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ITW Polina Tzekova : « La WNBA est extrêmement dure mentalement »

Interview

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Enorme star du Championnat féminin français, Polina Tzekova a aussi eu une riche carrière internationale. Elle nous en détaille ici les différentes étapes, les bons moments comme les plus mauvais, sans concession.

Basket Rétro : Bonjour Polina, partons du début, juste avant le basket, pour connaître un peu votre histoire. Vous êtes originaire de quelle ville ?

Polina Tzekova : Bonjour, je suis née dans une grande ville de Bulgarie, Pleven, au nord du pays. C’est une ville avec une très bonne culture basket. Comme tous les enfants, en particulier les petites filles, j’ai eu envie de faire de la gymnastique. Mon problème a été de grandir vite et beaucoup. Mon entraîneuse, m’a alors dit que je me trompais de salle. J’ai mis mes chaussures et nous sommes allées au gymnase mitoyen, la salle de basket.

BR : Avez-vous toujours été grande ou vous avez grandi d’un seul coup ?

PT : les deux et à une période j’ai grandi de 2 centimètres par mois avec toutes les douleurs que cela génère. Les tendons ne suivaient plus… Mais bon, à l’époque, en Bulgarie, c’était « Tu as mal, ce n’est pas grave, tu vas aller courir quand même ».

« Tu as mal, ce n’est pas grave, tu vas aller courir quand même ! »

BR : Et vos débuts ?

PT : Quelqu’un avait dit à ma première coach qu’une fille était très très grande à l’école et elle est donc venue me voir pour me proposer de jouer au basket. J’ai répondu oui, pourquoi pas, et elle m’a proposé de revenir le lendemain avec mes parents.

BR : Quelle a été leur réaction ?

PT : Quand je suis rentrée à la maison, ma mère ne m’a pas crue. Mais bon, j’ai insisté toute la soirée et elle a cédé. Le lendemain j’étais avec elle à la salle. Ça m’a plu tout de suite. Je me rappelle même que je portais un jogging bleu marine avec une petite robe par-dessus, orange avec des fleurs rouges. J’avais neuf ans.

BR : Vous avez eu tout de suite un bon niveau ?

PT : Tout s’est enchainé très vite. Ma coach m’a tout de suite dit que j’avais un talent pour ce sport. Et dans ma ville il y avait ce qu’on appelait une école sportive, sur le mode de l’INSEP même si on reste dans le même club. La première des six écoles du même genre que nous avions en Bulgarie. J’aimais tellement le basket que ma maîtresse est venue voir ma mère pour lui dire que je n’étais pas allée en cours depuis une semaine. Je jouais au basket pendant tout ce temps là.

BR : Elle n’a pas dû apprécier ?

PT : Non, j’ai une droit à une bonne remise au clair ! Mais cela m’a permis de la convaincre de ma motivation et de rentrer à l’école sportive.

BR : Comment vous êtes-vous distinguée des autres joueuses ?

PT : J’étais avec des filles plus âgées que moi et le matin uniquement avec des garçons.

TGB vs Alcamo en Coupe Ronchetti ©Le livre d’or du basket 1995

BR : Qu’est-ce que ça vous a appris ?

PT : Ils ne me faisaient pas de cadeau. Ça m’a appris la bataille sous les panneaux.

BR : Vous devenez professionnelle rapidement ?

PT : J’ai fait un parcours original. A 12 ou 13 ans, je ne me rappelle plus, je suis appelée pour jouer avec les cadets et l’équipe nationale cadette.

BR : Vous étiez surclassée d’au moins 3 ans ?

PT : Oui. Et après Noël, on devait partir pour un tournoi en Pologne. Au départ, ils voulaient simplement me sélectionner car j’étais grande mais je n’allais pas beaucoup jouer. Ca m’a énervé, piqué.

BR : Vous avez quand même pu faire vos preuves ?

PT : Oui, pour vous donner un exemple de ce qui a suivi, je fais le Championnat d’Europe Junior puis, au retour à l’aéroport, les officiels viennent me voir pour me dire que je repars tout de suite pour la préparation au Championnat d’Europe senior, j’avais 16 ans.

