NBA Finals 1972 – Jerry West brise la malédiction
NBA Finals
C’est le remake de la finale disputée deux ans auparavant. Quelques différences sont toutefois notables. Les Lakers ont l’avantage du terrain, sortent d’une saison à 69 victoires (record avant celui des Bulls de 1996 et les Warriors de 2016) et d’une série de 33 succès consécutifs, un exploit qui tient toujours.
En dehors des chiffres, c’est aussi des effectifs qui ne sont pas à 100%. Willis Reed ne participe pas à cause de son genou gauche et était déjà out depuis des mois. Le départ surprenant d’Elgin Baylor en début de saison ne change rien aux ambitions des Lakers qui vont réaliser la plus belle campagne de leur histoire et aussi…remettre un coup dans la carrière poissarde de l’arrière légendaire. Los Angeles colle un sweep aux Bulls en demi-finale et va éliminer les champions en titre, les Bucks de Kareem Abdul-Jabbar en six manches. Du côté des Knicks, il a fallu se dépêtrer des Bullets de Baltimore emmenés par Archie Clark et Wes Unseld avant d’enchaîner sur les Celtics de John Havlicek et Jo Jo White en finale de conférence.
Reed qui avait été si primordial dans le titre de 1970 à New York n’est pas là pour stopper Chamberlain. Les Lakers sont largement favoris, les Celtics de Russell absents : il n’y a plus d’excuses. Jerry West va ainsi jouer sa huitième finale et espère cette fois-ci remporter le graal. Place au jeu.
GAME 1 – LOS ANGELES 92 – NEW YORK 114

Jerry West face à la défense des Knicks. Crédit photo L.A Times
Il fallait tenter un coup de génie ou foldingue pour réussir à déstabiliser le géant des Lakers. Red Holzman donne sa chance à Jerry Lucas en tant que pivot titulaire. Plus petit que Reed et surtout plus léger. Défendre sur Chamberlain n’est pourtant pas son objectif, mais plutôt de le sortir de sa zone de confort. Lucas a pour consigne de shooter à 4-5 mètres afin que Wilt s’écarte de la raquette. Vous l’avez deviné, le but est de permettre aux autres joueurs des Knicks d’attaquer le cercle sans la présence du n°13. La défense des Lakers se retrouve désorganisée et impuissante face à l’adresse insolente de leurs adversaires, 80% de réussite dans le QT1 et plus de 70% sur toute la première mi-temps ! Lucas joue à merveille sur cette période (9/11). La faillite offensive des Lakers n’arrange rien, la ligne arrière West/Goodrich (11/37) est annihilée par la défense de Frazier et ses coéquipiers. Les arbitres sont pointés du doigt dans les médias, comment Lucas n’a-t-il eu que trois fautes sur toute la rencontre en défendant sur Chamberlain ? Peut-être car ce dernier n’a pu prendre que onze shoots, pendant que la ligne arrière arrosait sans ménagement et sans réussite ? Bill Bradley n’a manqué qu’un seul tir sur douze ! DeBusschere s’est mis au four et au moulin (19 pts – 18 rbs). Un petit triple double pour Frazier pour l’addition (14 pts – 12 rbs et 12 asts). West est abasourdi :
« Ils ne peuvent pas shooter aussi bien sur toute la série. Je n’ai jamais vu une telle démonstration d’adresse dans toute ma carrière.«
Le public du Forum a déserté l’enceinte au début du QT4. New York a choqué tout le monde. Mais encore faut-il rappeler que les Lakers avaient pris une rouste à la maison face aux Bucks dans la série précédente avant de se reprendre et remporter quatre des cinq matchs suivants.
GAME 2 – LOS ANGELES 106 – NEW YORK 92
Piqués dans leur orgueil, les pourpres et or se réveillent le couteau entre les dents. Finies les conneries. Goodrich martèle la défense des Knicks pour palier à la maladresse chronique de West. Chamberlain reprend du poil de la bête et capte 24 rebonds en plus de ses 23 points. Il ne tombe plus dans le piège de Lucas et va le contrer à de multiples reprises. Cependant, les Knicks ne paniquent pas et sont au coude à coude jusqu’à la tuile, la blessure de Dave DeBusschere. Dès qu’il est parti dans les vestiaires, son adversaire direct, Happy Hairston, a scoré douze points dans le QT3. Les ajustements de coach Bill Sharman ont aussi porté leurs fruits. Nourrir de ballons le grand Wilt et donner un maximum de munitions à l’homme en forme, Gail Goodrich (31 pts). New York a eu quelques occasions de revenir au score, le manque de lucidité et un nombre impressionnant de balles perdues (26) leur a été fatal.
