. Citons l’exemple du Real Madrid qui eut pour partenaire maillot et nominatif, la marque « Teka » (entreprise d’électroménager), le FC Barcelone associé à une société d’assurance (« Regal ») ou, en France, l’ASVEL qui a un partenariat avec la marque informatique « LDLC ». Sans compter les clubs en mode « marque » tels que l’Anadolu Efes (marque de boissons mousseuses) ou Fenerbahçe Beko (marque d’électroménager, propriété du président du club, Ali Koç) et l’Olimpia Milano (Armani, du nom de son propriétaire, le couturier Giorgio Armani). Mais Vitoria est une sorte d’anomalie nominative dans le basket européen. En effet, depuis de nombreuses années, le club réussit l’exploit inégalé de se trouver de nouveaux noms et des partenariats de sponsoring, principalement dans le secteur bancaire. Bien aidé, il est vrai, par le propre président du club qui n’est autre qu’un ancien joueur du cru, José Antonio Querejeta, reconverti par la suite dans la finance.

Tau Ceramica au Final Four, une nouvelle fois (Crédit photo : TATYANA MAKEYEVA/AFP/Getty Images)
En ce sens, que ce soit « Taugres », dans les années 90 qui remportera la Saporta Cup lors de la saison 1995-1996 , « Tau Ceramica », qui, comme son nom l’indique, était sponsorisé par une entreprise de céramique, disputera une finale d’Euroleague en 2005, perdue face au Maccabi Tel-Aviv, « Caja Laboral », « Laboral Kutxa » (banques) ou aujourd’hui Saski Baskonia, le club basque change de mue mais pas de philosophie. Une capacité d’adaptation continue et réelle qui n’a jamais empêchée les différentes équipes constituées d’être au sommet de l’arène nationale et européenne. Dans un contexte économique moins favorable qu’à Madrid ou Barcelone, à des périodes plus glorieuses de l’économie espagnole, Vitoria maintiendra un lien étroit avec sa région d’origine en incluant des coopératives bancaires localement bien implantées. Une façon de mettre également en évidence le côté terroir à l’instar de ce que font les équipes de football de la région, l’Athletic Bilbao ou la Real Sociedad. Toutefois, le côté régional de l’étape ne doit pas faire oublier une chose, le talent et la reconnaissance du jeu pratiqué par l’équipe basque tout au long des saisons.
FORMAT « NATIONS UNIES », ACCOINTANCES HISTORIQUE AVEC L’ARGENTINE ET LA LITUANIE
Petit flash-back récent, tout d’abord. Vendredi 2 octobre, jour de reprise européenne, après une saison 2019-2020 qui aura vu le « Covid-19 » mettre à mal la plus prestigieuse compétition européenne. Baskonia recevait dans la Fernando Buesa Arena, en hommage à un député basque assassiné par l’ETA en 2000, le Real Madrid pour le compte de la première journée de l’Euroleague. A la clé ? Une victoire des Basques 76-63 face à une des meilleures équipes sous la houlette du meneur américain, Pierriá Henry, qui sera même élu homme du match par ailleurs. Face à des cadors tels que le géant cap-verdien Walter Tavares, les Argentins Facundo Campazzo et Nicolas Liprovittola, le Français Fabien Causeur, l’Espagnol Rudy Fernandez ou le Slovène, coéquipier et champion d’Europe 2017 avec le prodige des Dallas Mavericks, Luka Dončić. Que du lourd donc qui aurait pu faire peur à n’importe quelle équipe mais pas à Saski Baskonia. Habitués à jouer en Liga face à la crème de la crème, Vitoria peut s’enorgueillir d’avoir compté en son sein de véritables pépites et des joueurs au talent affirmé. Certains pays prenant le pas sur d’autres et qui permettra à Vitoria d’aller de l’avant. Un melting-pot culturel assemblé depuis une bonne quinzaine d’années et qui, allant de la province de Santa Fe, en Argentine, à Klapeida, en Lituanie en passant par Istanbul ou la colonie serbo-croate, est une des plus grandes réussites de ce club à travers son histoire.
