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[Portrait] Hugues Occansey : itinéraire d’un enfant doué

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Il a bouclé sa carrière de joueur là où il avait débuté : à la SIG Strasbourg. Mais c’est au Limoges CSP que Hugues Occansey s’est construit son palmarès. En onze saisons et trois passages…

Un quizz pour commencer : quel est le (seul ?) sportif français à avoir retrouvé en équipe de France – la vraie – à la fois son frère et ses deux premiers coaches chez les… poussins ? Ne cherchez pas, il s’agit de Hugues Occansey. Il y a pire dépaysement….

On est au mitant des années 70 et ses premiers coaches se nomment Francis Jordane et Gregor Beugnot. C’est dans l’ambiance familiale de la SIG alors à Illkirch. C’est l’année où Alain Gilles, Jean-Pierre Staelens, L.C. Bowen et autres Jacques Cachemire sont passés dans la salle de patronage exiguë pour la seule saison parmi l’élite de la SIG entre 1971 et 1994. Très vite, Hugues apprivoise la balle avec une aisance certaine sous les paniers de mini-basket avec une tête de plus que les autres. Il avait renoncé au foot et s’est pris de passion au point d’embarquer toute la famille : ses frères (Eric, l’ainé, Gilles, le cadet), sa sœur (Corinne), tous futurs joueurs de championnat de France, et même sa mère, Christiane, alias Madame Oc, qui, à 80 ans passés, officie toujours comme dirigeante de SIG Association respectée à la table de marque dans la même salle, juste à côté de son domicile. Il est vrai que Hugues, comme la fratrie, a de qui tenir avec un père, Simeon, solide comme un roc et redouté sous les paniers alsaciens avec ses copains juristes à l’ASPTT Strasbourg.

1976/77 – Francis Jordane entraine les poussins de la SIG. A côté de lui, Hugues Occansey qu’il retrouvera sous ses ordres en … équipe de France !

D’emblée, Hugues rallie les suffrages des connaisseurs, sortant du lot grâce à sa facilité et son aisance balle en main, sa fluidité et son sens du timing. Il fourbit ses armes avec bonheur sous le maillot rouge, collectionnant stages, titres et sélections. Eric intègre l’équipe en N2 et Hugues semble devoir le suivre. Pourtant, le cadre local va leur apparaître bientôt trop restreint au regard au statut du club et de leur potentiel respectif.

L’été 1982 sonne le chant du départ : Eric (18 ans) part à Caen, Hugues (15 ans et demi) opte pour le Limoges CSP, club vice-champion de France, qui vient d’enlever la première coupe européenne du sport français à Padoue, la Coupe Korac, devant le Sibenka Sibenik de Drazen Petrovic (90-84). Et – surtout -qui vient d’ouvrir un des premiers centres de formation.

EN FINALE EUROPÉENNE A 16 ANS

A moins de 16 ans, il fait d’emblée partie des dix. Et, si André Buffière, le coach-professeur, ne le fait pas entrer en jeu, côtoyer au quotidien, les Ed Murphy, Richard Dacoury, Jean-Michel Sénégal, ouvrir grand les oreilles et les yeux, fait grandir vite et bien le jeune apprenti.

« Je n’aurais pas pu trouver mieux en apprentissage. Être entouré des meilleurs donnait envie d’être comme eux. C’est eux qui m’ont appris à mettre le sérieux dans le travail. C’est eux qui ont formé le caractère et le joueur que je suis devenu » (1).

Couvé par Richard Dacoury, Jean-Luc Deganis et Ed Murphy, il assiste, aux premières loges c’est-à- dire sur le banc, en 1983, au premier des onze titres de champion de France du CSP (devant le tenant, le SCM Le Mans) et, surtout, au remake de la finale de la Coupe Korac, à Berlin cette fois (94-86), mais aussi la Coupe de la Fédération (à Caen, contre Monaco). Soit le premier triplé du CSP !

