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La Presse Basket en France (1932-2025)

Infographie

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

« Les Américains ne se content pas de pratiquer tous les sports auxquels ils se livrent. Ils en inventent de nouveau. Le dernier-né se nomme le basket-ball, littéralement : la balle au panier » – La vie au grand air, 15 mai 1898

Le 1er avril 1898 paraît le premier numéro d’une revue bihebdomadaire vouée à l’activité physique et au sport, La vie au grand air. Plutôt destiné à un lectorat bourgeois, on y relate l’actualité du golf, de l’escrime, du tennis, de la boxe, du yachting, du vélocipède… De saines pratiques des classes privilégiées. Dès le numéro 4 du 15 mai, une pleine page est consacrée à un nouveau sport apparu aux Etats-Unis, « le basket-ball – pour lui laisser son nom d’origine ». Le journaliste Paul Field n’est pourtant guère optimiste pour l’avenir de ce jeu de ballon en France en concluant par « Obtiendra-t’il en France le même succès qu’en Amérique ? Je ne le crois pas, et ce pour l’unique raison qu’il est très difficile de trouver un local clos assez vaste pour s’y livrer. »

Les premiers écrits dans la presse française sur un nouveau sport, le basket-ball.

Pas de salle ? Peu importe, la balle au panier se pratiquera en plein air. Un anneau fixé au mur du presbytère, un panneau installé dans une cour d’école, peu importe que le sol soit en asphalte, en mâchefer ou en terre battue, la France de l’entre-deux guerre fait fi de la météo et joue dehors. Et si les clubs et les équipes germent sur tout le territoire, la presse sportive naissante n’en fait pas pour autant une priorité éditoriale. L’Auto et le Miroir des Sports délaissent quelque peu le basket au profite du football, du rugby, de la boxe, du cyclisme, de l’athlétisme ou de la gymnastique. Entre 1919 et 1931, 40 articles basket seulement trouvent leur place dans l’hebdomadaire Miroir des sports. Ce qui en fait un toute les seize semaines en moyenne. La finale du championnat de France 1934 opposant l’Olympique Lillois au F.A. Mulhouse n’a droit qu’à une demie colonne signée Géo André, (le Géo André qui donnera son nom à la salle où Michael Jordan fera des étincelles en 1990). Les demi-finales du rugby occupent les trois pleines pages suivantes. En 1932, le basket prend son indépendance fédérale en quittant le giron de la fédération d’athlétisme pour brandir le drapeau de la FFBB. Maître de son sort, il se dote aussitôt de son propre outil de communication, Basketball – Organe Officiel de la Fédération de Basketball. Ce qui est aujourd’hui encore la voix, inaudible en kiosque, de la fédé, restera durant les 50 années suivantes l’unique représentant de la presse basket. Enfin presque, en 1947 l’omnipotent Robert Busnel ajoute à ses fonctions de joueur-entraîneur-équipementier, celles de patron de presse-éditorialiste-polémiste en créant Basketball Magazine. L’aventure dure trois ans avant que Busnel ne retourne dans le giron fédéral.

La libération sonne le glas pour Miroir des sports, (il renaît en 1951 et disparaît en 1968), et L’Auto, interdits de parution pour collaborationnisme. Épargné par l’infamie, l’un des piliers de L’Auto, Jacques Goddet, obtient l’autorisation de publier trois fois par semaine un nouveau journal dédié au sport. L’Équipe. Les communistes se mettent aussi sur le marché en soutenant en 1946 la création de l’hebdomadaire Miroir Sprint, (dernier numéro en 1992). L’après-guerre est une période assez faste pour le basket tricolore, les bons résultats de ses équipes nationales boostent la popularité de ce sport encore considéré comme « moderne ». Les pratiquants sont de plus en plus nombreux, les championnats de France masculin et féminin se structurent, c’est un premier âge d’or qui perdure dans les années 50. L’Équipe et Miroir Sprint suivent la tendance et accordent un peu de plus place dans leurs pages aux « géants » de la balle orange que leurs prédécesseurs d’avant-guerre. Les sixties sont moins florissantes. Le basket n’occupe plus guère les unes et la presse est souvent critique envers ce sport qui ne suit pas la marche du monde notamment en ce qui concerne les Bleus et les Bleues. Les filles disparaissent quasiment du paysage médiatique, les matchs ne sont pas télévisés, c’est à peine si le championnat de France suscite un regard distrait. On ignore tout de ce qui se passe à l’étranger et surtout aux États-Unis dont on ne connaît que les Harlem Globetrotters.

