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Bill Fitch, le bâtisseur de franchises

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Bill Fitch, 88 ans et légende du coaching n’est pas rentré au Hall Of Fame pour le nombre de victoires (944) qu’il remporte durant sa carrière d’entraîneur en NBA. C’est plutôt sa détermination et les circonstances de sa carrière qui rendent son parcours incomparable. Portrait !

Bill Fitch est un maître incontesté dans l’art de la (re)construction. Jugez du peu… Il fait d’abord passer Cleveland, expansion team en 1970  aux Finales de Conférence en 1976. Il amène ensuite les Boston Celtics de la loterie au titre en 1981, et ce en deux ans. Arrivé à Houston en 1983, les Rockets sont finalistes NBA en 1986 sous ses ordres. Il porte encore les Nets en playoffs en deux saisons, de 89 à 91. Fitch accompagne enfin les Clippers, abonnés aux méandres du classement, vers ces mêmes playoffs, une première dans l’histoire de la franchise. Fitch a au final toujours considérablement amélioré les franchises dans lesquelles il est passé.

Notre homme, William Charles Fitch, naît le 19 mai 1932, à Davenport dans l’Iowa. D’un père professeur, qui utilise « la ceinture » lorsqu’il le juge nécessaire, Bill rêve dès son plus jeune âge d’être Marine. Un leitmotiv. Le Houston Chronicle, qui l’a interviewé en 2018 à son domicile, révèle d’ailleurs qu’il est en photo dans l’entrée de son domicile. Rien de plus classique me direz vous. Mais sur cette photo, il a  8 ans et se trouve en costume de Marine. D’ailleurs, son père a aussi été militaire et Bill a grandi en pensant qu’il ferait comme lui. Ainsi, tous les dimanches, enfant, Bill s’exécute au rituel du cirage des chaussures. Une anecdote qui en dit long sur la discipline et la détermination qu’il s’impose puis imposera aux autres.

LES ANNEES COLLEGE 

Attiré par le basket, excellent élève, il envisage d’entrer à la prestigieuse fac de Kansas, mais atterrit finalement au Coe College à Cedar Rapids dans l’Iowa. Il y passe 4 ans de 1950 à 1954 et y obtient un diplôme en pédagogie. Son niveau de jeu basket reste convenable. Sans plus. Mais le marine dors encore en lui. C’est ainsi qu’il émet le souhait de revêtir l’uniforme pour servir son pays. Direction la Corée pour la la guerre du même nom. Il y est instructeur et forme les troupes armées aux expéditions. Revenu de son service militaire, Fitch devient assistant coach à Creighton (1956 – 1958) puis devient entraîneur principal de Coe, son ancienne fac (1958 – 1962). Très déterminé dans ce qu’il y fait, il dirige ensuite la fac de North Dakota : le patron cela doit être lui ! En 1962, UND sort de sept saisons consécutives avec un bilan négatif. Lou Bogan, coach emblématique de la fac donne alors sa démission, la mort dans l’âme et Fitch va faire le reste. Dès sa première année, Fitch construit son effectif à sa manière et l’équipe termine avec 14 victoires pour 13 défaites. S’en suivront 4 années positives sur le plan sportif et deux éliminations au second tour de la March Madness, à chaque fois contre Southern Illinois de Walt Frazier.

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Bill Fitch (à gauche) et Phil Jackson (au centre) à North Dakota. Source : inforum.com

Pendant son passage à UND, en 1963, Bill recrute Phil Jackson. Fitch  voit quelque chose de différent chez Jackson. Il voit en lui un joueur cérébral qui pense le jeu différemment, un leader, un tacticien qui sacrifie ses statistiques afin de faire les choix efficaces. Mais Fitch, qui a la bougeotte, prend en main ensuite l’université de Bowling Green dans le Kentucky puis les Golden Gophers de Minnesota de 1967 à 1970.

LE MIRACLE DE RICHFIELD

En 1970, Buffalo, Houston, Portland et Cleveland obtiennent des franchises dans le cadre d’une expansion. Le proprio des Cavs, Nick Mileti qui possède aussi dans la ville les Indians (MLB) et les Barons (NHL) choisit Fitch pour sa détermination. Et puis, les deux hommes qui se sont rencontrés en 1966, à Bowling Green ont tissés des liens forts. Mileti croit en la capacité de son ami pour bâtir quelque chose de solide pour sa juvénile franchise. Il leur faudra du temps, mais de cela, ils en conscience.

