ITW Hugues Occansey – Part 1 : « En Grèce, j’y ai vécu mes deux plus belles années basket »
Interview
Basket Rétro part aujourd’hui à la rencontre d’Hugues Occansey, actuel coach de l’UJAP Quimper en Nationale 1. Retrouvez aujourd’hui la première partie de cet entretien, dans lequel l’ancien Limougeaud revient sur ses débuts en tant que supporter, joueur amateur, professionnel et international.
BasketRetro : Comment avez vous découvert le basket ?
Hugues Occansey : Dans mes souvenirs je pensais que c’était un copain qui m’avait amené au basket pour la première fois. Entre 6 et 8 ans je faisais du foot mais cela ne me plaisait pas trop. Mais ma mère m’a dit que ce n’était pas comme ça. Je crois que c’est suite à une entorse, quand je suis allé voir un kiné, une connaissance de ma mère, qui lui a conseillé de mettre son fils au basket. C’était en 74, et après toute la famille a suivi, mes deux frères, ma sœur et ma mère qui est toujours dirigeante au club amateur de la SIG.
BR : A quel âge vous êtes vous douté que vous pourriez faire une carrière ?
HO : C’est quand Limoges m’a appelé, c’est à dire en 82 après la première finale de coupe d’Europe, à Pâques. Limoges ouvrait le premier centre de formation en 82, avec Tours. On m’a contacté juste après la finale, je suis allé m’entraîner avec l’équipe pro de Limoges et après j’ai enchaîné.
BR : Quels sont vos premiers souvenirs en tant que supporter ?
HO : Le jour où j’étais le plus supporter c’est pour Limoges en 93, quand ils ont gagné le Final Four à Athènes. Généralement je ne suis pas trop supporter, mais là oui. Sinon ce sont mes souvenirs d’enfance, quand la SIG jouait, en Nationale 2 quand j’ai commencé, j’ai ces petits souvenirs d’être dans les tribunes et d’assister à ces matchs. Sinon on n’est plus supporter, on est plus acteur.
BR : Y-a t-il des joueurs qui vous ont particulièrement plu par leur style de jeu ? Et quels sont les joueurs que vous aimez moins ?
HO : Le premier c’est Julius Erving, c’est ma référence. Après très vite il y a eu Magic Johnson. Après au niveau européen bien sûr, Drazen Petrovic, Sabonis, j’adorais aussi Vlade Divac, j’aimais bien ces grands joueurs qui avaient beaucoup de qualités techniques et qui jouent avec leur tête.
J’aime moins tous ceux qui sont portés sur eux-mêmes, comme Carmelo Anthony. Il y en a plein d’autres, mais je m’y intéresse moins. C’est un peu tous ces joueurs qui ne pensent qu’à eux mêmes que j’apprécie moins. Mais je pense que la NBA est en train de revenir à ses fondamentaux, ça reste un sport collectif et pas uniquement basé sur le défi physique.
BR : Vous appréciez beaucoup les joueurs européens. Préférez vous le style de jeu européen ?
HO : Oui, c’est à dire que je pense qu’à une période en NBA plus on poussait fort, plus on sautait haut, plus on courrait vite, meilleur on était. Pour moi, il y a aussi la tête. Donc ce sont des joueurs qui jouaient avec leur tête, pas que sur le physique. J’aime bien ces joueurs complets.
BR : Quel serait votre 5 majeur idéal de l’histoire du basket ?
HO : C’est dur avec les européens et les joueurs NBA. Alors on va mettre Magic, on va mettre Richard Dacoury parce que c’est vraiment un Monsieur. Je vais mettre Petrovic. Sabonis aussi j’aimais bien. Et le dernier, Julius Erving, qui reste vraiment le premier qui m’a fait rêver.
BR : Et donc vous placez Dacoury devant Jordan ?
