La flamboyante et désolante Odyssée de Billy Ray Bates
Portrait
Le talent de Billy Ray Bates est incroyable, athlète hors normes, dunkeur de génie, scoreur infatigable, c’est un phénomène. Un joueur qui tient sa singularité de sa jeunesse passée dans une pauvreté extrême. Des champs de cotons du Mississipi, à la NBA, jusqu’aux parquets des Philippines, voici l’ascension et la chute de celui qu’on appelle « Black Superman ».
STARTED FROM THE BOTTOM
Billy Ray Bates est né en 1956 à Kosciusko dans le Mississipi, bastion de la ségrégation raciale comme le sont tous les états du Sud à cette époque. C’est dans cette Amérique scindée en deux qu’il grandit, les blancs d’un côté, les noirs de l’autre. La doctrine ségrégationniste « séparé, mais égaux » est un leurre, l’égalité n’étant aucunement un projet. La famille Bates en est un parfait exemple. Billy, ses parents et ses huit frères et sœurs, vivent dans une cabane située dans la ferme d’un métayer travaillant pour le compte d’un millionnaire. Sans électricité, sans eau courante, travaillant d’arrache-pied dans les champs de coton et de soja pour des salaires de misère. L’égalité est un luxe dont sa famille et lui ne peuvent même pas rêver. Mais le destin est parfois malicieux, cette enfance faite de labeur permet à Billy de se bâtir un corps d’athlète. Ce corps devient alors la clé qui lui permet de s’extirper de sa condition d’esclave moderne.

Lorsque ses capacités athlétiques sont découvertes, les portes du lycée de Mc Adams High School lui sont ouvertes. Le jeune homme sait à peine lire, mais il a un don naturel pour le basketball. Un talent tel que malgré un niveau scolaire faible, il parvient à être recruté par l’université de Kentucky State. Le programme universitaire de KSU est réservé à la communauté noire. Brut de décoffrage, il lui faut deux années pour apprendre les rudiments du jeu collectif. Il explose ensuite et signe deux saisons à plus de 22 points par match et 60% de réussite. Sa capacité à dunker fait de lui le favori du public.
Les recruteurs de la NBA semblent quelque peu déroutés par le joueur. Il est visiblement très talentueux mais il évolue au sein d’une université de seconde zone. Comment se fait-il qu’il ne soit pas, au vue de son talent, joueur d’une université plus cotée. Il en est déduit qu’il peut tout au plus devenir un pigiste pour une franchise NBA. Il est tout de même drafté en 47éme position par les Houston Rockets lors de la loterie de 1978. Son agent réclame un contrat avec salaire garanti, ce qui n’est pas au goût de la franchise texane qui décide alors de le couper.
Les Philadelphia Sixers lui donnent une chance à leur camp d’entraînement. Billy Cunningham, entraîneur et ancien joueur légendaire de la ville, a pour coutume de faire participer ses joueurs à une course d’un kilomètre. Billy Ray explose le chronomètre et tous les autres participants. Il explique et se vante d’avoir passé la nuit avec plusieurs femmes et avoir bu plus que de raison. Les Sixers décident alors de ne pas offrir de contrat à ce joueur avec une balance bénéfice/risque plus que douteuse.

Il se retrouve alors sans club et se dirige vers la CBA, le défunt championnat expérimental de la NBA, l’ancêtre de la G-League. Il pose ses valises dans la ville de Bangor et rejoint l’équipe des Maine Lumberjacks. Immédiatement le jeune Billy Ray expose son talent à toute la ligue. Il termine la saison 78/79 avec 27,5 points, 7,3 rebonds et 4,7 passes décisives par rencontre, de quoi glaner le titre de Rookie de l’année. Il démontre également ses aptitudes de voltigeur et remporte le concours de dunk lors du All Star Game, le mot « Dunk » devient même son surnom.
Mais il montre aussi une autre facette de sa personnalité en smashant un ballon sur le visage d’un arbitre lors d’une rencontre l’opposant au Rochester Zeniths. Geste violent qui ne lui coûte qu’un tout petit match de suspension. La saison suivante, Bates est toujours aussi impressionnant, les Portland TrailBlazers décident alors de lui offrir un contrat de 10 jours. Encore peu répandus à l’époque, la plupart des joueurs ayant signé un tel contrat réalisent des piges anecdotiques dans la grande ligue, mais pas Billy Ray Bates.