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Le propriétaire des Cavaliers Nick Mileti avec l’entraîneur Bill Fitch et leurs femmes en 1970. Source : The Plain Dealer)

Les Cavs jouent alors dans une salle du centre ville (La Cleveland Arena). Une enceinte qu’ils partagent avec les Barons. Parfois, la condensation crée par la glace fait même ressentir des odeurs de moisi… Un article de John Lubinger du 23 juin 2010 sur Cleveland.com raconte comment Fitch, qui était à la fois coach et GM des Cavaliers, s’était préparé pour le projet d’expansion de Cleveland. Et les débuts sont laborieux. Les Cavs vont ainsi perdre leur 15 premières rencontres en 1970. Dernier pour leur première saison, Cleveland drafte au rang 1 Austin Carr, en 1971. Mais l’arrière aux 34,5 points de moyenne avec Notre Dame se casse la jambe vite et peine à pousser Cleveland vers les sommets. Certains soirs de défaites, Bill s’enferme dans sa salle de bain pour y pleurer. Il faut préciser que les Cavs de Fitch n’avaient ni superstar, ni profondeur de banc à leurs débuts et l’équipe perdaient souvent en quatrième quart temps ses rencontres. Parfois, les médias les baptisent même les Cleveland Cadavers… La progression demandera au final quatre longues saisons pour vraiment s’avérer payante. Le tournant a lieu réellement grâce à l’échange que Fitch met en place, en novembre 1975, avec les Bulls. Les Cavaliers avaient un bilan médiocre de 6 victoires pour 11 défaites et n’allaient nulle part quand l’expérimenté Nate Thurmond (34 ans) est arrivé à la place de Steve Patterson. Ils terminent la saison régulière, au final, avec 49 victoires. Comme un symbole,  la franchise venait de déménager au Richfield Coliseum, une salle de 20.000 places située en périphérie de Cleveland… L’ère des odeurs de moisi était révolu. Quand à Fitch, il est nommé Coach Of The Year. Les Cavs affrontent d’entrée, en playoffs, Washington qui est alors mené par les All Stars Elvin Hayes, Wes Unseld et Dave Bing. Ces derniers deviendront champion NBA en 1978. La passionnante série provoque l’hystérie de la foule à Cleveland. Fitch motive ses joueurs comme jamais. Trois des matchs de la série se décident dans les deux dernières secondes du match. Un autre s’achève en prolongation. Et Cleveland gagne la série lors du match 7 sur un tir de à 4 secondes de la fin. Cet épisode est resté dans la presse comme le « miracle de Richfield ». L’hystérie est alors totale dans la ville. On y voit des scènes comparables à celles observées lors du sacre de Cleveland en 2016. Mais les Cavaliers doivent s’incliner au second tour face aux intouchables Celtics de Dave Cowens, John Havlicek et Jojo White. S’en suivront deux qualifications en playoffs puis une saison sans qui pousse l’ancien militaire à la démission. Nous sommes le 21 mai 1979. Le 23, Red Auerbach a fini de le convaincre de signer pour les mythiques Celtics.

LA CONSECRATION 

Les Celtics sortent alors d’une saison au bilan de 29-53, et draftent un grand blond moustachu, issu d’Indiana State : Larry Bird.

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Bird et Fitch aux Celtics. Source : Masslive.com

L’année rookie de Golden Hand correspond au : « plus grand revirement ou retournement de situation de l’histoire de la NBA » (61 victoires soit un différentiel de + 32). Cela vaut à Bill Fitch un second titre de Coach Of The Year, mais Boston perd  face aux Sixers de Moses Malone en post-season. A sa seconde saison avec les Celts, ceux-ci récupèrent Robert Parish dans un échange avec Golden State et draftent Kevin McHale. Le bilan des verts passe alors à 62-20 et l’équipe remporte le championnat NBA face aux Rockets . C’est l’apothéose pour Bill ! En 1982-83, Boston a encore un énorme bilan de 56-26 à la fin de la saison, mais Fitch démissionne pour aider à reconstruire les Houston Rockets qui avaient chuté à un record de 14-68 cette saison là. Cette décision surprenante se trouve dans la nature même de Fitch. Il lui faut en effet des défis. C’est son essence, sa manière d’être. En cela, il est l’opposé d’un Greg Popovich. Il ne supporte pas la stabilité.

Pour la première saison de Fitch à Houston, les Rockets gagnent 15 rencontres de plus que l’année précédente. Bill est alors détesté à Houston pour avoir choisit à la draft Ralph Sampson à la place de Clyde Drexler, star local de l’ Université de Houston. En 1984, le climat s’apaise car Hakeem Olajuwon, lui aussi issu de UH, débarque chez les Rockets grâce à la draft. Fitch décide alors de faire jouer The Dream poste bas et de faire courir Sampson. Ce dernier déclare dans une interview en 1986 qu’à l’entrainement, les joueurs ressortent lessivés. Certains y vomissent. La dureté des séances fait que Houston devient une grande équipe. Un jour Sampson est allé se plaindre, an nom des joueurs de cette dureté. Voilà la réponse Fitch :

Ce n’est plus l’université ici, garçon. Il n’y a personne ici pour t’aimer. Ce sont juste les affaires maintenant.

