[Happy Birthday] Toni Kukoc, le « bench player » croate des Bulls
Portrait
Derrière les stars qu’ont été Michael Jordan et Scottie Pippen, Toni Kukoc (47 ans aujourd’hui) fait partie de ces joueurs en sortie de banc qui ont illuminé le jeu des Chicago Bulls dans les années 90. Après une carrière exceptionnelle en Europe, son passage en NBA l’a été tout autant. Retour sur la carrière de ce joueur croate de 2m07, natif de Split.
Comme la plupart des joueurs européens ayant évolué en NBA, Toni Kukoc, âgé aujourd’hui de 45 ans, a fait ses gammes en Europe et précisément en Croatie au Jugosplastika Split à l’âge de 17 ans, lui qui au départ avait une appétence particulière pour le tennis de table à l’adolescence, la moto et aussi le football.
UN PALMARÈS EUROPÉEN EXCEPTIONNEL
C’est sur le continent européen qui se révèle donc en gagnant 3 fois de suite l’Euroligue en 1989, 1990 et 1991 (appelé à cette époque la Coupe des Champions). En 1990 et 1991, il réalise même le triplé (Triple Crown) : coupe nationale, championnat, et Euroligue. Par la même occasion, il reçoit le titre honorifique de MVP du Final Four à plusieurs reprises. De sacrés trophées sont venus garnir l’armoire de ce jeune joueur croate à cette période.
Après six années passées à Split, Kukoc quitte son territoire natal et prend la direction de l’Italie où le club du Benetton Trevise l’attend pour effectuer ses premiers entraînements et arborer ainsi le maillot vert du club italien en 1991. Un après son arrivée, un autre trophée vient s’ajouter à son palmarès puisqu’il devient champion d’Italie. En 1993, il remporte avec ce même club une Coupe d’Italie, année où il glane aussi le trophée de MVP du Final Four de l’Euroligue et ce malgré la défaite contre Trévise. C’est l’année d’ailleurs où Trévise perd en finale de l’Euroligue face à Limoges. Sur une des dernières possessions des Italiens dans les derniers instants du match, Kukoc expliquera qu’il y avait faute de Fredéric Forte et non interception sur son tir. A travers ses belles performances, Kukoc s’offre plusieurs surnoms: « The White Magic », The Spider from Split », The Pink Panther », « The Waiter », ou encore « The Croatian Sensation ». Avec sa sélection nationale, Kukoc décroche plusieurs trophées. (Voir palmarès en fin d’article)
DE TRÉVISE A CHICAGO
Entre ses différents trophées européens, Kukoc tape dans l’œil des recruteurs NBA et en 1990, il sera drafté au second tour en 29e position par les Chicago Bulls, dans lequel joue un certain Michael Jordan. Kukoc ne veut pas sauter d’étape trop vite à l’inverse d’autres joueurs et décide de rester quelques années de plus en Europe pour continuer sa progression.
Kukoc réalisa la chance qu’il avait d’évoluer aux Chicago Bulls : « Cela a toujours été un rêve de venir en NBA. Quand j’ai été drafté par Chicago, je me suis dit que ça va être génial de jouer avec ces gars. Je savais que j’avais une chance de gagner le championnat avec ce club ».
Trois ans après, il rejoint l’Illinois et les Bulls en signant avec le club le 19 juillet 1993 au moment où Jordan se retire après le premier three peat remporté par Chicago (1991, 1992, et 1993). Bien qu’il soit déçu de ne pas évoluer avec « sa majesté », (mais quelque chose nous dit que les deux joueurs vont bien évoluer ensemble sous le maillot des Bulls quelques années plus tard), le 5 novembre 1993 correspond à la date où Kukoc effectue ses premiers pas sur un parquet NBA avec son maillot floqué du numéro 7.
En tant que rookie, Kukoc réalise une bonne saison 93-94 avec une bonne moyenne de stats : près de 11 points, 4 rebonds, 3,4 passes pour 24 minutes de jeu. Et il fera partie du 5 majeur de la deuxième meilleure équipe des rookies en 94. Cette saison-là, le coach Phil Jackson témoigne sa confiance au croate. Le Zen Master donne ses consignes à 1,8 secondes de la fin du match entre les Bulls et les Knicks lors du Game 3 de la demi-finale de conférence Est le 13 mai 1994 : il indique aux joueurs de donner la balle de match à Kukoc alors que les Bulls sont a égalité 102 partout. Scottie Pippen est alors furax suite à la décision de Jackson de ne pas lui avoir donné le dernier shoot décisif pour ce match et refusa de rentrer dans le match. C’est le dernier souci de Phil Jackson. Kukoc tient le ballon en main et rentre son shoot qui donne la victoire aux Bulls. (Voir article : le buzzer beater controversé)
Quelques mois avant ce match, Kukoc n’en était pas à son premier tir gagnant au buzzer. Le 21 janvier 1994, les Pacers affrontent les Bulls au Chicago Stadium. Le duel est serré entre les 2 équipes qui sont à égalité 93-93. Le sniper du coté des Pacers se nomme Reggie Miller et grâce à son tir à 0.8 secondes, il pense permettre aux Pacers de gagner le match 95-93 et s’invite même à chambrer le public de Chicago en le saluant de manière théâtrale. « Je ne sais pas s’il saluait, ou s’il nous montrait son derrière, mais on s’est bien vengé… », ironisera Phil Jackson après ce match.
