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Wat Misaka, le premier Jap a jouer chez les pros nous a quitté

Histoire

Un Jap ! Un Nip ! Voilà comment était appelé avec mépris les Nippo-américains au moment où les Boys tombaient sur les plages des atolls du Pacifique et dans la jungle de Papouasie. Watura Misaka était un Jap. Pourtant deux ans après les bombes A d’Hiroshima et de Nagasaki, Wat fut le premier Jap, le premier « non-blanc » à être drafté par une équipe pro, les New York Knickerbockers.

A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, au moment où des navires déversent sur les quais d’Ellis Island des flots de Siciliens, d’Allemands, d’Irlandais, poussés par la misères, de Juifs chassés par les pogroms et d’aventuriers en quête d’une nouvelle vie, des bateaux semblables dégorgent de même manière Chinois, Japonais ou Coréens dans le port de San Fransisco. Tous ont le même rêve : devenir Américain. En 1902, un jeune Japonais du nom de Misaka est l’un de ces immigrants qui débarquent en Californie. Sa route le conduit au-delà des Montagnes Rocheuses, à Ogden une bourgade de l’Utah des Mormons où une petite communauté de compatriotes survit en exploitant des cultures maraîchères. Il s’y marie et devient en 1923 le papa d’un petit garçon prénommé Wataru, un Nippo-américain de seconde génération, un Niseï.

A Ogden, les « Jaunes », on ne les fréquentes pas trop, certains les évites… Mais on ne les discrimine pas comme on le fait avec les Noirs. Leurs enfants fréquentent les mêmes écoles que les Blancs, les mêmes terrains de sport. Et sur ces terrains là, Wataru, Wat pour ses copains à mèches blondes, se fait remarquer dans tous les sports qu’il pratique, athlétisme, football… Et si son père passionné de baseball le verrait bien sur le monticule d’une base, c’est le parquet du terrain de basketball qui a la préférence de Wat. Guard vif et rapide, il mène le team de Ogden High School au titre de champion d’Utah en 1940 et champion régional en 1941. A Ogden, aux pieds des Rockie Mountains, le jeune Niseï est une petite vedette locale.

« Un Jap est un Jap ! Un gangster qui doit être traité comme tel ! » Général John DeWitt.

7 décembre 1941, le jour d’infamie selon président Roosvelt  ! 300 avions de la flotte de l’Amiral Yamamoto attaquent de la base navale de Pearl Harbor. Les Etats Unis sont désormais en guerre contre les force de l’Axe et rencontrent le même dilemme qu’en 1917 : quelle confiance accorder à ses citoyens issus de nations aujourd’hui ennemies ? Plus de 11 000 germano-américains, (sur les 5 millions ayant une double ascendance allemande) seront internés. Les Italo-Américains eux bénéficient de « peoples » qui défendent leur cause et font allégeance à la bannière étoilée. La mère de l’icône du baseball, Joe DiMaggio, en est une figure de prou même si son mari s’est fait confisquer son bateau de pêche par les autorités car ancré dans la zone stratégique du port de San Fransisco. Mais les 250 000 Nippo-américains ne bénéficient pas de porte-parole célèbre et vivent dans leur immense majorité sur la côte pacifique. Leur « neutralisation » est logistiquement réalisable. Près de 120 000 d’entre eux voient ainsi leurs biens confisqués et déplacés dans des « centre de relogements ». Des alignements de baraquement en bois ceinturés de fils barbelés et de miradors, on peut appeler ça moins hypocritement : « camps d’internements ».

