ITW Alex Biggerstaff : « Je dois toute ma carrière à mon père et à George Eddy »
Interview
Basket Rétro a eu le privilège de s’entretenir avec le journaliste franco-américain de Ma Chaîne Sport : Alex Biggerstaff. Le présentateur de NCAA Prime Time évoque avec nous son parcours hors du commun et sa passion pour le Collège Basketball.
Basket Rétro : Depuis deux ans, tu es la voix des sports universitaires américains en France. Comment t’est venue cette passion ?
Alex Biggerstaff : C’est vraiment simple. Je suis né à Los Angeles et, depuis mon enfance, je suis bercé par les sports américains que ce soit le basketball ou le football, professionnel ou universitaire. Bien que je sois arrivé très tôt en France, j’ai conservé cette culture américaine pour le sport.
BR : As-tu pratiqué le basketball ?
AB : Étant plus jeune j’y ai joué, notamment au poste de meneur. Cependant, à mon arrivée en France, je ne parlais pas français. Afin de m’intégrer rapidement dans mon nouvel environnement, je me suis focalisé sur l’apprentissage de la langue française, cela m’a pris environ un an et, de ce fait, j’ai abandonné ma pratique du basketball. Maintenant, je suis plus un joueur du dimanche (rire).
BR : Venons en maintenant à ta carrière professionnelle, durant ton école de journalisme, tu as effectué un stage de trois mois à la Fox à Los Angeles, peux-tu nous dire si les méthodes de travail sont différentes qu’en France ?
AB : Elles le sont totalement. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de très bons systèmes en France, simplement que la conception du stage est différente. À la Fox, je faisais partie d’une promotion de quatre élèves. Nous étions à côté du campus d’U.C.L.A (Université de Californie à Los Angeles). Au-delà de notre travail de stagiaire, nous avions pour but de sortir un documentaire.
Cela concerne chaque promotion. Les patrons de la chaîne nous rendent visite et nous expliquent que si le sujet est assez bon, il sera diffusé à l’antenne. Notre sujet était : « Quel sport domine dans la région de Los Angeles ?» Nous étions en charge des Lakers et cela a été une expérience fabuleuse. Nous avions accès à une quantité d’informations incroyables. Toutes les personnes que nous avons rencontrées étaient très ouvertes et disponibles, c’est un peu l’esprit à l’américaine. Je suis sorti major de ma promotion et cela a été une énorme fierté pour moi. Cependant, notre documentaire n’étant pas totalement terminé à la fin de notre stage, il n’a pu être diffusé. Cette expérience a été déterminante pour la suite de ma carrière.
BR : As-tu un conseil à donner aux jeunes étudiants se lançant dans le journalisme ?
AB : Il ne faut pas avoir peur d’être culotté, il ne faut pas hésiter à tenter. Après le facteur le plus déterminant est la passion. Sans elle, il est difficile de réussir. Mais il faut savoir qu’il ne faut avoir peur de se montrer. Les gens déjà en place ne vont pas vous faciliter la tâche. Donc, tu dois faire comprendre que toi aussi, tu veux faire ce métier et le prouver par un travail assidu.
BR : En 2013, Ma Chaîne Sport acquiert les droits de diffusion de la NCAA, comment l’as-tu appris ?
AB : Il faut savoir que l’arrivée de la NCAA sur notre chaîne correspond à un pré-partenariat que nous avions en 2011, avec la NBA. 2012 a été une année de transition personnelle. La NBA, c’était un produit qui me plaisait beaucoup. On avait une émission de qualité (Tribune NBA) et j’ai mal vécu son arrêt. J’ai donc pris du recul, suite à de nombreuses conversations avec mon père. Nous sommes venus à la conclusion que le sport universitaire américain ne disposer de pratiquement aucune couverture médiatique en France. Connaissant parfaitement le produit pour y avoir travaillé dessus et du fait de ma culture américaine, j’ai décidé de soumettre l’idée au président de ma chaîne. Ce jour-là, et par le plus grand des hasards, le président m’annonce qu’ESPN América se retire du marché français et qu’il y a peut-être une ouverture. L’accord s’est conclu le 26 juillet 2013, pour une durée de 3 ans, je me souviendrai de cette date toute ma vie, j’étais fou de joie.
BR : Il y a presque 30 ans, George Eddy commentait le premier match NBA en France. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il est le pionnier du traitement de la grande ligue en France. Te considères-tu comme le pionnier de la NCAA en France ?
AB : Absolument pas. D’autres médias ont traité la NCAA bien avant moi. Cependant, je suis pratiquement la seule personne qui la traite à l’heure actuelle. George compte énormément pour moi, je lui dois ma carrière.
