Breaking News

[Portrait] Roger Antoine a ouvert la voie

France

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Le 18 avril 1951, le PUC accueille le FC Barcelone en match de gala. Mais ce soir-là, c’est du lever de rideau dont tout le monde parle. C’est là que le destin de Roger Antoine, 21 ans, bascule.

Roger nait à Bamako dans le Soudan français (futur Mali) qui fait partie de l’AOF (l’Afrique Occidentale Française), laquelle regroupe huit colonies françaises d’Afrique de l’Ouest. Doté de belles qualités athlétiques – il mesure 1,88 m – il se lance dans le sport. D’abord dans le football dans le Vaucluse.

A. Une incursion élégante face à la défense de la JSA Bordeaux. @Musée du Basket

Avec succès au point d’être sollicité pour une carrière professionnelle à l’OM. Il ne donne pas suite et monte à Paris pour ses études et, en parallèle, se consacre à l’athlétisme au Stade Français. Avec bonheur également puisque deux titres de champion de France du 110 m haies valident son talent, un troisième, universitaire celui-là, suivra en saut en hauteur.

Ce 18 avril 1951 donc, en fin d’après-midi, invité par un ami, Roger prête main-forte à une équipe d’athlètes du PUC (« Les Harlems du PUC ») pour un match de basket face à la presse parisienne. Et c’est là que tout le monde assiste, médusé, à la démonstration d’Antoine, à la technique certes un peu gauche, mais à la fluidité et à la détente extraordinaires. Roger Antoine marque 30 points. Ce n’est qu’un match amical, mais les dirigeants du PUC détectent tout le potentiel du jeune homme débutant dans ce sport. Du jamais vu. Ils lui proposent aussitôt de signer au PUC, ça tombe bien, il est étudiant.

Trois jours plus tôt, au Palais des Sports, le PUC, premier de sa poule, venait de perdre la finale contre son rival parisien du Racing emmené par le Hongrois Ferenc Nemeth (64-53).

INTERNATIONAL APRES 7 MOIS DE BASKET

B. En match international face à la Pologne

C’est ainsi que jeune Roger Antoine intègre l’équipe-fanion qui démarre le championnat de Nationale 1 le 27 octobre. Et apprend un mois plus tard que le sélectionneur Robert Busnel le retient en équipe de France pour un match amical à Gand prévu le 1° décembre, soit un peu plus de sept mois, vacances comprises, après le fameux match avec les « Harlems du PUC » ! Entre temps, Antoine a profité de l’été pour conquérir le titre de champion de France du 110 m haies…

A Gand, il fait équipe avec Jean-Paul Beugnot qui, lui, a débuté chez les Bleus deux mois plus tôt lors du Tournoi d’Istanbul, mais aussi de joueurs chevronnés comme André Buffière, André Vacheresse ou Robert Monclar. Mais c’est Jacques Dessemme qui fait le show en inscrivant 30 des 54 points de la France victorieuse sur le fil (52-54). Roger Antoine se distingue en marquant ses 8 premiers points tricolores.

Petit-à-petit, à force d’entrainements, de stages et de matches, il affine sa lecture du jeu et devient un joueur exceptionnel, unique. « Il est capable de briller à toutes les places d’un cinq car son sens du jeu n’a d’égal que sa parfaite technique individuelle et son efficacité. Il a pour lui encore détente, rapidité et un excellent toucher de balle. » se félicite Robert Busnel.

Il participe en 1954 aux Championnats du Monde de Rio (4°), à la tournée du PUC aux Etats-Unis en 1956, une première pour un club français, et devient, à 27 ans, le capitaine et un des meilleurs marqueurs de la sélection tricolore aux excellents Jeux de Melbourne (4°). Timide et réservé, il ne bénéficie toutefois pas toute l’aura que justifie son talent.

