Gary Vitti, les mains en or des Lakers.
Portrait
En 1984, Les Los Angeles Lakers de l’époque Showtime de Pat Riley, recrutent un nouvel Head Athletic trainer, Gary Vitti. Le célèbre moustachu du banc des Lakers va rester 32 ans au service des joueurs et remporter 8 titres avec Los Angeles. Le 3 avril 2016, à l’occasion d’un match contre les adversaires mythiques, les Celtics de Boston, l’organisation des Lakers lui offre un maillot Or avec une croix blanche sur fond Pourpre pour le remercier de ses bons et loyaux services.
Head Athletic Trainer est difficilement traduisible en français. Il s’agit d’un kinésithérapeute (physical therapist) ou d’un préparateur physique (strength and conditioning coach) ayant passé un master complémentaire en médecine du sport. Il accompagne l’équipe au bord des terrains pendant les matchs à domicile et à l’extérieur. Vitti a rempli cette fonction pendant plus de 3 décennies auprès des plus grands joueurs des Lakers en nouant des relations fortes avec eux et notamment avec Kobe Bryant. Il a cotoyé 2 general managers avec lesquels il s’est bien entendu, Jerry West et Mitch Kupchak et 13 coachs dans un rôle pivot entre le staff Médical, le staff technique et bien sûr les joueurs.
FORMATION
Gary Vitti est né le 14 janvier 1957 à Stamford dans le Connecticut. Il passe un Bachelor en Sciences à l’Université de Southern Connecticut en 1976 puis un Master en Médecine du Sport à l’Université d’Utah en 1982 tout en étant entraineur assistant au Jazz pendant la saison 1981-82. entre 1982 et 1984, il commence sa carrière d’ Head Athletic Trainer tout en combinant la fonction de professeur adjoint à l’Université de Portland.
L’ARRIVÉE A L.A
Ce début de carrière d’enseignant lui plait et il reste un an à Vitti avant de passer un doctorat. Il apprend cependant que Jerry West, légende et éminent dirigeant des Lakers et l’entraineur Pat Riley s’intéressent à son profil. Los Angeles vient de perdre face aux ennemis de Boston les Finals 1984 au septième match. Le Logo et Coach Gomina, meurtris, souhaitent renforcer le staff en terme d’expertise médicale. Vitti est indécis. Il a déjà eu une brève expérience NBA avec le Jazz et son cursus étudiant n’est pas tout à fait terminé. Son histoire professionnelle bascule avec l’appel déterminant de l’entraineur des Lakers :
« Vous pouvez faire tout ce que vous voulez en termes de recherche. Mais vous le faîtes avec les meilleurs athlètes du monde ». Pat Riley.
Difficile de résister à la persuasion de coach Riley. Gary Vitti mord à l’hameçon et entre dans une maison qu’il ne va plus quitter avant sa retraite. Il arrive avec des techniques innovantes dans le milieu de la préparation sportive avec notamment l’apport de la musculation. Quelques semaines avant la saison régulière, Vitti débarque au Training Camp dans la salle du Desert College à Palm Desert, non loin de Palm Springs, en Californie. Par sa collaboration au Jazz d’Utah, il connait bien les stars des Lakers mais voir Kareem Abdul-Jabbar, James Worthy, Jamaal Wilkes, Michael Cooper ou encore Byron Scott avec Magic Johnson, en chef d’orchestre, effectuer des exercices de contre-attaque avec rapidité et intensité dans un ballet tout en virtuosité dans lequel le ballon ne touche pas le sol, lui fait comparer les joueurs à des cerfs, des lévriers, des pur-sangs…Vitti va pouvoir assouvir sa soif de recherche dans le sport de haut niveau auprès de l’effectif le plus véloce des années 80 et appliquer un travail physique dorénavant axé sur des preuves et non du ressenti.

Comme pour tout nouvel arrivant, il y a quelques rites de passage. A Los Angeles, il faut se mettre « Chick » Hearn, le célèbre commentateur des Lakers dans la poche. « Chick » (1916-2002) n’a justement pas sa langue dans la sienne et Riley informe Vitti que l’ancien Head Athletic Trainer était souvent son souffre-douleur. Gary, devançant les moqueries, demande à Hearn les dossiers qu’il a sur lui. Ce dernier éclate de rire. La communication démarre sur de bons rails et les deux hommes deviendront proches, Vitti considérant leur relation comme celle d’un père et son fils, rien de moins. L’autre Laker à séduire est bien sûr Magic qui essaye tant bien que mal de ne pas parler et de faire la tête au moustachu pour le tester dans ses premiers jours auprès de l’équipe. Mais ça, Magic ne sait pas faire et rapidement un lien très fort se crée avec Vitti qui, lui aussi, aime les relations humaines et passer du bon temps en dehors des salles de basket.
