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ITW Yannick Souvré – Part 1 : « Le club de Bourges, c’est ma maison. Contente d’y avoir passé 10 ans »

Interview

Basket Rétro poursuit ses interviews avec d’anciennes gloires du basket français. Aujourd’hui, découvrez la première partie de notre entretien avec Yannick Souvré, ex-meneuse de jeu à Bourges et de l’équipe de France. Avec un très bon palmarès à son actif, nous sommes revenus avec elle le 5 février dernier sur sa découverte de ce sport, son début de carrière, son ascension à Bourges, et son passage à la fac américaine. Détails.

Basket Rétro : Comment avez-vous découvert le basket ? Qu’est ce qui vous a donné envie de faire une carrière professionnelle ?

Yannick Souvré : C’est une histoire de famille. Mon père a joué au basket. Il a été international. Il a rencontré ma maman lors d’un tournoi de basket universitaire. Ils n’étaient pas de la même ville. Ma mère a donc également joué au haut niveau. Avec ma sœur, on s’est mis au basket très tôt. J’ai dû avoir ma première licence à 5 ans à peu près. J’ai été entraîné par mes parents avant de partir à Mirande au centre de formation à 14 ans. J’ai commencé à jouer à Tournefeuille (ndlr : commune dans la Haute-Garonne), un club où mes parents étaient très impliqués.

BR : C’est vers l’âge de 5 ans que vous avez touché le ballon pour la première fois ?

YS : Je pense que j’ai touché le ballon bien avant. Réellement, la première licence que j’ai dû avoir, car on en avait besoin pour jouer officiellement, c’est 5-6 ans.

BR : Vous avez gagné beaucoup de titres que ce soit en club ou en Equipe de France, reçu plusieurs distinctions personnelles. J’imagine que c’est difficile d’en sortir un mais quel est le souvenir marquant que vous retenez de votre carrière de basketteuse ?

YS : Quand on a été basketteuse et qu’on a eu la chance de pouvoir jouer au très haut niveau tant en club qu’en équipe nationale, c’est difficile de mélanger les deux. Je vais vous donner un souvenir par catégorie. Avec l’équipe de France, c’est clair, c’est le titre de 2001 à l’Euro en France qu’on a joué devant notre public. C’est effectivement le plus grand souvenir. Avec Bourges, c’est le deuxième titre en Euroligue gagné à la maison en 1998. Si je dois sortir un moment particulier de toute ma carrière, c’est notre participation aux Jeux Olympiques de Sydney. C’est pour moi le graal de ma carrière de sportive. On a fini que cinquième et on aurait pu espérer faire un peu mieux. Participer aux JO, ce n’était même pas un rêve. Quand j’étais gamine, c’était pouvoir jouer un championnat d’Europe et pas jouer avec les meilleures du monde.

Yannick Souvré fête le titre de l'Euro 2001 avec ses coéquipières (c) Yannicksouvre.net

Yannick Souvré fête le titre de l’Euro 2001 avec ses coéquipières (c) Yannicksouvre.net

BR : Vous avez joué aux Etats-Unis à l’université de Fresno State dans l’Etat de Californie. Comment s’est présentée cette offre ? Aviez-vous reçu d’autres offres de fac américaines ?

YS : A l’époque, aller aux Etats-Unis, ça ne se faisait pas. Il n’y avait ni recrutement de joueurs et joueuses européennes par les facs américaines. Avant moi, Paoline Ekambi était la seule joueuse à avoir connu cette expérience. Quant à mon cas, à Mirande, j’ai joué avec une américaine Shannon Mcgee avec qui j’étais très amie. Je suis toujours en contact même si elle est retournée aux Etats-Unis. En discutant, elle me dit «  si tu veux, si ça t’intéressait d’aller aux Etats-Unis, je te mets en contact avec mon ancienne fac ». Il n’a pas été question pour moi de démarchage de plusieurs facs et ceux des Etats-Unis vers moi. Shannon a juste contacté son coach de l’époque. On a envoyé des cassettes. On a montré quelques actions de jeu. Et le coach de Fresno a été intéressé par mon profil. On m’a offert une bourse. Sans celle-ci, il n’était pas question d’y aller. C’était bien trop cher. Et j’ai atterri à Fresno State. J’avais envie de vivre une expérience comme ça. Le basket, c’est les Etats-Unis avant tout de chose.

