ITW Ken Dancy – Part 1 : « En 18 ans de carrière en France, je suis tombé amoureux de ce pays »
Interview
Le CSP Limoges se souvient de son passage de 1988 à 1991. Drafté en NBA, Ken Dancy, le franco-américain de 57 ans a accepté pendant 40 minutes de se confier le 25 février dernier. Il revient notamment sur sa longue carrière de 18 ans en France.
Basket Rétro : Tout d’abord, comment avez-vous découvert le basket ?
Ken Dancy : Quand j’étais jeune à Chicago. J’ai commencé le basket à 8 ans, dehors avec des amis et puis surtout à l’école. Chez nous, aux Etats-Unis, on faisait du sport tous les jours.
BR : En 1979-1980, vous jouez pour la fac de Chicago State.
KD : Oui j’étais parmi les 15 meilleurs joueurs en Small College (ndlr : la NAIA : National Association of Intercollegiate Athletics) et dans la 2nd All-American Team. J’ai aussi joué avec l’équipe américaine composée des meilleurs joueurs de la NAIA au Brésil au championnat du monde des clubs de 1979.
BR : Pourquoi avoir choisi la fac de Chicago State avec laquelle vous avez joué en 79-80 ?
KD : J’avais joué avant pour la fac d’Arkansas Newark de 1976 à 1978. J’ai eu ma première fille dans cette ville d’ailleurs. Je me suis rapproché de ma femme et de ma fille pour revenir à Chicago.
BR : Vous êtes drafté en 1980 au 6e tour par Washington puis vous êtes cédé à Dallas. Vous ne jouerez pas en NBA.
KD : Oui j’ai été pris à Dallas et j’ai fait quelques matchs qui n’étaient pas officiels.
BR : Eprouvez-vous des regrets de ne pas avoir joué en NBA ?
KD : Au début oui. Mais plus maintenant.
BR : Quelles étaient les raisons particulières selon vous ?
KD : Une fois que j’ai été drafté par Washington, j’avais donné mon maximum pour mon entraîneur de l’époque. Une certaine politique du club était en place. Mon contrat était non garanti et seulement 3 places dans le roster étaient disponibles. Ce n’est pas en lien avec le fait de mal jouer. J’avais bien joué. C’est ainsi que Dallas m’avait pris.
BR : Vous avez réalisé une grande carrière en France. Vous jouez pour le Stade Français en 1981, votre premier club. Comment êtes-vous contacté par ce club ? Pourquoi ce choix ?
KD : Herb Rudoy, mon agent de Chicago avait pas mal de clients en France, en Europe, même en NBA, et NFL. C’était un grand agent qui m’avait appelé pour me proposer de rejoindre ce club parisien. Ensuite j’ai été à Brest, Caen, Tours avec lequel j’étais le meilleur marqueur du championnat de France N1 A (ndlr : actuel Pro A).
BR : Il y a ensuite la grande aventure avec le CSP Limoges de 88 à 91 avec 2 titres de champion de France (89-90) et Semaine des As (90). Ce sont vos plus beaux souvenirs en carrière ?
KD : Oui sportivement. C’était top. J’ai pas mal gagné de trophées individuels quand j’étais joueur. Je voulais aussi gagné des titres en équipe. Mon agent à cette époque était Didier Rose qui m’avait parlé de l’opportunité de rejoindre le CSP. Limoges venait alors de gagner la Coupe d’Europe des Vainqueur de Coupes avec Don Collins, Stéphane Ostrowski, Richard Dacoury. Le CSP m’a contacté et j’ai discuté avec Michel Gomez, coach à cette époque. Il m’expliquait que si je rejoignais l’équipe, ce n’était pas dans l’optique de marquer des points. Au poste d’ailier, il avait trois joueurs clés : Collins, Dacoury et moi pour partager les 40 minutes du match.
BR : Vous l’avez souligné. Vous étiez donc aussi le meilleur marqueur français du Championnat de France N1 A en 1987-1988 avec Tours. C’était clairement un objectif de beaucoup scorer ?
KD : A ce moment-là oui. En 1984-1985, quand j’étais à Caen, j’ai raté ce titre de deux points derrière Hervé Dubuisson. A la fois j’aidé collectivement l’équipe mais avais des « personals goals». Mon rôle était de marquer des paniers cette saison-là.
BR : Vous étiez un sacré shooteur. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, quel type de joueur étiez-vous aussi durant votre carrière ?
