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[Portrait] Isaac Austin, un intérieur de poids

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

Isaac Edward Austin naît le 18 Août 1968 à Gridley, une petite ville de Californie au Nord de Sacramento.  Il est le cadet d’une famille de 7 enfants composée de 5 filles et de 2 garçons. Entourée d’une mère et d’un père aimants, la petite famille vit modestement mais dignement dans la Californie des années 80. Son grand frère, Alex, est la star de la famille. Un arrière/ailier scoreur d’un mètre 98 qui fera carrière en Europe (et en France à Bourg-en-Bresse et Antibes entre 1998 et 2000).

Isaac commence par le football au lycée, puis le basket. Facile, c’est le même entraineur. Il est au lycée local de Gridley. Le coach de l’époque est un certain Dave Severns, qui deviendra directeur du développement des joueurs chez les Clippers durant les années 2010. Dave détecte en Isaac un potentiel à travers son touché de balle. Il possède de vraies mains, un sens du jeu intéressant et sait scorer. Mais il note qu’il est trop lourd pour exploiter pleinement son potentiel, ce qui le rend foncièrement lent et l’oblige à jouer systématiquement au sol.

Ike n’a pas été recruté par une fac, il se dirigea vers une équipe de Junior College après une dernière année de High School à Orvoville chez les Las Plumas.  Il faut dire qu’à cette époque, Austin ne dunke toujours pas ! Direction Reedley College. Il y passera 2 ans. Ces 2 années ne seront pas vaines. Il y travaille son jeu. Isaac est une éponge, un joueur à l’écoute, qui peaufine ses gammes et s’améliore continuellement. C’est aussi à cette période qu’il prend conscience de la nécessité de faire attention à son poids. Son coach, Keith Hugues, est attaché à la condition physique. Il a de l’ambition pour cette équipe, et recrute des joueurs talentueux. Il lui dira ses mots : ‘’Tu as tout, il te faut la condition maintenant’’. Son frère lui, continue sa progression à Arizona State. 

L’été, Isaac rejoint ce grand frère, joueur de l’université d’Arizona State, pour bosser son jeu. Des coéquipiers sont présents. Et quelques Suns de Phoenix, tradition oblige. C’est lors de ces picks up games, au contact de NBAers comme Kevin Johnson ou Mark West qu’Ike se sent être capable. Être capable de se confronter à ces gars régulièrement. De les regarder dans les yeux.

Une personne y voit un réel intérêt. Bill Frieder. La légende de Michigan vient de débarquer dans le modeste programme de la PAC 10 après son départ avec pertes et fracas. 9 ans en tant que head coach des Wolverines.

Frieder, qui a coaché un certain nombre de grands joueurs, sent le potentiel d’Ike rapidement et l’intègre à son programme. Etant en 3ème année après son junior collège, Frieder s’appuie sur Isaac et Alex, qui entame sa 4ème année après une saison vierge. Ce duo se lance à l’assaut de la saison sous les ordres de leur nouveau coach. La petite fac se débat au milieu des programmes de cette conférence solide. Alex Austin s’occupe du scoring, avec 18.1 poins, bien secondé par son frère qui compilera 13.7 points et 6.2 rbds en 27 minutes, pour 31 matchs disputés.

Le bilan final ne permet pas de viser la March Madness. Ils disputent toutefois le C Tournament. Et battent d’ailleurs Oregon State, équipe de Gary Payton avant de s’incliner contre UCLA d’un petit point (74 à 75). Les bases sont là.

La seconde saison s’annonce encore meilleure. Frieder a pu effectuer son recrutement, ce qui reste sa marque de fabrique. Alex Austin s’en est allé. L’affluence d’Arizona State a triplé. Ike est la base de cette année, dernière saison universitaire pour lui. Elle se termine avec un bilan de 20-10, dont un excellent 10-8 dans la PAC 10 et une troisième place. Le tournoi final est atteint. Ike a été la pierre angulaire du système. Statistiques pour cette saison : 16.3 points, 8. Rebonds en 30 minutes. Il sera élu dans la all Team de la conférence. L’équipe passe le premier tour en battant les new-yorkais de Rutgers. Austin passe 25 points. L’étape d’après est Arkansas, emmenée par Oliver Miller et Todd Day. Arizona s’inclinera ici, et Austin termine sa carrière universitaire sur un match à 13 points et 10 rebonds contre Big O.

Ce parcours, cette saison, ces années, lui ont donné envie d’y croire.