A l’époque il y avait aussi la Russie. J’ai eu la chance d’avoir été entraîné par un coach russe : Vadim Kapranov. Çà m’amenait une ouverture d’esprit au niveau du basket. J’ai eu cette chance de pouvoir y aller un an à Fresno. Ça a duré une année. Pour faire une deuxième année, il aurait fallu que je refuse la sélection en équipe nationale senior pour pouvoir passer mes examens de fin d’année. Je venais juste d’y rentrer en sélection. Et j’ai préféré rentrer en France pour continuer mes études et puis surtout continuer de jouer pour l’équipe de France Senior. C’était ma priorité à ce moment-là.

Yannick Souvré a joué à Fresno State de 89 à 90 (c) sportslogos.net

Yannick Souvré a joué à Fresno State de 89 à 90 (c) sportslogos.net

BR : Vous avez joué en France, aux Etats-Unis (à Fresno State de 89 à 90). Pouvez-vous nous parler de la différence de culture basket entre ces deux pays (les entraînements, le style et niveau de jeu, l’ambiance dans les salles, les supporters) ? Que retenez-vous de cette expérience outre-Atlantique ?

YS : Effectivement, c’est un autre monde. Je connais ni la NBA, ni la WNBA. Mais, surtout à l’époque, j’ai connu l’essence même du basket, du sport universitaire. Ma fac était relativement petite. Ça m’a permis d’aller à New-York, à Stanford, UCLA, et de voir pourquoi les Etats-Unis sont si forts. Je suis tombé dans une fac où l’entraîneur était fan de l’entraînement. Quand je suis arrivé, j’ai halluciné. C’était un autre monde. Je sortais de Mirande où on était réputé pour s’entraîner dur. A Fresno State, je me suis entraîné très très dur. C’est-à-dire c’est 3 heures non stop, très peu de boisson, faire les montées et descentes des gradins du stade de foot, la musculation. A l’époque, ça commençait à peine la musculation. On en parlait très très peu en France. Là-bas on en faisait trois fois par semaine. J’ai découvert une autre culture basket, une autre tout court. Je me suis découverte moi-même. J’y suis allé à l’âge de 20 ans. Ça m’a permis d’en savoir sur mes envies tant dans le sport que dans ma vie personnelle.

BR : Et en terme d’ambiance, qu’aviez-vous ressenti entre ces deux pays ? Comment l’aviez-vous vécu ?

YS : Moi ce qui m’a le plus surprise, c’est de voir l’abnégation et le dévouement qu’ont les joueuses. C’est-à-dire à s’entraîner tous les jours de façon très dure. Certes, pas pour rien car au bout vous gagnez, vous vous éclatez. Mais ça vous permet de rentrer dans des facs, d’avoir vos études payées. Et le prix de celles-ci est important. A l’âge de 22 ans, quand elles ont fini leurs quatre années universitaires, pour beaucoup, pour la plupart, la grande majorité, ça s’arrête. C’est fini. Y a plus de basket, pas de clubs. Pour les meilleures, elles vont s’exporter à l‘étranger. Pour moi, c’est un truc que je comprends toujours pas.

Quant à l’effervescence, avec Fresno State, on jouait dans une salle qui était correcte. Il y avait du monde mais c’était pas la folie. J’ai connu une année où il y avait Jerry Tarkanian, le sulfureux coach de Las Vegas à UNLV. La salle était pleine. Il y avait 10 000 places. Nous, joueuses, avions du même mal à trouver des places. L’effervescence est liée aussi au fait que vous êtes fan de votre fac. Vous portez les couleurs de votre fac. Vous allez supporter les autres sports. C’est quelque chose qui m’a beaucoup plu, emballé.

BR : Retenez-vous donc que du positif durant cette année à Fresno ?

YS : Très très positif dans tous les sens du terme pour la découverte du basket, voir autre chose de façon personnelle, l’apprentissage d’une langue. Ça m’a permis de la parler couramment et derrière d’avoir un travail à la FIBA Europe. Sans l’anglais, j’aurais pas pu. On se découvre. On est à l’autre bout du monde. Y avait pas internet (rires). Le téléphone coûtait très cher. On est très esseulé. On se retrouve face à soi-même. On apprend beaucoup.

BR : C’était compliqué j’imagine de basculer du jeu européen, français à celui américain.