Bradley en a eu parfaitement conscience :
« On a forcé sur beaucoup de phases offensives et les ballons qu’ils nous ont fait perdre, ça nous a tué. »
Les Knicks ont repris l’avantage du terrain certes, mais l’inquiétude autour de DeBusschere grandit. Dave est le joueur le plus complet de l’équipe, omniprésent dans tous les secteurs de jeu. Sa perte serait préjudiciable pour la suite de la finale.
GAME 3 – NEW YORK 96 – LOS ANGELES 107
DeBusschere va finalement tenir sa place en étant très diminué et ne peut rester qu’une mi-temps. Les efforts de Frazier et Lucas ne sont pas suffisants. La faillite offensive de West continue, mais celle d’Earl Monroe également (blessé lui aussi). Trop de difficultés à attaquer comme à défendre et L.A s’envole dès le QT2. Chamberlain réalise encore un carnage avec 26 points et 20 rebonds. Son coéquipier Hairston fait aussi une moisson (20 rbs). Los Angeles fait une copie conforme du match précédent en servant sur un plateau Wilt au plus proche du panier. Une domination sans équivoque contre des Knicks diminués. On ne voit pas comment la tendance peut s’inverser. West devient à l’occasion le joueur ayant inscrit le plus de points en playoffs (4002) dans l’histoire de la ligue. Précisons aussi que Chamberlain a réussi 8 de ses 11 lancers francs, un exploit !
GAME 4 – NEW YORK 111 – LOS ANGELES 116

Wilt Chamberlain déborde Jerry Lucas – Crédit photo @ Dick Raphael – USA TODAY
Changement d’atmosphère. Les Knicks enfilent le bleu de chauffe, une bataille décisive s’annonce. La rencontre la plus disputée de cette finale. Le jeu s’avère extrêmement physique et engagé. DeBusschere joue 48 minutes en étant blessé ! La triplette Lucas-Frazier-Bradley met à mal la défense « angelino ». Le Madison Square Garden rugit. L.A domine au rebond (43 prises pour « The Stilt » et Hairston), les New Yorkais sont tenaces. Aucune équipe ne lâche le morceau. Alors que les Lakers mènent de deux points à quelques secondes de la fin, Frazier égalise sur une claquette malicieuse pour arracher une prolongation. Les deux ailiers, Bill Bradley et Jim McMillian se rendent coup pour coup. West inscrit deux lancers pour prendre l’avantage. Lucas tente d’égaliser sur un tir à mi-distance et le manque. Goodrich capte le rebond et part en coast to coast avec finition en lay-up. Un dernier lancer de Goodrich ferme définitivement les clous sur le cercueil de New York.
GAME 5 – LOS ANGELES 114 – NEW YORK 100
L’un des matchs les plus remarquables dans la riche carrière de Chamberlain. Annoncé avec une entorse au poignet, Wilt a gardé le secret avec le médecin car il s’agissait d’une fracture engendrée au cours de la rencontre précédente ! Entre piqûres d’anti inflammatoire et poches de glace, il a serré les dents et a tenu le choc. Pas de pitié dès les premières minutes, les Lakers mènent 8-0 avant qu’Holzman prenne un temps-mort. Les Knicks reviennent dans le match sur quelques tirs extérieurs de Lucas. La trajectoire de ses shoots atteint une hauteur impressionnante qui met dans l’embarras Wilt. On peut aussi voir un duel d' »underdogs » entre Phil Jackson et Pat Riley, vingt ans avant leur rivalité en tant que coach.