BATESANITY
Il fait ses débuts en NBA le 23 février 1980 lors d’un un match qui oppose les Blazers aux Detroit Pistons. Il ne joue que 3 minutes, inscrit 2 points et prend 2 rebonds. Des débuts timides pour un joueur qui ne plaît guère à son nouveau coach, le légendaire Jack Ramsay. Il le trouve individualiste et remarque qu’il est incapable de mémoriser les systèmes de jeu. Cela se ressent lorsque l’on voit son temps de jeu, seulement 6 minutes lors de ses 6 premiers matchs.
C’est le 14 mars 1980 que la donne change pour Billy Ray. La franchise d’Oregon est en pleine déroute face aux Milwaukee Bucks. Jack Ramsay l’envoie sur le terrain, en 15 minutes, il aligne 14 points, 5 rebonds, 3 assists, 2 interceptions et 1 contre. Le lendemain à Chicago, même scénario, cette fois il inscrit 26 points en seulement 20 minutes de jeu.

Les bonnes performances se succèdent, il est élu joueur de la semaine et devient le chouchou des fans de Portland en seulement un mois. Bien qu’imparfait dans son jeu d’équipe, le musculeux arrière d’1m93 pour 98kg, épate la NBA avec ses capacités de scoring. Capable de tout sur un terrain offensivement, il se fait connaitre grâce à sa fraîcheur et ses dunks tonitruants. En 16 matchs, il inscrit 11,3 points de moyenne en 14 minutes de présence sur le parquet.
Une fois les matchs terminés, lui reste sur le terrain et enchaîne les dunks. Tel un générique de fin d’un film de Jacky Chan, les après-match des Blazers deviennent un show immanquable dont les fans se régalent. Il fait le spectacle dès que l’occasion se présente, en multipliant les clins d’œil à ses supporters, ou en donnant son numéro de téléphone à tout le monde. Billy Ray Bates c’est le show permanent.
Lors des playoffs, son équipe affronte les Seattle SuperSonics de Dennis Johnson, Gus Williams et Jack Sikma. Privé de Lionel Hollins et Maurice Lucas, c’est lui qui prend les commandes de l’attaque. Les Blazers s’inclinent en 3 rencontres, mais il termine la série avec 25 points de moyenne en 34 minutes. Portland vient de se trouver une nouvelle star. Dans le public des fans tiennent une pancarte ou il est inscrit, « Bates for Président ». Son coéquipier Mychal Thompson dit à son sujet :
» Billy Ray était comme une comète sortie de nulle part. »
Du côté de ses coéquipiers et du staff, le joueur surprend par son extrême candeur et sa différence. Beaucoup de ses partenaires sont également issus d’un milieu pauvre, mais ils sont tous bien loin d’avoir connu la vie de Billy Ray. C’est bien souvent que ses équipiers se retrouvent ébahis devant les récits évoquant son enfance. Lorsqu’on lui explique qu’il a besoin d’un compte courant pour y déposer ses chèques, c’est avec un regard circonspect qu’il regarde son interlocuteur. Il ne sait pas ce qu’est un chèque et encore moins ce qu’est un compte courant. Bien qu’il soit resté 4 ans à l’université, il ignore tout de la vie en société.
C’est lors d’un dîner en compagnie de Calvin Natt, ailier-fort vedette des Blazers, que le recruteur du club Stu Inman se rend compte de l’écart abyssal d’éducation entre Bates et les autres joueurs. Calvin Natt vient également du Sud, Billy est alors ravi de rencontrer quelqu’un qui vient du même endroit que lui. Il demande alors à Natt si lui aussi a grandi en mangeant de l’écureuil et de l’opossum. Ce dernier éclate de rire, quand Stu Inman lui, est sous le choc, il se demande alors comment sauver ce joueur.