BR : Vous devez avoir une jolie collection de maillots de l’équipe nationale ?

PT : Pas tant que ça. C’était l’époque du communisme en Bulgarie, tout ce qu’on nous donnait, il fallait le rendre. J’aime faire plaisir, je vais vous faire une confidence, il ne me reste que très peu de maillots que j’ai porté pendant ma carrière. Il n’y en a qu’un que je sais retrouver facilement, c’est mon maillot de Championne WNBA.

« il ne me reste que très peu de maillots que j’ai porté pendant ma carrière. Il n’y en a qu’un que je sais retrouver facilement, c’est mon maillot de Championne WNBA. »

BR : Vous débutez en pro en Bulgarie?

PT : C’est une histoire assez drôle. J’étais dans le cinq majeur de l’équipe de Bulgarie alors que mon club était une équipe junior.  Je ne jouais pas en pro. La fédération a beaucoup insisté pour que j’intègre l’équipe pro de Sofia. C’est là que je me suis blessée au genou pour la première fois. Je n’ai pas joué pendant deux ans. J’ai eu trois opérations pendant cette période.

Tarbes

TGB vs USVO (Anne Wauters) ©UnivPau

BR : Mais vous avez joué professionnelle à Sofia ?

PT : Oui, deux ans. La première année, on échoue en finale et on gagne lors de la saison suivante

BR : Puis vous découvrez le championnat italien. Pourquoi ?

PT : Jouer en Italie, c’était mon rêve. Les meilleures joueuses au monde y étaient à cette époque. Mon idole était Katrina McClain et elle jouait pivot en Italie. J’intègre l’équipe de Priolo. Cette équipe me suivait depuis deux ans, ils me suivaient partout. Il y avait une des règles du communisme qui disait qu’on ne pouvait quitter son pays pour jouer à l’étranger qu’à l’âge de 27 ans. Mais je n’avais que 23 ans.

BR : Comment avez-vous fait ?

PT : Les Italiens ont demandé combien fallait-il payer pour me donner le droit de jouer à Priolo. La Fédération bulgare a répondu 120 000 dollars. Ils ont payé.

BR : Et vous découvrez la Sicile ?

PT : Oui, c’était magnifique. Mais c’est là que j’ai découvert ce qu’était le professionnalisme. Mon entraîneur ne me lâchait pas. Nous sommes très amis aujourd’hui. A 23 ans je pensais qu’il m’en voulait, je lui disais que je le détestais, je l’ai même insulté. Mais j’étais performante. Je le comprends mieux maintenant. Quand une de mes joueuses venait me demander pourquoi je lui criais dessus, je lui répondais que si j’arrêtais c’est qu’elle ne m’intéressait plus.

« Priolo… c’est là que j’ai découvert ce qu’était le professionnalisme »

BR : Cela reste une belle expérience ?

PT : C’était très professionnel. Par exemple nous ne pouvions pas manger des frites, pas de glace la veille des matchs, couvre-feu tous les soirs… Sinon le club nous mettait des amendes. J’ai appris la rigueur professionnelle.

Paulina Tzekova époque TGB au lay-up ©UnivPau

BR : Vous vous re-blessez ?

PT : Au bout de 2 ans, je me suis arraché encore une fois les croisés. La seconde étape de mes sept opérations du genou. Je pars me faire opérer à Bologne. Et là, j’entends un médecin qui dit que ma carrière est finie. A mon retour à Priolo, j’ai commencé à travailler tous les jours, de 8 heures à midi et de 17 heures jusqu’à 22h30 pour me remettre à niveau physiquement. J’ai été opérée le 30 avril, j’ai joué mon premier match le 14 août. La volonté est un bon médicament.

BR : Comment s’est déroulé ce premier match ?

PT : J’ai marqué plus d’une trentaine de points et pris dix-sept rebonds. Cela ne m’était jamais arrivé avant. Pour une reprise après les croisés, on va dire que ça va, j’ai montré à ceux qui m’avaient enterrée que je n’étais pas finie.