Une capacité de rassembler des joueurs d’horizons divers en leur permettant une émulation incroyable. Qu’ils soient donc Lituaniens, Français, Brésiliens, Turcs, Serbes, Polonais ou Hongrois, c’est une véritable Tour de Babel que ne renierait aucunement l’Organisation des Nations Unies, à New-York. Parmi ces joueurs au palmarès ronflant et reconnu, citons tout d’abord les Argentins. Qui dit Argentine dit toucher soyeux, patte permettant de marquer en rupture à trois points et talent hors norme allant de l’Europe en NBA avec une facilité déconcertante. Tout le portrait du grandiose Manu Ginóbili mais ceux de Vitoria furent plus généralement durs au mal mais tout aussi diaboliques dans tous les sens du terme. Ils furent la pierre angulaire du club et permirent à leur équipe d’atteindre des finales de compétitions européennes. Les plus connus parmi ces « Gaucho » d’Europe étant l’ailier-fort Luis Scola qui, à 40 ans, joue encore en Italie, au Pallacanestro Varese et qui passera près de dix ans au club (1998-2007). Il remportera la Liga en 2002 et une palanquée de Coupes d’Espagne et atteindra au niveau Euroleague, deux finales en 2001 et 2005. Scola sera également la plaque tournante de l’équipe et jouera avec bon nombre de compatriotes parmi lesquels son compère, le centre Fabricio Oberto qui jouera plus tard aux Spurs de San Antonio.

Luis Scola face à au Croate Nikola Vujčić (Crédit photo Euroleague)
Citons également l’Italo-Argentin Marcelo Nicola, dont la carrière sera italienne et qui aura effectué deux passages au sein de Vitoria sous deux appellations différentes (Taugres et Tau Ceramica) et Walter Hermann qui se rappellera au bon souvenir de l’Équipe de France en 2006 lors du Mondial de basket au Japon. Des Argentins, coéquipiers de Luis Scola en sélection et qui sera complété par deux hommes taillés dans le roc et le vice. D’une part, le meneur Pablo Prigioni (qui deviendra brièvement coach de l’équipe en 2017), un joueur tonique et dur au mal qui terminera sa carrière à Vitoria en 2017. Et Andres Nocioni, un ailier-fort et une des plus grandes teignes du basket européen de par sa personnalité et son jeu fait de provocations, de coups en douce mais toujours au service de son équipe. Prigioni et Nocioni auront également une petite carrière en NBA (Knicks, Clippers pour Prigioni et Bulls, Sixers pour Nocioni notamment) mais reviendront au bercail du nord de l’Espagne.

Andres Nocioni (N°5), un Argentin au sang chaud (Crédit photo : Baskonistas.com)
Une autre contrée peut également être citée dans la longue liste de pays liée à Vitoria. Un pays amoureux fou du basket dont la superficie est inversement proportionnelle à sa passion de la balle orange, la Lituanie. Si Simas Jasaitis et Rimantas Kaukėnas ne laisseront pas un souvenir impérissable, ce sera différent avec Mindaugas Timinskas, Saulius Štombergas et surtout Arvydas Macijauskas qui participeront aux épopées européennes de Vitoria et seront des deux finales (2001-2005) en étant à chaque fois décisifs. Point d’orgue notamment pour Macijauskas qui, avec ses 23 points inscrits, sera déterminant en demi-finale d’Euroleague face au CSKA Moscou en 2005. En finale, le Tau Ceramica d’alors luttera jusqu’au quatrième quart-temps face au Maccabi et ne pliera qu’en fin de match. L’autre Arvydas du basket lituanien sera reconnu comme un attaquant flamboyant qui quittera le club lors de la saison 2005-2006, sur cette finale perdue et qui ne retrouvera plus jamais le niveau qui était le sien. Même en Grèce, à l’Olympiacos où de récurrentes blessures lui vaudront de mettre un terme sa carrière à seulement 28 ans.
« WHO’S WHO » DU GOTHA EUROPEEN
Cependant, Baskonia ne fut pas seulement dépendant de ces joueurs uniquement. Saison après saison, les Basques compteront des pointures qui iront soit dans des clubs plus huppés soit directement en NBA. Brésiliens tels que Tiago Splitter (pivot) qui passera une décennie (2000-2010) à Vitoria avant de partir à San Antonio chez les Spurs sous la houlette de Gregg Popovich avec Tony Parker, Tim Duncan et Manu Ginóbili et remportera un titre NBA en 2014. Marcelo Huertas, meneur tonique qui ira par la suite à Barcelone et jouera même aux Los Angeles Lakers. En passant par la colonie Serbe allant de Nemanja Bjelica qui ira à Fenerbahçe ensuite et qui évolue désormais avec les Kings de Sacramento à Vladimir Micov, ancien ailier du CSKA Moscou et Galatasaray. Mais le compatriote du génial meneur Aleksandar Djordjevic qui laissera le meilleur souvenir à Vitoria sera le frénétique shooter Igor Rakočević qui sera une des lames les plus aiguisées d’Euroleague avec son tir à trois points diabolique. Ajoutés à cela des Turcs (les meneurs Serkan Erdoğan et Ender Arslan et le pivot Kaya Peker), des Lettons (Dāvis Bertāns et Jānis Timma) pour faire bonne mesure. Sans compter les Croates avec notamment Velimir Perasović qui deviendra plus tard entraîneur au club, les deux Planinić, Zoran et Darko et l’ancien meneur des Levallois Metropolitains et d’Antibes, Roko Leni Ukić.