Toutefois, Bill sait également se montrer très protecteur. C’est ainsi qu’il envoie John Lucas en cure de désintoxication plutôt que de le dénoncer à la NBA. Avant-gardiste dans l’étude de ses adversaires, Fitch demande encore à des connaissances locales de lui enregistrer les matchs des Spurs et des Mavs pour mieux étudier leur jeu. A l’époque, de nombreuses rencontres sont diffusées sur des chaines locales au point que certains de ses joueurs le surnomme à son insu « Captain Vidéo ». L’heure du League Pass est encore bien loin… Bill cherche à tout anticiper. Comme il le faisait en Corée avec le déplacement des troupes ennemis…

À sa troisième saison, la deuxième d’Hakeem Olajuwon, les Rockets remportent 51 rencontres. En playoffs, après avoir éliminé Denver, ils écrasent les grands Lakers version showtime 4 à 1 sur un panier à la dernière seconde resté inoubliable (notre vidéo).  Ainsi, ils se hissent en finale de la NBA pour faire face aux Celtics, l’ancienne équipe de Fitch. La haine entre les deux équipes atteint des sommets. Sampson raconte dans un interview qu’à l’arrivée à l’aéroport de Boston, une alerte à la bombe se déclare. Qu’une nouvelle alerte à la bombe a lieu à l’arrivée de l’équipe à leur hôtel. Rudy Tomjanovich, alors adjoint de Fitch racontera également sa peur dans une interview. Sampson, ennemi public numéro 1, est hué, insulté à chaque fois qu’il touche la balle. La presse s’en mêle, sans que personne n’y trouve rien à redire. Et que dire de la police, parfois complice… (notre photo).

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Un fan de Boston, flanqué de deux policiers, tient une poupée Ralph Sampson par une corde du pont supérieur lors du sixième match de la finale de la NBA en 1986 à Boston. Sourche : Clutchfans.com

Plus que jamais, Fitch écrit à Houston son histoire de batisseur de franchise. Pourtant, Bill ressort marqué par cette série perdue et sera licencié l’année suivante après la défaite en playoffs contre les Mavs.

LE BANC

Après une année sabbatique, Bill Fitch signe chez les New Jersey Nets. Forcément, l’équipe sort d’une saison lamentable (26-56) et forcément Bill y battit ses succès grâce à la draft (Derrick Coleman, Drazen Petrovic et Terry Mills). L’équipe passe de nullissime à formation qui parvient en playoffs. Toutefois, en 1992 il démissionne après la défaite 3-1 des siens contre les Cavs. Décidément, les anciennes formations de notre héro ne lui réussissent pas. Après une autre année sabbatique, Bill signe à LA, aux Clips. Risée du pays, les Clippers se qualifient pour les playoffs mais Fitch est viré en 1998. Et, 40 ans après sa prise de fonction à l’Université de Coe, Bill Fitch décide poser les armes : il raccroche.

Plus tôt, en 1996, lors de la célébration des 50 ans de la NBA, Fitch a été nommé dans la liste des dix meilleurs entraîneurs de tous les temps. Longtemps raillé par ses 1106 défaites en saison régulière, ces dernières ne disent pas tout de lui. Elles doivent être perçues dans un cadre plus global , celui des reconstructions d’équipes, celui de la détermination, du travail.

J’ai subi deux chirurgies à cœur ouvert pendant que j’entraînais et je n’ai jamais manqué un match. J’ai un stimulateur cardiaque, mais je ne peux pas monter dans un avion. Plus jeune, j’aurais marché pour aller jusqu’aux salles… Alors cette distinction, pour moi, c‘est un très grand honneur ! 

Nous avons déjà évoqué son passage aux Nets, en 1989. A la recherche de renforts, Bill téléphone alors à Rick Carlisle qui joue encore pour lui offrir une place dans son effectif, mais également un poste de coach assistant. Ces deux-là tissent des liens forts. C’est ce qui explique que ce même Carlisle,  qui pensait que Fitch rentrerait au Hall of Fame en 2015 n’a pas souhaité attendre son intronisation pour lui rendre hommage.

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Source : The Naismith Basket Ball Hall Of Fame 

C’est ainsi qu’il lui a offert contre un chèque de 150.000 dollars un banc en granit au pied du Hall, en bon fils spirituel qu’il est. Au pied de la statue de Naismith, à Springfield, de nombreux bancs servent en effet d’hommage permanent aux « meilleurs » entraîneurs de notre jeu (Mike Krzyzewski, Jim Calhoun, Geno Auriemma, Jim Boeheim, John Calipari ou John Thompson pour ne citer qu’eux) .Informé de ce don, Fitch a répondu ému :

Rick est comme le fils que je n’ai jamais eu. Ce fils d’arme qui a écouté pour devenir un très bon entraîneur – sous-estimé.

La petite histoire ne dit pas, si depuis, Bill continue à regarder en boucle des matchs à la télé mais Fitch était vraiment en avance sur son temps en termes de vidéo. Et personne ne conteste à présent le fait que cela aide beaucoup les joueurs à s’améliorer. Les joueurs… Si il y en a un dont la parole peut compter c’est Bird.  La parole de Larry n’est pas d’évangile mais je retiens ce compliment fait à son ancien mentor.

Bill Fitch ? C’est le meilleur entraîneur que je n’ai jamais eu !

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About Guillaume Paquereau (71 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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