BR : Au bout de quatre saisons vous quittez le championnat italien. Vous aviez envie de jouer en France ?

PT : J’en avais marre que Jean-Pierre Suitat, à l’époque entraîneur de Tarbes, me suive en permanence ! Il m’a harcelée pendant quatre ans et j’ai cédé. On s’est rencontré lors d’un tournoi à Tarbes (Eurostar) quand je jouais pour Priolo. Je fais un bon match et, lors du dîner d’après match, je suis sortie pour trouver un endroit pour fumer (je peux le dire maintenant, j’ai fumé toute ma carrière). A côté de moi, une personne est venue pour me dire que je jouerai à Tarbes un jour, c’était lui. Je lui ai répondu que c’était un fou.

BR : Vous aviez d’autres propositions de club ?

PT : Valenciennes Orchies avec Marc Silvert. Mais d’autres bulgares jouaient à Tarbes, dont Sandra Dragomir, Ils m’ont vendu une super ville avec la mer, la montagne pas loin. Lors d’un tournoi Eurostar qui a suivi avec les équipes nationales, Jean-Pierre Suitat, encore lui, est venu me voir avec un contrat. Je l’ai signé, et c’est là que les problèmes ont commencé.

« Je l’ai signé, et c’est là que les problèmes ont commencé »

BR : C’est-à-dire ?

PT : Le club italien a présenté un nouveau contrat de trois ans déjà signé, un faux avec une imitation de ma signature. Avec le contrat de Tarbes j’avais deux contrats, ce qui est interdit. La FIBA a demandé des comptes. Un procès a été intenté. Cette histoire a duré 3 mois. Je n’ai pas pu jouer pendant ce temps mais le club de Tarbes me payait.

BR : Comment cette histoire s’est-elle terminée ?

PT : Jean-Pierre Suitat m’a présenté les trois issues possibles : soit je retourne en Sicile pour 3 ans, ou je ne joue pas pendant trois ans, ou il faut que Tarbes donne de l’argent à Priolo. Je n’avais aucune envie de retourner en Italie pour jouer, à 27 ans ce n’était pas le moment d’arrêter 3 ans, qui allait se souvenir de moi ? J’ai donc décidé de perdre un peu d’argent pour continuer à jouer. On a refait le contrat, trouvé un arrangement et un mois après j’étais sur les terrains à Tarbes.

BR : Quelle histoire.

PT : C’était un grand scandale, nous avons été menacés de mort. Pour la petite histoire, quand nous sommes championnes d’Europe avec Tarbes, la finale s’est déroulée en Sicile. Je trouvais bizarre d’être particulièrement entourée par le club. J’ai appris plus tard que Tarbes avait engagé deux gardes du corps.

BR : Après votre arrivée en France, c’est là que vous prenez vraiment une dimension internationale. Vous êtes considérée comme la meilleure intérieure de votre époque. Vous gagnez de nombreux titres avec Tarbes, dont la Coupe Ronchetti. Vous créez un fort lien avec le club ?

PT : Je vais vous expliquer pourquoi je suis resté à Tarbes. On gagne la coupe d’Europe en 1996 et l’année d’après le club est en proie à de gros problèmes financiers. Le club est placé en redressement judiciaire et dépose le bilan. Les présidents de l’époque, Jacques Dutrey et Michel hatchondo, sont allés jusqu’à hypothéquer leurs maisons pour sauver le club, vous vous rendez compte ? Dans le même temps, je reçois des propositions de Valenciennes et Bourges très alléchantes. Les dirigeants du club me disent qu’ils comprendraient mon départ mais si je veux rester, ils feront tout pour  sauver le club.

BR : Qu’avez-vous fait ?

PT : Ils ont été corrects avec moi lors de l’affaire avec Priolo, c’était mon tour de l’être avec eux, je suis restée. J’ai fait un gros sacrifice financier.

BR : C’est le moment où vous écrasez tout au niveau individuel en championnat ?

PT : Oui, je suis meilleure joueuse étrangère. Quelque part je n’avais pas le choix, je devais porter le club sur mes épaules.