Au-delà des joueurs, il est également intéressant de noter, qu’outre Perasović, trois autres anciens joueurs auront des responsabilités dans leurs pays respectifs. Une histoire de pivots d’ailleurs puisque l’espagnol Jorge Garbajosa étant désormais président de la Fédération espagnole et le Serbe Dejan Tomašević sera le vice-président de la Fédération serbe. Sans compter sur ce bon vieux Igor Rakočević qui n’est autre que le vice-président de la Fédération de Basket Serbe actuel. Une autre des particularités du club étant également de trouver des profils de joueurs de pays où le basket n’est pas le plus reconnu. Qu’ils soient Hongrois avec Kornel David ou Adam Hanga, Irlandais avec Pat Burke, Polonais avec la doublette Maciej Lampe et David Logan (naturalisé Polonais) et surtout Géorgien avec Tornike Shengelia, ces joueurs apporteront leur écot au club. Le dernier cité ayant été l’âme de l’équipe durant six saisons (2014-2020) et dont les performances d’Euroleague régulières et solides le mèneront en Russie, au CSKA Moscou cette saison.
Chez les joueurs du cru, Baskonia a souvent été amené à se tourner vers l’étranger, les Espagnols les plus marquants seront une poignée. Outre Garbajosa qui sera de la génération dorée des « Ninos de Oro » de Pau Gasol et Juan Carlos Navarro remportant médailles sur médailles, il faut citer Carlos Cabezas, un meneur solide, lui aussi international avec « Garba » et compagnie, José Manuel Calderon qui aura une belle carrière en NBA (Toronto, Dallas, Knicks, Lakers, Atlanta Hawks et Cleveland), l’ailier Sergi Vidal. Mais le joueur qui sera le symbole du club sera l’ancien capitaine, Fernando San Emeterio, sept saisons (2008-2015) au compteur. International lui aussi, il sera « LE » joueur couleur local au milieu de tous les Lituaniens, Américains ou Serbes. Côté Français, les Tricolores ne seront pas en reste puisque le précurseur sera le gaucher international Laurent Foirest (1999-2003) qui y passera quatre saisons et y glanera un titre de champion d’Espagne en 2002 et une Coupe du Roi la même année. Il sera suivi par Jim Bilba (une saison) et plus tard, par le pivot Kevin Séraphin brièvement mais surtout Thomas Heurtel qui sera ensuite transféré à l’Anadolu Efes et qui, avec ses performances régulières à la mène évolue désormais avec Barcelone. Un bon tremplin permettant aux joueurs de se révéler pour ensuite aller exercer leur talent ailleurs. Une sorte de centre de formation en Euroleague permettant aux joueurs de se responsabiliser et d’obtenir les moyens de leurs ambitions, en somme.
JOE ARLAUCKAS, LAMAR ODOM ET SHANE LARKIN : LES USA BIEN REPRESENTES
Cependant, au-delà de ces joueurs, le basket ne perd pas de sa valeur pour les joueurs américains. Comme dans chaque cylindrée, les joueurs U.S. ont toujours été représentatifs et à ce titre, Baskonia peut, là encore, être reconnu dans sa maîtrise de joueurs à forts potentiels ou expérimentés. Tous les suiveurs du basket européen reconnaîtront indubitablement ces basketteurs emblématiques, vieux routiers de l’Euroleague, ancienne et nouvelle génération. De Joe Arlauckas, champion d’Europe en 1995 avec le pivot lituanien Arvydas Sabonis sous la houlette du maître Serbe, Željko Obradović, à l’ancien Limougeaud (1997-1999), Jerome Allen en passant par Mike James (CSKA, PANA), Lionel Chalmers (ancien du Benetton Treviso et de Chalons-Reims), Travis Hansen (Hawks, Real Madrid), Casey Jacobsen (Suns) Drew Nicholas (Pana, Benetton, Efes, CSKA), l’ancien Mavericks James Singleton ou encore Pat Durham (SLUC Nancy), ils sont légion à avoir porté la liquette de Vitoria pour partir ensuite ailleurs. Parmi ces joueurs, les plus représentatifs étant le gaucher (ailier) Pete Mickeal, triple champion d’Espagne (une fois avec Saski Baskonia et deux fois avec Barcelone). Sans compter sur Elmer Bennett, champion d’Espagne avec le club basque et qui participera à la finale de 2001 perdue face au Kinder Bologne. Ces dernières saisons, le meneur Shane Larkin sera le plus grand prospect qui irradiera de son talent l’Euroleague.

