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[ITW] – Pierre Galle – Partie 2 : « Ma méthode ? C’est de l’analyse, de l’observation, du travail et une prise de risque aussi. »

Interview

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Les années passent, la flamme, elle, reste la même. Pierre Galle revient lors de cette seconde partie de notre interview sur son parcours d’entraineur. De Montferrand à l’ASVEL en passant par Toulouse, Montpellier ou Hyères Toulon, retour sur un parcours étonnant !

Basket Retro : Vous posez vos bagages à Montferrand, de 1981 à 85. Dans quel contexte s’effectue cette signature ?

Pierre Galle : J’arrive à Montferrand parce que d’abord, pour moi, le projet à Caen s’arrête. Michel Léger voulait ensuite que je prenne en main Cholet, mais je choisis Montferrand. Le club présentait un projet de formation hyper intéressant. Et puis c’est un club omnisport mythique. Ce qui m’intéressait c’est qu’il y avait un double critère : formation sportive et formation professionnelle qui permettait de se former pour rentrer dans l’entreprise également (NDRL : Michelin). Au niveau des installations, il y avait encore tout sur place : salle, logement, école, restauration, piscine, médecin, etc… Donc une infrastructure au top niveau ! J’étais permanent là-bas et cela m’a beaucoup intéressé.

Edith Tavert, un monument du basket qui nous a quitté la semaine passée… Elle vient me voir avec Christine Dulac-Rougerie et me demandent de prendre en main l’équipe. Pierre Galle

BR : Vous y entrainez même, conjointement, les filles et les garçons le temps d’une saison. Vous avez alors 40 ans.

Pierre Galle et Montferrand – Source : Collection personnelle de Pierre Galle

PG : La première année, je ne m’occupais que des garçons. Les filles s’entrainaient après. Il y avait une dirigeante Edith Tavert, un monument du basket qui nous a quitté la semaine passée ! Elle vient me voir avec Christine Dulac-Rougerie et elles me demandent de prendre en main l’équipe. Le président de Michelin était d’accord. J’ai accepté. Au final, j’ai passé 5 ans à Montferrand. Des années que je n’ai pas vu passer. Extraordinaire ! Je faisais du perfectionnement, les garçons et les filles. Avec les filles, on jouait la Coupe d’Europe. On est monté avec les garçons en nationale 2. On a été également champion de France cadet et junior, que je coachais. Les juniors féminines ont été également championnes de France. J’ai eu l’honneur de coacher Catherine Malfois qui est revenue à cette époque. Une grande dame du basket français.

BR : Direction Montpellier ensuite où l’on retrouve comme à Berck une sorte de « TGV sportif ». Et puis dans quelles circonstances rencontrez-vous Louis Nicollin ?

PG : Un peu plus âgé, je pense que je serais resté à Montferrand. Le club voulait me garder et moi je voulais rester. Le souci c’est que le club a dû abandonner les garçons, faute de moyens financiers suffisants. Quel dommage ! C’est comme cela que je me retrouve à Montpellier. Avec Louis, on se rencontre à Lyon un vendredi. On se tape dans la main du coup : pas besoin de signer un contrat, je m’étais engagé. Le lendemain, on bat Montpellier et on les empêche de monter ! C’est là qu’il a vu que j’étais un homme de respect. A Montpellier, on reste en Nationale 2 du coup mais on a atteint la N1A en trois ans. C’est une de mes plus belles phases en tant qu’entraineur, pour sur.

BR : A Montpellier, vous coachez un duo fantastique : Sam Mitchell et Rick Raivio. Vous nous en dites deux mots ?