 » je suis meilleure joueuse étrangère. Quelque part je n’avais pas le choix, je devais porter le club sur mes épaules « 

BR : Est ce qu’à cette époque, en France, des joueuses vous ont marquées?

PT : Oh oui, des joueuses que j’admire et j’admirais toujours. Celle avec qui m’a donné le plus de mal c’est Isabelle Fijalkowski. Je devais me préparer mentalement trois jours avant le match. En particulier, elle avait de supers coudes. Nicole Antibe, Nathalie Lesdema, Loeticia Moussard qui était aussi à Tarbes. Puis les anciennes comme Sandra Le Dréan, Audrey Sauret, Yannick Souvré, Anna Kotokova et Edwige Lawson un peu plus tard. C’étaient des joueuses qui me donnaient envie de jouer, je n’en dormais pas la nuit précédant les matchs. J’adorais ces moments-là : stress, adrénaline !

©FIA Europe

Paulina Tzekova (TGB) bloque au rebond en Coupe d’Europe ©FIBA Europe

BR : Votre titre de meilleur joueuse du championnat à ce moment-là, avec les difficultés du club, doit revêtir encore plus de saveur ?

PT : Oui, je m’étais mis en tête à l’époque que l’étrangère, c’était 50% de l’équipe.

BR : Quels sont les titres collectifs remportés qui sont les plus importants à vos yeux ?

PT : C’est bien sûr la Coupe Ronchetti en 1996. Durant cette saison, il y a eu beaucoup de soucis en interne. Les joueuses professionnelles s’étaient scindées en deux groupes mais j’ai aimé que dès le coup d’envoi des matchs, nous étions à nouveau une seule équipe avec un même but. On était tellement fortes ensemble ! L’engouement populaire était aussi énorme, la ville et les commerçants, tout était violet, la population était derrière nous à 100%. L’organisation autour du match était elle aussi au top avec un écran géant devant lequel 10 00 personnes s’étaient rassemblées. Et nous avons fêté la victoire tous ensemble pendant une semaine. Je ne suis pas sûre que cela se produirait de nos jours.

 » On était tellement fortes ensemble ! « 

BR :  Vous rechaussez les baskets en 2016 ?

PT :  Le jour de mes 49 ans, pour aider une équipe à monter en pré-nat. J’ai prévenu, je n’avais pas couru depuis 6 mois, j’ai pris une quinzaine de kilos, mais je me suis laissée convaincre. J’ai joué avec un plaisir énorme pendant les 33 minutes passées sur le terrain.

BR : Vous avez dû bien dormir après ça ?

PT : Oui, et le lendemain matin j’ai eu à peine mal aux épaules, pas du tout aux jambes ni aux genoux. Mais vous faites peut-être référence à une autre histoire.

BR : Racontez-nous.

PT : Un journal a monté un poisson d’avril comme quoi Tarbes m’a recontactée pour revenir jouer. Ce qui s’est passé c’est que l’entraîneur actuel, François Gomez, me croise et me propose de venir faire le sparring-partner, pour faire la dixième. Et un journaliste a eu l’idée de monter un poisson d’avril autour de cette histoire.

BR : Vous avez trouvé ça drôle ?

PT : Bien sûr mais le problème c’est que j’ai reçu plus de mille messages de félicitations, je ne savais pas comment répondre pour dire que c’était une blague. Même la télévision bulgare m’a appelée pour obtenir des informations sur mon retour. C’est le problème des sportifs professionnels, dans l’inconscient des supporters on a toujours 25 ans.

Ronchetti 2

Le TGB vainqueur de la Coupe Ronchetti en 1996 ©MaxiBasket

BR : Votre carrière en Europe est très longue et magnifique avec beaucoup de types et de distinctions personnelles. Vous traversez aussi l’Atlantique pour la WNBA, vous êtes draftée au premier tour à la dixième position en 1998 (A cette époque, 4 tours de 10 joueuses sélectionnées). Pouvez-vous nous expliquer le cheminement qui vous a amenée dans ce club ?

