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Le Territorial Pick, une règle disparue il y a plus de 59 ans

Règlement

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

1949, la BAA (qui n’avait pas encore fusionné avec la NBL et ne s’appelait pas encore NBA) n’en est qu’à sa troisième saison. Malgré son statut de meilleure ligue de basketball professionnel du pays, les fans ne portaient que peu d’intérêt à cette ligue récente. La NCAA et l’ensemble du basketball universitaire avaient une popularité indétrônable à cette période, freinant le développement d’une ligue professionnelle. C’est ainsi que Maurice Podoloff et les dirigeants de la Ligue ont décidé de créer la règle du territorial pick (choix territorial) afin de tirer la couverture vers eux et gagner en popularité.

L’objectif est clair : ramener les fans de basketball universitaire dans les salles des franchises proches afin de continuer à suivre leurs joueurs préférés. Cette règle permettait aux franchises de choisir un joueur dit « local » c’est-à-dire issu d’une université dans un rayon de 50 miles (environ 80km) avant le début de la draft. Par moment, le 1st pick de la draft n’était en réalité que le troisième choix. A l’exception de deux joueurs qui ont pu bénéficier d’une dérogation, le territorial pick a servi de passerelle pour les fans vers le basketball professionnel pendant la totalité des 50’s et le début des 60’s.

Imaginez votre franchise préférée passer à côté d’un talent générationnel car celui-ci a effectué son cursus universitaire dans une fac proche d’une autre franchise et que celle-ci ait gelé vos espoirs… Cette règle a évidemment pesé sur l’histoire pour le meilleur comme pour le pire. Lorsqu’il s’agissait de sélectionner un joueur avec le territorial pick, c’était en général des joueurs pressentis être dans les premiers choix (parfois considérés comme meilleurs que le premier choix). Certaines classes de draft ont vu des légendes se faire sélectionner avec le choix local. En 1949, Ed Macauley (St Louis) est entré dans l’histoire comme étant le premier joueur à être sélectionné avec le territorial pick (par les St Louis Bombers) ; cette même cuvée voit par ailleurs les Minneapolis Lakers jeter leur dévolu sur Vern Mikkelsen (Hamline), l’un des piliers de la première dynastie de l’histoire aux côtés de George Mikan. Un an plus tard, les Philadelphia Warriors choisissent Paul Arizin (Villanova), le visage de la franchise pendant toute une décennie , ces mêmes Warriors qui ont assuré leur avenir pour les 60’s en draftant Guy Rodgers (Temple) en 1958 puis Wilt Chamberlain (Kansas) en 1959. En 1956, les Boston Celtics ont réalisé sans doute le meilleur coup de l’histoire de la draft grâce à leur coach et GM Red Auerbach. Ils récupèrent Bill Russell dans un trade avec les St Louis Hawks (pour Cliff Hagan et Ed Macauley), draftent KC Jones et profitent de leur choix local pour prendre Tom Heinsohn (Holy Cross). En un soir, ils sont parvenus à ajouter trois pierres à l’édifice de la plus grande dynastie de tous les temps. Les Cincinnati Royals ne sont pas en reste non plus puisqu’ils ont mis la main sur Oscar Robertson (Cincinnati) en 1960, puis sur Jerry Lucas (OHIO) deux ans plus tard constituant leur duo phare des 60’s. Cette même draft 1962 a vu les Detroit Pistons obtenir son futur coéquipier aux New-York Knicks Dave Debusschere (Michigan). La draft 1965 est la dernière draft où des joueurs ont été sélectionnés avec le territorial pick. Les New York Knicks ont choisi Bill Bradley (Princeton) tandis que les Los Angeles Lakers ont acquis le joueur star de UCLA Gail Goodrich.

