[Histoire] 130 ans ou 27 siècles de basket-ball ?
Histoire
Mettre un ballon dans un cercle, geste aujourd’hui anodin et indissociable du basket, il n’est pourtant pas une quantité infinie de disciplines sportives ayant un tel objectif. Diverses traditions remontant au VIIème siècle avant J.C. possédaient pourtant de telles caractéristiques. Présentation (non exhaustive).
Hiver 1891, université du Springfield College, Massachusetts. C’est durant une période de froid particulièrement rude que le Docteur Gulick, directeur de l’établissement, s’inquiète de l’absence prolongée de sport pour ses étudiants, ennuyés par la gymnastique et dans l’impossibilité de pratiquer le Football et autres sports extérieurs. À sa demande, le professeur James Naismith invente une activité consistant à jeter une balle ronde dans un panier à pêches en décembre 1891. La nouveauté connaît un succès immédiat.
Cette discipline, extrêmement différente de tous les sports collectifs pratiqués à moyenne et grande échelle, semble être une invention sortie de nulle part. Les inspirations qui ont permis à Naismith de créer le rapidement nommé « basketball » sont très limitées, et encore incertaines. Cependant, il existait des formes de sports de « balle au panier », ou plus précisément de « balle au cercle », bien avant le basket-ball. S’ils n’étaient vraisemblablement pas connus de Naismith, il est intéressant d’observer certaines similarités dans la pratique et dans l’idée d’origine de ces sports.
LE POK TA POK : 22 SIECLES DE PRATIQUE CENTRAMERICAINE
Le plus marquant et le plus pratiqué dans l’histoire est le Pok Ta Pok. Ce sport traditionnel Maya émerge, selon les sources les plus anciennes, au VIIème siècle avant Jésus-Christ. Son existence s’est poursuivie au sein des communautés Aztèques d’Amérique centrale, étant alors connu sous le nom du « Tlachtli ». Ce sont des manuscrits incas, peuple plutôt présent dans le sud ouest du continent, qui sont passés à la postérité, permettant de connaître précisément une partie des règles de cette activité.
Ce sport était pratiqué sur un terrain rectangulaire clairement défini. Sa taille était variable, de 10 à 15 mètres de largeur pour 30 à 60 mètres de longueur. Le terrain du Chichen Itza est le plus grand qui soit parvenu à notre connaissance, avec 146 mètres de longueur pour 36 mètres de largeur. Les équipes étaient ainsi composées de 2 à 10 joueurs. Aux extrémités de chaque terrain se trouvaient des murs sur lesquels se tenaient des anneaux, placés perpendiculairement à 2,70 mètres du sol (photo ci-contre). Le but du jeu était de faire passer une balle en caoutchouc d’une trentaine de centimètres par celui-ci. La contrainte, rendant ce jeu difficilement imaginable aujourd’hui, était l’interdiction d’utiliser ses mains et ses jambes pour se renvoyer la balle. Les passes étaient obligatoires, avec un rebond au sol maximum. Le jeu s’arrêtait lors du premier but, finissant invariablement sur le score de 1-0, confirmant la difficulté que l’on peut présumer d’un tel sport.
La qualité de ce sport était initialement rituelle, marquant l’opposition de deux villages par un moyen non guerrier. À l’origine, les perdants étaient sacrifiés et les vainqueurs fortement récompensés, ce qui pouvait varier selon l’époque et la région. Ce sport, en dehors des entraînements nombreux, avait donc généralement des enjeux soit politiques, soit religieux, conduisant certains chefs à professionnaliser leur équipe. À l’image des jeux du cirque de la Rome Antique, le public s’est pris de passion pour cette activité, n’hésitant pas à parier – ces paris sportifs pouvaient aller de simples objets à une réduction personnelle au rang d’esclave –, poussant les organisateurs à multiplier les cérémonies religieuses nécessitant un match officiel.
Véritable institution des tribus d’Amérique centrale et du Sud, le Pok Ta Pok a été interdit par le clergé espagnol en 1519, soit après plus de 20 siècles d’existence.
D’autres activités ressemblant à un prémisse du basket-ball ont existé dans l’histoire, aucune n’ayant cette ampleur. Le Se Pakroga indonésien présente des similarités avec le pok ta pok. Dans ce jeu, un volant doit traverser un cercle tendu par des cordes. Les joueurs devaient aussi se passer de leurs pieds et de leurs mains. Dans son Encyclopédie des exercices corporels, G.A.H Vieth a recensé un sport existant en Floride en 1603, consistant à faire passer une balle dans un carré en jonc tressés à 2,5 ou 3 mètres de hauteur. Le pato argentin, existant encore aujourd’hui de manière assez marginale, existait également bien avant le basket-ball. Ce sport, pratiqué à cheval, consistait à attraper un ballon muni de sangles puis à le jeter à travers un panier placé perpendiculairement au sol. Interdit en 1882 pour sa dangerosité, il a été été relancé avec de nouvelles règles dans les années 1930.
UNE SEULE PROBABLE INSPIRATION DE NAISMITH
Ces sports n’étaient semble t-il pas connus de James Naismith lorsqu’il imagina le basket-ball sous sa forme initiale. L’influence la plus probable est celle du « Canard sur le Rocher », jeu canadien consistant à faire tomber une pierre par le lancer d’une autre. Ce jeu a sans aucun doute été inspiré par des émigrants basques, qui jouaient eux-mêmes à la Cauderole, jeu traditionnel de lancer, de poursuite et d’adresse. Chaque joueur était placé dans un trou de 20-30 centimètres de prondeur, assimilé à un chaudron d’où le jeu tire son nom. Ils se trouvaient à 7 mètres du rocher sur lequel trônait un cochonnet de 5 centimètres de diamètre, qu’ils devaient atteindre avec un caillou. La cible atteinte, le joueur devait récupérer son projectile et revenir, tandis qu’un gardien avait pour mission de replacer le cochonnet et toucher le joueur avec son béret dans ce laps de temps pour prendre sa place.
La version canadienne, le « Canard sur le Rocher », était assurément connue de Naismith, puisque pratiquée dans le petit village de l’Ontario dont il est issu. Les historiens du basket ont semblé s’accorder sur l’influence explicite ou non de ce jeu lorsqu’il a imaginé les premières règles du basket-ball. Les deux sports possédaient alors les points communs d’être des disciplines d’adresse, sans contacts, avec peu de mouvements, et des défenses principalement passives. Le dernier point commun demeure l’adresse tant la pratique du basket a changé en à peine un siècle d’existence, là où le Pok Ta Pok semble avoir connu moins d’évolutions en 22 siècles. Mais finalement, le sport de Naismith peut difficilement souffrir de comparaisons avec n’importe quelle activité ayant existé. La légende veut que le professeur ait écrit les règles initiales en une seule nuit : une chose est sûre, ce n’est pas en se documentant sur les sports du passé que l’idée lui est venue.
Superbe article Antoine !
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Merci beaucoup !
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