HO : J’ai pas mis Jordan ? Ben c’est vrai que Richard c’est un Monsieur. En France je l’ai côtoyé, il reste un joueur et un monsieur à part. Quand je parlais de jouer avec sa tête, lui a su changer, comprendre et être meilleur à 33 ans. Ce n’est plus avec son physique qu’il devait faire la différence, c’est là qu’il était meilleur basketteur parce qu’il a compris pas mal de choses. Ce n’est pas un joueur têtu, borné, juste qui restait sur son physique, il a voulu continuer à progresser. A 33 ans, c’est aussi ce que j’essaie de faire comprendre à mes joueurs, on arrête pas de progresser. Encore une fois c’est un Monsieur, sur et en dehors du terrain. Michael Jordan aussi, en remplaçant de luxe, meilleur sixième homme (rires).
Richard Dacoury ? « Il reste un joueur et un monsieur à part. Quand je parlais de jouer avec sa tête, lui a su changer, comprendre et être meilleur à 33 ans. Ce n’est plus avec son physique qu’il devait faire la différence, c’est là qu’il était meilleur basketteur parce qu’il a compris pas mal de choses. »
BR : Venons en à votre carrière. Vous avez commencé Limoges à 15 ans et 9 mois. Qu’est ce que ça fait de jouer à cet âge là avec des joueurs comme Richard Dacoury, Ed Murphy, à un tel niveau ?
HO : Ah ben c’est extraordinaire. Ce n’était pas ce que j’attendais, on ne peut pas dire que j’attendais de jouer avec ces joueurs là à 16 ans, mais c’était super tous les soirs de se confronter à ces joueurs, de partager des moments. Je me souviens, Jean Luc Deganis et Richard Dacoury qui s’occupaient beaucoup de moi, Ed Murphy aussi, donc j’ai des souvenirs énormes en dehors et sur le terrain. C’est là où on apprend quotidiennement, on jouait deux fois par semaine face aux meilleurs en Europe. Être entouré des meilleurs donnait juste envie d’être comme eux, c’est eux qui m’ont appris à mettre le sérieux dans le travail. C’est eux qui ont formé mon caractère et le joueur que je suis devenu.
BR : Dès la première année vous remportez la coupe Korac. Quel effet ça fait de remporter un tel trophée si jeune, malgré un rôle alors secondaire dans l’équipe ?
HO : Je n’avais pas joué avec André Buffière, j’étais dans les 10 mais je ne suis pas rentré. J’étais très content de participer, c’était un truc assez inouï face à Drazen Petrovic. L’engouement qu’il y avait à Limoges aussi, les trains qu’on attendait au retour, toute la ville en vert et blanc, les défilés … Je n’ai pas pu être mieux dans l’apprentissage, c’était la meilleure école avec les meilleurs joueurs. Je n’ai pas de mot, c’est inexplicable, à 16 ans on ne peut pas penser même si on en rêve. C’était extraordinaire.
BR : Quel type de joueur étiez vous sur le terrain ?
HO : Un joueur assez complet, beaucoup de dextérité, une bonne vision de jeu. J’ai joué à tous les postes de jeu, de 1 à 4. Je n’étais pas assez gros pour le poste 5 on peut dire. A mon époque en extérieur je faisais 5 à 10 centimètres de plus que mes adversaires. En fin de carrière je me suis retrouvé en Espagne face à Pau Gasol qui jouait 3 à Barcelone. Au début j’étais grand, Pierre Dao m’a fait jouer en meneur de jeu, car j’avais des qualités de meneur, c’est à dire que j’aimais plus le ballon que marquer des points.
BR : Vous êtes quand même le 7ème meilleur marqueur de l’histoire de la Pro A …
HO : Oui, je ne veux pas dire que j’étais manchot, mais dans l’approche de mon basket je préférais être faire la passe que marquer. Après c’est vrai qu’il y avait des entraîneurs qui me prenaient pour marquer. Quand je suis allé à Montpellier c’était pour marquer des points. Après quand j’étais à Limoges avec Tanjevic, il me faisait jouer 4, il me faisait jouer meneur de jeu, il utilisait toutes mes qualités, comme quand j’étais à Montpellier, à Lyon, à Antibes aussi où j’étais surtout au scoring.