PG : Je suis allé chercher Rick en Belgique, à Malines. On était plusieurs d’ailleurs à vouloir le prendre et on l’a eu pour un prix dérisoire. C’était un garçon très travailleur avec une parfaite hygiène de vie. Rick avait un rituel à l’échauffement et puis ensuite quel tueur sur le terrain ! Sam, c’était sa première expérience en Europe. Il venait de CBA. Excellent joueur, mais il a dû s’adapter à la vie européenne et à son basket et cela a pris du temps. Par contre, cette expérience lui a beaucoup servi. Il me l’a dit. Il défendait beaucoup en CBA comme Don Collins. Ils travaillaient très bien ensemble mais le plus difficile c’était de les positionner dans l’équipe. Mais à côté d’eux, il y avait Apollo Faye, Oumar Dia, Bruno Ruiz, Claude Cavallo, Christophe Beaufils, Donald Washington ou Jean-Philippe Méthelie. A Montpellier, je savais que quand on était télévisé, Apollo allait faire un match du feu de dieu (il se marre) ! J’avais bien trouvé le rôle de chacun avec Raivio en 2 et Sam en 3. Et on courrait… Au rebond, c’était top et ce qui m’a plu également c’est que, à son retour aux Etats-Unis, Sam dise que je lui avais appris le basket. A Montpellier, je suis l’entraineur qui a eu les meilleurs résultats de ce club. On s’est qualifié pour la Korac. C’était une très belle aventure avec un groupe réceptif et de qualité. Mais Louis rêvait d’un grand club omnisport comme Barcelone et cela ne se fait pas. J’ai souhaité alors partir. Louis, c’est un homme de valeur, de parole, un personnage hors du commun, un homme entier.

L’équipe de Montpellier avec Sam Mitchell (5) et Rick Raivio (15) – Source : Collection personnelle de Pierre Galle

BR : Un Cholet / Montpellier à La Meilleraie en 1989 cela se passe comment (NDRL : L’entraineur de Cholet est Jean Galle) ?

PG : A l’aller, c’était télévisé. On gagne. Au retour, on perd à Cholet. A l’aller, je me souviens que Bernard Père m’avait suivi à la mi-temps pendant mon briefing. C’était peut être un moment spécial pour les journalistes mais pas pour nous. C’est vrai, on est différents. C’est vrai, il y en avait un plus nerveux et un autre plus calme, mais cela ne restait qu’une rencontre parmi d’autres.

On se tape dans la main du coup : pas besoin de signer un contrat, je m’étais engagé. Pierre Galle sur Louis Nicollin

BR : Direction l’ASVEL pour deux saisons ensuite. Entre 1989 et 1991. Là la mission, c’est plutôt de sauver un club. Et à Montpellier, votre successeur se nomme Alain Gilles…

PG : C’est la première fois de ma vie que je vis une période comme celle là. Il y a eu le traumatisme du départ d’Alain d’abord à gérer au sein du club. André Buffière vient avec moi et on reconstitue pour le terrain une équipe qui tient la route, même si on souffre des zones press qui nous font perdre quelques rencontres. Avec la disparition de deux présidents, cela a été très très difficile pour moi et on termine septième de mémoire. Mais globalement cette période m’a couté.

BR : Vous faites route commune ensuite avec Hyères-Toulon, club où vous dirigez Laurent Sciarra, Billy Goodwin pour ne citer qu’eux.

PG : Billy arrive la seconde année à Hyères. C’était un club familial où il faisait bon vivre. Souvent les joueurs mangeaient ensemble d’ailleurs et s’entraidaient. Billy et Laurent faisaient même route commune de Nice. L’ambiance à Hyères était conviviale et cela m’a fait du bien les deux premières années où j’y suis. La troisième année a été plus compliquée mais j’en garde un très bon souvenir quand même. Cela m’a rappelé Berck où les joueurs s’entraidaient. J’avais proposé puis obligé Laurent Sciarra à jouer poste 1. Il a refusé puis accepté au final. Cela a été un long processus, ce changement. Billy et Laurent montaient la balle à tour de rôle et je pense que c’était une bonne idée ce changement. Je me souviens d’un match amical à Montpellier qui jouait en Pro A. Laurent perd un tas de ballon et à la mi-temps, il s’énerve et me dit : « Coach, c’est pas possible ! Remets moi 2 ! J’en peux plus de ces pertes de balle… ». Et on a pris un moment pour discuter. Il voulait jouer en Pro A, ce qui était normal mais cela n’aurait pas été possible pour lui de défendre sur des gars comme Dacoury par exemple. Et Laurent avait un tel talent qu’il était capable de jouer poste 1 sans soucis. Il l’a prouvé d’ailleurs par la suite. Mon regret à Hyères, c’est cette défaite à Evreux d’un point. C’est un regret parce qu’on rate deux lancers et on ne monte pas suite à cela. Je le regrette parce que quelque chose se casse à ce moment-là. Laurent avait signé à Paris. On se maintient mais heureusement que dans cette équipe, il y a des gars comme Dwayne Scholten, William Yacoubou, Olivier Basset ou Claude Cavallo. Dwayne… un grand monsieur qui est passé par Pau et Poissy. Je l’ai entrainé trois saisons. Et en février 1994, la député Yann Piat se fait assassiner. A partir de là, la situation n’est plus tenable au club.