PREMIÈRE SAISON, PREMIER TITRE
La saison 1984-85 voit les pensionnaires du Great Western Forum réaliser un excellent bilan de 62 victoires pour 20 défaites. Gary Vitti, les cheveux bouclés et la moustache à la Magnum, prend bonne place sur le banc et, grâce à son professionnalisme et son empathie, gagne rapidement la confiance des joueurs. Les Lakers retrouvent les Celtics pour les NBA World Championship Series pour une revanche des finales perdues l’année précédente et, plus encore, pour vaincre la malédiction, eux qui n’ont jamais battu les Bostoniens en huit confrontations ultimes. Malgré la perte du premier match remporté dans les grandes largeurs par les Celtics, le fameux Memorial Day Massacre, les Lakers remportent 4 à 2 cette série avec comme meilleur joueur des finales Kareem Abdul-Jabbar, 38 ans au compteur mais un corps et un coeur de jeune homme. « Big Fella » est le premier joueur à avoir introduit le yoga dans sa préparation physique, à utiliser des rouleaux de massage pour détendre ses muscles, à prendre conscience de l’importance du renforcement des muscles profonds du corps afin d’avoir une excellente stabilité. Le travail individuel entrepris en partenariat avec Gary Vitti a t’il été un facteur essentiel de cette forme ? c’est bien sûr difficile à évaluer mais les deux hommes se sont échangé leurs savoirs, enrichissant un puzzle multifactoriel qui a conduit à la forme de KAJ et par effet domino au triomphe de l’équipe. Dans le sempiternel débat du meilleur joueur de tous les temps, le Head Athletic Trainer choisit clairement son camp. En 2018, il déclare à Brandon Robinson sur Scoop B Radio:
« Je crois que Kareem Abdul-Jabbar n’a pas été seulement le plus grand joueur de basket-ball de l’histoire, je peux affirmer qu’il a été le plus grand athlète à avoir marché sur cette planète » Gary Vitti.
Les Lakers des eighties remportent deux nouveaux titres en Back to Back en 1987 et 1988 et le grand Kareem tire sa révérence à 42 ans en 1989. L’équipe garde un très haut niveau avec un bilan de 63-19 pour la saison 1989-90 puis une participation aux Finals face à Chicago sous les ordres du nouveau coach Mike Dunleavy à l’issue de l’exercice 1990-91 avec Magic, Worthy, Scott, A.C. Green, renforcés par Sam Perkins et Vlade Divac. Les Bulls de Michael Jordan prennent le pouvoir en NBA mais les Los Angeles Lakers sont toujours une place forte à l’ouest et entendent bien prendre leur revanche. Un fichu virus va en décider autrement…
LE DRAME DE MAGIC JOHNSON
Lorsqu’il apprend que Magic Johnson est arrêté pour une soit disante grippe suite à de mauvais résultats d’analyses de routine passées avant l’Open McDonald’s de Paris, qui s’est déroulé mi octobre, Gary Vitti se doute de quelque chose. Ces examens, pour une police d’assurance, comportaient un test de dépistage du VIH. Il connaît de train de vie festif et débridé de son ami et a un mauvais pressentiment. Apprenant finalement la mauvaise nouvelle, il doit garder le secret avant la conférence de presse officielle. C’est très dur pour lui de cacher les réelles informations sur l’état de santé du meneur des Lakers à Mike Dunleavy, le coach et aux autres joueurs. Vitti a du mal à retenir ses larmes quand Dunleavy l’interroge ou quand il voit Magic. Paradoxalement c’est le meneur des Lakers qui réconforte son ami inconsolable:
« Je vais bien. Quand Dieu m’a donné ça, il l’a donné à la bonne personne. Je vais faire quelque chose de bien avec ça. » Earvin « Magic » Johnson.
Le 7 Novembre 1991, la conférence de presse à Inglewood révèle le secret gardé plusieurs jours. Magic Johnson annonce au monde entier qu’il est porteur du virus HIV et qu’il doit arrêter sa carrière.