BR : Vous avez passé 6 ans à Limoges avant de remporter le titre de meilleur espoir de la Pro A. Pourquoi être parti à Antibes à ce moment là ?
HO : Eh ben hélas, je ne jouais pas beaucoup. A Limoges on ne me faisait pas trop confiance. Je me souviens que Richard (Dacoury) s’était blessé la dernière année, en 1988 quand on fait le triplé, juste avant les playoffs. Et là, Michel Gomez est obligé de me faire jouer. On gagne tous les matchs, tous les playoffs en deux matchs. Je suis loin d’être le meilleur marqueur de Limoges. Mais j’avais envie de jouer plus. Je suis parti après 6 ans de formation, il fallait que je vole aussi de mes propres ailes.
BR : A Antibes vous avez un rôle beaucoup plus important. Dès 1991, vous remportez à titre personnel votre 4ème titre. Quel a été votre meilleur souvenir de cette première moitié de carrière ?
HO : C’était la période 1986-1988 à Limoges, car c’était la fin de l’amateurisme. Il y avait une telle ambiance, une telle cohésion. On était pas encore à 100 % professionnels dans le sens basés sur soi-même. Nous, ce qu’on voulait c’était jouer ensemble, vivre ensemble, gagner des choses ensemble. Sur et en dehors du terrain on était toujours ensemble. J’ai eu la chance de connaître cet amateurisme. Après c’était à Antibes, en 88-89 on est barragistes sur tapis vert. On joue les barrages contre Toulouse, une équipe de Pro B, où on perd de 38 points au match aller et la semaine d’après on gagne de 39 points. La semaine suivante on fait la finale contre Limoges. En 91, on est champions de France face à Limoges. Tout ce travail, toute cette évolution, cette remise en question a payé après avoir joué les barrages et faire des matchs extraordinaires de -38 à +39 en une semaine, l’année d’après de jouer la finale, l’année d’après de la gagner. C’est tout un travail. Il y a beaucoup de choses, beaucoup de rigueur, de discipline pour y arriver. J’étais toujours très très rigoureux envers moi-même et envers mes coéquipiers.
BR : Cette période marque aussi vos débuts en équipe de France…
HO : Je suis en 1985 en équipe au tournoi de Noël à Paris. On gagne d’ailleurs contre l’URSS, ça aussi c’était assez exceptionnel. On a d’ailleurs gagné à nouveau contre l’URSS lors des qualifications pour l’Euro en 1990, pour la dernière fois, ils jouaient sous leurs couleurs. Il y a une période aussi où je suis le meilleur marqueur de l’équipe de France. À l’Euro 1991, on finit 4e. Il y a toujours le regret, comme pour tout international dans ce cas je pense, de ne pas avoir gagné quelque chose en équipe de France.
BR : Après avoir fait une belle carrière en Pro A, où vous avez passé vos plus belles années, vous quittez la France pour une expérience à l’étranger. Que retenez vous de vos expériences en Grèce au Péristéri BC, et en Espagne à Valence ?
HO : Ah la Grèce, c’est là où j’ai vécu mes deux plus belles années. On joue 4 équipes d’Euroligue (NDLR : l’AEK, le Panathinaïkos, l’Olympiakos, et le PAOK), dans des ambiances de folie. On sait ce que c’est que de jouer à l’extérieur, contrairement à la France. Des fois ça me faisait rire quand les joueurs avaient peur d’aller jouer à l’extérieur, parce que là en Grèce ça veut dire quelque chose. Ce professionnalisme, ce basket de très haut niveau, avec un statut d’étranger. C’est toute la vie avec la famille, les enfants. C’était extraordinaire, ce sont des gens, un peuple extraordinaire. J’ai que des bons souvenirs. Je pense que même si je n’ai pas gagné de titre, ce sont mes deux plus belles années de basket et de vie privée.
BR : Est ce que vous avez une anecdote particulière sur le public qu’on sait particulièrement chaud en Grèce ?