BR : A Toulouse, vous êtes champion de Pro B en 1996…

PG : Il y avait un beau projet derrière un beau sponsor à Toulouse. Je me souviens encore de mon entretien ! On était 20 à passer dont Jean-Michel Sénégal et d’autres copains. On se connait tous dans le milieu. Bref. Je passe le dernier et là le président me dit : « Pierre, on vous veut ! ». Je prend le temps du week-end pour réfléchir et c’est comme cela que je deviens une sorte de General Manager aux Spacers. Je gérais toute l’organisation sportive du club, le recrutement, mais je n’entraine pas. Au bout de quatre rencontres, Alain Fonti qui avait fait monter le club l’année d’avant, me fait part de ses difficultés notamment pour ses déplacements. Il avait à faire plus de deux heures de route à chacune de ses venues à Toulouse et cela ne devenait plus possible. D’autant qu’il y avait des Pros à Toulouse : Aimé Toupane, Christophe Soulé, Ali Benamar, etc… Le président me demande de trouver un autre entraineur. Je pouvais le faire mais je ne voulais pas. J’ai appelé Laurent Buffard qui vient parce qu’il est libre. On réorganise les choses. Je m’attèle à la formation. Et comme à Montpellier on devient Champion de France de Pro B. Mais financièrement, cela n’allait pas et cela s’arrête !

BR : Après deux ans « off », vous prenez en main les rènes de l’équipe de Montpellier-Lattes, chez les féminines. Nous sommes en 1999. Vous avez 55 ans.

PG : A Montpellier j’avais une maison dont le locataire part. Et avec mon épouse, Nicole, on décide d’y revenir. Là, le président du Comité de Basket cherchait un salarié, un CTD du comité de l’Hérault. J’accepte. Je travaille alors sur la formation de jeunes, la formation de cadres, etc… Donc je ne suis pas « off » deux saisons : je fais autre chose. C’était d’ailleurs très bien cette expérience. Je visitais les clubs, je faisais l’entrainement aux Sport Etudes à Montpellier, j’accompagnais le MBC dans sa formation. Et je faisais aussi parfois du perfectionnement le midi pour les filles de Lattes. C’est comme cela que j’ai remis les pieds avec les filles. A la montée de Montpellier, on me propose le poste et on fait le yo-yo sportivement.

L’ambiance à Hyères était conviviale et cela m’a fait du bien les deux premières années où j’y suis. Pierre Galle

BR : Loetitia Moussard que l’on a interrogé à votre sujet dit de vous que vous êtes : « très pointu tactiquement » et que « vous prépariez beaucoup vos matchs en étudiant les systèmes adverses notamment ». Sans être trop exhaustif, pouvez-vous nous décrire votre processus de travail. Pierre Galle, que fait-il pendant la semaine pour préparer son match du week-end ? 

PG : Ma méthode, c’est d’abord de faire le bilan du match du WE : vidéo, stats, etc… C’est la première chose. C’est parti de Berck cette analyse. On avait trois vidéos et on regardait les systèmes pour évaluer ce qui ne fonctionnait pas. Et j’ai toujours gardé cette façon de faire. Ensuite, j’utilisais ces données pour trouver les meilleurs positionnements en fonction de la qualité de mon équipe mais aussi des joueurs adverses. Quel joueur placer à quel poste et dans quel système ? En fonction de cela, je pose mes exercices à l’entrainement. A Montpellier, on était cinquième, à l’issue des matchs aller. Les filles partent en vacances pour la trêve. On perd nos trois premières rencontres au retour et au final on fait playdown contre Calais. A Calais, elles faisaient un « pick » avec la meneuse avec leur poste 4 ou 5. A l’aller, je fais sortir mon intérieur sur la meneuse. Toute la semaine, je rumine. Et je décide de dire aux filles : « Tout ce que la meneuse marque c’est pour moi, mais je veux qu’on reste en dessous. » On gagne de 20 points… Tout cela non pas pour insister sur cet épisode qui m’ a souri mais pour bien expliquer que ma méthode c’est de l’analyse, de l’observation, du travail et une prise de risque aussi. Et j’ai eu cette chance d’entrainer des filles et des garçons. D’ailleurs, on peut être très dur avec des filles. Il faut l’être même mais c’est différent.