Mais la NBA est connue pour sa dramaturgie, son lot de surprises et ses exploits en tout genre. Après le panier de Miller, Chicago a donc la dernière possession. « On voulait juste marquer. Pas forcément gagner » expliquera Jackson sur ce dernier ballon en jeu. Mais Kukoc, cuir en main, décide autrement de l’issue de la rencontre et inscrit le panier à trois points victorieux et les Bulls remportent le match 96-95. Kukoc explique ce soir-là : « Je n’étais que la 4ème option sur le système. La passe de Scottie était parfaite. J’ai pris le shoot. Il n’y a rien d’exceptionnel ». Vous l’aurez compris ce tir assassin de Kukoc a bizarrement fait changer l’attitude de Reggie Miller après match : « Comme vous avez pu le constater, un match n’est jamais terminé tant que le buzzer n’a pas retenti ». Pauvre Reggie, on est mal pour lui. (Voir le buzzer beater de Kukoc ci-dessous)
Toni Kukoc est revenu sur cette saison rookie avec Chicago sans Michael Jordan dans l’effectif :
« Même sans Michael, nous avons vraiment fait une bonne saison pour ma première année. Nous avions une chance de jouer la Finale de Conférence Est. Cette première année était un moment passionnant personnellement. Être en NBA et vivre profondément mes premiers playoffs étaient une bonne expérience pour moi. Mais, pour le reste de l’équipe, c’était une situation déprimante de ne pas avoir gagné un autre championnat »
Des la saison 1994-1995, il profite du départ de Horace Grant à Orlando pour être propulsé dans le 5 majeur des Bulls. Cette saison-là, il finit deuxième à la fois au scoring, rebonds et passes derrière Pippen : 15,7 points, 5,4 rebonds, 4,6 passes, preuve qu’il a progressé d’une saison à l’autre. Ces deux joueurs sont clairement devenus les leaders si énergiques et énergisants des « Red Bulls » de Chi-town depuis la retraite de Michael Jordan.
DE JOKER DE LUXE A FRANCHISE PLAYER
Dès la saison 1995-1996, Kukoc perd sa place de starter suite à l’arrivée de l’excellent rebondeur Dennis Rodman qui coïncide avec le retour de Michael Jordan dans l’Illinois, sorti de sa retraite. Phil Jackson fait alors du croate un joueur de banc capable d’aider ses coéquipiers à tout moment si le coach sent que son équipe est moins bien en cours de match. Ce nouveau statut a peut-être déplu à Kukoc au départ. Mais cela lui a porté chance puisqu’il reçoit un nouveau trophée individuel avec le trophée du meilleur 6e homme. Devenant la troisième menace offensive derrière Jordan et Pippen. Kukoc (troisième meilleur marqueur des Bulls derrière les deux all-star) avait accepté cette situation progressivement :
« Phil Jackson me disait que ce n’était pas important de savoir qui allait démarrer le match. Mais c’était important de savoir qui allait jouer le dernier quart-temps. Particulièrement, dans plusieurs matchs importants, j’ai joué énormément dans le 4e quart temps. J’ai ainsi réalisé que sortir du banc pendant les matchs était une bonne chose même s’il était peu probable que je devienne un all star avec ce statut. Je ne peux pas toujours jouer 30 minutes par match mais en même temps je n’aurai jamais négocié une place de All Star contre un championnat gagné ».(nba.com/bulls)
Et collectivement, cette saison-là correspond à un record historique pour la NBA et la franchise des Bulls : 72 victoires – 10 défaites avec à la clé le 4e titre de champion NBA. Kukoc devient alors toujours le seul joueur à gagner à la fois le titre de meilleur sixième homme et le championnat la même année.
Après le deuxième three peat historique de Chicago (1996-1997-1998), une page se tourne et un nouveau cycle démarre à Chicago. Après les départs simultanés de Rodman, Jordan, Pippen et de Phil Jackson, Toni Kukoc est un des rares Bulls à rester et devient logiquement le leader de la franchise sur le terrain en affichant ses meilleurs stats sous le maillot rouge et blanc lors de la saison 1998-1999 (bien que la saison ait été marquée par le lock-out et la saison a été raccourcie de 82 à 50 matchs joués par équipes) : 18,8 points, 7 rebonds, 5,3 passes.
Lors du sixième titre remporté par les Bulls, Kukoc raconte : « nous avons su le faire, nous avons dû rester concentrés, tout le monde a vraiment adhéré à ce que nous faisions tous les jours pendant deux heures et demi ou trois heures. Cela a ressemblé à une union familiale ».

