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Bob Riley, le cas particulier

France

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Dans la cohorte de jeunes Américains arrivés en France dans les années 70, avec l’appât du gain comme unique horizon, certains se sont démarqués. Parmi eux, Bob Riley, un cas particulier à bien des égards. Récit.

Prenez un échalas de 2,07m, né à Colombus dans l’Ohio, qui se met au basket sur le tard (à 18 ans), entre dans une petite fac, Mount St Mary’s, s’y développe. Au point d’être drafté à son issue.

On est en 1970. L’année de Bob Lannier (1° de la draft), Pete Maravich (3°) ou Nate Archibald (19°). Robert J. Riley, 22 ans, est retenu au 5° tour, à la 82 ° place, loin derrière de futurs collègues de la Natio

Robert Riley. @CBC

nale 1 comme Bill Cain (Vichy), Jimmy Hayes (SIG), ou Bill Stricker qu’il retrouvera à Caen, mais devant Jim Signorile (Clermont) ou James Sarno (CRO Lyon).

Par son réseau, son entraineur lui permet d’intégrer un camp de sélection pour les Atlanta Hawks. Il passera entre toutes les gouttes et sera retenu en NBA, mais sans contrat garanti. Le gap est grand et, placé le plus souvent à l’aile, Riley cire rapidement le banc. Résultat : 39 minutes de jeu en 7 matches de NBA avant d’être coupé avant Noël. Son coach lui dit : « Bob, tu ne seras jamais un bon joueur professionnel ». Riley accuse le coup. Et se rabat sur l’Eastern League (devenue CBA), ligue professionnelles mineure, aux Sunderies Mercuries (22 matches) et aux Wilkes Barre Barons (7).

Mais la roue tourne. Le célèbre maquignon de l’époque, Jim Mc Gregor, le spécialiste du placement de joueurs US en Europe, le contacte et le retient dans sa sélection du printemps 1971, la Levis All Star, qui, un soir, fait étape à Milan. C’est là que Claude Defois, le président du Caen BC, et Charles Tassin repèrent le grand Bob et lui font signer une licence pour le compte du CBC.

Rendez-vous est pris à la reprise à la mi-août.

CAEN OU… OU CANNES ?

C’est alors que les choses se gâtent : « Je m’étais engagé au Caen BC en même temps que Dan Sadlier. Lui était resté en Europe, moi je suis rentré aux Etats-Unis. Quand je suis arrivé à Orly, le 15 août, j’étais convaincu qu’un dirigeant du CBC serait là pour me chercher. J’arrive dans l’aéroport, je ne parle pas un mot de français, et personne n’est là pour m’accueillir. J’appelle le siège du club, pas de réponse. Je prends une chambre au Hilton, ça me coûte une fortune et, le lendemain, je rappelle. Pas de réponse. Le problème, c’est que je ne savais pas si j’avais signé à Caen ou à … Cannes. Alors je suis reparti aux Etats-Unis ». Il semblerait qu’un dirigeant l’attendait bien, mais à la gare…

Et la Nationale 1 démarre sans lui.

Malgré Dan Sadlier et Bill Stricker, Caen fait une saison catastrophique. Et frise la relégation. En janvier 72, Les choses sont simples : il reste huit matches et le club doit en gagner six pour se maintenir. Le CBC recontacte alors Bob Riley qui revient en février 72 pour remplacer Bill Stricker reparti aux Etats-Unis. « Je n’étais pas en grande forme, j’ai débuté contre Denain qui jouait le titre et on a gagné de justesse ».

Ce soir-là, ce fut le déclic pour une remontée folle au classement supportée par un public en liesse. Et une opération maintien réussie…

Bob Riley et Victor Boistol verrouillent le rebond. @R. Giron

Cette saison-là, Bob-le-gaucher joue 7 matches pour près de 27 points de moyenne. Et devient le héros de la ville. Mais les choses s’enveniment : les relégués, le Racing CF, en tête, s’insurgent et sortent un règlement qui stipule qu’un joueur pro ne peut jouer en Nationale 1.  Le ton monte avec verbe haut et menaces outragées.

Au final, après des semaines de palabres, le joueur est requalifié « amateur » par la FIBA à Munich. Bienvenue en France ! Et premier aperçu de la difficulté des dirigeants du basket à gérer l’amateurisme marron de l’époque.

