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ITW Angelo Tsagarakis : « Faire partie des pionniers français d’une nouvelle discipline olympique restera quelque chose d’unique »

Interview

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Angelo Tsagarakis est un passionné du basket. En plus de sa carrière professionnelle qui l’a mené de France jusqu’en Grèce, il a en effet évolué au plus haut niveau en 3×3, disputé le célèbre Quai 54 et même connu le monde extraordinaire du basket universitaire américain. Amoureux du jeu, il se passionne également pour ses plus grands représentants à travers une collection un peu particulière…

Basket Rétro : Vous avez récemment mis fin à votre carrière internationale, quel regard portez-vous sur ce que vous avez accompli avec l’Equipe de France de basket à trois ?

Angelo Tsagarakis : Un regard mélancolique et satisfait sur sept belles années à représenter mon pays au plus haut niveau 3×3 mondial. C’était un vrai plaisir et un honneur pour moi de porter à nouveau le maillot de l’Équipe de France en seniors après les sélections juniors et U-20. D’avoir pu faire partie des pionniers français de cette nouvelle discipline olympique restera quelque chose d’unique et très particulier dans ma carrière sportive. C’est forcément une grande fierté d’avoir pu être directement impliqué dans les deux premières -et seules- médailles mondiales du palmarès français 3×3 en seniors. (Médaille d’argent à Athènes en 2012 et médaille de bronze à Nantes en 2017).

BR : Comment étiez-vous arrivé dans cette discipline ?

AT : C’est en 2012 que tout a vraiment commencé. Jamil Rouissi travaillait à l’époque en étroite collaboration avec le sélectionneur national Richard Billant pour trouver les profils intéressants concernant le projet 3×3 fédéral; il m’a appelé pour me demander si une nouvelle sélection en Équipe de France dans une nouvelle discipline méconnue du grand public m’intéresserait. Au moment où mes oreilles ont entendu “Équipe de France”, ce fut une évidence pour moi d’accepter!

Mon aventure dans le 3×3 pourrait se décrire comme une rencontre inattendue qui a donné lieu à une belle histoire d’amour.

« Le 3×3 ? Au moment où mes oreilles ont entendu “Équipe de France”, ce fut une évidence pour moi d’accepter ! »

BR : Quels sont les points communs et les différences avec le basket à cinq ?

AT : Le basket reste le basket. Qu’il soit pratiqué en 3×3 ou en 5×5… il reste le même dans l’exécution technique individuelle. Cependant le 3×3 permet de vraiment laisser place à sa créativité, en tout cas beaucoup plus que dans le 5×5. Il est devenu évident très rapidement qu’un joueur unidimensionnel aura du mal à exister dans le 3×3 à moins d’avoir une qualité tellement unique que son manque de diversité technique serait compensé en ce sens, contrairement au 5×5 où un spécialiste peut faire une très belle carrière.

Mais personnellement j’aime beaucoup le 3×3 car il permet d’utiliser tout l’éventail des fondamentaux du basketteur et le shoot extérieur est particulièrement mis en avant. Le shoot derrière l’arc vaut double dans le 3×3 alors que dans le 5×5 le ratio est de 1.5. La valeur du shoot longue distance est encore plus prononcée.

À partir de ce principe-là, il y a cette possibilité d’avoir plus d’espace et d’enchaîner les jeux de passes ou les situations favorables de un contre un. Il y a aussi la perspective du duel permanent, qu’il soit en attaque ou en défense. On retrouve la culture playground et c’est attrayant.

Il faut noter également qu’une équipe de 3×3 est en autogestion; il n’y a pas de coach au bord du terrain. C’est une autre culture… un autre sport.

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BR : Vous êtes d’ailleurs toujours joueur de basket professionnel, en Grèce, était-ce un rêve d’évoluer dans ce pays ?  

AT : Aller jouer en Pro A grecque était la meilleure décision que je pouvais prendre, tant au niveau sportif qu’au niveau humain.

Ça m’a permis de me retrouver en immersion totale au cœur des terres de mon héritage culturel paternel. La Grèce est un pays magnifique où l’hospitalité reste sans égal en Europe. La nourriture est délicieuse, le climat est doux et ensoleillé, même si l’hiver reste froid… voir très froid par endroits ! Je pense notamment à ma première année à Trikala.