KD : Shooteur en effet. Et c’est à Limoges que savais être capable de défendre aussi. Mais ce n’était pas mon rôle premier au CSP. Mais plus d’attaquer. C’est l’école limougeaude de travailler surtout en défense, en attaque. Quand j’étais au lycée et au collège, je prenais pas mal de rebonds en plus d’être bon en attaque. Le basket, ce n’est pas qu’une facette de jeu. Il y en a plusieurs pour faire basculer le match : faire les bonnes passes, défendre, prendre les rebonds. Tous les fondamentaux.
BR : Tout au long de votre carrière, avez-vous un pire souvenir que vous gardez de celle-ci ?
KD : Au Stade Français, j’avais un entraîneur américain qui s’appelait Mike Perry. J’ai joué avec Hervé Dubuisson à cette époque. Tout le monde le détestait. A cette époque-là, on avait une très bonne équipe. C’était tellement tendu qu’on ne jouait pas contre nos adversaires mais contre notre propre coach. C’était tellement dégoûtant. Maintenant j’ai cette expérience de coaching avec les jeunes. C’est la seule fois de ma vie qu’une situation de ce type avec un coach s’est produit. Les anciens joueurs de Stade Français vous diront la même chose que moi : Patrick Cham, Hervé Dubuisson qui en a même parlé dans son livre. Un pire souvenir.
BR : Le pire déplacement que vous ayez fait en club ?
KD : En Sibérie pour jouer un match avec Montpellier en Coupe Korac. C’était un long trajet d’au moins 18 heures.
« Le CSP m’a contacté et j’ai discuté avec Michel Gomez, coach à cette époque. Il m’expliquait que si je rejoignais l’équipe, ce n’était pas dans l’optique de marquer des points. Au poste d’ailier, il avait trois joueurs clés : Collins, Dacoury et moi pour partager les 40 minutes du match ».
BR : Comment expliquer que vous ayez fait toute votre carrière en France ? Pourquoi pas l’Italie, l’Espagne, la Grèce, la Russie ?
KD : Quand je suis arrivé en France, je devais rester jouer 1 ou 2 ans. En et fin de compte, j’ai passé 18 ans de ma carrière en France. Je suis tombé amoureux de ce pays. J’ai passé et encore maintenant une bonne part de ma vie ici. Ce n’est pas un regret de ne pas avoir découvert d’autres championnats européens. En tant que joueur pour différents clubs français, j’ai découvert d’autres baskets et nations. C’était surtout le cas quand je portais le maillot de Limoges en jouant la Coupe des Clubs Champions qui est maintenant l’Euroligue. A cette époque, les 8 meilleures équipes d’Europe s’affrontaient (ndlr : les 8 clubs s’affrontaient dans un mini-championnat avec matchs aller et retour pour se qualifier pour le Final Four). Avec le CSP, on faisait des déplacements pour jouer des matchs amicaux dans toute l’Europe. C’est aussi ça le côté positif du basket. Tu voyages et vois des choses que t’aurais jamais imaginées.
BR : Comme vous l’aviez souligné en ce début d’entretien, vous avez joué au basket aux Etats-Unis puis jouer très longuement en France. Quelles différences observez-vous dans la formation basket entre ces deux pays ?
KD : Dans les « Complex Schools » aux USA, on avait beaucoup de sport au programme, tous les jours. C’est au moins 45 minutes les séances. Tu y découvres alors le basket, le baseball. Si tu es bon dans une discipline, tu peux être choisi par le coach pour intégrer l’équipe de l’école dans laquelle tu es et ainsi jouer contre les autres écoles selon le sport. En France, pour pratiquer le basket ou toute autre activité sportive, tu dois d’abord être licencié dans un club. Il n’y a pas vraiment de séances de « sport » dans les écoles françaises. C’est le cas pour mes enfants qui sont inscrits à l’école en France. Le sport, ce n’est qu’une fois par semaine.
Au niveau basket, j’ai parlé à un de mes amis qui est CTR dans le Languedoc-Roussillon. Il me disait que les jeunes ne font pas beaucoup de séances de musculation. C’est l’inverse de ce qui se passe aux Etats-Unis où on en fait à 14 ans. On y travaille la puissance. En France, c’est plus axé sur la vitesse.
Retrouvez la seconde partie de l’entretien jeudi. Ken Dancy évoquera ses deux sélections en équipe de France, ses activités de coaching et de la NBA. En attendant (re) découvrez en images ses actions avec Limoges.
Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro
Votre commentaire