YS : Non, non ça reste le même basket. Quand j’ai joué à Fresno, comme j’étais assez grande pour une meneuse, ils m’ont fait jouer à l’aile. Ce qui était un peu un paradoxe puisque je suis pas faite pour cette position-là. Quand je suis revenue, j’ai repris mon poste de meneuse de jeu qui m’était le plus adapté. Non y a pas eu d’adaptation à faire. J’ai eu la chance d’aller à Paris où je faisais mes études le matin au Racing Olympique et l’après-midi j’avais qu’un entraînement par jour car à Paris, c’était compliqué. Je restais sur un même rythme. J’étais dans un appartement et pas un internat. J’étais plus livrée à moi-même. C’est juste ça qui est différent. Après le basket reste le basket à mes yeux. Le basket universitaire, n’a rien à voir avec la WNBA. C’est très différent.

« Quand je suis arrivé, j’ai halluciné. C’était un autre monde. Je sortais de Mirande où on était réputé pour s’entraîner dur. A Fresno State, je me suis entraîné très très dur. C’est-à-dire c’est 3 heures non stop, très peu de boisson, faire les montées et descentes des gradins du stade de foot, la musculation. A l’époque, ça commençait à peine la musculation. On en parlait très très peu en France. Là-bas on en faisait trois fois par semaine. J’ai découvert une autre culture basket, une autre tout court. Je me suis découverte moi-même. J’y suis allé à l’âge de 20 ans. Ça m’a permis d’en savoir sur mes envies tant dans le sport que dans ma vie personnelle.

BR : Vous parliez précédemment de Bac Mirande. C’est dans ce club que vous avez été formé.

YS : Oui tout à fait. Mirande a accédé à la première division. Le club a dû créer un centre de formation et avoir surtout une équipe espoir. C’était les obligations du haut niveau. Ils se sont servis de la sélection régionale. Ils ont essayé de recruter un maximum de joueuses de cette sélection pour faire leur centre de formation. Moi j’étais un petit peu plus jeune. J’ai fait partie du lot. En l’occurrence, quand je suis arrivé à 14 ans. La meneuse de jeu de l’équipe senior qui s’est blessé était Valérie Garnier. Elle est actuellement l’entraîneur de l’équipe nationale des filles. Elle s’était blessée au genou gravement. Ils ont dû faire monter des jeunes pour compenser l’absence de Valérie.

Avec ma sœur qui était meneuse de jeu aussi, ils nous ont testées. C’est moi qui ai continué. J’ai pas pu jouer le premier match de championnat car j’étais trop jeune (14 ans). A l’époque, j’avais un double surclassement. Il a fallu attendre mes 15 ans pour que je joue en championnat. Je l’ai ai eus après le premier match. Je suis née au mois de septembre. Et j’ai pu faire la saison. Je jouais peu au début. Et un peu plus sur la fin quand même.

BR : Mirande vous repère donc via des sélections régionales à l’âge de 14-15 ans.

YS : Oui tout à fait. J’ai déjà fait des stages interzones. J’ai fait le processus classique. Vous jouez dans un club. Vous allez être pris en sélections départementales. Vous enchaînez sur les sélections régionales. Les stages interzones, à l’époque, c’était génial. On était mis dans une ville par zone géographique : le Sud-Est, le Sud-Ouest … garçons et filles, c’était très chouette. De là, j’ai fait un stage de présélection nationale entre guillemets. Ça a correspondu avec le fait que Mirande a dû créer son centre de formation. Et j’y suis allé dans celui-ci. Et j’ai eu la chance par rapport à la malchance de Valérie Garnier d’intégrer l’équipe première de Mirande. Et enchaîner l’été suivant en sélection avec l’équipe de France cadette. J’ai pas fait l’INSEP, mais toutes les marches des sélections : cadettes, juniors puis seniors.

BR : Par la suite, vous avez évolué à Bourges dès 1993. Même question que précédemment, comment le club berruyère vous détecte-t-il ?

YS : C’est Pierre Fosset, le président actuel, et sa femme qui viennent discuter avec moi quand j’étais à Paris. Ça se passe super bien. On se rencontre, on discute. C’est des gens qui me paraissent vraiment bien. Je suis toujours très ami avec eux : le président, sa femme et sa famille avec laquelle je suis très liée. Je pars très tard de Paris. Moi j’ai voulu vraiment rester dans la capitale, c’est donc trop tard pour me recruter à Bourges qui avait déjà leur équipe. Du coup, moi je pars un an à Rouen, ce qui a été très positif dans ma vie personnelle. Ça m’a permis d’avoir mon bac +3. Et de suivre une formation relativement normalement. A Rouen, je demande au club, après la saison, s’ils ont l’intention d’avoir un peu d’ambition. Ils me disent qu’ils sont limités. Je cherche à partir. Et là Bourges me recrute très vite. J’ai pas tourné autour du pot très longtemps. Le club faisait venir Vadim Kapranov qui était pour moi une forme d’assurance tous risques. Je suis venu dans ce club grâce à ce premier contact que j’avais eu deux ans auparavant.

