Les tranches d’histoire d’Alain Jardel – La genèse du BAC Mirande
Témoignage
Triple champion de France en club, champion d’Europe avec l’équipa de France. Même s’il n’a « jamais eu de plan de carrière », « toutes les étapes étaient nécessaires » pour créer ce palmarès hors norme. Ce sont ces étapes que notre nouveau consultant Alain Jardel va nous narrer, époque par époque. Premier volet de cette longue série : la genèse du BAC Mirande.
Quand je regarde l’effectif champion de France en 1988 : sur les dix, il y a trois joueuses nées dans la région de Mirande, cinq appartiennent à la Région Midi-Pyrénées, deux étrangères et deux françaises d’apports extérieurs. C’est avant tout l’histoire d’un club local.
Le club s’est créé en 1975 car il y avait une demande de faire du basket dans le « village » de Mirande et ses 4 000 habitants. La ville était dynamique, on achevait les 30 glorieuses, aucun souci économique. Nous avions deux lycées, dont celui où j’ai été nommé pour, entre autres, promouvoir le passage entre le sport scolaire et le sport civil.
LE BAC MIRANDE EST NÉ
Dans cette logique et quand nous avons décidé de lancer le club, nous avons communiqué par voie de presse pour proposer à ceux qui le souhaitaient de venir prêter main forte. Nous avions la volonté de mettre en place un club de village, local. Lors de ce rassemblement nous fûmes débordés par le nombre de gens de bonne volonté qui souhaitaient aider. Ce qui est extraordinaire c’est l’engouement populaire nous devions être au mieux, dans la salle des mariages de la Mairie, une poignée de personnes mais on s’est vite retrouvé à quatre-vingts.

Martine Campi @ FFBB
L’objectif de cette association était principalement faire jouer des jeunes filles, pas uniquement les garçons car ils auraient fini, à terme, sur le terrain de rugby local. C’est la destinée de nombreux basketteurs du sud-ouest à cette époque-là même si, bien sûr, existent des exceptions. Cette idée de faire un club féminin m’est venue car il y avait des jeunes avec un potentiel de basketteuses intéressant. Le premiers dribbles ont été posés sur le sol de la Halle du marché couvert de Mirande, sur du ciment, salle ouverte aux quatre vents. Heureusement, très vite après la création du club, nous avons eu un interlocuteur très dynamique. La direction départementale du sport avait beaucoup d’importance à cette époque pour faire vivre et financer le sport local. Ce sont des choses qu’on ne peut pas imaginer aujourd’hui. Le sous-préfet a forcé la main à la Mairie de Mirande pour créer un gymnase scolaire. C’est ce gymnase qui a abrité notre club, nous avions accès tous les jours à partir de 17h. Dès le lancement du BAC d’autres catégories de joueuses ont été créées au club à commencer par le mini-basket.
Le BAC Mirande s’est aussi construit autour de joueuses principales. La première apportait une force spécifique à son époque, Martine Campi. Pour résumer, l’histoire du Basket féminin à Mirande emprunte celles de Martine Campi et la mienne. Je remarque tout de suite Annick Lalanne qui avait 15/16 ans, avec beaucoup de qualités pour ce sport, ce sera la capitaine pierre angulaire de l’équipe, puis, la troisième, plus jeune et qui a connu une très très belle carrière ensuite, Florence Roussel. Toutes les trois sont nées à Mirande. Elles ont constitué toutes les trois le noyau dur de l’équipe, évidemment elles n’étaient pas seules à avoir participé à cette évolution mais elles ont gravi tous les échelons du club. Florence et Martine ont débuté benjamines au club et Annick minime/cadette. Elles ont grandi dans le club, ont joué dans tous les championnats départementaux, régionaux… pour arriver au titre suprême de championnes de France en 1988. Il n’y avait ni championnat jeunes au niveau interrégional ni au niveau France. Les joueuses passaient de cadettes à senior sans passer par la case junior car elle n’existait pas, en particulier chez les féminines, car une joueuse très forte au niveau cadet était considérée comme pouvant devenir senior. Ce qui était une chance pour elles de se mesurer aux plus fortes. D’ailleurs, très peu de temps après a été créée la Coupe de France jeunes. La détection se faisait plus tard à l’époque, au niveau minime/cadet. Il y avait de vagues rassemblements pendant lesquels étaient constituées les équipes nationales jeunes. Joë Jaunay, le DTN de l’époque, avait eu l’idée de créer une section à l’INSEP avec une première légion de joueuses qu’il a fait murir.
IL N’Y A PAS DE CLUB SANS JOUEUSES
La structuration du club était de l’empirisme total. Au départ, j’étais seul comme technicien et j’ai eu la chance d’être épaulé par des personnes qui avaient cette volonté de créer un club de basket. Le premier président du club fut une présidente, ce qui n’était pas fréquent à l’époque. Une ancienne joueuse de Auch, qui exerçait comme kinésithérapeute. M. Esperon était le secrétaire du club, un poste très important. C’est toute cette équipe de personne qui a structuré le BAC Mirande autour de sa jeune présidente et joueuse. A mon niveau, j’étais nouveau dans le village, je ne pouvais pas solliciter une personne ou un savoir-faire comme pouvait le faire le secrétaire, par exemple. Nos entrainements, eux, n’étaient pas empiriques. ils étaient denses et nombreux, les cadettes, par exemple, avaient trois entrainements par semaine. Presque autant que les équipes professionnelles de l’époque. De mon côté, j’entrainais tous les jours de la semaine et durant le week-end s’ajoutaient les matchs.