Niveau sportif, la Pro A grecque est équivalente voir meilleure que la Pro A française: le haut de tableau est plus fort en Grèce, mais le championnat français est plus homogène et solide globalement.

Venir en Grèce m’a permis de redécouvrir mon métier au contact d’une autre culture du jeu mais également d’une autre approche stratégique. Cette expérience aura été et reste à ce jour très enrichissante.

BR : Auparavant vous avez surtout brillé en Pro B, quels sont vos meilleurs souvenirs ?

AT : J’ai eu la satisfaction d’avoir pu vivre la réussite individuelle mais surtout collective durant mon passage en Pro B. Si on se réfère souvent à mes sélections All Star (2012, 2013, 2014) ou à mon podium pour le titre de MVP (deuxième du suffrage derrière Michel Morandais de Châlons-Reims en 2014), je préfère mettre en avant les deux montées en Pro A (2009 et 2014), ma première finale LNB en 2013 (perdue face à Antibes) et le titre de champion de France la saison suivante (en 2014 avec Boulogne-sur-mer).

BR : Quels sont les entraîneurs, les coéquipiers ou les adversaires qui vous ont le plus impressionné lorsque vous évoluiez en France ?

AT : L’entraîneur qui m’a le plus marqué au cours de ma carrière en France est Vincent Lavandier. Nos longues conversations lors des retours de déplacements quand il me coachait en Espoirs à Poissy ont semé des graines très importantes pour mon succès futur dans ma carrière universitaire puis professionnelle.

En professionnel, j’ai beaucoup apprécié collaborer avec Nikola Antic et Germain Castano. Deux excellents techniciens, qui, je pense, étaient les deux meilleurs entraîneurs de Pro B à cette période.

Niveau coéquipier, même s’il était désagréable humainement, Zachary Peacock avait une éthique de travail et une régularité époustouflantes. Très fort joueur.

Niveau adversaire, Joseph Gomis (à l’époque au CSP Limoges) c’était la grande classe. Et mon plus gros challenge était Tommy Gunn (Poitiers). Fort techniquement, fort physiquement. Sacré joueur.

« Si on se réfère souvent à mes sélections All Star ou à mon podium pour le titre de MVP, je préfère mettre en avant les deux montées en Pro A, ma première finale LNB en 2013 et le titre de champion de France avec Boulogne-sur mer »

BR : Mieux vaut-il jouer les premiers rôles en Pro B ou le maintien en Pro A ?

AT : La question est intéressante. Je pense qu’il faut approcher la chose selon la perspective d’un club professionnel puis selon celle d’un joueur. Les deux challenges se valent je pense. Le maintien en Pro A est honorable sachant que de réussir à pérenniser la présence d’un club au plus haut niveau national est difficile mais financièrement plus intéressant pour les sponsors et collectivités locales.

Pour un joueur c’est un tatillon différent … il faut penser à l’épanouissement individuel et le développement d’une carrière. Dans l’absolu, l’idéal c’est de jouer les premiers rôles en Pro B, gagner puis jouer le maintien avec son club en Pro A ! (Sourire)

BR : Vous avez touché à tout ce qui se fait dans le monde du basket ou presque, puisqu’en plus de votre carrière en Europe ou de vos succès en basket à trois, vous êtes également passé par des écoles américaines. Comment avez-vous débarqué là-bas ?

AT : C’est une histoire vraiment unique pour le coup. À la base, mon club formateur, Poissy, était en Pro B, mais, à cause d’une erreur administrative lors de la première journée de la saison 2001 (Yannick Gaillou a joué quelques minutes alors qu’il n’était pas qualifié par la ligue), le club a été sanctionné d’un point de pénalité sur tapis vert… et ce fameux point perdu lui a coûté le maintien.

Il était donc prévu à l’aube de la saison 2002 que le club reparte en N1… c’était l’année du bac pour moi et je venais à peine d’avoir 17 ans. Vincent Lavandier avait accepté de rester aux commandes de l’équipe première quand bien même Nantes lui avait proposé un beau contrat sur plusieurs années.