BR : Vous avez passé dix ans à Bourges. Se dit-on qu’on va rester autant de temps dans ce club mythique ?

YS : Je suis de l’ancienne époque. Il y avait pas de raisons de partir. A ce moment-là, la Russie, la Turquie s’ouvrait peu. Le marché ne s’ouvrait pas tel qu’il est actuellement. De toute façon, c’était pas du tout mon état d’esprit. J’ai pas vraiment eu l’opportunité de partir. J’en ai eu une de la WNBA. J’ai refusé car je pense que je n’avais pas le jeu adapté. L’équipe de France était bien plus importante à mes yeux. A Bourges, j’étais heureuse. Je gagnais. Les équipes dans lesquelles je jouais ont beaucoup gagné. Si j’avais su que je restais 10 ans dans un club, j’aurais acheté ma maison bien plus tôt (rires). Je l’ai acheté l’année où je suis partie.

Avec Bourges, Yannick Souvré aura passé dix ans dans ce club mythique du championnat de France (c) Yannicksouvre.net

Avec Bourges, Yannick Souvré aura passé dix ans dans ce club mythique du championnat de France (c) Yannicksouvre.net

BR : Quel souvenir gardez-vous de votre passage à Bourges ?

YS : C’est ma maison. C’est là où j’ai presque tout vécu sans renier Mirande. Je suis arrivé à un âge où j’étais en pleine maturité. J’ai rencontré Vadim Kapranov, l’entraîneur de ma carrière qui m’a perfectionné. Il m’a surtout fait gagner. Ce qu’il nous a appris à Bourges où il y avait beaucoup d’internationales, on a su s’en servir en équipe de France. Et en l’occurrence en 2001, à l’Euro, c’est face à la Russie qu’on gagne. C’est pas anecdotique. Ça représente beaucoup de choses à mes yeux. Bourges, c’est toute ma carrière. Vadim Kapranov est très lié à cela. Moi je m’y suis retrouvé  car comme je le disais tout à l’heure, je m’entendais très bien avec Pierre Fosset, sa famille, Yves Doucet dirigeant du club. Tous ces gens de l’époque, on se ressemblait, on aspirait aux mêmes choses. Y a pas une année moins bien que l’autre. Certes, il y en a eu des moins fructueuses. Je suis contente d’avoir passé pas seulement dix ans de ma carrière mais aussi dix ans de ma vie. J’y ai beaucoup d’amis.

BR : Comment expliquez-vous que le club soit si régulier au moment où vous y étiez car vous avez gagné beaucoup de trophées ?

YS : Un savoir-faire. Vadim Kapranov nous a modelés pour savoir comment gagner. Un exemple. Avant que moi et les filles, les Françaises soyons entraînés par lui, on a toujours pensé qu’on mettait les Russes sur un piédestal. Moi la première fois que j’ai joué contre une équipe russe, c’était avec l’équipe de France cadette. J’ai perdu de 51 points. Je peux vous dire que je l’ai pas oubliée. Kapranov nous a fait croire qu’on était meilleure que les russes. Avec beaucoup de travail derrière bien évidemment. Mais on n’y a cru. On a su le transférer d’année en année. Et ça passe avec l’exigence à l’entraînement. On s’entraînait dur et ça a perduré.

Après, pourquoi le club de Bourges a continué à gagner ? Je pense que Pierre Vincent avec sa façon de travailler est très certainement différente de celle de Kapranov. Des bonnes joueuses ont réussi à faire que l’équipe de Bourges soit toujours au très très haut niveau. La pièce maîtresse dans toute cette réussite, c’est le club en lui-même. Il est très sain financièrement. Il a jamais vécu avec autres choses que les moyens dont elle dispose. S’il faut tirer un personnage de tout ce succès, c’est Pierre Fosset. C’est la ligne directive. Tout le monde est venu et est resté un certain temps. Plus long pour certain. Mais lui est toujours là. Il faut lui tirer un grand coup de chapeau.