BR : Peux-tu nous en dire plus ?
AB : Je n’étais alors qu’un adolescent passionné de basket. Je me levais le samedi matin pour regarder l’émission Eddy Half Time. J’étais fasciné par son analyse et son style si particulier. Le duo qu’il forme avec Xavier Vaution était fabuleux. Mon père, sans me prévenir, a écrit une lettre à George en lui expliquant que j ‘étais passionné de basket et que je voulais devenir commentateur sportif. Il lui a également demandé s’il pouvait m’appeler afin qu’il fixe un rendez-vous à Canal pour me montrer l’envers du décor.
Deux semaines plus tard, je sors de cours, et j’aperçois que quelqu’un a essayé de m’appeler sur mon portable. J’écoute le message et n’en reviens pas. C’était George Eddy qui m’informait qu’il avait bien reçu la lettre de mon père et qu’il était prêt à me recevoir à Canal Plus. Il m’a juste demandé de ne pas donner son numéro à tous mes potes de classe. Je leur ai fait écouter le message et j’ai respecté sa consigne. Un mois plus tard, j’étais reçu par George à Canal plus en compagnie de mes parents. J’ai vu l’envers du décor et j’ai pu parler avec toutes les personnes travaillant avec lui à cette époque. Moins d’un après l’avoir rencontré, il a appuyé ma candidature à Canal Plus afin que je réalise mon premier stage dans le cadre de mon diplôme supérieur de journalisme. Je peux dire que je dois toute ma carrière à mon père ainsi qu’à George.
BR : Tu commentes les matchs du Collège Basketball avec Christophe Denis, parle-nous de votre collaboration.
AB : Je l’ai rencontré pour la première fois alors que je couvrais le tournoi de paris, en 2012 pour Ma Chaîne Sport. Il était entraîneur du Paris Levallois à l’époque. On m’avait prévenu qu’il pouvait avoir une attitude très fermée. C’était mes débuts en tant que journaliste et je peux te dire que je n’étais pas serein. Finalement, il a été super-abordable et disponible. J’en garde un très bon souvenir. Suite à notre acquisition de la NCAA, j’étais à la recherche d’un consultant, j’ai eu au téléphone George Eddy et Erwan Abautret avec qui j’avais travaillé sur Tribune NBA et ils m’ont dit que Christophe était libre et qu’il était très bon. J’ai suivi leurs conseils et c’est comme cela que nous en sommes venus à travailler ensemble. Dès le début de notre collaboration, j’ai senti que le courant passait très bien. Christophe est quelqu’un d’humble, quand il parle basket, tu l’écoutes. De plus, il est capable de remuer ciel et terre pour t’aider, c’est un ami sur qui je pourrai toujours compter.
BR : Beaucoup d’événements se sont passés durant cette saison et le premier en date est le départ du meneur Emmanuel Mudiay en Chine pour les Southern Guangdong. Comment l’expliquer ?
AB : Malheureusement ce sont des choses qui arrivent parfois dans ce milieu-là. Il faut savoir que beaucoup de jeunes joueurs intégrant l’université ont l’espoir de sortir leur famille du besoin et c’est le cas pour Mudiay. Il avait donné son accord pour jouer sous les ordres de Larry Brown à SMU (Southern Méthodist), alors que Kansas et Kentucky le voulaient. C’était déjà à l’époque une décision pleine de maturité. Il était le meilleur joueur sorti de son État, avait une puissance athlétique phénoménale et une excellente conduite de balle. Puis ses problèmes familiaux sont arrivés et il a dû faire un choix, personne ne peut dire si c’est bien ou non, c’est sa décision en tant qu’homme. J’ai aucun doute sur le fait qu’il soit pris dans le top 10 voire même dans le top 5 cette année.
BR : Beaucoup de joueurs de la dernière Draft se sont blessés durant cette saison NBA, comment l’expliques-tu ?
AB : Les problèmes d’adaptation sont récurrents pour les jeunes joueurs intégrant la NBA. Je vais reprendre les propos de John Wall, en 2010, qui disait : « Ce qui m’inquiète le plus en intégrant la NBA, c’est l’accumulation des matchs ». Il faut savoir que les joueurs universitaires ne disputent pas plus de 40 matchs au maximum par saison, ils n’ont pas de « Back to Back». Leur préparation estivale est pratiquement accès que sur le physique, il se déchire littéralement pour faire face à l’exigence que demande la NBA. Il est clair que certains joueurs auraient dû rester une saison de plus. Peu de joueurs ont le physique de Wiggins.
BR : Mike Krzyzewski, le coach des Blue Devils de Duke, a dépassé cette année la barre des 1000 victoires, quel regard portes-tu sur la carrière de cet entraîneur ?