Il reçoit une invitation pour le Portsmouth Invitational Tournament, tournoi organisé par la NBA pour les joueurs de Senior College. Il reçut un appel de Marty Blake, la légende du scouting NBA à cette époque. Isaac se rend à Chicago pour cette session pré-draft. Il effectue un excellent workout individuel avec les Hornets. Une bonne journée, de bonnes sensations, et les shoots s’enchaînent. Austin effectue aussi des workouts pour les Lakers ainsi que pour les Jazz.

Le jour de la draft, Les Hornets jetteront leur dévolue sur Kevin Lynch. Austin lui, atterrira chez les Jazz de Jerry Sloan avec le 48ème choix. A cette époque, ils trustent le top 5 de la conférence Ouest, avec le duo Malone / Stockton comme leaders. Leur pivot défensif, contreur invétéré Mark Eaton, prend de l’âge et le Jazz tente de lui trouver un successeur. Il intègre l’effectif 1991-1992 du Jazz, aux côtés de Karl Malone, John Stockton, Mark Eaton et… Delaney Rudd, bien connu dans le basket hexagonal.

Crédits : NBAE via Getty Images

Cette signature aux Jazz n’est pas gratuite, ni facile, ni même l’aboutissement du chemin. Les problèmes de poids d’Austin sont connus et lui ont, selon lui, coûté sa place de draft. Alors le Jazz lui fixe des objectifs chiffrés et contractuels de poids à ne pas dépasser.

Le mailman le prend sous son aile, et lui apprend à devenir pro, un vrai pro. Une relation qu’il gardera tout au long de sa carrière professionnelle. Plus qu’un ami, un frère comme il le dit lui-même.

Les débuts restent timides. Un rookie doit observer, et se contenter du garbage time. Le deal est clair, Austin a 2 ans pour prouver. Devant lui Eaton donc, et Mike Brown, pivot remplaçant de 27 ans, bien établi aux Jazz.

Malgré ses efforts, malgré le respect du contrat, malgré l’aide de Malone, la première année est anecdotique. 31 matchs pour … 3.6 minutes de moyenne, 2 points et 1.1 rebonds.

La seconde saison, Eaton et Brown se partage le temps de jeu sur le poste de pivot. Il y a du mieux pour Ike, avec 46 matchs pour 6.7 minutes, 2.8 points et 1.7 rebonds. L’ensemble reste léger. Austin a le droit a 3 titularisations en fin de saison, sans convaincre. A l’approche des playoffs, les Jazz signent le vétéran James Donaldson, qui fera le travail avec ses 15 minutes sur 6 matchs. Lors de la draft, Utah sélectionna le pivot Luther Wright en 18ème position. Pivot défensif de 2m18. Un choix que les Jazz regretteront. Ils signèrent aussi durant l’été le pivot Felton Spencer, des Wolves, échangé contre Mike Brown. Il deviendra le titulaire du poste.

Cela en était terminé des espoirs d’Austin, qui sera libéré par les Jazz le 2 novembre 1993, la troisième année étant optionnelle à l’appréciation d’Utah. Il quitta le Jazz mais n’avait pas tout perdu. Isaac avait trouvé l’amour dans l’Utah, en la personne de Denise, son épouse et un grand ami, Karl Malone. Son lien sera avec le Jazz le fil rouge de sa carrière.

Direction la CBA et le club d’Oklahoma Cavalry. Il termina l’année aux Sixers avec deux 10 days contracts, puis un contrat jusqu’à la fin de l’année, afin de compenser leur raquette vieillissante et/ou blessée (le rookie Shawn Bradley, l’OVNI Manute Bol, le fantôme de Moses Malone, et l’ex Jazz Eric Leckner).

A la fin de cette saison 1994, Austin refuse de retourner en CBA, jugeant le niveau trop faible. Il suit le chemin de son frère Alex, future star en … Pologne, qui passera par Antibes, et rejoint la France. A Lyon. Mais pas à l’ASVEL. Au Jet Lyon, ancien club pro de première division. Il y croisera un joueur bien connu, Hugues Occansey. 15,4 points sur l’année, 9.1 rebonds et une pointe à 20 rebonds, record du club. 10ème place pour cette équipe au final.

Retour aux USA pour l’été, toujours chez les amis du Jazz. Mais Utah ne donna pas suite. Antoine Carr fût signé, James Donaldson était toujours là, et aucune équipe ne se manifesta. Direction l’Europe et la Turquie pour le club de Tuborg  SK à Izmir. Une saison survolée avec 22.3 points et 13.9 rebonds de moyenne !