Lamar Odom fera une pige à Vitoria pendant quelques semaines (Crédit photo : Marca)
Celui qui ne passera qu’une saison à Vitoria (2016-2017) est désormais un joueur reconnu et talentueux, capable aussi bien de faire des passes décisives que de scorer à haute fréquence. Aujourd’hui à Istanbul au sein de l’Anadolu Efes du coach Ergin Ataman, Larkin s’éclate totalement et avant le confinement et l’arrêt de la compétition en 2019-2020, caracolait en tête de l’Euroleague avec son club turc. Disposant désormais d’un passeport turc, le numéro 0 d’Efes est désormais sélectionnable pour la Turquie du coach Ufuk Sarıca, autre ancien arrière d’Efes, période Naumoski. Une traction arrière capable de coup de folie comme en novembre 2019 où il marquera pas moins de 49 points face au Bayern Munich, ce qui lui permettra de battre le record de points marqués en Euroleague par un joueur. Des joueurs reconnus ou en devenir passant se bonifiant à chaque passage dans un club où la responsabilisation est érigée en obligation. Malgré tout, Vitoria tentera aussi d’avoir une période quelque peu « bling-bling ». Un ancien champion double champion avec les Los Angeles Lakers du regretté Kobe Bryant en NBA. L’ex-époux de la reine de la télé-réalité, Khloé Kardashian, fera une pige durant quelque mois, en 2014, sans résultats probants ni motivation commune. Une envie soudaine pour le club de se montrer sur le devant de la scène mais qui n’aura pas de lendemain.
VELIMIR PERASOVIC ET DUSKO IVANOVIC : PASSION COMMUNE POUR VITTORIA
Toutefois, pour pouvoir bâtir une équipe et être compétitif, il faut un chef d’orchestre sachant donner de la voix et faire avancer tout ce beau monde dans un même élan. Un homme à poigne déterminé comme un Colonel sur le champ de bataille et un leader de vestiaire sans aucune pitié ni remords. L’homme idoine répondant à ce doux portrait est bien connu en France, plus précisément à Limoges, porte une queue de cheval, a un palmarès long comme le bras et est autant apprécié que détesté dans le petit monde du basket européen. Son nom ? Duško Ivanović, l’entraîneur au triplé incroyable en 2000 avec le CSP Limoges, dont l’histoire est retracée dans l’excellent ouvrage « Bonnes Vacances » de François Chevalier et Jérémy Le Bescont. Fruit d’un paradoxe lui aussi puisque si l’homme est une idole à Vitoria pour les nombreux trophées et gains rapportés au club depuis ses trois passages en vingt ans, la réciproque est loin d’être le cas ailleurs.