PT : C’est une idée de mon agent à la base. Il a constaté que dans ma carrière il ne manquait que la WNBA. Je n’y croyais pas trop, je lui ai demandé s’il se rendait compte de ce qu’il disait. Il m’a dit que oui et qu’il allait m’inscrire et envoyer mes statistiques. Je ne pouvais pas me rendre sur place car le championnat français était en cours.

BR : Vous n’étiez pas présente à la draft ?

PT : Non, j’ai appris le lendemain par mon agent que j’étais draftée 10ème au premier tour. Jamais, même dans mes rêves les plus dingues, j’aurais pensé être prise aussi haut.

 » Jamais, même dans mes rêves les plus dingues, j’aurais pensé être prise aussi haut. « 

BR : C’est presque normal avec ce que vous accomplissiez sur les parquets français et européens.

PT : Mais j’ai un problème, je n’arrive pas à réaliser la portée de ce que fais. Je reste toujours la gamine que j’étais dans ma tête. Cette draft arrive à un moment très difficile pour moi, au niveau personnel. Je décide donc de ne pas partir jouer aux États-Unis. A mon grand regret. Houston m’a recontactée la saison suivante, m’a invitée trois jours pour des entrainements personnels (avec l’entraineur d’Hakeem Olajuwon). Ils voulaient me voir en vrai, pour se rendre compte de quelle manière je pouvais les aider car je faisais partie de la « liste des intouchables ».

BR : C’est comme les joueurs « brulés » en France ?

PT : Ce sont les joueuses qui ne peuvent pas être échangées. Je leur dis que je souhaite jouer pour eux mais, finalement, une fois rentrée en France, je n’en ai plus envie. Je fais quand même les démarches administratives (je n’avais que le passeport bulgare à l’époque). Deux jours avant de partir, je pose la question à mon mari de l’époque de ce que je dois faire. Lui, rugbyman, me dit que si les All-Blacks l’appelaient pour intégrer leur équipe en deux secondes il est dans l’avion sans se poser de question. J’ai suivi son conseil.

BR : Comment cela se déroule à votre arrivée ?

PT : La WNBA est extrêmement dure mentalement, c’est un monde complètement différent de celui que je connaissais en Europe. Vous ne pouvez pas vous imaginer. Mais aussi physiquement.

©WNBA.com

Houston Comets vs Minnesota Lynx 1999 ©WNBA.com

BR : Vous subissez une baisse de vos statistiques par rapport au championnat français.

PT : Oui, même si j’ai tout de suite su que j’allais être dans le cinq majeur. En revanche, cela veut aussi dire que je prends la place de la joueuse américaine qui était sur le poste. J’ai eu droit à des brimades et des réflexions sur le fait que j’étais blanche et européenne. Cela fait vraiment mal, c’est très brutal. Mais après un moment je n’ai plus laissé faire, j’ai remis les points sur les « i », si je suis ici c’est que je le mérite, respectez-moi comme je vous respecte ! A bousculer les stars de l’équipe de la sorte, j’avais peur de me faire virer mais, finalement, à partir de ce moment-là elles m’ont respectées et cela a même ajouté une motivation supplémentaire dans mon jeu.

 » Si je suis ici c’est que je le mérite, respectez-moi comme je vous respecte. « 

BR : Le fait que c’était le très haut niveau du basket ne prenait pas le pas sur le reste ?

PT : Cynthia Cooper m’a beaucoup aidé. On se connaissait de sa période italienne, nous avons pu communiquer en italien et elle m’a prise sous son aile. Je lui serai à jamais redevable. Par exemple, je pleurais beaucoup de ma situation et lors d’une défaite où j’ai beaucoup pleuré elle m’a dit qu’avec quatre matchs par semaine, on n’a pas le temps pour ça. Je me suis mise à jouer à fond le rôle que le club m’avait donné. Je devais défendre, prendre des rebonds offensifs et shooter à 3 points.

BR : C’était votre jeu ?