Gary Vitti est au départ d’une polémique en Octobre 1992. La prestation de la Dream Team aux Jeux Olympiques a été une extraordinaire réussite et, sur cette dynamique, Magic Johnson souhaite retrouver les parquets et redistribuer sa magie. Lors d’un match de pré-saison contre les Cavaliers de Cleveland, à Chapel Hill, au Dean Smith Center, la salle de l’Université de North Carolina, le meneur subit une égratignure sur l’avant-bras. Vitti choisit volontairement de ne pas enfiler ses gants chirurgicaux pour soigner le numéro 32 afin d’envoyer le message qu’il n’a pas peur et que Magic ne représente pas un danger pour les autres joueurs. Cette acte n’a pas l’effet escompté. Des joueurs tels Karl Malone du Jazz d’Utah, pourtant coéquipier du leader angelino à Barcelone, ou Gerald Wilkins, présent lors de ce match amical, expriment des doutes sur l’absence de risque de contamination du VIH pour les joueurs lors des rencontres face aux Lakers. Magic Johnson renonce à son comeback (il reviendra en 1996) et le soigneur est sous le coup d’un contrôle de l’agence américaine de la sécurité au travail qui l’exonerera finalement de toute mise en danger. Les soignants devront cependant ant porter obligatoirement des gants chirurgicaux pour traiter les coupures des joueurs.
SHAQUILLE O’NEAL, LE TRUBILION
Shaquille O’Neal…le joueur attachiant par excellence pour un membre du staff médical d’un club sportif. Gary Vitti n’y va pas par quatre chemins en affirmant sa déception avec le Shaq
«Mon rêve était qu’il soit le meilleur de tous les temps. Ce n’était pas son rêve». Gary Vitti.
Avant de faire partie de la même équipe, Vitti et O’Neal ont fait connaissance lors du tournage du film « Blue Chips » avec Nick Nolte, sorti en 1994. Deux ans plus tard, Big Shaq quitte Orlando pour rejoindre la Côte Ouest. Dominant les raquettes de la ligue, il est la pièce maîtresse du threepeat remporté par les Lakers en 2000, 2001 et 2002. Mais le joueur, si doué soit-il, n’est pas un foudre de travail physique personnel. Il se contente de ses larges dons naturels. Cela navre le pauvre Vitti qui a connu la rigueur de Kareem Abdul-Jabbar et souhaiterait voir plus d’investissement chez O’Neal. Les deux hommes se chamaillent souvent, Shaquille, l’officier de réserve de la Police, bloquant parfois le moustachu contre le mur avec la délicatesse qu’on lui connait, Vitti se défendant en mordant le pivot à la main entrainant des périodes de bouderies allant jusqu’à deux semaines ! Diesel est comme ça, il faut faire avec…et il se rattrappe en reconnaissant Gary Vitti comme le meilleur Head Athletic Trainer de la ligue. Sacré Shaq. Mais en terme d’investissement dans le travail et d’optimisation des qualités intrinsèques, l’entraineur athlétique, qui perd de plus en plus ses cheveux et va finir par se raser la crâne, est servi avec un jeune lycéen qui a débarqué dans la cité dans anges en 1996 et qu’il va accompagner pendant 20 saisons.
AVEC KOBE BRYANT, UNE RELATION AU DELÀ DES MOTS
La plus belle rencontre de sa vie professionnelle est celle avec le dernier leader d’une équipe Pourpre et Or ayant ramené un titre à L.A., le « Black Mamba », Kobe Bryant. Ce dernier connaît déja la renommée professionnelle de Vitti avant de débarquer à L.A. Le rookie est fan de ses videos de préparation physique. Un lien se crée immédiatement entre les deux hommes.
Et heureusement qu’il y a connexion car la carrière du numero 8 puis 24 des Lakers est jalonnée de blessures plus ou moins graves et l’apport, du d’abord moustachu puis ensuite porteur d’un bouc poivre et sel, est essentiel dans le soin et la surveillance du guerrier. Les 2 chevilles, le tendon d’Achille gauche, les 2 genoux, la hanche gauche, l’épaule droite, la main droite et le célèbre index droit de KB24 sont plus ou moins touchés gravement lors de sa longue carrière: rupture, fracture, déchirure, luxation, infection, inflammation, contusion. Les chirurgiens et les rééducateurs sont bien occupés. Mais il faut aussi gérer l’aptitude à soufrir de Kobe et sa volonté de reprendre le plus rapidement possible après une blessure. la communication avec le responsable du staff médical des Lakers est ici primordiale. Il faut pas que le leader se mette pas en danger d’aggraver une lésion entrainant une cascade de retombées, personnelles sur sa santé, sportives pour l’équipe et économiques pour sa franchise. Le professionnel de santé doit lui tenir compte de la personnalité du joueur et sa capacité à endurer le mal. Et là, Vitti est servi avec Kobe !