Yannick Souvré a porté le maillot de l'équipe de France ntre 1985 et 2002 (c) Yannicksouvré.net

Yannick Souvré a porté le maillot de l’équipe de France entre 1985 et 2002 (c) Yannicksouvré.net

BR : J’en viens maintenant à votre passage en équipe de France. On compte 243 sélections. Quel effet ça vous a fait de porter ce maillot bleu pour la première fois et qui vous a accompagné pendant plus de 10 ans de votre carrière ?

YS : Moi j’étais très très fière. Quand vous êtes jeune, vous rêvez, vous vous identifiez à des joueuses plus ou moins. Moi j’avais un rêve, c’était d’être capitaine de l’équipe de France. Ça me parlait. C’est quelque chose qui me faisait envie. Y en a qu’ils veulent être le meilleur marqueur, d’autres le meilleur contreur. Moi c’était capitaine de la sélection nationale. Je pense que ça devait correspondre avec mon caractère. Très tôt, mes parents nous ont emmenés dans des compétitions internationales. On nous a emmenés à Limoges pour voir le championnat d’Europe garçons. On était baigné dans cette culture de l’équipe nationale sans pour but prioritaire de nous faire jouer en équipe de France. C’était pas ça. On a été élevé à cela. A partir du moment où j’ai pu y jouer, j’ai toujours tout fait pour en faire partie. J’ai eu une époque où j’étais pas sélectionné. L’entraîneur de l’époque avait dit que j’avais refusé l’équipe de France. Je n’ai jamais refusé une sélection. Pour moi, c’était inconcevable. C’était un honneur de pouvoir jouer et représenter son pays. Je suis pas spécialement patriotique. J’étais fier de pouvoir jouer avec les meilleures joueuses de mon pays.

BR : Vous avez croisé plusieurs générations en équipe de France. Peut-on dire que vous étiez un relai entre l’ancienne et celle nouvelle au fil du temps ?

YS : Non je pense que j’étais pas un relais. Avec le recul, les années, je me dis que peut-être avec ce qui se passe avec le handball, on a raté certaines choses. Pas un relais, non je crois pas. Quand je suis arrivé en équipe de France senior, je peux vous dire que j’ai pas eu de relais. Peut-être que j’étais pas un assez bon relais avec les jeunes. Je pense pas que j’ai été spécialement dur. J’étais dur de toute façon. Peut-être qu’il y a eu manquement par rapport à cela.   

« Moi j’avais un rêve, c’était d’être capitaine de l’équipe de France. Ça me parlait. C’est quelque chose qui me faisait envie. Y en a qu’ils veulent être le meilleur marqueur, d’autres le meilleur contreur. Moi c’était capitaine de la sélection nationale. Je pense que ça devait correspondre avec mon caractère ».

BR : Je reviens sur une de vos réponses précédentes. Vous avez été contacté par un club de WNBA ?

YS : Non. A l’époque, j’avais pas d’agents. Comme je restais à Bourges, j’avais arrêté les agents. J’en avais un qui m’avait contacté pour me dire «  tu sais, en WNBA, ils sont en pénurie de meneuse de jeu. Ils en cherchent. Est-ce que ca t’intéresse ? Je peux te placer. J’en suis sur ». Je lui dis « non, cherches même pas, ça m’intéresse pas ».

BR : N’y a-t-il pas une pointe de regret de ne pas avoir connu d’autres championnats à l’étranger comme la Russie, l’Espagne, l’Italie ?

YS : J’ai eu la chance d’avoir un coach russe qui vienne à moi. Donc pas de regret de ne pas avoir vécu en Russie (rires). J’aimerais bien savoir si toutes les joueuses qui sont allées en Russie sont parties pour vivre en Russie ou juste parce que ça leur permettait de jouer au très très haut niveau, d’avoir un bon salaire et des conditions de travail très intéressantes. Je suis pas persuadé que c’est la découverte du pays qui est vraiment la priorité des joueuses. Je suis hyper contente d’avoir vécu aux Etats-Unis et jouer à Fresno. Je crache pas dans la WNBA. Il y a des choses intéressantes très certainement à découvrir. Maintenant, je suis pas persuadé que j’avais un jeu très adapté à celui des Etats-Unis et la WNBA. C’est un jeu très individualiste, en un contre un, c’était pas ma force. J’aime le travail collectif.  J’avais pas d’énormes qualités individuelles de basketteuses pures. J’avais besoin des autres pour être meilleur.