AB : Voilà pourquoi j’adore tant le Collège Basketball. Au-delà de l’ambiance, chaque salle, chaque équipe et entraîneur, ont une histoire. Mike Krzyzewski est une véritable légende vivante, tout le monde parle du chiffre 1000 et à juste titre, mais c’est bien plus que cela. Durant ces 40 ans de carrière, il a touché tellement de vie, formé tant de joueurs et entraîneurs et pas seulement que dans le domaine sportif. Je pense notamment au plus jeune des frères Plumlee, Marshall qui va entamer une carrière de militaire. Coach K à l’image de Dean Smith ou encore Bobby Knight ont fait de la NCAA ce qu’elle est aujourd’hui.
BR : Nous avons appris cette semaine que Syracuse s’était auto-exclu de la March Madness et du NIT pour cette année, suite à l’affaire Fab Mélo, penses-tu que c’est la bonne décision ?
AB : C’est compliqué à dire, mais je pense que oui. Il faut savoir que le comité exécutif de la NCAA avait Syracuse dans le collimateur et que la fac allait avoir des sanctions. Il a donc pris les devants. Malheureusement, il n’y a pas que l’affaire Fab Mèlo, cela touche également toute l’académie de Syracuse (football notamment). Pour revenir sur le sportif, Syracuse est en pleine reconstruction, ils ont perdu des joueurs importants cette année (C.J. Fair, Jerami Grant) et malgré une saison correcte, Jim Boeheim savait qu’il n’avait pas un effectif taillé pour aller loin à la March Madness. Par cette décision, il accepte le fait le qu’il y a eu des failles dans leur système et va pouvoir reconstruire plus sereinement.
BR : Les Wildcats de Kentucky survolent la saison régulière, ils sont invaincus, comment expliquer une telle domination ?
AB : Il y a une parfaite alchimie au sein de cette équipe. Kentucky possède des Freshman talentueux comme Towns ou Booker qui se mettent au service du collectif. La répartition de la marque est parfaite. Le 5 de départ tourne à peu près à 10 points de moyenne par match. Ils cultivent l’excellence. Ils ont l’expérience. Il ne faut pas oublier leur dernière saison et leur finale disputée face à U.C.O.N.N. Il faut évidemment saluer l’excellent travail du coach Calipari. Je suis persuadé qu’ils finiront la saison régulière invaincue.
BR : Après leur succès en Collège Football, penses-tu vraiment qu’Ohio State puisse réaliser le doublé ?
AB : Non cette université va se contenter de son titre au football (rire). Cette équipe-là va aller à la March Madness, je les vois passer 1 à 2 tours, mais pas plus. Malgré la présence d’Angelo Russel qui réalise une saison formidable, ils sont trop faibles dans le secteur intérieur pour espérer quelque chose cette année.
BR : Quelle est ton équipe coup de cœur cette saison ?
AB : Sans hésiter Villanova. Cette équipe dont peu de monde en parle, mais elle réalise une superbe saison cette année et notamment au sein de la Big East. Ils ont clairement une équipe faite pour la March Madness, il va falloir garder un œil sur eux.
BR : Quel est le joueur que tu prends plaisir à voir jouer ?
AB : Je dirai London Perrantes, le meneur de Virginia. Cela fait beaucoup de temps que je le suis et il ne m’a jamais déçu. Il est en perpétuelle progression, j’attends avec impatience de le voir jouer la March Madness avec les Cavaliers.
BR : Quels sont tes favoris pour le Final Four à Indiana ?
AB : Wiscousin, Kentucky, Duke et le dernier, je me le réserve (rire). Je pense que Villanova et Virginia ne seront pas très loin d’accrocher la dernière place.
BR : Quel est ton top 5 pour la prochaine Draft ?
AB : Okafor, Mudiay, D’Angelo Russel, Winslow et Stan Johnson.
BR : Pour finir une petite session de question-réponse, tu es plus Spalding ou Wilson ?
AB : Spalding.
BR : Durham ou Chapel Hill ?
AB : Durham.
BR : Dean Smith ou Bobby Knight ?
AB : Dean Smith.
BR : Charles Barkley ou Mike Breen ?
AB : Mike Breen.
BR : Top 10 ou Shaqtin’A Fool ?
AB : Shaqtin’A Fool.
Un grand merci à Alex Biggerstaff pour sa disponibilité et sa bonne humeur. Vous pourrez le retrouver aux commandes de NCAA Prime Time, tous les samedis soir en début de soirée sur Ma Chaîne Sport.
Crédits photo : Osports, BTN.
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