PT : Les shoots de loin oui, la défense et les rebonds offensifs beaucoup moins. C’étaient même mes faiblesses. Mais j’ai réussi à me débrouiller et à la fin, lors des demies finales contre les Los Angeles Sparks, j’ai joué ma confiance sur un shoot à trois points. On le voit dans le DVD qui retrace notre parcours, l’entraîneur me demande de prendre le tir. Et je marque le panier face à Lisa Leslie, je marque le suivant et on gagne ce premier match. Après ça, même si je scorais peu (6 points et 5 rebonds de moyenne en saison), j’avais ma place dans l’équipe et la ligne WNBA sur mon CV.

BR : Est-ce pour toutes ces raisons que vous ne restez qu’une seule saison en WNBA ?

PT : Je voulais avoir cette ligne sur mon CV. Les coaches sont venus jusque Tarbes la saison suivante pour que je revienne, les joueuses m’ont appelées aussi. Mais je ne voulais pas. Cynthia Cooper m’a rappelée deux ans après pour rejoindre l’équipe de Phoenix qu’elle allait coacher. Je lui ai répondu que je n’avais plus la tête à jouer aux États-Unis. Il faut aussi préciser que c’était juste après les attentats de 2001 et que j’avais peur de prendre l’avion tout le temps.

BR : Vous avez gardé des contacts avec de joueuses rencontrées en WNBA ?

PT : Vicky Johnson, qui est dans le coaching en WNBA et ancienne coéquipière à Tarbes, Kym Hampton des New York Liberty très bonne chanteuse aujourd’hui et qui a permis à une de mes amies de passer une journée de rêve en loge VIP au Madison Square Garden, Alicia Scott qui était entraineuse adjointe à Houston.

BR : Nous en avons parlé au début de l’interview mais je souhaite revenir sur le sujet de l’équipe nationale. Pouvez-vous partager vos expériences ?

PT : Je rejoins le groupe senior alors que j’ai 16 ans, le basket féminin bulgare est l’un des meilleurs au monde à l’époque. Je jouais avec les filles que j’avais en poster dans ma chambre. Un rêve. Même si j’ai peu joué en senior c’est l’année où j’ai fait les Championnats d’Europe en trois catégories différentes (1985).

 » C’est l’année où j’ai fait les Championnats d’Europe en trois catégories différentes « 

BR : Sûrement un record.

PT : Un évènement m’avait marquée. Une des joueuses de l’équipe senior, une cadre, a demandé à l’entraîneur de me faire jouer. C’est là que ça a démarré. J’ai été sélectionnée dans le meilleur cinq du tournoi lors des Championnats d’Europe suivants.

BR : Parlons de 1988 et des Jeux Olympiques. Que vous est-il arrivé ?

PT : Je me blesse aux ligaments croisés avant la compétition. Pressée par la Fédération, j’accélère ma convalescence. Je rejoins la sélection aux JO mais au troisième match, le genou lâche à nouveau.

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Le 5 majeur féminin étranger des 20 ans de la LFB ©LFB

BR : Vous obtenez la double nationalité, est-ce que vous auriez pu jouer pour le maillot bleu ?

PT : Je l’ai obtenue en 2004-05 en prévision de mon mariage. Et Alain Jardel, entraineur de l’équipe de France féminine à l’époque, est venu me voir pour parler de ça mais c’était impossible car j’avais déjà joué pour l’équipe nationale bulgare, même avec mon passeport français.

BR : Je vais vous poser quelques questions un peu moins en rapport avec le terrain directement. Lors de votre carrière, aviez-vous un surnom ?

PT : Paulette ou Poli, c’est tout. Rien de plus. L’autruche quand j’étais jeune et déjà grande, les enfants peuvent être méchants entre eux.

BR : Vous avez choisi quelle voie pour votre après carrière ?

PT : J’ai d’abord vécu un arrêt que je dirais brutal : vous n’êtes plus rien, vous n’intéressez plus personne dès que vous raccrochez le maillot. Même à Tarbes où j’ai donné beaucoup et où je suis restée vivre après ma carrière de joueuse. Puis, en l’espace de 10 mois j’ai perdu mes deux parents suite à de longues maladies. Ils avaient 55 et 59 ans. Je l’ai très mal vécu. J’ai pris à ma charge financière tous les remèdes, rayons possibles pour les soigner, mais aucun n’a été guéri. J’y ai investi presque toutes mes économies. Et j’ai divorcé et je me suis retrouvée seule avec ma fille de trois ans, à l’époque.

