Championnat d’Europe 1930 – Les premières Bleues en Or !
Equipe de France
13 juillet 1930 – Le basket français signe son premier haut-fait de son histoire internationale. A Strasbourg, l’équipe de France féminine est sacrée championne d’Europe : ce sont elles les premières Filles en Or !
La FIBA n’existait pas encore, pas plus que la FFBB. Le basket français était alors coupé en deux : les hommes dépendaient de la Fédération d’athlétisme et les femmes de la Fédération des sociétés féminines sportives de France.
Sous l’égide énergique d’Alice Milliat, le sport féminin s’est – rapidement et bien – structuré au plan international. Témoin les Jeux mondiaux, dès 1923 à Monte-Carlo, témoin, le championnat d’Europe de basket.
Victorieuse de l’Italie en avril 1930 à Nice (27-3), l’équipe de France féminine se qualifie directement pour la finale du premier championnat d’Europe, avec Strasbourg comme cadre.

La finale est terminée. Polonaises et Françaises fraternisent. Alice Milliat, au centre, apprécie. A sa droite, Lucienne Velu, la meilleure tricolore.
En Alsace, le plateau est un brin sommaire avec deux autres équipes, la Pologne (qui avait écarté précédemment la Suède 32-13) et la Tchécoslovaquie qui doivent s’affronter pour gagner le droit de jouer la finale contre la France.
Les festivités se déroulent au Tivoli, quartier chic, qui a connu une période prestigieuse au XVIIIeme siècle. Voltaire et Jean-Jacques Rousseau y ont séjourné. C’est dans ce quartier également qu’a été conçu le pâté de foie gras d’Alsace (une croûte ronde, farcie de foie gras entier, complétée de farce de veau et de lard, le tout recouvert d’un couvercle et mis au four à feu doux). C’est Jean-Pierre Clause qui l’imagina, faisant le bonheur gustatif de Louis XVI et de Brillat-Savarin.
Le Stade du Tivoli accueille l’événement sur deux jours, les 12 et 13 juillet, sous la présidence d’honneur du préfet Roland Marcel. Il en coûte 10 francs pour voir le match en tribune réservée, 6 sans réservation, 3 en pelouse et 2 pour les licenciées de la FSFSF. On accède au terrain des opérations avec le tram n°8.

L’équipe de France des années 30 avec Radideau, Rodel, Velu, Lunet et Moreau. (Miroir du Sport).
« Un temps d’avril » avec giboulées et pluie par instant torrentielle contrarie fortement la qualité de la demi-finale entre la Pologne et la République Tchèque. Le jeu est jugé « défensif » par Le Sport Alsacien, le journal sportif local qui qualifie le week-end d’« apothéose du basket-ball féminin ». Le score de 14-8 témoigne de la difficulté à scorer sur une aire rendue glissante.
CONDUITES PAR LUCIENNE VELU

Le programme officiel du week-end.
Le soleil revient le lendemain sur Strasbourg. C’est jour de finale à 16h30 après un lever de rideau entre les meilleures joueuses bas-rhinoises et haut-rhinoises. Alice Milliat est venue en personne. La foule est nombreuse et colorée à l’image des étudiants polonais de l’université de Strasbourg qui encouragent leur équipe et « surtout la benjamine, Melle Jasna, élève du lycée de Cracovie qui s’est jointe à l’équipe sans autorisation des parents poussée uniquement par l’amour du sport et le désir de voir la France » relève Le Matin, parrain de l’épreuve.
Dans les travées, on évoque avec fierté le déplacement, le même week-end, des garçons du Foyer Alsacien de Mulhouse à Barcelone où les coéquipiers de Robert Busnel, qui ont fêté leur sixième titre de champion de France quelques semaines plus tôt, sont accueillis en rock star.
La première mi-temps de la finale est tendue et serrée (10-9). Emmenées par le duo des Linnet’s de Saint-Maur, championnes de France pour la troisième année de suite, Lucienne Velu, recordwoman du monde du disque en 1924 et championne du 200 m, et Marguerite Radideau, recordwoman du monde du 60 et du 80 m en 1926, les Tricolores s’imposent à la reprise (33-17). Melles Lunet, Marinat et Moreau composent également l’équipe tricolore. Les remplaçantes : la Parisienne Rocel et les joueuses du cru : la Strasbourgeoise Louise Sitz, plusieurs fois championne de France avec l’ASS, et les deux joueuses de la FA Illkirch, Walter-Seybold et Bapst-Zehring.
LE JEU DE PASSES DES TRICOLORES
A cinq paniers de rang, les Polonaises ont – un instant – ébranlé les certitudes françaises. « Chez nous, on assiste alors à un moment d’énervement, écrit Le Matin le lendemain. Mais ce n’est que passager et nous nous adaptons à la technique polonaise. Notre équipe aborde alors les grandes passes et fait merveille. Elle réalise avec une admirable aisance une série de treize paniers. »
« Le succès des nôtres est mérité, souligne L’Auto. Leur jeu fait de déplacements rapides et de passes adroites déborda plus d’une fois l’adversaire. En outre dans le démarquage, elles furent également supérieures et semblèrent avoir une compréhension plus nette du jeu. »
Le Sport Alsacien, pour sa part, apprécie également le jeu collectif des françaises : « Le jeu de passes est soigné, quelquefois à l’excès. » et note la grande partie de la solide Lucienne Velu, le centre de la sélection française d’assez loin la meilleure joueuse du week-end.
Le journal précise qu’Ovomaltine a mis à disposition, gracieusement, des boissons fraiches à destination des joueuses…
Il s’agit-là, tout simplement, du premier titre international du basket français !

Le 14 juillet, les Tricolores réalisent un festival contre la Tchécoslovaquie lors de la garden-partie de Niederbronn-les-Bains. (Musée du Sport)
Cette victoire est dignement fêtée. Philippe Walter, l’arbitre de la rencontre, qui est aussi le président de la Ligue d’Alsace, débouche quelques bouteilles de Gewurztraminer au moment du vin d’honneur. Alice Milliat et les consuls polonais et tchèques y vont de leur discours.
Mais ce n’est pas tout. Les toutes fraiches championnes d’Europe étrennent leur titre dès le lendemain, lundi 14 juillet. Elles sont invitées pour une démonstration au sélect casino de Niederbronn-les-Bains (à une cinquantaine de kilomètres au nord de Strasbourg). Un terrain champêtre a été spécialement aménagé au milieu des arbres pour une garden-party réussie. Les Tricolores réalisent un cavalier seul apprécié devant la Tchécoslovaquie, le demi-finaliste malheureux face à la Pologne (92-18). « Une perfection » selon les spectateurs conquis. Une fête nationale cocardière et festive…
BATTUES PAR LE CANADA
Ce titre de champion d’Europe assure aux Françaises de Lucienne Velu la qualification pour la finale des troisièmes Jeux Mondiaux, le mois suivant à Prague face au champion de la zone américaine, le Canada, qui sortira vainqueur de justesse (14-18).
Pour les Françaises, ce n’est que partie remise, puisque l’édition de 1934 leur sourira à Londres avec Lucienne Velu, comme unique rescapée. Mais on attendra 71 ans et les « 12 Filles en or » pour un autre titre européen en 2001.
Par un curieux clin d’œil de l’histoire, les Bleues, version 2021 ont disputé, 91 ans plus tard, une partie de l’EuroBasket au Rhénus, situé à quelques 200 m du Tivoli, dont le stade a aujourd’hui disparu…
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