OMBRE ET LUMIERE
« Sauver le joueur ». Cela peut paraître exagéré à première vue, mais la suite de la carrière de Billy Ray Bates confirme ses problèmes d’adaptation. Le mot d’ordre pour les deux prochaines saisons qu’il passe sous la tunique des Blazers est « inconstance ». Une irrégularité qu’il doit à son penchant maladif pour la bouteille. Une addiction héritée de son père décédé alors qu’il n’avait que 7 ans. Lui c’est à l’âge de 10 ans qu’il commence à boire régulièrement de l’alcool.
Il peut donc passer d’un match anecdotique à une performance de haute volée d’un soir à l’autre en fonction de son état. Comme au mois de mars 1981, où il est capable de passer de 4 minutes de temps de jeu pour aucun point inscrit, à 25 minutes de jeu et 35 points inscrits seulement 5 jours plus tard. Il peut être complètement à côté de ses baskets, puis regarder les meilleurs joueurs de la ligue dans les yeux la même semaine. Lors du dernier match de la saison, il réalise son record en carrière avec 40 points inscrit en 32 minutes face au San Diego Clippers, alors que 4 jours auparavant il n’inscrit que 4 petits points face au Phoenix Suns.

Le joueur est extrêmement frustrant pour le staff des Blazers. La légende raconte même qu’un soir il rate une mi-temps entière car il s’est endormi, réveillé par un policier envoyé par Ron Culp, un des assistants-coachs. Il avoue s’être de nombreuses fois perdu, déambulant complètement ivre aux alentours de la ville. Désormais il montre même un certain goût pour les drogues illicites. Il s’empêtre dans ses travers et il n’y a rien que son entourage puisse faire pour l’aider à s’en sortir.
Il est pourtant suivi de près et on tente de le mettre dans les meilleures conditions, afin de le faire évoluer en tant que joueur et en tant qu’homme. Mais Billy Ray ne sait pas dire non. Il se fait facilement manipuler par les parasites qui souhaitent se servir de son argent pour se distraire, même si bien souvent il n’a besoin de personne pour sombrer.
Si il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher à Bates, c’est qu’il ne fuit pas les responsabilités sur le terrain. Si personne ne veut prendre de tirs, alors c’est vers lui qu’il faut se tourner. Comme ce 30 décembre 1980, ou les Blazers reçoivent les Sixers d’un Julius Erving en grande forme. Le match est serré et les Blazers sont menés d’un point alors qu’il ne reste quasiment plus de temps sur le chronomètre. Remise en jeu, passe lobée, à la réception Bates qui inscrit le panier de la victoire dans une position plus qu’inconfortable. Le héros du jour n’avait alors joué que 14 minutes et n’avait inscrit que 4 points jusque-là.
Mais une fois de plus, c’est en playoff que l’arrière se montre intraitable. Son équipe affronte les Kansas City Kings mené par Otis Birdsong et Ernie Grunfeld. Comme l’an passé, c’est le moment que choisit Bates pour faire étalage de tout son talent. Il finit la série vaincu mais avec une moyenne de 28,3 points par rencontre.
La saison 1981/82 est du même ordre, oscillant entre grandeur et décadence, Bates met à mal la patience du Front Office des Blazers qui décide alors de se séparer de lui. Bien que les fans soient entièrement dévoués à sa cause, la situation est intenable. Il est toujours incapable de retenir le moindre système et il est désormais plus connu pour ses frasques hors des terrains que pour ses performances sur les parquets.
Il laisse un souvenir impérissable du côté de Portland comme l’explique Jon Wertheim journaliste de Sport Illustrated :
» Tout le monde en ville avait une histoire sur Bates. Une histoire de boisson. Une histoire de femme. Un employé que je connaissais chez Nike a affirmé avoir passé le test de conduite de Bates pour lui. »
Alors que les Blazers sont au top de leur popularité au début des années 90, on propose aux fans de voter pour leurs joueurs préférés. Billy Ray Bates obtient autant de votes que la star de l’époque, Clyde Drexler. Preuve de son impact, mais comme l’a dit Mychal Thompson, « Bates est comme une comète », il n’a donc fait que passer.