Duško Ivanović, pas commode (Crédit photo : Eurohoops)
Depuis sa période suisse, au début de sa carrière d’entraîneur, trois ans à Barcelone et donc à Vitoria, difficile pour lui de faire dans la longévité ailleurs. Que ce soit à Khimki, en Russie, en Turquie à Beşiktaş où il résiliera même son contrat fin 2019 avec le club turc pour retourner à Vitoria, ou encore en Grèce, au Panathinaïkos, des saisons d’une année se conjuguent avec ses passages. Cependant, si l’homme divise en raison d’un caractère que l’on définira, pudiquement, comme difficile, c’est aussi un redoutable compétiteur et il trouve à Vitoria une capacité de se sublimer dans la difficulté. Capable de remporter le championnat espagnol avec le club Basque sous trois mandats différents (2002, 2010, 2020) et avec trois noms de clubs différents (Tau Ceramica, Caja Laboral, Saski Baskonia), son épanouissement trouve sa raison d’être dans les bons résultats du club. Le Monténégrin est aussi capable d’emmener les Basques en Finales et il réussira cet exploit deux fois en 2001 et 2005, en perdant malheureusement à chaque fois contre plus fort. Tout d’abord le Kinder Bologna de Manu Ginóbili en cinq manches (3-2) en 2001puis contre le Maccabi Tel-Aviv du Lituanien Šarūnas Jasikevičius, nouvel entraîneur de Barcelone. Quoiqu’il en soit, Duško Ivanović réussit à chaque passage à tirer le maximum d’un effectif qui loin d’être aussi pléthorique que ses concurrents. S’appuyant sur un groupe compact, sans véritable star mais très difficile à manœuvrer. Pour Ivanović, un bain de jouvence et une façon de revenir aux sources en étant performant. Cette accointance pour les techniciens des Balkans permet également de mettre en exergue l’arrivée sur le banc de l’ancien coach, champion d’Europe avec le CSP Limoges en 1993 qui aura une présence fugace sur le banc de Vitoria. Mais également avec les Croates Neven Spahija, l’ancien pivot de Fenerbahçe ou des Pacers, Žan Tabak, et surtout Velimir Perasović. Ce dernier, entre deux passages à Efes, en Turquie, se posera trois fois sur le banc des Basques. Sous sa houlette, trois Final Four (2006-2007 et 2016) avec une troisième place obtenue en 2006 face à Barcelone avec Scola et Prigioni en têtes de pont. Finalement, cette alliance croato-monténégrine aura permis à Saski Baskonia d’obtenir ses meilleurs résultats aussi bien sur le plan national qu’en Euroleague. Pour Perasović, une certaine manière de perpétuer une tradition européenne commencée dès 1993 avec l’obtention de la Saporta Cup en 1996.

Le coach espagnol Manel Comas (à gauche) et Velimir Perasović qui sera un futur entraîneur du club basket (Crédit photo : Baskonistas.com)
1996-2001-2005 . DES FINALES AU GOUT SUCREES-SALEES
Quelque soit le nom de l’équipe, Vitoria aura connu la véritable ivresse du pouvoir continental trois fois dans son histoire. Une victoire pour deux défaites mais avec la garantie de voir son nom au plus haut sommet du basket européen. Lors de la saison 1995-1996, ce sera d’abord la victoire en Coupe Saporta sous l’appellation de « Taugres Vitoria » et la houlette de Manel Comas, aujourd’hui décédé, face aux Grecs du PAOK d’un certain Peja Stojaković, futur tireur à longue distance des Kings de Sacramento. Dans une ambiance bouillante et à domicile, avec un effectif composé du pivot américain, Kenny Green, un ancien d’Efes Pilsen, du Croate Velimir Perasović, du jeune Carlos Cabezas et de Jorge Garbajosa, les Basques remporteront le trophée, 88 à 81 face aux coéquipiers du pivot grec Efthýmios Rentziás qui partira à Barcelone et Ülkerspor, en Turquie. Dans les rangs grecs, à noter également la présence, en tant qu’adjoint, d’un certain Dimitris Itoudis, ancien adjoint de Željko Obradović au « Pana » et actuel coach du CSKA Moscou. Sortis d’un groupe composé notamment du CSP Limoges et Partizan Belgrade, Taugres terminera premier de sa poule. Une finale maitrisée pour une équipe qui aura attendu trois finales avant de réussir à enfin remporter ce trophée. Derrière les 31 points et 14 rebonds du pivot portoricain Ramon Rivas (ancien des Celtics en 1988-1989), Perasović apportera 17 points et 19 pour Marcelo Nicola. Défaits lors de la saison 93-94 par l’Olimpija Ljubljana (91-81) et la suivante (94-95) par le Benetton Treviso d’un certain Petar Naumoski, la troisième finale sera la bonne. Cette Coupe d’Europe constituant à ce jour le seul trophée sur la scène européenne, tous noms confondus, des Basques.