Un France / Belgique en amical à Paris fait la couverture des deux concurrents omnisport en décembre 1954.

Pourtant en 1970, Jacques Marchand et Pierre Tessier de l’Equipe osent le pari d’un magazine basket. Enfin, au début il faut quand même partager avec le handball. Mais en 1972 la partie hand est abandonnée et l’Equipe Basket Magazine devient le premier mensuel basket français depuis l’expérience avortée de Busnel. Tout le basket y est traité, portraits de joueurs, présentation des équipes, Longues interviews, un regard sur le basket étranger et surtout on y découvre de nouveaux acronymes : NBA, ABA et NCAA. Jean-Jacques Maleval notamment est le premier à nous faire découvrir que le basket américain n’est pas que les Globies en tournée ou Team USA aux Jeux Olympiques. Le traitement du basket féminin, même s‘il n’occupe pas la place qu’il mérite, suit l’évolution de la société. Fini les charmantes jeunes femmes coquettes qui jouent au ballon avant de devenir de sages épouses, place aux athlètes libres et indépendantes. Pas vraiment bien diffusé en kiosque, des parutions parfois aléatoires, l’Équipe Basket disparaît en 1977. L’aventure des hebdomadaires est tentée durant les années 70. D’abord à l’initiative du président de l’Olympique de Marseille Marcel Leclerc, Basket Hebdo dont le numéro 1 sort en avril 1974 mais ne verra pas le réveillon du 31 décembre. Puis l’Equipe Basket Hebdomadaire en parallèle au mensuel, sortit lui aussi en 1974 mais ne survit pas à l’année 1975. L’année suivante Jean-Jacques Maleval publie un bulletin hebdomadaire de quelques feuillets accessible uniquement sur abonnement, Micro Basket. Un millier d’abonnés ont ainsi des infos basket confidentielles jusqu’en 1978. La presse basket des seventies a disparu avant la fin de la décennie. Il faut de nouveau se contenter des pages du quotidien l’Equipe qui a au moins eu le mérite d’essayer.

Deux couvertures pour un seul magazine. Si le handball vous intéresse, vous n’avez qu’à retourner votre Équipe Basket Handball, 1971.

En 1982 ce sont deux jeunes journalistes manceaux issus de la presse quotidienne régionale qui tentent le pari fou de lancer un mensuel basket. En parfaits indépendants sans soutien d’un groupe de presse, Didier Le Corre et Pascal Legendre s’improvisent directeur de la publication, maquettiste et diffuseur de Maxi Basket. Ils seront rejoints par Vincent Loriot, Liliane Trévisan et bien d’autres qui formeront le vivier d’un journalisme basket made in France. « Maxi » à l’instar de feu L’Equipe Basket couvre tous les baskets, mais avant tout le basket de proximité. Pour le basket américain, dont la NBA qui fait ses premières apparitions télévisées nocturnes sur la chaîne encore confidentielle Canal + en 1984, on en reste prudemment durant les premières années sur une ligne « pédagogique », comme en témoignent en mai 1986 les sept pages consacrées à la NCAA, véritable « La NCAA pour les nuls ». Larry Bird est le premier joueur NBA à avoir les honneurs de la couverture en décembre 1984. C’est un véritable risque éditorial pour la jeune rédaction qui préfère miser sur des Richard Dacoury, Ed Murphy ou Freddy Hufnaguel pour séduire son lectorat. Il faut dire que couvrir le basket étranger exige de faire preuve d’astuce et de pugnacité. Cela passe par des abonnements aux confrères espagnols et italiens et le système D pour se procurer les guides annuels des franchises de la Grande Ligue. Chercher l’info avant de la retransmettre est un véritable sacerdoce dans ces années pré-internet. Le mensuel accompagne la professionnalisation et la structuration du basket national en devenant son média de référence durant trois décennies. En 1996, afin de traiter l’actualité immédiate, celle des journées de championnat et de ses stats, Le Corre et Legendre offrent à Maxi un petit frère, un hebdomadaire, Basket Hebdo.