C’est ensuite les Washington Bullets qui recrute l’arrière de 26 ans, mais ils montrent beaucoup moins de tolérance que la franchise de l’Oregon à son égard. Il participe à seulement 15 rencontres avant d’être envoyé en Californie chez les Los Angeles Lakers. La plus sophistiquée des équipes NBA libère le joueur au bout de 4 matchs. Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar n’ayant pas la patience d’intégrer celui qu’ils considèrent comme un plouc, se moquant allègrement de ses boucles de cheveux.
Sa carrière NBA se termine ainsi sans qu’aucun autre club ne montre le moindre intérêt pour lui qui est désormais catalogué au rang de joueur toxique et irrécupérable.
L’EXIL
Tout le monde connaît le slogan « boire ou conduire, il faut choisir ». Pour Billy Ray Bates, il s’agit plus de savoir s’il veut boire ou jouer au basketball. Sa réponse : les deux. Il trouve alors aux Philippines le meilleur, et donc le pire endroit, pour arriver à ses fins. Lui qui sort tout juste d’une cure de réhabilitation qui a pour but de soigner ses problèmes d’alcool, se voit arriver dans une ligue qui va lui permettre de réaliser tous ses excès.
Les Philippines sont une nation qui voue un véritable culte au basketball, ce pays va faire de Bates un Dieu. Il arrive dans l’équipe des Crispa Redmanizers et ses débuts vont être fracassants. Il affronte lors de son premier match la légende de la ligue, l’américain Norman Black, qui finit la rencontre avec 59 points. Billy Ray termine ce match avec 64 points et la victoire. L’engouement est immédiat, jamais personne n’a fait démonstration de tant de prouesses aériennes dans le championnat philippin nommé PBA.

Pour beaucoup son impact aux Philippines est semblable à celui de Julius Erving en ABA et NBA dans les années 70. Avec ses bracelets, ses chaussettes au genou et son bandeau de karatéka à la Jimmy Butler bien avant l’heure, il est le joueur le plus funky de tout le pays. Extraverti sur le terrain, célébrant chaque panier et gratifiant le public de dunks inédits jusque-là. Il inspire la marque Grosby, qui lui propose de fabriquer une chaussure à son effigie. Une sorte de contrefaçon de la Nike Air Force, baptisée du surnom du joueur, « Black Superman ». D’ailleurs lorsqu’il apprend qu’on le surnomme ainsi, il se présente à chaque rencontre avec une cape sur ses épaules.
Il termine sa première saison avec des statistiques dignes d’un joueur créé sur NBA 2K. En 46 minutes de jeu, c’est 41,7 points, 10,9 rebonds, 6,1 passes décisives et 1,6 interceptions. Avec son physique de Lebron James de poche et son bagage technique, personne ne peut rien face à lui. Cette même saison, il permet aux Redmanizers de remporter les 3 tournois qui constituent la PBA, réalisant ainsi le Grand Chelem. Il est également élu meilleur étranger du championnat.
Ensuite il décide de retenter sa chance aux Etats-Unis, il refait un passage par la CBA, dans l’équipe des Ohio Mixers. Il score environ 15 points par match, son rythme de vie dissolu ne lui permettant pas de performer dans une ligue plus relevée que la PBA. Il s’exile à nouveau mais cette fois-ci en Suisse du coté de Fribourg, également sans succès. Il décide alors de retourner jouer aux Philippines, là-bas il est une star, et personne ne lui reproche ses débordements.
DUNK AND DRUNK
Pourtant à Manille la réputation des joueurs américains n’est plus à faire, la plupart se comportant comme des marins en goguette, avec drogues, alcools et prostituées. Les « imports » comme on les appellent là-bas, cumulent tous les vices. Dès ses débuts dans le championnat Philippin Bates est surveillé par son entraîneur Tommy Manotoc, mais n’est pas Guy Roux qui veut. Bien que guetté par ses gardes du corps et ses chauffeurs, il suffit d’un simple petit billet glissé dans une poche pour que Bates se retrouve libre de faire ce qui lui plaît. Boire, faire la fête, et multiplier les conquêtes, à tel point qu’il en rendrait Wilt Chamberlain jaloux. Flamboyant et adulé balle en main il est, selon les témoignages, un sauvage une fois la nuit tombée, dépassant les limites de l’acceptable.