Avec Pierre Dao aux manettes, à partir de 1984, Hugues commence à entrer dans la rotation. Limoges sauve son titre ric-rac en 1984, plus facilement en 1985, enlève la dernière Coupe de la Fédération (à Coubertin, face au Stade Français). Occansey devient, au fil des mois, un joueur qui compte, malgré de sérieux problèmes de genou qui retardent son épanouissement. Mais Limoges où Murphy n’a pas été remplacé, déçoit, perd son titre en 1986 (3°), échoue en finale contre Orthez l’année suivante (2-1), malgré l’arrivée de Michel Gomez. Le CSP reconstruit, Don Collins arrive et retrouve son rang : titre difficilement conquis contre Cholet tout juste promu (2-0), Semaine des As (encore contre Cholet) et surtout retrouve la scène européenne avec la victoire en Coupe des Coupes (à Grenoble contre Badalone 96-89). Hugues qui a joué un rôle important en playoffs, compte tenu de la blessure de Dacoury, a grandi en expérience et en taille (2,01m), mène souvent le jeu, et est reconnu : il est nommé meilleur espoir de l’année.

« On était entre la fin de l’amateurisme et le début du professionnalisme. Il y avait une ambiance de feu ». (2)

FACE A LA DREAM TEAM A MONACO

Entre-temps, Occansey a été appelé en équipe de France (à 19 ans, en décembre 1985 contre la Tchécoslovaquie), une sélection où il apparaîtra à 83 reprises jusqu’en 1995 dont une dizaine aux côtés de son frère Eric apparu en 1988). Hugues a notamment fait partie de l’équipe qui servit de sparring-partner à la Dream Team à Monaco en juillet 1992 en prélude aux JO de Barcelone. Au total 83 sélections, 769 points. Et le regret de n’avoir rien gagné en Tricolore.

Juillet 1992 – La Dream Team et l’équipe de France à l’issue du match de préparation en vue des JO de Barcelone. A droite, Hugues Occansey.

MOINS 38, PUIS PLUS 39 !

Après six ans dans le Limousin, il est temps de changer d’air. En 1988, Occansey signe à l’Olympique d’Antibes. Il y reste cinq saisons, marquées par le titre de champion de France 1991 (2-1 contre son ancien club, Limoges), le quatrième à titre personnel, un an après une finale perdue contre le même CSP (2-1), un titre de meilleur marqueur français (21,5 en moyenne en 1992), et cette saison ahurissante, l’année de son arrivée, où comme d’autres, Antibes est lourdement sanctionné (pénalité de … 18 matches perdus) pour n’avoir pas respecté le règlement des joueurs non-sélectionnables. A l’arrivée, Antibes se retrouve 14° (sur 16) et doit jouer les barrages contre la jeune équipe de Toulouse alors en Nationale 1b. Incroyable désastre à Toulouse au match aller sur un score sans appel : 111-73, soit un débours de 38 points ! Que les tous les spécialistes pensent irrémédiable. Tous sauf les Antibois qui font leur révolution : le coach Michel Cermak est démis de ses fonctions et remplacé, au pied levé, par le meneur de jeu, Jacques Monclar qui a une semaine pour préparer une opération commando jamais vue. « On gagnera de 39 » martèle le nouveau coach. De fait après avoir remonté son handicap panier après panier, dans l’étroite salle Salusse – Santoni en fusion, Antibes se retrouve à moins 36 et une dernière attaque à mener. Et, au buzzer, Norris Coleman, d’un tir lointain, inscrit le panier libérateur dans la liesse que l’on devine : 127-88 !