Quelques semaines avant la reprise, le club s’est effondré financièrement et a procédé à une rétrogradation sportive, cette fois-ci volontaire, et est repart en N3… trop tard en ce qui me concerne pour quitter le club et intégrer une autre structure. Priorité au bac. À cet instant, l’appel des États-Unis a commencé à prendre un tout nouveau sens dans mon esprit… Comment pouvoir allier sport et études de haut niveau sans éventuellement devoir sacrifier l’un ou l’autre?

J’attaque donc la saison en jouant en N3 le samedi et en cadets France le dimanche. Seul problème, notre équipe N3 est en danger de descente, ce qui aurait été catastrophique pour le futur du club qui avait comme objectif de se restructurer et de remonter progressivement. Jean-Paul Rebatet, alors GM du club, a fait appel à Dominique Bukasa qui venait tout juste de finir son contrat dans le championnat belge et était sur le point de rentrer aux États-Unis. Il a accepté, ce qui était un énorme coup pour nous, et, suite à son arrivée, on a enchaîné une remontée fantastique pour terminer 3ème de la poule. Pendant la saison, Dominique et moi avions créé un lien fort, il est mon aîné de 10 ans, et le sujet des États-Unis et de la NCAA est survenu … et c’est lui, contre toutes attentes, qui m’a envoyé aux États-Unis dans les meilleures conditions possibles. Incroyable.

BR : Entretenez-vous toujours des liens étroits avec Dominique Bukasa ?

AT : Oui, c’est à cause de cette expérience de vie à l’origine de cette grande amitié qui dure depuis maintenant 18 ans que nous avons créé les TCB Camps (www.tcbcamps.com) afin d’éduquer la nouvelle génération francophone et tous ceux désireux de suivre un parcours sportif et académique similaire au mien. On recense les différents éléments nécessaires pour partir et tenter d’obtenir une bourse sportive pour aller jouer au basket aux États-Unis.

BR : Que retenez-vous de ces expériences aux Etats-Unis ?

AT : C’était une expérience de vie particulièrement enrichissante pour moi… j’y ai vécu des moments de réussite sportive exceptionnels mais également certaines des années sportives les plus difficiles de ma carrière. C’était sans le savoir une préparation idéale pour ma carrière professionnelle à venir.

Les structures sportives et éducatives dans lesquelles j’ai eu la chance d’évoluer sont sans équivalence en France et en Europe. Attention ce n’est pas partout pareil, il y a de tout aux États-Unis en termes de taille et de prestige, mais la Pac-12, l’une des quatre meilleures conférences de tous les USA, dépasse tout ce qui se fait en France et presque partout en Europe.

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Gill Coliseum à Oregon State était l’une des deux plus petites enceintes de toute la conférence… avec près de 10 000 places ! La structure d’entraînement à elle seule ferait pâlir de jalousie tous les clubs professionnels français. Par contre, lors de la dernière année que j’ai passée à Cal Poly Pomona, le standard était plus modeste, même la salle faisait quand même 4 000 places. (Rires)

Au-delà du terrain, j’ai vécu aux États-Unis pendant près de 6 ans et je m’y suis fait des vrais amis et un réseau qui me permettent aujourd’hui de me sentir là-bas comme à la maison.

Pour finir, la chose la plus importante et valeureuse à mes yeux est que je suis revenu en France en 2008 avec un Master 1 en commerce international et espagnol en poche. C’était l’objectif initial, et d’avoir réussi à aller au bout de mon cursus universitaire tout en me préparant en parallèle à une belle carrière sportive professionnelle reste, je pense, la plus belle réussite de mon expérience américaine.

« Gill Coliseum à Oregon State était l’une des deux plus petites enceintes de toute la conférence… avec près de 10 000 places ! »

BR : Est-ce un monde totalement différent ?

AT : Totalement. Sans aucune hésitation. Tout est plus large, plus grand… plus tout au final. En bien ou en mal. Les voitures, les routes, les gens (Rires), les portions de nourriture dans les fast food …

La culture est différente. Aux États-Unis, gagner est un objectif prononcé et assumé… la réussite d’autrui est saluée et respectée. En France, la réussite d’autrui dérange très souvent. Quelqu’un peut réussir mais pas trop quand même car quelque part il ne faut pas mettre les autres mal à l’aise. Et le paradoxe dans le basket français, c’est qu’on adore les ricains pour cette approche mentale culturelle , on accepte cette envie de leur part de dominer et réussir, mais quand un joueur français évolue dans le même registre on le critique et le rabaisse, le décrivant comme un égoïste, un mec avec la grosse tête ou un joueur difficile à gérer. Une vraie mascarade.