Au dela de l’aspect médical, Gary devient un confident pour le jeune joueur qui a débarqué à seulement 18 ans de sa high school de Philadelphie. Le Head Atlhetic Trainer voit grandir Showboat et ce dernier voit vieillir son conseiller. En 2007, Shaquille O’Neal est parti depuis 3 ans et a remporté un titre avec Miami en 2006. Les Lakers sont redevenus une équipe quelconque et Kobe menace de partir si l’effectif n’est pas renforcé. Un bras de fer s’engage avec les dirigeants et Gary Vitti est le seul à rester en contact avec la star, plus dans un rapport amical qu’un rapport de collègues d’entreprise. Pau Gasol rejoint finalement la côte ouest et l’équipe renforcée retrouve la finale en 2008 puis triomphe à nouveau en 2009 et 2010.
Gary et Kobe échangent aussi sur la culture, Vitti étant d’origine italienne et Bryant ayant vécu de nombreuses années en Italie lorsque son père Joe y était pro. Les deux hommes sont ouverts à la littérature, l’histoire et s’échangent leurs coups de coeur.
«Tout le monde connaît tous les grands joueurs passés par les Lakers, mais aucun de nous n’aurait pu y arriver et performer comme nous l’avons fait sans lui. Ce n’est tout simplement pas possible. Il est le gars derrière tout ça. Ce qu’il signifie pour ma carrière, c’est impossible à décrire. » Kobe Bryant
Gary Vitti affirme souvent que Bryant n’était pas le joueur le plus grand, le plus rapide, le plus puissant ou le plus talentueux mais qu’un travail intellignet et une volonté de fer l’avaient conduit jusqu’aux sommets. Kobe en voulait tout simplement plus que les autres. La « Mamba Mentality » !
UNE VIE CONSACRÉE AUX LAKERS ET A LA COMMUNAUTÉ
D’autres joueurs restent marqués par leur rencontre avec Gary Vitti. En 1984, dès ses débuts dans la ligue, Byron Scott apprend l’importance de la musculation. Souvent victime de blessures, il se renforce afin de supporter les combats sur les parquets. Julius Randle travaille beaucoup avec Vitti après sa fracture de tibia intervenue dès son premier match en NBA le 28 Octobre 2014. Metta World Peace réussit lui à prolonger de quelques années sa carrière après des problèmes de dos et de genou. Vitti soigne, écoute, rassure. Il est précurseur dans de nombreux domaines comme le streching, la nutrition, la relaxation et bien sûr la musculation.
« Je suis un Laker. C’est ce que je suis. C’est ce que je fais. Il n’y a rien d’autre à ajouter ». Gary Vitti
En parallèle de son activité aux Lakers, Gary Vitti crée l’Association des Athetic Trainers de la NBA et est impliqué comme membre dans des associations de don de sang, de don d’organes et de tissus, de lutte contre les violences familiales, de don de bourses scolaires et bien d’autres. Son investissement est reconnu et souvent récompensé.
Marié à Martha, Garry Vitti a deux filles, Rachel et Emilia, et un petit-fils Cole. Après son départ officiel en 2016, il devient consultant pendant deux ans et prend le temps d’écrire dans sa maison de Manhattan Beach en Californie un livre de souvenirs « 32 années de titres et de larmes du plus beau siège de la salle », malheureusement pas (encore) traduit en français.
Même si Gary Vitti minore son influence sur les 8 titres remportés pendant ses 32 ans d’activité sur le banc à côté notamment de Pat Riley et Phil Jackson, deux des plus grands coachs de l’histoire de la NBA, tous les joueurs et entraineurs de la maison Pourpre et Or reconnaissant l’apport plrimordial du Head Athletic Trainer qui restera à tout jamais sur tous les clichés victorieux des années en Or des Lakers.
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