En 1993, Hugues Occansey rallie Montpellier avec Ken Dancy pour une saison modeste (9°) mais prolifique à titre personnel : 21,5 points en moyenne (meilleur marqueur français) pour 38’ de temps de jeu. Il y fait long feu et part à la CRO Lyon devenue Jet Lyon, club très ambitieux sous la férule de Roger Caille. Eric l’y rejoint pour leur seule saison commune. Au final, un échec relatif (10°) avant un retour à Limoges que rejoignent également Yann Bonato et Fred Weiss (1996). Trois entraîneurs dans la même saison où il ne s’y retrouve pas (Zvi Sherf, Jean-Michel Sénégal, Vlado Djurovic), une place en demi-finale des playoffs, idem en 1997 avec Bogdan Tanjevic avant un sursaut avec Jacques Monclar aux commandes et une place de finaliste (face à l’Elan Pau/Orthez).

A 32 ans, ce joueur protéiforme capable de jouer aux postes de 1 à 5, préfigurant le basket moderne, quitte, avec sa petite famille, la sphère du basket français pour s’ouvrir l’horizon. Direction la Grèce et le Peristeri BC. Dans la banlieue d’Athènes, dans les salles très chaudes, avec un statut d’étranger, Occansey se régale : « Même si je n’ai pas gagné de titre, ce sont sans doute mes deux plus belles années de basket et de vie privée » (1).

LA FIN,  LA OU TOUT A DÉMARRÉ

2002 – Hugues Occansey boucle sa carrière, là où il avait commencé : à la SIG. (@DNA).

Il gagne ensuite l’Espagne et Valence. Mais l’aventure tourne court fin 2000, le club, décelant un problème de tachycardie, se sépare de lui. « Mes problèmes de cœur ne m’empêchent pas de jouer depuis le début de ma carrière » explique-t-il lors de son arrivée, début 2001, à Évreux, son nouveau point de chute. Il y dispute 18 matches, mais ne parvient pas à maintenir le club en Pro A.

Contacté à plusieurs reprises par la SIG Strasbourg, il revient, 19 ans plus tard, dans son club d’origine, histoire de boucler la boucle en beauté :

« Je les ai vus devenir professionnels à distance quand je n’y étais plus. Revenir dans le club où j’ai débuté maintenant qu’il est au plus haut niveau français, c’était vraiment super » (1).

Pour une 9° place décevante compte tenu de l’effectif (Fred Forte, JR Reid, Kornel David, Keith Jennings), mais Hugues réussit sa sortie en tant que joueur, mettant un point final à une carrière riche, ponctuée par 4 732 points marqués ce qui le maintient toujours dans le Top Ten des marqueurs de l’élite française.

A 36 ans, Hugues Occansey s’ouvre à la carrière de coach : « Depuis toujours je savais que je voulais être coach ». Il se fait les dents en N3 à Bastia avant de revenir, pour la troisième fois, au Limoges CSP que Fred Forte vient de reprendre et relancer, avec pour mission la remontée de N1 en pro B en deux ans. Mission difficile compte tenu de la pression et du contexte, mais mission réussie en 2006 avec le titre en N1. Mais, pour Hugues, l’aventure s’arrête là au grand dam des supporters, le président Forte voulant également entrainer.

Occansey file alors à l’ASVEL pour devenir l’assistant de Yves Baratet. Nyon BBC puis l’Etendard de Brest (pro B) s’enchainent avant l’ADA Blois et deux fois une place de finaliste en N1. Il n’y reste pas s’étant lancé dans une procédure contre la règle des sanctions automatiques pour fautes techniques dont il s’estime lésé. Il perd beaucoup d’énergie dans la procédure, mais obtient gain de cause. Suivent différentes missions : l’ES Ormes (N2), l’équipe de France de basket de sport adapté aux Olympics, l’UJAP Quimper (N1) et la sélection de Côte d’Ivoire. Curieux, il s’est également formé au coaching d’entreprise face au stress dans l’univers du travail et, plus récemment, dans la réalité virtuelle au service des sportifs de haut niveau, sujet porteur en plein développement. Pour une troisième carrière ?

 : ITW de Hugues Occansey par Antoine Abolivier pour Basket Retro.
: La Nouvelle République.

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About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

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