New York doit cependant s’avouer vaincu et Holzman rappelle son cinq majeur sur le banc sous une standing ovation du Forum d’Inglewood, la grande classe et le respect. Comme à l’accoutumée à cette époque, le public envahit le terrain après que les joueurs ont rejoint les vestiaires. West et Riley partent au buzzer dans les bras de l’autre. Bill Sharman qui avait remporté le titre de coach de l’année peut ajouter une nouvelle bague à sa collection. La saison précédente, il officiait en ABA aux Utah Stars avec un titre au bout. Vous ajoutez quatre trophées de champion en tant que joueur majeur des Celtics. Wilt Chamberlain qui avait eu la fâcheuse habitude de se laisser aller en playoffs, est redevenu une machine dominante. Il a su se relever après son échec au Game 1. Sur ce match 5 final, une ligne de stats ahurissante (24 pts – 29 rbs et 8 blks!) en ne se reposant qu’une petite minute. A 35 ans, il devient le joueur le plus âgé ayant remporté le trophée de MVP de la finale. Avant de conclure dans la bonne humeur, un léger aparté sur Jake Kent Cooke, le propriétaire radin des Lakers à l’époque. Il avait promis une prime de 1500 dollars pour chacun des joueurs sur le parcours en playoffs. Bill Sharman ne faisait pas parti de l’équation et les joueurs ont donc reversé l’intégralité de leurs gains à leur coach, soit 15000 dollars. Ils étaient tellement furieux qu’ils ont totalement snobé Cooke au cours du déjeuner le lendemain.
Premier titre depuis que les Lakers ont emménagé à Los Angeles et sixième sacre de la franchise. Jerry West savoure plus que quiconque ce trophée tant désiré après de multiples échecs. Ironiquement, c’est de loin sa pire finale sur le plan statistique où il termine avec seulement 32% de réussite!
« La dernière fois que j’ai gagné un championnat, ça remonte au lycée. J’ai tellement mal joué. J’ai même le sentiment d’avoir abandonner mon équipe. Je sais que le principal est qu’on est gagné, mais il y aura toujours ce petit quelque chose au fond de moi qui verra cela comme une injustice, de gagner l’unique titre de ma carrière et d’être totalement passé à côté personnellement »
Pendant que la fête bat son plein et que le champagne coule à flot dans les vestiaires du Forum, Elgin Baylor vient rendre une visite à ses anciens coéquipiers et participe aussi à ce titre qu’il aurait pu enfin avoir sur son palmarès si le destin avait été plus clément. La joie de ses pairs lui offre un joli lot de consolation et nous laisse avec une petite larme au coin de l’oeil :
« Ils ont réussi à remporter ce qui m’a échappé pendant treize ans. Jerry m’a dit que son plus grand regret, c’est de ne pas avoir pu partager ce titre avec moi ».
STATS
- Wilt Chamberlain: 19,4 pts – 60 % aux tirs – 23,2 rbs – 2,6 asts en 47 minutes
- Gail Goodrich: 25,6 pts – 46,9 % aux tirs – 2,6 rbs – 2,6 asts en 40 minutes
- Jerry West: 19,8 pts – 32,5 % aux tirs – 4,0 rbs – 8,8 asts en 41 minutes
- Happy Hairston: 14,2 pts – 46,6 % aux tirs – 14,6 rbs – 1,4 asts en 40 minutes
- Walt Frazier: 23,0 pts – 58,5 % aux tirs – 8,0 rbs – 8,0 asts en 45 minutes
- Jerry Lucas: 20,8 pts – 50,0 % aux tirs – 9,8 rbs – 6,2 asts en 47 minutes
- Bill Bradley: 19,6 pts – 48,8 % aux tirs – 2,6 rbs – 3,2 asts en 40 minutes
- Dave DeBusschere: 10,4 pts – 37,5 % aux tirs – 12,8 rbs – 2,2 asts en 33 minutes
RÉSULTATS
Los Angeles Lakers – New York Knicks 4-1
- 26 avril : New York @ Los Angeles 114-92
- 8 juin : New York @ Los Angeles 92-106
- 10 juin : Los Angeles @ New York 107-96
- 13 juin : Los Angeles @ New York 116-111
- 15 juin : New York @ Los Angeles 100-114
LES HIGHLIGHTS DU GAME 5 SUR LE DUEL CHAMBERLAIN/FRAZIER
LES HIGHLIGHTS DE LA FINALE
Crédits photo : NBAE/Getty Images
Sources: Basketballreference et le New York Times.
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