Suivront neuf autres saisons de fidélité au Caen BC. Avec un rôle majeur, celui de capitaine, de gardien du temple, qui estime que chaque saison il a continué à progresser sous la férule de coaches réputés (Gérard Bosc, Charles Tassin, José Gasca, Djordje Andrijasevic, Jean Galle), avec des coéquipiers de talent, Américains, comme Dan Sadlier, Ansley Truitt, Rudy Hackett, Lionel Billingy, ou Français comme Victor Boistol, Yves-Marie Vérove, Didier Dobbels, Pierre Galle, Yves Clabau.

Mais, miné par des éclats, des tension internes, le titre espéré, puis souhaité, puis attendu ne sera jamais au rendez-vous : le CBC oscillera entre la 2°place à deux reprises sous l’ère Galle dans une équipe très « berckoise » (les frères Galle, Vérove, Dobbels) : 2° à deux points de Villeurbanne en 1977, 3° derrière Le Mans, en 1978, puis à un point du Mans encore en 1979) et la 7° place. A noter que durant cette période, Bob entraina les poussins du CBC emmenés par deux jeunes prometteurs : Frédéric Forte et Jimmy Verove qui, quinze ans plus tard, gagneront la Coupe d’Europe ensemble !

INTERNATIONAL FRANÇAIS, MAIS ETRANGER DANS SON CLUB

Par choix, et non intérêt, Riley qui a épousé une Française, est naturalisé. Il effectue même le service militaire, lui qui, antimilitariste, avait été réformé aux Etats-Unis. Il participe même à une tournée au Sénégal avec l’équipe de France militaire.

Couverture de l’Equipe Basket Magazine de novembre 1973. Quand deux Bob se retrouvent : Riley face à Purkhiser. @Equipe Basket Magazine.

Mais Riley en a gros sur la patate, lorsqu’au gré des multiples changements de règlementation, comme le basket français sait en concocter, il sera, à un moment, considéré comme joueur étranger à Caen. Et piégé par la Fédération qui a mis les vraies et les fausses naturalisations dans le même sac, après la libéralisation de 1975. « En 1973, j’ai obtenu la nationalité française. C’était un choix réfléchi, pas une naturalisation bidon. J’ai effectué mon service militaire, j’ai joué en équipe de France, mais j’ai été considéré comme étranger par les instances françaises. Ce n’était pas logique. Trente ans plus tard, cet épisode me reste au travers de la gorge » commente-t-il en 2013. Car, en même temps, en championnat, Galle a dû choisir tous les samedis deux joueurs parmi Truitt, Kendrick et Riley.

Bref, c’était Courteline + Corneille = Kafka !

De fait, trois ans après sa naturalisation, soit en 1976, il est, à 27 ans, officiellement sélectionnable en équipe de France. Pierre Dao cherche un point d’ancrage. Et contacte Bob Riley qui hésite, agacé par la situation ubuesque évoquée plus haut qui s’ajoute à un statut amateur auquel on demande de payer des impôts, mais sans couverture sociale. Il dit non, pour la forme. Puis accepte. Riley intègre les Tricolores le 30 décembre 1976, à Evry. C’est un choc culturel pour le basket français qui, jusque-là, s’était contenté de sélectionner des joueurs « réintégrés » (Mathieu Bisseni, Appolo Faye). Mais qui, ce soir-là, outre Riley, aligne également Barry White, autre Américain naturalisé. La France, avec également Sénégal, Larrouquis, Beugnot, Dubuisson, Dobbels, Vebobe, Lamothe, souffre face à la Finlande, gagnant sur le fil, après prolongation (100-98). Mais, à l’évidence, Riley, meilleur marqueur (25 points à 11/14 tirs) a bonifié l’équipe. Au total, 27 capes pour 364 points marqués jusqu’au 17 mai 1980, face à la bête noire tchèque au tournoi pré – olympique des Jeux de Moscou. Et une carrière en bleu entravée par des blessures.