Wat Misaka avec les Utes en 1944

Wat Misaka avec les Utes en 1944

Les Misaka ont la chance de vivre loin de la côte, loin de ces zones d’exclusion où tout Jap est de facto un espion ou un saboteur potentiel. Ils échappent à l’internement, monsieur Misaka conserve son salon de coiffure et Wat peut même poursuivre ses études à Weber College où malgré ses performances sur le parquet doit souvent baisser la tête face aux « Dirty Nip’ » qui sonnent à ses oreilles. Inscrit à Utah University, il permet aux Utes de réaliser un beau bilan de 18 victoires pour 3 défaites à la fin de la saison régulière. Invité à la fois aux phases finales du tournoi NCAA et du tournoi NIT*, Utah U choisit le second, plus prestigieux, qui offre un voyage à New York. Défaits au premier tour par Kentucky U du légendaire Adolph Rupp, les Utes sont rappelée au tournoi NCAA pour compenser le forfait d’Arkansas U. Misaka et ses coéquipier le remportent en battant Dartmouth College 42/40 en prolongation. Deux jours plus tard ils affrontent le Champion NIT, St John’s, qu’ils battent 43/36 dans un match exhibition au prestigieux Madison Square Garden.

La guerre rattrape Wat à la fin de l’année 1944. Appelé sous le drapeau qui est le sien depuis sa naissance, il est prêt à aller combattre en Europe où sont envoyées les unités Niseï. A l’inverse des régiments noirs confinés aux taches logistiques, les Japs subissent le feu des nazis dans les Vosges où ils libèrent des villages français au prix de nombreuses pertes. Mais le temps de la formation du soldat Misaka, les Allemands déposent les armes. Il part avec le grade de sergent dans un service de renseignement sur la terre de ses ancêtres, un pays dévasté par les bombes à phosphore. Il y affronte les même regards méfiants et méprisants. Jap en Amérique, Yankee au Japon… Suspicion de traîtrise dans les deux cas ! Après 2 ans sous l’uniforme, il retourne au pays, son pays et à Utah U, sa fac.

« Je n’ai jamais eu l’impression d’être un pionnier. Je suis plus fier d’avoir été un petit capable de jouer au milieu des grands . » Watura Misaka.

Grâce à leur bilan de 16V/5D, Utah est de nouveau invité aux phases finales NIT 1947.Les Utes atteignent la finale ce qui leur offre une revanche sur KU qui les avait éliminés au premier tour trois ans auparavant. Wat joue tout le match et tient la gâchette de Kentucky, Ralph Beard, à un seul petit point. Utah l’emporte 49/45. Utah University est la première équipe à avoir remporté le titre NIT et le titre NCAA.

La performance de défensive de Wat ne passe pas inaperçue. Un article du New York Times souligne son rôle dans la victoire des Utes, sa défense sur Beard et ses interceptions ont été un calvaire pour KU. Le staff des New York Knickerbockers, la toute jeune franchise de la toute jeune ligue pro BAA, est lui aussi séduit et le drafte sans hésiter. Mais limité par son shoot et son jeu offensif, il est rapidement coupé par coach Lapchick après trois matchs seulement et un maigre total de sept points. Wat refuse de voir dans cette éviction un acte raciste de la part du coach, il est persuadé que seules ses déficiences techniques sont responsables de la brièveté de sa carrière professionnelle. Carrière qu’il pourrait pourtant poursuivre chez les Harlem Globetrotters de la part de qui il reçoit une proposition de contrat. Mais le jeune homme sérieux préfère retourner dans son Utah natal poursuivre des études au bout desquelles il obtient un diplôme d’ingénieur.

3 matchs, 7 points seulement. Mais 3 matchs et 7 points pour être à jamais le premier « non-caucasien » à avoir revêtu la tunique d’une équipe de basketball professionnelle.

*National Invitation Tournament. Créé en 1938, (avant le tournoi NCAA), le NIT était à l’époque des faits le plus prestigieux tournoi national universitaire de basket.

L’HISTOIRE DE WAT MISAKA EN IMAGES

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

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About Laurent Rullier (75 Articles)
Le premier match de basket que j'ai vu en live était un Alsace de Bagnolet vs ASVEL. Depuis la balle orange n'a pas arrêté de rebondir dans ma p'tite tête.

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