HO : Oui, à l’époque il y avait 10 équipes à Athènes. Tout le monde voulait voir les 4 équipes que j’ai cité en demi-finale, et on se battait tous ensuite à Athènes pour être la 4ème équipe derrière le Pana, l’Olympiakos et l’AEK. Il y avait 10 clubs à Athènes, c’étaient des batailles de quartier. C’étaient des petites salles de 1500-2000 places où ils mettaient 2500 à 3500 personnes. Les contours de terrains étaient délimités par des flics avec les casques et les boucliers face au public.
Et les sorties de salles ! Il fallait attendre une heure- une heure et demi après le match, le temps d’aller au car. Il y avait deux flics pour encadrer un joueur. Une fois qu’on était dans le car on nous disait « asseyez vous dans la rangée du milieu, mettez les sacs contre les vitres et dès que vous entendez un bruit vous plongez dans l’allée centrale ». C’était toute une coordination des flics qui bloquaient toutes les rues pour qu’on puisse sortir du quartier avec une voiture de police devant une moto derrière. Dès qu’on était sortis du quartier, les policiers nous laissaient, nous disaient au revoir et tout redevenait normal.
Mais ce qui était drôle, c’est qu’autant ils étaient très fervents, autant dans la ville quand on croisait des supporters ils ne venaient jamais nous voir directement, ils respectaient ce côté vie privée, mais ils vous faisaient toujours savoir qu’ils vous avaient reconnus et qu’ils ne vous supportaient pas qu’ils avaient leur club. Mais c’était toujours très sympa, très respectueux. Mais une fois dans l’arène ce n’était plus du tout ça, c’était une grosse ambiance. Il fallait avoir les nerfs solides pour jouer ces matchs là.
L’ambiance à la sortie de salle en Grèce ? « Il fallait attendre une heure- une heure et demi après le match le temps d’aller au car. Il y avait deux flics pour encadrer un joueur. Une fois qu’on était dans le car on nous disait « asseyez vous dans la rangée du milieu, mettez les sacs contre les vitres et dès que vous entendez un bruit vous plongez dans l’allée centrale ». C’était toute une coordination des flics qui bloquaient toutes les rues pour qu’on puisse sortir du quartier avec une voiture de police devant une moto derrière. Dès qu’on était sortis du quartier, les policiers nous laissaient, nous disaient au revoir et tout redevenait normal. »
BR : Y-a t-il des méthodes d’entraînements particulières dans vos expériences à l’étranger qui vous ont marqué, notamment pour votre carrière de coach ?
HO : Oui, beaucoup en Espagne. J’ai adoré, avec Luis Casemiro qui était coach à Pamessa Valencia. J’ai bien aimé toute sa gestion avec tout le staff, le kiné,le médecin, le préparateur physique, l’assistant. Ils travaillaient tous en commun. La préparation physique était à la carte. Tous les deux jours, ils faisaient une prise de sang pour voir dans quel état physique on était et adaptaient vraiment les entraînements. La vision, la préparation des entraînements, tout ça m’a marqué en Espagne. J’ai adoré ce côté professionnel du club, de la ligue à chaque match, toute cette organisation qui était vraiment super.
Retrouvez dès vendredi la deuxième partie de cette interview. Basket Rétro est revenu avec Hugues Occansey sur les oppositions qui l’ont marqué, sa vision de la Pro A, de l’Euroleague, des évolutions du basket en règle générale, mais aussi sur son point de vue sur la formation des jeunes joueurs.
Montage Une : Clément Deomontoux
Propos recueillis par Antoine Abolivier.
Sources Images : Mondial Basket/ CSP Limoges
Super article! La Grèce ahhhh génial ce pays!
Si on pouvait avoir un peu plus de basket grec sur ce site!
sinon super vous me régalez!
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Merci !
Oui le basket grec est aussi singulier que passionnant, la difficulté pour nous c’est de trouver les archives et les sources pour écrire des articles qui vont au delà des résultats des clubs ou des équipes nationales. Mais c’est noté 🙂
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