Bill Bradley (à gauche) et Dave Debusschere (à droite), deux joueurs des New-York Knicks qui ont été drafté avec un territorial pick (crédits: George Kalinsky)

Cependant, deux joueurs ont fait exception à cette règle avec une dérogation. Il s’agit de Wilt Chamberlain et de Jerry Lucas qui ont grandi dans un rayon de 50 miles mais qui ont été dans une fac d’un autre Etat.

Evidemment, les Boston Celtics n’étaient jamais les derniers lorsqu’il s’agissait de jouer avec les règles et auraient pu anéantir les espoirs de titres de toutes les franchises pendant 15 ans. En effet, Wilt Chamberlain et Bill Russell auraient pu jouer ensemble aux Celtics grâce à cette règle :

« Lorsqu’il était en troisième année au lycée Overbook à Philadelphie, plus de 200 Universités ont tenté de le recruter. L’entraîneur des Celtics Red Auerbach s’était tellement épris de Wilt qu’il tenta en vain de le faire venir dans une Université en Nouvelle Angleterre, afin que les Celtics puissent le drafter en tant que choix local. »
(NBA Love Story)

Comme toute draft, quelques franchises sont passées à côté de quelques joueurs mais il est vrai que les mauvais choix se sont avérés rares. Le seul notable reste les New York Knicks en 1960 qui auraient pu sélectionner Tom Sanders (finalement choisi par les Boston Celtics).

A partir de 1966, le territorial pick a cessé d’être utilisé. Non pas suite à une interdiction mais simplement parce que les franchises n’en voyaient plus l’intérêt. Même avant cela, lors des drafts 1954, 1957 et 1961 les franchises ne s’en sont pas servi. En réalité, la NBA s’était penchée sur le sujet quelques années plus tôt afin de l’abolir quelques années après :

D’après la une du Syracuse Post Standard du 1er mai 1963, la NBA a voté le 29 avril 1963 en faveur de l’abolition de la règle du territorial pick pour 1968.

La raison derrière cette décision, c’est que la NBA voulait freiner les Boston Celtics. En 1963, les C’s sortaient d’un 5ème titre consécutif et d’un 6ème titre en 7 ans. Bob Cousy venait de prendre sa retraite (la relève était assurée par le noyau dur de Boston autour de Bill Russell, Tom Heinsohn, Sam Jones ainsi que KC Jones et John Havlicek qui n’était encore qu’un rookie), et Red Auerbach fit aussitôt en sorte qu’il devienne le coach de Boston College (l’université locale). La NBA craint alors que cette université devienne l’antichambre des Boston Celtics dans le sillage de Bob Cousy garantissant une succession à leur dynastie sur plusieurs décennies.

Voici quelques statistiques prouvant que le Territorial pick a concerné une majorité de légendes du jeu :


12 des 23 joueurs sélectionnés par un territorial pick sont intronisés au Hall of Fame, 4 ont été rookie de l’année et 2 ont été MVP. Finalement, les franchises qui ont le plus profité de cette règle sont les Philadelphia Warriors (7 joueurs), les Minneapolis/Los Angeles Lakers (5 joueurs) et les Cincinnati Royals (4 joueurs).

Avec le recul, on peut affirmer que cette règle a eu un fort impact sur la destinée des équipes avec des dirigeants qui pouvaient en partie avoir la main sur leur avenir sans forcément espérer que le hasard de la draft leur sourit. Imaginez si cette règle n’avait pas été abrogée, voir Kareem Abdul Jabbar dès le début de sa carrière sous le maillot des Los Angeles Lakers aux côtés de Jerry West, Wilt Chamberlain et Elgin Baylor, Bill Walton aux Los Angeles Lakers, George Gervin ou encore Magic Johnson sous le maillot des Detroit Pistons...

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About Léo Daulon-Nicolas (14 Articles)
Etudiant en L2 Information-Communication dans l'objectif d'entrer dans le monde journalisme. Beaucoup de sujets historiques avec un peu d'actualité sur la NBA et le basket en général, l'histoire n'a pas fini d'être racontée dans un devoir de mémoire des plus grandes légendes.

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