Kukoc avec Jordan, Pippen, Rodman et Phil Jackson pour fêter leur sixième titre NBA des Bulls. (c) Andrew D.Bernstein – NBAE-Getty Images
SON SOUVENIR DE JORDAN
Jordan était connu pour être très exigeant avec ses coéquipiers. Kukoc est revenu sur l’apport de Jordan et de son leadership sur les Bulls : « Michael comprenait que toutes les choses arrivaient avec le temps passé aux entraînements, en apprenant à avoir confiance envers ses coéquipiers et aux coachs. Nous jouons et nous nous aidons les uns pour les autres. C’était la chose la plus grande au sujet de cette équipe des Bulls. Nous donnons tout pour les uns et les autres et c’est ça qui nous a menés aux succès ».
Et de rajouter, « la première chose qui me vient à l’esprit quand je pense à Michael est l’impression que j’ai eue lorsque je l’ai vu s’entraîner. Avec quelqu’un de si meilleur, vous pensiez que de temps en temps, il prendrait un jour de congé ou non. Mais avec Michael, ce n’était jamais le cas. Sa motivation à venir s’entrainer était telle. À chaque fois, et tous les jours il venait s’entrainer. Vous vous rendez compte alors rapidement pourquoi ce type était aussi bon qu’il était. Il n’a jamais pris un jour de congé et voulait toujours s’améliorer. Il s’entraînait comme ça et il a joué comme ça et il voulait que tout le monde autour fasse la même chose que lui ». Le travail à l’entrainement porte ses fruits. Pas de secret pour réussir si toi tu es basketteur en devenir cher lecteur.

Kukoc aura porté le maillot des Milwaukee Bucks, club avec lequel il a mis un terme à sa carrière (c)nba.com
A l’issue de la saison 1999-2000 avec Chicago durant laquelle il affiche encore de belles stats de moyenne (14,8 points ; 4,9 rebonds 4,7 passes), Kukoc connaîtra un deuxième club NBA puisqu’il apprend son transfert aux Philadelphia 76ers où il restera un an (2000-2001). Dès la saison suivante, il prend le chemin de la Georgie pour jouer une saison à Atlanta avec qui il réalise sa meilleure perf au scoring en moyenne (19,7). Il bougera une nouvelle fois pour étrenner sa quatrième tunique NBA avec les Milwaukee Bucks. C’est dans cette ville qu’il mettra un terme définitif à sa carrière de basketteur pro après 13 années en NBA.
Après 7 saisons passées à Chicago, Kukoc aura été l’adversaire de plusieurs soirs de Michael Jordan et Scottie Pippen. D’ailleurs, un internaute lui a demandé lors d’un chat organisé sur le site des Atlanta Hawks quel effet cela lui faisait de jouer face à ses anciens coéquipiers Jordan et Pippen sur les parquets NBA. Kukoc lui répond :
« C’est un sentiment étrange car vous avez joué avec eux pendant 7 ans et nous avons passés des bons moments en gagnant plusieurs titres NBA. Les voir porter avec un autre maillot est vraiment quelque chose d’étrange. Jamais tu n’aurais pensé que Michael et Scottie porterait un autre maillot que celui des Bulls. Nous parlons toujours quand nous jouons mais c’est très bizarre ».
Steve Kerr, nous a gratifiés d’une superbe anecdote au sujet de son ex-coéquipier de Chicago sur le plateau d’une émission de télé américaine Open Court en octobre 2013 : « Quand il est arrivé en NBA, avant le premier match de la saison, je lui ai demandé s’il voulait aller manger un bout. Il était environ 15 heures, quatre heures avant le match. Et il a commandé un festin : salade, entrées, énorme plat de pâtes, du poulet, un verre de vin rouge, un tiramisu en dessert et il a terminé avec un expresso. Je lui ai dit, « Tony, c’est ton repas d’avant-match ? » Il m’a répondu : « En Europe, on mange beaucoup, on boit un peu de vin, on prend un expresso, on retourne à l’hôtel chier un bon coup et on va jouer ! » L’anecdote de Kerr est confirmée dans le livre « Playing for Keeps », un ouvrage paru en 2000 et qui retrace la carrière de Michael Jordan.
SES STATS NBA
LE PALMARÈS DE TONI KUKOC
- 3× champion Euroleague (1989–1991)
- 2× champion EuroBasket (1989, 1991)
- 4× champion du championnat Yougoslave (1988–1991)
- 2× vainqueur de la coupe de Yougoslavie (1990–1991)
- Champion d’Italie avec Trévise (1992)
- Coupe d’Italie (1993)
- 3× champion NBA avec les Chicago Bulls (1996–1998)
- 3× sportif croate de l’année (1989–1991)
- Championnat du monde FIBA (1990)
- MVP du championnat du monde FIBA (1990)
- 3× MVP du Final Four de l’Euroleague MVP (1990–1991, 1993)
- 4× Mr. Europa Player of the Year (1990–1992, 1996)
- 5× Euroscar Player of the Year (1990–1991, 1994, 1996, 1998) (trophée remis par le quotidien Gazzetta Dello Sport)
- MVP EuroBasket (1991)
- NBA All-Rookie Second Team (1994)
- Meilleur sixième homme NBA (1996)
- Fait partie des 50 meilleurs joueurs FIBA (1991)
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