BR : L.Moussard précise également que vous êtes énormément dans l’échange et l’écoute avec vos joueurs. Billy Goodwin que vous avez coaché à Hyères Toulon nous précisait la même chose. Quelle importance donnez-vous à ces échanges avec vos joueurs ? Et pourquoi discuter avec eux ?

PG : C’est bien pour moi de débriefer. Cela permet d’abord d’avoir un ressenti. Mais dans un groupe, il n’est pas possible de tout prendre en compte. Cela n’est même pas souhaitable. Échanger permet encore de percevoir ceux qui sont bien ou ceux qui sont moins bien. Et cela participe à l’analyse globale. Quand tu t’adresses à tous le monde, devant le groupe, tu vides un peu ton sac sans forcément le vouloir quand tu es entraineur et parfois c’est mal perçu. Je le comprends tout à fait d’ailleurs parce que c’est ce que je pouvais ressentir moi-même lorsque j’étais joueur. Et comme j’ai souvent été capitaine, j’ai eu en plus de nombreuses discussions dans ce sens avec mes coéquipiers. Avoir un environnement positif, c’est extrêmement important. Je me souviens avoir eu Buffière à mes débuts. Quel monument ! Mais personne ne bronchait, rien, ce n’était pas possible de contester. Il ne m’a jamais dit : « tu as le droit de shooter plus ou tu as le droit de faire cela. » Mon approche est différente de celle d’André sur ce point.

BR : Après 2003, vous avez à peine 60 ans vous dîtes « stop » alors que, nous schématisons évidemment, votre vie a été dédiée au basket. C’était prémédité ?

PG : Le club avait besoin d’un BE2. On a toqué à ma porte et donc j’ai continué à faire les déplacements avec les filles.

Quand tu t’adresses à tous le monde, devant le groupe, tu vides un peu ton sac sans forcément le vouloir quand tu es entraineur et parfois c’est mal perçu. Pierre Galle

BR : Vous vous êtes coupé du basket ou vous le suivez encore ?

PG : Je me tiens au courant des résultats très régulièrement. J’ai même deux-trois coaches qui me téléphonent souvent. Je les aide à distance ! Télétravail (il se marre).

BR : Faisons à présent un bon dans le temps. Nous sommes en 2022. Vous avez 77 ans. Il fait quoi Pierre Galle en 2022 ?

PG : J’habite aux Canaries à présent. Le club local a appris qui j’étais et ils m’ont demandé un petit coup de main. Je leur ai fait un petit dossier technique et je suis allé sans trop y aller à la salle du club. J’évite le coaching. Mais socialement le basket nous a ouvert des portes. J’ai parfois montré des photos de moi contre le Real notamment avec Ramos, Brabender ou Szczerbiak. Ce sont de bons moments de partages, d’échanges . Nous sommes allé avec le président du club, un homme adorable, en Galice à des championnats de jeunes. Ce sont des très beaux moments pour moi, pour nous. J’ai une autre passion pour la voile alors je vais à la pêche avec mon bateau très régulièrement comme je le faisais dans le golfe du Morbihan et à côté de Montpellier. Je fais aussi une heure de vélo tous les matins et puis on va se baigner. La vie est belle ! Pourvu que cela dure longtemps !

BR : Le mot de la fin chez Basket Rétro est toujours laissé à l’initiative de l’interviewé…

PG : Je remercie Basket Retro de faire perdurer ceux qui ont fait vivre le basket. A mes yeux, c’est important. Je pense qu’on oublie un peu trop vite les choses, que l’on passe trop vite d’une chose à l’autre. Pour moi, le fait d’être dans une salle de basket n’a pas de prix surtout au regard de ce que l’on vit actuellement. Vous savez, le basket m’a apporté beaucoup. Cela a transformé ma vie, c’est certain. Cependant, humblement évidemment, je crois aussi lui avoir renvoyé l’ascenseur par rapport aux gens que j’ai connu, aux gens que j’ai entrainé, aux gens que j’ai formé.

Propos recueillis pour Basket Retro par Guillaume Paquereau. Un grand merci à Pierre Galle pour ces longs moments d’échanges ! Les années passent, la flamme, elle, reste la même.

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About Guillaume Paquereau (71 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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