La diffusion du sport américain, NFL et NBA, sur l’antenne cryptée de Canal+ donne l’idée à Didier Le Corre, Franck Richaud et Jérôme Sicard de créer un mensuel dédié aux sports nord-américains en 1989. Des divergences poussent Jérôme Sicard à se dissocier pour fonder Newsport. Ses deux comparses, eux, lancent Sport Action. Pour Newsport, Sicard s’associe avec Philippe Paringaux et Philippe Koechlin, deux fines plumes du mythique Rock’n’Folk . Une maquette moderne et une écriture influencée par le journalisme gonzo de Hunter Thompson donne à Newsport un esprit et une image qui collent à la culture street et hip hop du moment.

En février 1991, Sport Illustrated fait sa une culte avec Magic, Jordan, Barkey, Ewing et Malone vêtus du maillot floqué du USA qui annonce la naissance de la Dream Team. Pour la rédaction de Newsport, c’est le signal pour tenter l’aventure de basket américain avec 5 Majeur. Au même moment Sport Action, voyant que la NBA est son principal argument de vente, abandonne foot us, baseball et hockey et se recentre sur le basket. Sport Action est mort, vive Sport Action Basket. Un troisième larron se mêle à la conquête des rayonnages des marchands de journaux, Mondial Basket. Un an avant la Dream Team, ce sont donc trois mensuels NBA qui ouvrent la saison 1991/1992. A chacun de trouver son style. Mondial Basket cible les adolescents branchés sur le rap et la culture street dans lesquels s’inscrivent la NBA et le basket des playgrounds. 5 Majeur mise sur la qualité des photos et ses fameuses fiches détachables. Sport Action Basket qui devient Basket In Action en 1996 se démarque par son sérieux et ses articles de fond. En 1996, s’ajoute le petit frère de Maxi Basket, MVP Basket. A ces quatre mousquetaires de la presse NBA française, se greffent des publications aux durées de vie souvent éphémères, Basket USA, (1992/1993), Super Team, (1993/1995), Basket One, (1993), Slam Dunk, (1993), Dunk, (1995/1996) ou encore Inside the NBA et XXL qui sont des versions françaises de magazines américains. Pour certains titres comme Slam Dunk et Dunk, le rédactionnel est en mode light, on les achète avant tout pour le poster qui sera punaisé sur le mur de la chambre d’ado. On est plus proche de la presse jeunesse 90’s façon OK ou Star club qui cultive l’idolâtrie des stars que de l’information sportive. Mais l’âge d’or de la presse « spécialisée », (chaque sport, secteur professionnel ou hobby à son périodique dédié), va bientôt prendre fin, car un peu partout s’allume une petite loupiote led, celle du modem.

Les couleurs de la NBA chez votre kiosquier. Le basket US ça doit claquer.

En 2000, les écrans cathodiques des ordinateurs ont déjà trouvé leur place dans la plupart des foyers français. Les sites internet fleurissent de partout et la jeune génération qui a découvert le basket avec Jordan et le Shaq ouvre des pages basket bricolées avec des infos glanés sur le net. Basket Info, Vince in fire qui devient BasketSession en 2002, entre autres, deviennent des lieux de rassemblement virtuels où se créent des communautés de fans qui échangent sur des forums. La NBA est la première ligue, tous sports confondus, à prendre conscience de l’importance du média internet. Elle l’alimente en stats, photos et vidéos. Les innovations techniques accélèrent années après années la mainmise sur l’info basket. Entre statistiques en live et highlights, l’info est en direct sur les ordis puis sur les smartphones. La presse écrite, décalée dans l’actu, chère à produire et difficile à diffuser est débordée par le fast and furious du net. Les temps deviennent rudes pour les vendeurs de papier. Si Basket In Action disparaît dès 1998, Mondial Basket survit jusqu’en 2018. Seul 5 Majeur est toujours parmi nous, le survivor. Maxi Basket et ses rejetons luttent contre vents et marées pour se maintenir malgré les écueils économiques. En 2000 Basket Hebdo devient Basket News. Maxi maintient le cap sur l’info nationale et la FIBA, moins présentes sur le web. Il existe toujours un lectorat pour des articles de fond et de longues interviews. L’avatar MVP Basket s’arrête en 2008 pour renaître aussitôt en BAM Basket News America qui ne va pas au-delà de 2013. En 2008 Maxi Basket devient Maxi Basket News suite à une fusion avec Basket News qui continue son aventure hebdo jusqu’en 2013 pour redevenir Basket Hebdo avant de jeter définitivement l’éponge en 2016. Maxi Basket News, lui, le fait en 2012. L’esprit Maxi Basket s’est transféré sur le web en trouvant refuge sur Basket Europe et Basket USA.