Moi j’ai pas de regrets. Je trouve que j’ai eu beaucoup beaucoup de chances. Ça serait quand même extrêmement déplacé de dire que j’ai des regrets. Ya beaucoup de joueuses qui ont fait beaucoup de sacrifices, qui n’ont pas gagné beaucoup de choses. Moi j’ai beaucoup de titres. Il faut vivre avec son temps. J’ai vécu dans une génération où j’ai connu le basket qui était sur la fin de l’amateurisme. Et le début du archi-professionnalisme, comme on a à l’heure actuelle. Moi je suis contente de l’avoir vécu à ce moment-là. Je suis contente d’avoir vécu des Bourges-Valenciennes. A l’époque, les filles ne passaient pas beaucoup d’un club à un autre. C’était sur la fin de ma carrière que ça se produisait. Ça amenait des derbys extraordinaires. Ça fait plus de 10 ans que j’ai arrêté. C’est ça qui vous reste. Les meilleurs moments sont ceux humains. C’est celui où on rentre dans la salle de Valenciennes, et que tout le public adverse vous siffle. Ça vous met une pression, c’est ça qui est chouette.

BR : Pour ceux et celles qui vous ne connaîtrez pas, quelle type de joueuse étiez-vous sur le terrain ? Comment décrire votre jeu ?

YS : Le mieux, c’est de demander aux autres plus qu’à moi. Maintenant, le plus objectivement possible, ma plus grosse qualité, c’était de savoir faire jouer mon équipe. Et mon plus gros défaut, c’était de ne me pas être impliqué davantage dans mon jeu individuel. J’étais pas trop focalisé sur ma performance individuelle. Je pense que c’est un défaut au détriment de mon équipe. Je pense que si j’étais meilleure de façon individuelle, j’aurais plus encore aidé les équipes dans lesquelles j’ai joué.

BR : Ces qualités et défauts sont celles qui ressortaient de la part de vos coéquipières, vos coachs en général durant votre carrière ?

YS : Je pense surtout au niveau de mes coachs. Mes coéquipières savaient que j’étais quand même leader sur le terrain. Il fallait que ça se passe comme je l’avais décidé (rires). Alors ça plaît pas toujours comme vous pouvez l’imaginez. Après, j’étais capable de tirer à 3 points, de pénétrer, de faire des passes mais j’étais pas rapide. J’étais une meneuse de jeu qui dirigeait plus qu’une qui était puncheur, capable de ramener 15 points par match, agressive individuellement.

BR : Parmi toutes les joueuses, entraîneurs, et coéquipières que vous avez croisé, quels sont celles qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

YS : Y en a eu beaucoup. Quand j’étais jeune, j’étais très fan d’Isabelle Désert. C’est l’ancienne meneuse de l’équipe de France. Elle était pour moi pas la joueuse que j’étais mais plutôt dans le style d’une Céline Dumerc : plus petite, puissante, rapide. C’est la joueuse à laquelle je m’identifiais. J’étais aussi très très fan d’une joueuse qui était Teresa Edwards, qu’on a eu la chance d’avoir en France. Elle a joué à Tarbes sur sa fin de carrière. C’est une fille qui avait une technique de jeu et une intelligence. Mais je me suis pas identifié à elle. J’en avais pas la capacité. Voilà, ce sont des joueuses que j’ai trouvées très fortes.

BR : Et des coachs, des adversaires ?

YS : Si y a un coach à sortir de ma carrière, c’est Vadim Kapranov. C’est pour moi le maître. Il avait compris pleines de choses. Il a été un ancien très grand joueur. Il a su transférer ce qu’il savait en tant que joueur à ses joueuses. Quand vous êtes joueur, vous aimez jouer, gagner. Comme on est toujours très compétiteur, quelque soit l’âge, ca nous faisait avancer. Il a une femme qui était extraordinaire. Elle lui avait appris la psychologie féminine. Je pense qu’au niveau du basket, c’est la même chose. Au niveau de la psychologie, on n’entraine certainement pas les femmes de la même façon que les hommes. Y a certaines choses qu’on peut tirer du basket féminin qu’on n’aura pas avec le basket masculin. Et ce si on sait très bien le faire.

Retrouvez la deuxième partie de l’interview de Yannick Souvré dès vendredi. Elle nous a livré son regard sur le basket actuel (équipe de France, basket féminin) puis évoqués son rôle de consultante télé, ses anciennes fonctions à la FIBA Europe, et la NBA. 

Montage Une : Clément Demontoux

Propos recueillis par Richard Sengmany

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Découvrant le basket dans les années 90 grâce à la diffusion des matchs NBA sur Canal+, je rédige depuis plus de dix ans des articles sur la balle orange, sur d'autres disciplines sportives et la culture.

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