Le BAC Mirande @ Livre d’or 1988
Une joueuse s’entrainait tous les jours, que ce soit du jeu individuel ou du physique, il s’agissait de Martine Campi. Elle relevait, pour moi, de la leçon particulière en partie du fait de sa grande taille. A tel point que nous nous sommes mis d’accord avec son collège, qui était attenant au gymnase qu’entre midi et deux, Martine poussait la porte du gymnase et je l’attendais pour un entrainement individuel de quarante-cinq minutes à une heure. Les techniques et méthodes de l’époque : Medecine ball, saut à la corde, jeu avec ballon, seulement des entrainements collectifs… ça peut paraitre désuet aujourd’hui. Comme j’étais professeur d’éducation physique à la base, je m’intéressais aussi beaucoup aux différentes pratiques d’entrainement et je faisais de la recherche personnelle pour essayer de m’améliorer. Je suis un amoureux de la technique individuelle. Je mettais aussi Martine en opposition avec un joueur masculin de son âge. Elle est devenue un phénomène, pourquoi? Par le travail, l’entrainement. Puis elle a été repérée par les équipes nationales de jeune et Joë Jaunay lui propose en 1978 d’intégrer l’INSEP. Quand on s’entraine plus, on est plus fort. L’objectif était que toutes les jeunes joueuses prometteuses se retrouvent à l’INSEP, au même endroit afin de rendre nos équipes nationales meilleures, pour s’entrainer quotidiennement avec Jackie Delachet notamment, ancienne joueuse du PUC et prof à l’INSEP. Partout ailleurs, on ne s’entrainait pas tous les jours.
L’ENTRAINEMENT, LA BASE DE TOUT

Florence Roussel au Bac Mirande @ Académie du basket
Mais je n’étais pas d’accord avec le fait que Martine rejoigne l’INSEP. J’ai donc été convoqué à l’INSEP et je leur ai démontré que ce n’était pas une bonne chose, ils m’ont fait confiance mais en me précisant qu’ils jugeraient sur place. Selon moi, l’éloignement de son environnement, à cet âge, lui aurait été préjudiciable. Son émancipation, qui restait aussi un de nos objectifs, s’est faite par la suite, mais en 1978 c’était trop tôt. Et, je le répète, Martine s’entrainait tous les jours à Mirande. C’était aussi vital pour moi et pour le club en un sens car elle était l’élément clé de la section élite de Basket. Par sa présence, Martine tirait les autres vers le haut. Annick et Florence n’avaient pas besoin de ces entrainements personnalisés. Les basketteuses de grande taille, comme les basketteurs, comme je le disais, nécessitent plus de travail individuel. Je n’ai jamais travaillé sur les liens que les filles pouvait nouer entre elles.
Concernant Martine née en 1962, Annick née en 1959 en et Florence née en 1964, il y a donc cinq ans d’écart entre elles, elles ont été constitutives de la création, du socle du BAC mais elles n’ont que très peu, voire pas joué ensemble en équipe de jeunes. La création du club s’est fait autour de la génération d’Annick et les plus âgées mais ces trois personnes ont vraiment créé l’identité du BAC. Cette génération s’est intéressée au basket après avoir vu des reportages télévisés (sur une des deux chaines de l’époque) sur le club de Clermont et que des femmes pouvaient jouer au basket. Ca paraît étonnant aujourd’hui mais c’était un événement à chaque fois quand on pouvait regarder des matchs de coupe d’Europe comme Clermont contre Prague ou Riga avec Ouliana Semenova, par exemple. C’est Joë Jaunay qui est à la base de ce club avec une idée de génie en réunissant toutes les filles du département du Puy de Dôme à Clermont. Le CUC est devenu le premier club féminin professionnel surtout pour pouvoir s’entrainer quotidiennement et se confronter aux grands clubs de l’époque. C’est pour cela qu’Annick a eu envie de jouer. Concernant Martine, c’est plus le club qui est allé la chercher poussée par sa tante et Florence je l’ai détecté à la piscine, longiligne, des aptitudes physiques exceptionnelles qui lui ont permis d’être très forte en défense et de pouvoir le faire sur tous les postes.
C’est comme cela qu’est né notre club local, avec des joueuses du « village ».
Propos recueillis par Arnaud Lefèvre
Sans oublier Michel Esperon !!!!!
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