L’ex numéro 50 des Jazz retourne en l’été aux Etats Unis, sur invitation de Mike Fratello, coach des Cavs. Juste après son arrivée, Austin passe des tests physiques. Bilan, 155 kilos … . Fratello informe Austin qu’ils ne peuvent pas prendre le risque de le faire jouer dans ces conditions. Nouvel electro-choc pour Isaac. Direction Phoenix, Il veut agir, dès maintenant. Régler ce sujet récurrent du poids. Ne plus l’entendre. S’en débarrasser. Ne plus jamais être privé de son rêve par son poids. Ne pas ‘’gaspiller mon talent’’ comme il le dit lui-même.

Il contacta Mack Newton, entraineur de taekwondo, qui aida un temps Charles Barkley. ‘’Tu dois faire seulement ce que je te dis, et tout ce que je te dis’’. En 30 jours, il descend sous les 135 kilos. Il continue à travailler, prend la direction de Miami pour un camp avec le Heat.  Le camp se passe bien. Pat Riley, nouveau boss du Heat, vient voir Austin dans le vestiaire : ‘’Si tu perds encore 5 kilos, tu reviens ici’’. Ces mots résonnent pour Austin, qui doit s’absenter pour retrouver son fils malade. Alors, il perd ces 5 kilos en 15 jours à Phoenix et revient pour la suite. Ses skills sont là, sa palette offensive peut s’exprimer. Il est plus endurant. Bob McAdoo prend soin de lui pendant le camp. Et souligne son talent.

Après un bon training camp, ou il dunka magistralement sur Zo Mourning , Isaac Austin devient un joueur du Heat. Contrat de 2 ans. Il sera le back-up d’Alonzo. Une équipe solide, avec de l’ambition. Une raquette composée de Mourning, Austin, Kurt Thomas et PJ Brown. Le Heat veut à ce moment devenir une place forte à l’Est après une année à l’équilibre.

Et cette fois, Austin a sa chance, il joue, assez pour montrer son talent offensif. 12 points en 23 minutes contre … les Jazz, le 19 décembre, 17 points suivi de 2 matchs à 14 points entre le 26 et 29 décembre. La saison se passe bien. Très bien. Mourning se blesse en Février. Isaac est intégré au 5 de départ. 14 matchs, 14 matchs pour cette fois démontrer qui il est. 20 points, 17 points, 26 points, il enchaîne les performances. Au final, il sera 17 fois titulaire sur l’année, pour 13 victoires et 4 défaites. 14.7 points et 8.6 rebonds. Des stats de … starter régulier. Le Heat termina cette magnifique année avec 61 victoires et 21 défaites. Ils iront jusqu’en finale de conférence, perdants contre des Bulls survoltés, 1 victoire à 4. Avant cela, ils ont éliminé les Magic puis les knicks, l’ancien fief de Riley, pour la rivalité que l’on connaît. Le numéro 8 des Heat  sorti un game 6 excellent contre New York, à 12 points et 5 rebonds en 29 minutes.

Crédits : NBA via Getty Images

La saison d’Austin est exceptionnelle. Au même titre que celle du Heat, second de la conférence. L’ajout de Jamal Mashburn en provenance des Mavs a renforcé cette équipe déjà solide. Tim Hardaway termine dans la all NBA first Team, PJ Brown dans la défensive second team et Isaac Austin remporte le titre de Most Improve player avec 43 votes sur 115, devant Doug Christie. Il est le seul et unique joueur dans l’histoire de la ligue a gagner ce trophée sans avoir joué en NBA l’année précédente !

La saison suivante s’annonce radieuse. Le début d’année vient confirmer ce que l’on a vu la saison passée. Mourning est blessé dès le début de saison, et le numéro 8 est donc starter. Début pour les 24 premiers matchs, avec des stats encore meilleures !  Un match de mammouth contre Toronto avec 33 points et 22 rebonds, et une moyenne en 20 points, 10 rebonds sur la période… 16 victoires, 8 défaites, il en ferait oublier le Zo ; du moins offensivement.

La saison avance, la trade deadline se rapproche. Un road-trip à l’ouest s’engage, et Austin a un pressentiment. Il va voir Zo et Tim dans leur chambre et leur dit qu’il sent un trade venir. Il l’apprendra le jour même … à la TV. Direction les Clippers, contre Brent Barry. L’équipe est sous le choc. Au delà de l’homme, fortement apprécié, c’est une croix sur les ambitions du Heat qui sortiront cette année contre des Knicks dans une série terrible mêlant basket et bagarre. Riley déclarera : ‘’Je tiens à dire qu’Ike Austin est un joueur de qualité, une personne de qualité. Il va vraiment les aider. Il a un talent exceptionnel. Mais je n’ai jamais eu l’impression – et on ne nous a jamais laissé croire – que nous avions une chance de le faire signer’’.