LE DOUBLÉ AVEC HENRY FIELDS

D. Roger Antoine conclut une percée dans la défense

En Nationale 1, l’athlète à la fine moustache est finaliste avec le PUC en 1957 et 1958. En froid avec son entraineur, Emile Frézot, un théoricien du basket, il part au CO Billancourt, mais revient dans le club des facétieux étudiants deux ans plus tard. Il conclut sur la décevante campagne des Jeux de Rome (10°) sa carrière en Bleu au terme de 66 sélections.

Mais le meilleur reste à venir. L’arrivée de Henry Fields en 1962, dans la foulée d’une nouvelle place de finaliste (face à l’Alsace de Bagnolet), dope considérablement le niveau des étudiants et permet à Antoine de donner sa pleine mesure. Auteur d’un magnifique doublé en 1963 en Championnat et en Coupe de France face au même voisin, Bagnolet, le PUC réussit le grand chelem. Car cette année-là, les féminines sont elles aussi sacrées championnes de France. Antoine gagnera trois autres Coupes de France.

FIDELE A SES VALEURS

Un an plus tard, il est honoré par la FIBA en devenant le premier Français à être sélectionné en équipe d’Europe. Il en est nommé capitaine lors d’une rencontre de prestige face au Real Madrid, et Robert Busnel, le manager.

Référence morale, Roger Antoine sera resté fidèle à ses valeurs (« le sport doit être avant tout amateur »). Il mènera de front sport de haut niveau et études. Il sera ingénieur d’études à Renault et stoppera sa carrière à 38 ans suite à une déchirure du tendon.

C. En défense face à la star hongroise Greminger @Miroir des Sports

Il restera dans l’histoire pour avoir été le premier joueur noir en équipe de France, comme le fut, Sokela Mangoumbel chez les féminines en 1938. Roger Antoine a ouvert la voie aux joueurs aux racines africaines qui bonifieront ensuite de manière fabuleuse le basket français et dont l’apport se fit en deux temps. D’abord via la loi du 9 janvier 1973 qui a modifié le code de nationalité en permettant aux Africains nés avant les indépendances des pays de l’ancien empire colonial d’obtenir la nationalité française. Le premier joueur ainsi « réintégré » est Firmin Onissah, qui avait porté les couleurs du Togo avant de venir à l’ASPTT Nice puis en équipe de France. Suivent les Mathieu Bisseni, Apollo Faye et autre Benkali Kaba. Puis la génération suivante, allant de Richard Dacoury à Frank Ntilikina en passant, entre beaucoup d’autres, par Moustapha Sonko, les frères Occansey, Boris Diaw, Nicolas Batum, Alain Koffi, Makan Dioumassi ou Yannick Bokolo prend le relais avec bonheur.

La mémoire de Roger Antoine, décédé en 2003, a été honorée en octobre 2018 lors de l’inauguration d’une salle de sport portant son nom dans son fief de Palaiseau où il avait emménagé en 1979 et où il était engagé auprès de l’Union Sportive. Son épouse, Alice Seillier, ancienne internationale (31 sélections), de Bucaille Boulogne sur Mer puis des Linnet’s Saint-Maur et leur fille Agathe étaient particulièrement émues. « Toute sa vie, mon père a véhiculé des valeurs morales et humaines hors du commun, a raconté Agathe, enseignante à Palaiseau au Parisien. Exigence, honnêteté, humilité… Je n’ai découvert que très tard sa carrière, il n’aimait pas parler de lui. De son vivant, cela n’aurait pas été possible de donner son nom à un gymnase, mais je suis heureuse qu’on l’ait fait quand même. »

E. En 1973 lors du Jubilé de Henry Fields aux côtés de Maxime Dorigo et Fields. A droite, Jean-Paul Beugnot @L’Equipe Basket magazine

A noter que Roger Antoine a été récompensé par l’Académie des Sports en 1965, aux côtés de Christine Caron, Jim Clark, Jean-Claude Killy ou Alain Calmat. Il fut le premier basketteur à être reconnu par cette institution fondée en 1905.

About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.