1966 – 1967, la Gerbe de Montceau-les-Mines sur le terril de France !
France
Rien ne prédestinait l’internationale Yannick Stéphan à poser ses valises dans l’Est de la France. Pourtant, c’est avec la Gerbe de Montceau-les-Mines qu’elle va écrire les plus belles lignes de sa carrière ponctuées par deux titres nationaux en 1966 et 1967.
La salle des ailes de Vichy affiche complet en ce 21 mai 1967. Ce sont en effet 1500 spectateurs qui assistent à la finale du championnat de France de basket féminin qui oppose cette année là, le Clermont Université Club à la Gerbe de Montceau-les-mines. Mieux rentré dans la rencontre, le CUC prend l’avantage. Ainsi, à la pause, Clermont mène de 9 points (24 à 15). Les supporteurs montcelliens font la moue mais Clermont n’est pas au mieux, handicapé par les fautes. Pierrette Vérot est en effet déjà éliminée et l’incontournable Annie Prugnaud compte à cet instant quatre fautes. A la reprise, sous l’impulsion de Nicole Robert et de Yannick Stéphan, la Gerbe va passer un 16 à 0 aux auvergnates. A 24 partout, Prugnaud écope de sa cinquième faute et rejoint le banc. Tant et si bien que Montceau semble s’envoler tranquillement vers le titre en menant 35 à 26. A cet instant, Nicole Robert sort pour souffler et Clermont en profite pour recoller très vite à 36 partout. Jackie Chazalon (19 points) redonne même l’avantage au CUC sur un panier à mi-distance (38-36). Mais Grandpierre puis Robert, dans un final haletant, permettent à Montceau de redépasser Clermont. (44-40). L’ambiance est alors irrespirable. L’avance prise s’avèrera décisive puisque la Gerbe l’emporte finalement 44 à 42. Pour les jaunes, Robert score 16 points ce jour-là, Stéphan 11, Vignot 8, Schmidtt 4, Grandpierre 3 et Rollet 2. Dans les tribunes, les fans de la formation de Saône-et-Loire exultent. Le club de l’industriel Paul Gerbe devient Champion de France pour la seconde fois. Un sommet qu’il ne retrouvera jamais plus.
LES PIERRES PRECIEUSES
Niché entre Gueugnon et Châlon-sur-Sâone en Bourgogne-Franche-Comté, Montceau-les-mines se développe au travers des mines de houille de Blanzy. Telles les faïences du Creusot ou les forges de Gueugnon, Montceau est également au 19ème siècle une localité fortement liée à une industrie. En 1884, on y dénombre 6500 mineurs pour une population de 24 000 individus. A la fin de la seconde guerre mondiale, les mineurs sont 12 000, principalement des Polonais. Mais tout commence réellement pour ce qui nous concerne en 1904 quand Stéphane Gerbe y fonde sa propre fabrique de bonneterie, là où réside une main d’œuvre féminine inoccupée. Les femmes qui attendent que leur mari remontent des mines, Gerbe va les faire travailler dans ses ateliers. En 1936, Paul Gerbe, son fils, prend ensuite la tête de l’entreprise familiale. Paul est un passionné. C’est ainsi que le chef d’entreprise aménage un terrain de basket dans l’enceinte de l’usine, pour la détente des ouvrières. Afin qu’elles s’identifient aussi à l’entreprise et ce à quelques encablures des terrils, . C’est comme cela qu’il fonde un peu par hasard, en 1949, le club de basket de Montceau en lui donnant son nom : Gerbe Montceau-les-mines. La plupart des filles de l’équipe fanion travaillent dans l’usine. Gerbe finance l’équipe et organise le travail des joueuses pour qu’elles puissent combiner deux séances d’entrainement plus le match du week-end. C’est ainsi que le club atteint très vite le niveau régional. Un homme et une femme sont également indissociables de la montée en puissance du club. Il s’agit de son entraineur : Alphonse Ratajczak et d’une passionnée, intendante du club, Stacha Plywacz.

En 1961, Montceau voit son histoire sportive bouleversée par l’arrivée de Nicole Robert, repérée par Ratajczak. Née au Maroc en 1939, Nicole, 1m83, débute le basket en 1958 au Poitiers EC. Etudiante au CREPS local, puis à l’école normale de Macon, elle devient institutrice à Marizy (500 habitants), à quelques kilomètres de Montceau. En Avril 1961, Robert est lancée sur les parquets de la Gerbe puis devient internationale française trois mois plus tard, en juillet. En 1962, la Gerbe intègre déjà l’élite du basket féminin français. Mais Paul Gerbe est un gagneur et en 1963, il pose LA pierre manquante pour faire de Montceau des championnes de France en puissance. Cette pierre précieuse a un nom : Yannick Stéphan. Cette dernière débarque en Saône-et-Loire en 1963, à 24 ans. Contrairement à ses coéquipières, elle ne travaille pas à l’usine Gerbe mais est Conseillère Technique Régionale. Née à La Rochelle en 1939, Yannick fait ses classes sur les parquets de la Rupella La Rochelle avant de rejoindre le Toulouse AC, où elle explose. Devenue internationale à 17 ans, elle pose ensuite ses valises à Montceau-les-Mines pour le sérieux et l’organisation du club. En 1964, Stéphan participe aux 4èmes Championnats du monde organisés à Lima au Pérou. Les bleues y terminent dixièmes. Au total, elle totalise 144 sélections et sera intronisée à l’Académie du basket français dans la promotion 2007.