UN PROJET PROFESSIONNEL A COGNAC

Fin octobre 1980, à 32 ans, après une décennie caennaise sans titre, mais réussie avec une autorité, des conseils toujours écoutés, un sens aigu du collectif et, accessoirement, plus de 5 000 points marqués en Nationale 1, Bob Riley quitte la Normandie, sans bruit, pour raisons personnelles, mais en pleine saison laissant le CBC boiteux. Et non sans avoir fait un retour provisoire pour suppléer un joueur blessé. Jean Galle est le premier à regretter le départ du pilier que l’on considérait immuable : « Il aurait fallu que Bob demeure tout au moins une saison supplémentaire afin que je puisse préparer l’équipe sans crainte d’une panique générale ».

Il dispute son dernier match, en Coupe Korac, qui se termine sur un panier assassin de Kicanovic en faveur du Partizan Belgrade.

Quelques mois plus tard, il ripe plus au sud, à Cognac. Profitant du négoce, les grandes maisons de spiritueux, Hennessy et Martell en tête, ont longtemps soutenu généreusement le sport local. Cognac était d’ailleurs appelé la « Principauté du sport ». C’est ainsi que l’UA Cognac avait fait un passage en Nationale 1 en 1965/66. Mais la logique a décrépi douloureusement, victime des Lois Barzach et Evin, et la pompe à subventions a ralenti.

« Le sport jouait un rôle d’ascenseur social, les talents qui s’exprimaient sur le terrain devenant des talents pour réussir dans la vie » explique Patrick Chalbelard, auteur d’un livre sur le club de rugby local.

Bob Riley hier et aujourd’hui. @Ouest-France.

C’est dans cette philosophie que Martell propose un projet professionnel à Bob Riley. L’homme a des atouts pour une entreprise à vocation internationale. « Il fallait foncer. J’ai commencé tout en bas de l’échelle. J’ai bossé dur ».

C’était une belle opportunité. Bob savait qu’il assurait la suite de sa carrière professionnelle. Il passa ainsi 21 ans au bord de la Charente, grimpant les échelons.

En basket, il fut coach de l’UAC en Excellence régionale à son arrivée, puis en Nationale IV, puis en Nationale III après avoir rechaussé ses baskets au bout de deux ans, terminant lors de la seconde saison, premier de poule devant Castres au printemps 1984 avec 63 points sur 66 possibles. Cognac élimina Lorient en quarts de finale, mais buta, en phase finale à Obernai : en demi-finale, Voiron emmené par le Polonais naturalisé Edward Jurkiewicz et Ron Belton domina l’UA Cognac malgré 18 points de Riley et 20 de Greg Pudwill. Dans les travées de la salle d’Obernai, on laissait entendre que c’était le dernier match du grand Bob.

J Riley lors d’un récent passage en France

De fait, il n’apparait pas dans la composition officielle de l’équipe promue en Nationale II coachée par Michel Clerc. Mais reste en back-up au point de se retrouver la saison suivante aux côtés de Phil Dailey sous les ordres de Zbigniew Felski avant de raccrocher à 37 ans. « J’ai été nommé au Hall of Fame de mon université. Mais c’est mon frère qui est allé à la cérémonie, car j’avais un match à disputer avec Cognac ». Avant d’enchainer, plus tard : « Je ne suis pas fan des honneurs. Je n’ai jamais fonctionné seul ».

« Bob est arrivé, a donné l’élan. Il n’en fut pas le seul responsable, mais il est à l’origine de l’ascension rapide » commenta Pierre Despaquis le président des pros en 1990, Riley étant devenu président des amateurs de l’UA Cognac.

Avec son épouse, père de deux enfants nés en France, puis grand-père, il regagna son pays d’origine en 2002, continuant à travailler dans le groupe Pernod-Ricard, (à qui appartient Martell) pendant dix ans encore, avant de prendre sa retraite en 2012.

Installé près d’Atlanta, Bob Riley continue de suivre de près l’actualité de ses deux clubs français, revient régulièrement saluer ses amis. En 2013, le club de Cognac, devenu Cognac Charentes BB, lui a rendu hommage en retirant son n°13 aux cintres du complexe omnisports de Vauzelles. A la question posée ce soir-là, quel est votre meilleur souvenir ? Bob n’hésita pas longtemps : « l’esprit de camaraderie qui a régné dans le club ».

Sources : Thierry Bretagne/L’Equipe Basket Magazine, Clément Hébert/Ouest-France, Clément Verstraete/Charente Libre.

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About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

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