C’est partout comme ça, il n’y a qu’à voir les nouvelles critiques que notre cher Kylian MBappé essuie en ce moment quand il ne fait que dire les choses en toute simplicité, sans exagération ou manque d’humilité. Voilà pour la petite aparté (Rires).

Donc reprenons ! Oui, c’est complètement différent. Les centres fitness sont ouverts 24h/24, les petits restos où l’on peut aller prendre le petit déjeuner sont ouverts 24h/24, les supermarchés aussi… et ce même dans des villes moyennes, sans activités « nocturnes » prononcées. Un autre monde.

Ayant vécu en France, en Grèce et aux États-Unis, je peux dire en toute simplicité que j’aime les trois. J’apprécie les subtilités et la beauté de chaque pays.

BR : Preuve que vous avez vraiment arpenté tous les chemins, vous avez participé au célèbre Quai 54 et même remporté la compétition, qu’est-ce que cela représente ?

AT : En tant que Parisien, remporter le Quai 54 est une grande fierté! Mais quand on voit l’ampleur mondiale qu’a pris le tournoi depuis plus de 10 ans, c’est d’autant plus gratifiant car le niveau de jeu y est particulièrement élevé, avec la présence chaque année de joueurs évoluant au plus haut niveau que ce soit Pro A, Euroleague ou même NBA depuis 3 ans.

BR : Quel est le secret pour gérer une carrière professionnelle mais aussi ce genre d’événement ?

AT : Le seul secret c’est l’amour du jeu mais aussi l’amour de son outil de travail, autrement dit son corps. Tant qu’on prend soin de son corps à travers une préparation physique exemplaire et un travail de renforcement musculaire assidu, on peut assumer les longs calendriers professionnels et les événements tels le Quai 54 ou le circuit mondial 3×3 durant l’intersaison. Ça peut certes être usant, mais, pour ma part, tellement gratifiant. Nous n’avons qu’une vie et qu’une carrière, tant que le corps et le mental tiennent bon, autant repousser un peu les limites!

BR : Il parait que vous avez été un grand collectionneur de cassettes vidéo sur la NBA, est-ce que la rumeur est vraie ?

AT : La rumeur ne pourrait pas être plus vraie! Le chiffre exact m’échappe mais dépasse les 200 facilement … avec 3 à 4 matchs par casquette parfois.

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BR : Comment est née cette passion et quelle cassette choisiriez-vous s’il ne fallait en garder qu’une ?

AT : À vrai dire ce n’est pas la passion de la cassette vidéo en elle-même, c’est simplement la passion du basket et l’envie d’avoir le plus de matchs et de documentaires possibles qui m’ont poussé à amener cette collection de cassettes à un tel niveau.

Si je ne devais en garder qu’une….vous êtes méchants quand même (rires), je pense que ce serait les finales NBA 93… ou la série de playoffs Bulls-Knicks 92… Ce sont probablement les deux séries de playoffs que j’ai le plus regardé dans ma jeunesse. Mais si vraiment il ne faut en garder qu’une, je dirais les Finales 93. Quand Michael score 55 au Chicago Stadium lors du Game 4, avec Phœnix qui fait le match de traînard parfait jusqu’à ce que Michael s’élève et marque le And 1 au-dessus de Barkley… l’ambiance au Chicago Stadium m’en donne encore des frissons à ce jour.

Mince j’ai failli oublier ! Il y y aussi le game 1 des finales NBA 2001 où les Sixers -et Iverson surtout- vont surprendre la dynastie Lakers !! Ce match-là m’a mis dans un sacré état!

Argh… Vous m’embêtez avec vos questions! (Éclat de rires)

Propos recueillis par Alexandre Rivet pour Basket Rétro
Merci beaucoup à Angelo Tsagarakis de nous avoir répondu aussi longuement entre deux entraînements !

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