Entre l’industriel Gerbe et sa joueuse c’est l’osmose. La raison ? Les deux ne vivent que pour une chose… être le meilleur. Gerbe vend des collants pour Dior, les filles du club courent sur les parquets de l’élite du basket français. Mais cela ne suffit pas pour Stéphan qui pousse la porte du bureau de l’industriel et lui demande l’impensable pour l’époque :
Les filles qui pour la plupart travaillaient à l’usine, s’entrainaient deux fois par semaine, je lui ai demandé cinq entrainements, il a accepté !
Stéphan négocie encore pour les joueuses de l’équipe des primes. 100 francs par match gagné mais pour l’équipe pas pour chaque joueuse ! Amusées, Yannick Stéphan et Stacha Plywacz se souviennent :
Nous recevions à l’époque une prime de 100 francs par match gagné pour l’équipe, pas par joueuse. Une année, avec la cagnotte, les filles sont allées quatre jours aux Saintes-Maries-de-la-Mer. A côté de ça, tout était payé par Gerbe, la licence, les frais de déplacement en championnat, en coupe d’Europe, les équipements. Parfois après les rencontres nous allions au Huit fesses, un restaurant au Galuzot, mais je crois qu’il n’existe plus. Il était tenu par quatre femmes. Le patron ne venait pas souvent nous voir jouer, il prétendait ne pas nous porter chance, mais il était très fier de son équipe.
Stacha Plywczak confirmant :
Paul ne voulait qu’une chose, que les chiffres au tableau d’affichage soient toujours en faveur de la Gerbe. Il voulait des résultats !
En 1964 puis 1965, le club est à deux doigts du triomphe en échouant en finale à chaque fois contre le Paris Université Club. La défaite de 1965 est vécue comme un traumatisme car elle intervient après deux prolongations. La Gerbe cède toujours en 1965 en 1/4 de finale de la Coupe d’Europe face à Cracovie. C’est un moment unique et émouvant dans l’histoire du club que ce face à face européen car Montceau-les-Mines possède une très grande communauté polonaise. Ratajczak, Robert, Stéphan, Plywacz et bien d’autres font l’histoire de Montceau. Il y a également dans l’effectif cette femme hors normes : Mireille Alevêque. Mireille travaillait aussi à l’usine. Elle se souvient :
On était chouchoutées. Ce qui n’empêchait pas de se lever à 4 heures du matin pour caser les entraînements, entre 11h et 13h puis le soir. On partait parfois une semaine, on pouvait faire un peu de tourisme. En Russie, des photos devant le Potemkine ont été confisquées par la police. A 15 ans, j’ai eu la chance d’aller au Portugal, ou en Israël en période troublée. Ce n’était pas de l’inconscience mais on n’avait pas peur. En Israël toujours, paniqué par la neige, un chauffeur de bus laisse le groupe en plan au milieu de nulle part durant trois heures. Et ce retour précipité de Russie où l’avion a atterri en Angleterre finalement. Tout le monde nous cherchait partout.
Mireille Alevêque est une atypique, une sportive complète. Après 15 ans de basket à la Gerbe, elle se met au vélo pour devenir Championne de Saône-et-Loire. Sélectionnée en équipe de France de cyclisme, Mireille permet à Jeannie Longo de remporter deux tours de France (1986 et 1987). Elle devient recordwoman du 50 kms piste en 1988. Alevêque est l’archétype de ce qu’est ce club. Un kaléidoscope de femmes hors du commun. C’est ainsi qu’en 1966, enfin, Montceau devient champion en se défaisant de Narbonne en finale. Le président Paul Gerbe, pouvait alors adresser une lettre aux deux mille clients de sa bonneterie :
En bas comme en sport, Gerbe est champion !

L’année 1967 est du même acabit pour l’équipe qui vole de succès en succès jusqu’à cette finale du 21 mai 1967 jouée à Vichy face à Clermont. Mais de cela, nous avons déjà parlé. La Gerbe terminera par la suite huit fois (!) seconde du Championnat de France (1968, 1969, 1970, 1971, 1974 , 1975, 1977 et 1979). Malgré l’arrivée des internationales Christine Delmarle (Lille) et Michèle Battiston (Marseille, internationale Junior) rien n’y fait, les demoiselles de Clermont sont les plus fortes… Le club s’inclinera encore en finale du championnat 1973. Mais l’essentiel n’est pas là, il réside dans cette belle histoire portée par ce club rural de l’Est de la France. En bas comme en sport, Gerbe est champion !
Comme d’habitude un super reportage que de belles anecdotes bravo à vous tous pour ces beaux moments. Merci. Sylvain Lautie
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Merci beaucoup ☺️
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Merci pour ce récit qui permet de (re)faire connaître un club mythique de l’Histoire du Basket Féminin français. Pour être précis je crois que Michèle Battiston n’a été qu’Internationale Junior et n’a pas connu de sélections en A malgré son talent……Les joueuses du CUC lui ont été souvent préférées à son poste…
Avec l’arrivée de Charnay-lès-Mâcon en LFB les plus jeunes amateurs de basket auront ainsi appris que le basket féminin de haut-niveau en Saône-et-Loire n’est pas une aventure récente!!!
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