Les excès ne sont pas réservés aux américains, les joueurs locaux sont aussi coutumiers des fêtes et des abus d’alcool. Mais quand ils enchaînent les bières, Bates enchaîne les Whisky. Aux entraînements, pas de Gatorade, mais du jus d’orange aux forts relents de Jack Daniels. Même avec la gueule de bois il peut inscrire 50 points chaque soir. Sans rire, en 1987, il inscrit 54,9 points par rencontre alors qu’il est alcoolique et qu’il passe ses nuits dans les bars et les boîtes de strip-tease.

L’ironie veut que cette saison d’orgie d’alcools et de paniers se passe sous le maillot des Ginebra San Miguel, l’équipe d’une célèbre distillerie qui produit toutes sortes de spiritueux. La relation ne pouvait être que fructueuse. En 1986, l’équipe associe Billy Ray Bates à Michael Hackett.
Pour situer ce dernier, il est en ce temps détenteur du record de points de la ligue avec 103 points, et détenteur du record de rebonds avec 45, rien que çà. Le duo est encore aujourd’hui considéré comme le plus grand duo jamais formé dans l’histoire de la PBA. Il remporte ensemble la PBA Open conférence de 1986.
C’est son dernier grand accomplissement dans cette ligue, mais également le dernier de sa carrière. Malgré des chiffres qui restent flatteurs, le joueur décline en pleine force de l’âge. Son hygiène de vie déplorable finit par l’user. Ses écarts de conduite deviennent intolérables, même dans ce pays ou on pardonne tout aux imports tant qu’ils sont performants.
En 1988, le Ginebra San Miguel change de nom et devient le Anejo Rum 65, nouvelle marque de la distillerie qui souhaite en faire la pub via son club de basketball comme le veut la coutume philippine. La moyenne de points de Billy Ray Bates passe de 55 à 31 points, ce qui reste en apparence plus que raisonnable. En réalité, son équipe ne remporte aucunes de ses 4 premières rencontres et le joueur semble en grande difficulté sur le terrain.

Incapable de défendre sur les arrières adverses, se faisant même contrer, chose inimaginable jusque-là. Le « Black Superman » retrouve sa condition d’être humain. De l’avis de tous, Bates ressemble à ce moment-là, à une coquille vide. La décision est radicale, le club se sépare de lui. Incorrigible, il est impossible pour lui de respecter les accords de sobriété conclus avec son club.
Il tente alors, le soir même, de contacter un autre club afin que celui-ci remplace son import en l’engageant à sa place. Un coup de fil donné passablement éméché à 2 heures du matin, son interlocuteur décide simplement de lui raccrocher au nez. Une déconvenue qui marque la fin du parcours de Billy Ray Bates aux Philippines.
Le chroniqueur du magazine Champ, Ronnie Nathanielsz écrit ses mots quelques jours plus tard :
» Le basketball est devenu une partie intégrante de notre quotidien, et Billy Ray Bates était son étoile la plus brillante. »
Billy Ray Bates c’est 98 rencontres dans le championnat PBA, avec des moyennes de 46,2 points, 12,4 rebonds, 5,7 passes décisives, 1,3 interceptions, 0,9 contres à 63,2% de réussite aux tirs.
DESCENTE AUX ENFERS
Alors il tente bien de rebondir, il passe un temps par la case Uruguay, et joue même un match avec les Pensacola Tornados en CBA. Mais sa carrière est finie. Commence alors une longue descente vers les abymes pour celui qui ne sait rien faire d’autre que jouer au basketball.
Il vit désormais de petit boulot, on le voit encore traîner dans les gymnases, ici ou là. Il est constamment en galère d’argent, il lui manque une demi-saison pour toucher la retraite des joueurs NBA. Alors qu’il arrive sur ses 40 ans, il prétend avoir encore le talent pour jouer dans la grande ligue. Il estime que la franchise des Blazers lui est redevable pour tout ce qu’il a fait pour elle. Il souhaite un contrat de 3 ans et 1 million de dollars, ne se rendant pas compte de l’absurdité de ses propos. David Halberstam, célèbre journaliste récompensé d’un prix Pulitzer, connaît bien Billy Ray Bates, qu’il suit depuis son passage à Portland, il dit à son sujet :
» Beaucoup de choses dans le monde étaient difficiles pour lui, compte tenu de là où il venait. À bien des égards, il n’avait tout simplement pas les outils pour réussir dans une société post-industrielle. »
C’est ainsi qu’en 1998 on retrouve Billy Ray Bates, l’inadapté, évanouit dans un buisson derrière une gare du New Jersey avec 7 dollars en poche. Le maigre butin du cambriolage qu’il vient de réaliser avec deux complices. Armé d’un couteau, il braque une station essence et tranche l’oreille du salarié en poste ce soir-là pour une poignée de monnaie. Il est jugé et condamné à 5 années de prison pour vol avec violence aggravée.
