Tournoi de l’Alcazar : quand la balle au panier faisait sa publicité
France
Organisé le jour de l’an 1922, le Tournoi de l’Alcazar visait à promouvoir ce que la presse de l’époque appelait encore la balle au panier. De cet événement, l’histoire retient la victoire de l’Évreux Athletic Club et surtout la polémique lancée par un militaire à la retraite quelques décennies plus tard au sujet de l’attribution du premier titre de champion de France . Récit
Au début des années 1920, La balle au panier ou basket-ball dans la langue de Shakespeare est peu connue mais en pleine expansion. Si le premier match en France a lieu comme on le sait rue de Trévise à Paris en 1893 sous l’égide du mouvement YMCA, c’est véritablement la Première Guerre Mondiale et l’afflux de soldats états-uniens dans l’hexagone qui va donner un coup d’accélérateur à la diffusion du basket-ball en France notamment dans l’Est et le Nord de la France.
Ainsi, le tournant des années 1920 marque le début de l’organisation de tournois de promotion de la balle orange comme celui de l’Alcazar organisé le jour de l’an 1922 par la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) qui venait tout juste de créer en son sein une commission spécialement dédiée à la balle du panier. Le tournoi se tient à l’Alcazar d’été (aujourd’hui renommé Pavillon Gabriel), célèbre salle de spectacles, non loin des Champs-Élysées et du Palais de l’Élysée à Paris.
UN BEAU TOURNOI DE BALLE AU PANIER
Quatre équipes se retrouvent donc en ce début d’année 1922 à l’invitation de la fédération. Le Stade français, vainqueur l’année précédente d’un tournoi « national » rassemblant des équipes de la FFA et de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF), l’École normale d’Arras, le Gallia Club de Soissons emmené par André Roosevelt, neveu du président américain Théodore Roosevelt et enfin l’Évreux Athletic Club.
Les joueurs d’Évreux, bien que peu habitués à jouer sur du parquet (le basket se pratique alors beaucoup en plein air), tirent leur épingle du jeu. La légende raconte même qu’ils durent acheter en urgence cinq paires d’espadrilles pour remplacer leur souliers inadaptés pour le jeu en intérieur. L’équipe ébroïcienne composée de moniteurs du centre régional d’instruction physique de Normandie dispose du Stade français 25 à 21 en demi-finale puis du Gallia club de Soissons 21 à 15 en finale. Les Picards l’avaient quant à eux emporté en demi face à Arras sur le score de 27 à 23.

Évreux Athletic Club, vainqueur du Tournoi de l’Alcazar avec le colonel René Beaupuis (debout au centre).
Dans le Miroir des Sports du 5 janvier 1922.
Lors de ce tournoi, il est à noter que les équipes sont composées de cinq joueurs sur le terrain (à cette époque, le nombre peut encore varier) répartis de la sorte : deux arrières, un demi et deux avants. D’ailleurs, les règles appliquées lors de ce tournoi de l’Alcazar ne différent pas énormément de notre basket-ball moderne. Une faute c’est-à-dire toute action de brutalité envers un adversaire porteur du ballon est sanctionné d’un lancer franc à six mètres du panier valant un point. Un panier marqué vaut deux points et le match se déroule en deux mi-temps de vingt minutes.
Le Tournoi de l’Alcazar est vu dès le lendemain dans la presse quotidienne comme une réussite dans la promotion de ce sport. Dans l’esprit de la commission de la balle au panier de la FFA, il s’agit avant tout d’une opération de propagande (de publicité dirons-nous maintenant) et il n’a jamais été question de donner à ce tournoi la valeur d’un championnat quelconque.
Et jusque dans les années 1950, un consensus fait du Stade français, vainqueur du tournoi de 1921 que nous avons évoqué, le premier champion de France de basket-ball. C’était sans compter sur l’intervention du Colonel René Beaupuis.
QUEL EST LE PREMIER CHAMPION DE FRANCE DE L’HISTOIRE ?
Le colonel Beaupuis est une figure du basket-ball de l’entre-deux-guerres en France. Il fait partie de cette génération d’officiers français ayant découvert le basket-ball dans les Foyers du soldat créés par la YMCA durant la Première Guerre Mondiale. Ardent défenseur de la balle orange, il a largement participé à sa promotion notamment en traduisant les règles originelles du professeur Naismith. Il fait également parti de ceux qui militèrent activement pour l’autonomisation de la balle au panier, action qui déboucha sur la création de la Fédération française de basket-ball (FFBB) en 1932. En signe de reconnaissance, il en sera même nommé président d’honneur.

L’Auto du 2 janvier 1922 relatant le Tournoi de l’Alcazar
En 1951, à la lecture d’un bulletin fédéral de la FFBB, le sang du colonel ne fait qu’un tour ! Comment est-ce possible que le premier titre de champion de France soit attribué au Stade français ? Le Colonel Beaupuis se fend d’un courrier à la fédération pour corriger l’erreur. En effet, pour le militaire, le premier champion de France ne peut être que l’Évreux Athletic Club vainqueur du Tournoi de l’Alcazar. Son souvenir est bien intacte et pour cause, il était le capitaine de l’équipe ébroïcienne victorieuse à l’Alcazar. Son équipe a non seulement battu le Stade français mais le tournoi de 1921 n’est selon lui par valable comme tournoi national. À ses yeux, il ne s’agit qu’un tournoi parisien ni plus ni moins. Le Tournoi de l’Alcazar rassemblant des champions de différents tournois régionaux dont le Stade français, c’est celui-là qui doit être considéré comme premier championnat de France de l’Histoire. C’est du moins l’avis de René Beaupuis.

Colonel René Beaupuis
La polémique demeure jusqu’en 2002 où, lors d’une cérémonie en l’honneur de l’ancien joueur du Stade français Robert Cohu, la fédération tranche en faveur du club parisien. On ne peut objectivement qu’abonder dans le sens de la fédération.
Toutes les sources fédérales de l’époque liées à l’organisation du Tournoi de l’Alcazar ne font en effet état que de l’organisation d’un tournoi de propagande. Jamais il n’est fait mention que la victoire dans ce tournoi accorderait quelconque titre au vainqueur. La presse quotidienne et sportive, l’Auto en tête, ne parle là aussi que tournoi de propagande pour rendre compte de cet événement.
Si Évreux a bien gagné ce tournoi, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un titre de champion de France encore moins du premier mais tout simplement d’une opération de communication réussie par la FFA pour promouvoir la balle orange.
L’Évreux Athletic Club demeurera au premier plan du basket hexagonal en amenant son équipe féminine dans l’élite du championnat de France dans les années 1970 avec dans ses rangs une certaine Élisabeth Riffiod. C’est aussi un ancien de l’Évreux AC, Jean-Pierre Vidal, qui fondera en 1962 l’ASM d’Évreux, ancêtre de l’ALM Évreux Basket, club masculin qui évolue encore aujourd’hui en Pro B. Le basket dans la capitale euroise est ainsi une longue histoire.
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