L’impression inverse est ressentie par Isaac. A l’aube d’une situation en or, à savoir une free agency ou il aura le choix de son destin, Austin est propulsé titulaire dans une équipe des Clippers moribonde. Il sait que l’été à venir est décisif. Les grands sont une denrée rare et particulièrement recherchée. Alors quand ils savent en plus jouer au basket … . Il termine cette saison sur des bases solides. 15.2 points, 8.7 rebonds, 3.4 passes en 34.5 minutes en 26 matchs avec les Clippers, après ses 12.7 points, 6.3 rebonds en 26 minutes avec Miami.  Les Clippers lancent une campagne pour le séduire, avec des badges ‘’I like Ike’’. En vérité, le match est plié pour les Clippers. Austin juge l’organisation affreuse, et s’est habitué aux standards du Heat. Les Clippers ne sont pas réellement dans la course.

Il cite les équipes candidates : Phoenix, Charlotte, Orlando, les Clippers, Sacramento et Chicago si Jordan ne resigne pas. Mais il faudra attendre. Des mois. Le lock out passe par là, et la NBA est arrêtée. Après un mois a traîner chez Anfernee Hardaway en Floride, convertit en GM/commercial pour l’occasion, Ike s’engage au Magic dès la réouverture du marché en Février. 15 millions sur 3 ans. C’est moins qu’attendu. Mais Austin retourne en Floride, dans un endroit ou il se sent bien.

Si l’équipe est prometteuse, l’ambiance se dégrade rapidement entre Chuck Daly et Hardaway. Daly le fait jouer point guard, Hardaway se rêve en shooting guard, et doit en parallèle admettre qu’il n’est plus celui qu’il était. L’équipe termine 3ème à l’Est quand même ! Et Austin dans tout cela me direz-vous ? sa condition n’est plus aussi bonne, impactant directement sa production. 49 matchs pour cette saison écourtée, 26 minutes, 4.8 rebonds seulement et 9.7 points, le tout à un désastreux 40 % au shoot.

L’équipe sort au premier tour contre les Sixers d’Allen Iverson, et explose. Retraite pour Daly, départ aux Suns pour Hardaway, Horace Grant et Nick Anderson s’en vont aussi et … trade aux Wizards pour Austin. En vérité, la descente est amorcée. Il est échangé contre Ben Wallace notamment.

’’Je pense que l’arrivée d’Austin répond à un besoin que nous reconnaissons tous à ce poste’’ déclare Wes Unseld, directeur général des Wizards. Les Wizards ne feront rien de fameux. Le coach est viré à la mi-saison.  Isaac perd sa place de titulaire au profit du jeune Jahidi White tôt dans la saison, et jouera 59 matchs dont 23 starters, pour 20 minutes, 4.8 rebonds et 6.7 points. Le pourcentage au shoot est encore difficile, avec 42.9 %.

Nouveau trade à venir, cette fois aux Grizzlies de Vancouver puis de Memphis. 2 saisons sans saveur, à jouer les grands frères pour Mike Bibby, Michael Dickerson, Stromile Swift puis Pau Gasol la seconde année. Le temps de jeu passe à 16.9 minutes pour 4.3 points et 4.3 rebonds. Austin sera coupé lors de sa seconde année, le 28 février 2002.

Il effectue un match en Turquie, à Ulker, avec … 7 passes décisives en Euroleague. Il tentera de se relancer en participant au camp des Heat, sans succès. 2 années exotiques derrière, mais la carrière NBA s’arrête là pour Isaac Austin. Paradoxal de constater qu’elle décline au moment de sa supposée apogée. Ike rejoint la longue liste des big mens moins performant après signature de leur contrat qu’avant.

Avec 7.6 points et 4.6 rebonds en 20 minutes durant ses 9 années de NBA, il restera comme un acteur important des saisons 1997 et 1998, avec un petit ‘’what if… ?’’ si les Heat avaient pu l’utiliser lors de la série fatale de 1998 contre les Knicks. Isaac Austin aura mené une carrière intéressante, avec ce talent offensif conditionné à un physique nécessairement irréprochable pour pouvoir l’exprimer. Il le fît, 2 saisons, pour le résultat que l’on connait. Tout cela appartient maintenant à l’histoire.

STATISTIQUES EN CARRIERE :  

432 matchs NBA

7.6 points à 44.6 %, 4.7 rebonds en 19.3 minutes.

Récompense :

All Team PAC-10 1991

NBA MIP 1997

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About Valentin Wiktor (15 Articles)
Dream Team 92, puis l'euphorie des années Jordan... . Rien de bien original mais une passion est née, toujours présente et particulièrement mordante !

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