Par la suite, il faudra attendre cinq ans avant de revoir, mais cette fois, en Euroleague, Vitoria au sommet de son art en Coupe d’Europe. Dans une finale en cinq sets dignes des meilleures parties de Roland-Garros, le club basque s’inclinera par trois défaites à deux face au Kinder Virtus Bologne. Une équipe italienne qui aura eu toutes les difficultés du monde face à la ténacité espagnole malgré son armada d’internationaux d’alors : « El Manu » Ginóbili, les Internationaux Italiens Alessandro Frosini, Alessandro Abbio et Davide Bonora, ces deux derniers ayant été de l’équipe italienne qui remporta le Championnat d’Europe, en France, de 1999. Comptant également l’Australien David Anderson, grand familier de tous les championnats européens (Barcelone, Fenerbahçe, ASVEL, Strasbourg, CSKA Moscou), notre Antoine Rigaudeau national, le Slovène Matjaz Smodis, le Serbe Marko Jarić et l’Américain Rashard Griffith, ancien pivot de Tofaş Bursa, en Turquie. Face à cette puissance de frappe, Luis Scola, Laurent Foirest, Fabricio Oberto, ainsi que les Lituaniens Saulius Štombergas et Mindaugas Timinskas et les deux américains, le meneur Elmer Bennett et le puissant pivot Victor Alexander donneront de leur personne pour rater de peu le coche final. Bologne prenant le dessus dans le troisième quart temps de la cinquième rencontre pour l’emporter 82 à 74 malgré les 24 points d’Elmett et les 15 pions d’Oberto. Les hommes de Duško Ivanović n’auront donc pas à rougir de cette défaite face à une équipe italienne jamais aussi forte qu’entre 2000 et 2002.
Rebelote quatre ans plus tard face à un autre ogre cette fois, le « club-nation » multi titré Israélien, le Maccabi Tel-Aviv. Le Tau Ceramica d’alors et Ivanović joueront sur un match mais s’inclineront une nouvelle fois 90-78. Face à un quatuor de folie, décidément, composée du génial meneur lituanien Šarūnas Jasikevičius, du Croate, le pivot Nikola Vujčić et des Américains Maceo Baston et Anthony Parker, frère de Candace Parker, une des joueuses références du basket U.S., le club israélien remportera le trophée sans coup férir. En face, une nouvelle fois, il y aura Luis Scola, Prigioni, Kornel David, Calderon et Macijauskas qui ne feront pas le poids sur la durée. Cependant, au-delà de ces défaites, au mitan des années 2000, Vitoria s’invitera régulièrement au festin royal de l’Euroleague en participant à sept autres « Final Four ». Jamais simple à jouer, les Basques seront encore une fois proches d’atteindre le Graal mais chuteront face à des mastodontes tels que Fenerbahçe (2016) ou le Panathinaïkos (2006) d’Obradović à chaque fois qui remporteront d’ailleurs l’Euroleague.
NOUVEAU NOM MAIS TOUJOURS AU TOP EN 2020-2021 ?
Depuis lors, Saski Baskonia est une nouvelle fois taillée dans le roc pour lutter à armes égales face aux mastodontes d’Euroleague. Avec une belle victoire face au Real Madrid pour la première journée de la compétition, les Basques ont prouvé qu’il faudra compter sur eux. Gageons que les Tonye Jekiri, Youssoupha Fall et autres Pierriá Henry trouveront le moyen de se qualifier et vendront chèrement leur peau pour le Final Four en mai 2021. Si d’aventure, la situation sanitaire le permet également, avec l’apport de leur bouillant public, il sera très difficile pour les gros d’Euroleague de manœuvrer cette équipe. Mais, rien ne semble jamais impossible pour les « Basques Bondissants » et c’est pour cela qu’on aime les regarder. Plus qu’un club, Saski Baskonia représente quelque part une certaine idée romantique du basket en promouvant la complémentarité entre joueurs plutôt que le clinquant. Capable de donner du fil à retordre à n’importe quel adversaire. Il faudra donc compter sur eux pour, sans bruit mais avec beaucoup de détermination, être de nouveau la bête noire de bon nombre de clubs et tenter de rééditer, pourquoi pas, un nouveau Final-Four. Dans une saison qui sera encombrée par la situation sanitaire critique que le monde traverse, Baskonia devra être pris au sérieux par ses concurrents et gageons que dans l’effectif, une certaine connexion pourra se faire entre joueurs U.S. (Alec Peters ex d’Efes), Lituaniens (l’arrière Rokas Giedraitis et l’ailier Tadas Sedekerskis) et Argentin (le meneur Luca Vildoza). Pour faire (re)vivre l’histoire du basket basque au plus haut niveau. Saski Baskonia, Caja Laboral ou Tau Ceramica, peu importe, tous ces changements perpétuent finalement une Histoire, avec un grand H. La saison 2020-2021 commence donc sous de bons auspices pour le club. Une entité connaissant parfaitement son passé et qui évolue vers son avenir avec force et honneur pour le plus grand bonheur de ses fans. Duško Ivanović, et ses hommes seront, une nouvelle fois, à surveiller comme le lait sur le feu sacré du basket sauce basque. Les adversaires sont prévenus, l’histoire aime à se répéter donc attention à l’indigestion !!
Votre commentaire