Plus tard, alors qu’il est en liberté conditionnelle, il est contrôlé positif à la cocaïne lors d’un test de dépistage. Il repasse par la case prison pendant 3 mois. Les quelques vrais amis qui lui restent l’encouragent à retourner à Portland, qui est le seul endroit ou Bates est potentiellement susceptible d’être bien accueilli. Mais il n’a pas les moyens de se payer un billet d’avion.
En 2011 il est convié à la cérémonie du Hall of Fame philippin afin d’y être intronisé, les fans se rappellent alors à son bon souvenir. On lui propose même de devenir entraîneur des Philippines Patriots. Grosby lui offre 1 million de pesos et relance la production de sa chaussure signature. On se dit alors que l’heure de la rédemption a sonné. Il déclare :
» Je veux être un exemple pour les enfants. J’ai mûri et changé. J’ai traversé de bons et mauvais moments. Mes fans philippins ne m’ont jamais tourné le dos. Je veux montrer ma reconnaissance, je veux leur redonner. «

Comme à son habitude, Bates l’incorrigible, fait capoter cette opportunité. Il est arrêté en pleine nuit en train de caillasser une voiture. Il gaspille tout ce qu’il gagne dans l’alcool. Il est accueilli tous frais payés chez des amis à qui il laisse des factures exorbitantes de nourriture et d’électricité. Il menace d’anciens joueurs américains pour leur soutirer de l’argent. Il est licencié par les Patriots, pour s’être présenté ivre aux entraînements et se retrouve impliqué dans un « incident scandaleux » avec un travesti, alors qu’il loge dans un condo prêté par le club.
En 2013, on le voit à la télévision dans un des show TV les plus populaire des Philippines. L’émission « Wil Time Bigtime ». Il explique avoir besoin d’argent pour soigner sa hanche et pour s’acheter un billet d’avion afin de retourner en Californie. Sur une musique triste, en pleurs, il demande au présentateur de lui venir en aide. L’animateur lui promet de faire ce qu’il peut, et lui offre avec condescendance une veste à son effigie. Un Billy enfantin, retrouve alors le sourire, dans ce moment malaisant de paternalisme comme seule la télévision peut en fournir.
Quelques temps plus tard, c’est avec soulagement que les Philippins apprennent que Billy Ray Bates est conduit à l’aéroport par les services du bureau de l’immigration, l’ancienne gloire est devenue persona non grata. La tolérance vis-à-vis de son comportement n’est plus la même, nous ne sommes plus dans les années 80. Beaucoup espère ne plus jamais le revoir dans leur pays.
Que fait Bates aujourd’hui ? Difficile de le savoir, en 2016, il annonce vouloir retourner à l’université pour y prendre des cours. Il souhaite également écrire sa biographie, à laquelle il a déjà trouvé un nom, « Born to play Basketball ».
Il pense également que son histoire peut intéresser un cinéaste ou un documentariste. Il se peut que cela soit le cas, tant son parcours rocambolesque qu’un simple article ne peut résumer est incroyable. Il l’imagine sûrement à sa gloire, mais il n’est pas gagné que son image en ressorte grandie. Lui qui est à la fois empreint d’une grande humanité et de sombres ténèbres dont il n’a jamais su se détacher.
Le Black Superman est un extraterrestre, pour qui notre monde est un mystère. Victime de la pauvreté, du racisme et prisonnier de ses addictions. Un des personnages les plus singuliers que la NBA ai connu, aussi attachant que déroutant. Une chose est certaine, il n’y aura plus jamais un autre Billy Ray Bates.
Votre commentaire