 » Vous n’intéressez plus personne dès que vous raccrochez le maillot. « 

BR : Le club de Tarbes ne vous a pas aidé ?

PT : Non, ils m’ont même dit qu’ils ne me devaient rien, même après tout ce que j’ai sacrifié pour le club. Je n’arrivais pas à trouver de travail. J’ai repris mes études, un BTS Tourisme en accéléré, je me suis même aussi retrouvée au RSA. C’était une période très dure, très très dure. Cela reste un moment d’incompréhension de ma part. Comment on peut « jeter » une personne de la sorte, même après avoir donné autant à un club. Aucune reconnaissance. Un élu de la ville de Tarbes m’a aidé à trouver mon travail actuel et m’a soutenue. Le club est revenu vers moi il y a quelques années, avec de belles promesses mais ce n’était, encore une fois, que des paroles en l’air. Je l’ai aussi mal vécu, jusqu’à être hospitalisée. Cela a été le déclencheur pour, de mon côté, dire stop. J’ai travaillé avec le club masculin de Tarbes, j’ai entrainé les seniors garçons. J’ai arrêté mais maintenant je prends du temps pour moi.

Promotion 2019 de l’Académie du Basket Occitane ©Occitanie Basketball

BR : Vous tournez la page du basket définitivement ?

PT : Non, j’ai un projet autour du travail individuel avec les joueuses intérieures. Je muris ça. Et je travaille pour le conservatoire de danse et de musique du département. J’y retrouve la rigueur et la discipline du sport de haut niveau.

BR : Votre fille va prendre votre place dans les raquettes ?

PT : Elle est actuellement au Centre de Formation de Tarbes. Elle est ailière. Elle a intégré le Centre de formation à la seule condition de ne pas jouer à l’intérieur, elle ne veut pas que nous soyons comparées. On ne sait pas si elle fera carrière mais c’est une très forte shooteuse à trois points. C’est sa dernière année en centre de formation. Si elle décide de jouer en espoir, je la suivrai mais si elle ne le souhaite pas, je ne la pousserai pas. D’ailleurs, nous ne parlons jamais basket toutes les deux, je ne l’entraine pas. Nous ne parlons pas basket à la maison, c’est un sujet d’incompréhensions et de brouilles. Mais après toutes ces péripéties, je dis aujourd’hui à ma fille que si elle doit être professionnelle, réfléchis en professionnelle. C’est un travail, et donc le salaire doit primer.

BR : L’après carrière et sa gestion sont un vrai sujet. Nous le remarquons souvent lors des interviews. Et le manque de reconnaissance aussi.

PT : J’ai eu une grande joie quand j’ai été élue dans le cinq des meilleures joueuses étrangères du championnat français, par la LFB. Un vrai pied de nez au club de Tarbes qui ne m’a montré que peu de reconnaissance depuis la fin de ma carrière. Puis l’année suivante j’ai été nommée membre de l’Académie du Basket de la ligue Occitanie. J’ai ressenti une grande fierté d’être reconnue au niveau national, au niveau régional. Mais toujours rien au niveau local.

 » J’ai eu une grande joie quand j’ai été élue dans le cinq des meilleures joueuses étrangères du championnat français « 

BR : Merci pour cette interview très riche. De coutume, chez BasketRétro nous laissons le mot de la fin à nos invité(e)s. C’est à vous.

PT : Votre demande d’interview m’a fait très plaisir, cela fait partie de la reconnaissance. C’est très bien de parler de l’histoire du Basket et comme vous le faites chez BasketRétro, de parler des joueurs qui ont mouillé le maillot. Je vais me coucher ce soir avec tous mes souvenirs en tête grâce à cette interview.

Propos recueillis par Arnaud Lefèvre pour BasketRétro.

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