Feuille de stats de la Pro A en 1986 pour Maxi Basket.
Le « marché » concurrentiel japonais pour Basket le Mag en 2020.

Pourtant en cette période de souffrance de la presse écrite qui cherche refuge sur la toile, l’équipe de BasketSession tente le pari fou de faire le chemin inverse. En 2005, elle sort le mensuel Reverse. A l’instar de Mondial Basket, Reverse mise sur les longs articles de fond et la para culture basket. Curiosité, petite comète qui traverse rapidement le paysage des kiosques français, Basket Féminin a le mérite de ne traiter que du parent pauvre de l’info basket des années 2000, le basket des femmes. Malheureusement sa maquette de bulletin paroissial et sa diffusion anecdotique condamne ce mensuel à la noble intention mais sapé comme un pauvre hère. Un an, (2002/2003) et puis s’en va.

De la créativité et de l’audace, Reverse n’en manque pas quand il passe en 2018 du format mensuel au mook. Le mook, cet objet étrange entre livre et magazine qui s’achète chez son marchand de journaux, mais trouve sa place sur une étagère de la bibliothèque du salon. A raison de 3 numéros par an,
Mook Reverse joue la carte culture arty en creusant le fond, fouillant le passé et interrogeant le présent du basket américain dans un très bel emballage qui fait la part belle à des illustrateurs de talent. On aimerait un Mook Reverse français, européen, international, féminin… En 2016 Maxi Basket n’est plus, mais son héritier voit le jour, Basket le Mag. Plus qu’un mensuel d’info basket, le mensuel de tous les basket est une revendication pour le droit à de l’info de fond face à l’info conso du net. L’acheter est presque un acte militant. Un rédactionnel rigoureux comme un système de Scariolo et une maquette aussi sobre et élégante que le jeu de De Colo, Basket Mag annonce la couleur, ici pas de basket paillettes. Mais comme en politique, le militantisme manque de troupes et le « Mag » ferme boutique en 2025 dans le flot des larmes de ceux qui ne l’achetaient pas forcément. En 2016, France Basket fait son apparition dans une indifférence générale. Nous l’avons tous feuilleté en se disant que nous étions trop vieux pour acheter ce curieux magazine qui visiblement aurait sa place parmi les titres « jeunesse », et nous le voyons tous aujourd’hui dans les rayonnages du coin presse de Super U en se disant cruellement, « Tiens ? Ça existe encore ? ». Longue vie à France Basket. Puis on ne peut parler de l’info basket sur papier sans rendre hommage à la PQR. Ces quotidiens régionaux et leurs éditions locales qui nous informent des performances de l’équipe N3 voisine, font un focus sur les U17 féminines championnes départementales… C’est ça aussi l’info basket.

L’art de SLip dans Reverse le Mook , réédition du numéro 4 en novembre 2012. Comme un livre, un Mook se réédite.

Et on fera tout pour qu’il ait une longue et belle vie.

La presse basket papier est toujours vivante et on se réjouit de pouvoir encore ressentir l’odeur acre de l’encre fraîche qui se dégage d’une interview d’Evan Fournier ou d’une photo de Leïla Lacan.

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About Laurent Rullier (91 Articles)
Le premier match de basket que j'ai vu en live était un Alsace de Bagnolet vs ASVEL. Depuis la balle orange n'a pas arrêté de rebondir dans ma p'tite tête.

1 Comment on La Presse Basket en France (1932-2025)

  1. Paul Field, je me suis toujours demandé si ce n’est pas en fait Paul Champ du Stade Francais, qui officiait à cette époque les rencontres de rugby à Paris…

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