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[ITW] – Carole Force – « A cet instant-là, je suis dans ma bulle. Je n’entends rien, je ne vois rien… »

Interview

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Le Championnat d’Europe 1993 marque un tournant.  Et en ce 13 juin, à Pérouse en Italie, Carole Force va rentrer un tir de 9 mètres qui en plus de propulser les Bleues  en finale va donner un souffle nouveau au basket français. Basket Rétro vous propose de revenir sur ce moment unique. Interview ! 

Avant cette compétition, la dernière médaille de l’équipe de France aux Championnats d’Europe date de 1970, aux Pays-Bas. Non qualifiées en Israël en 1991, les Bleues souffrent face aux nations de l’Est depuis des lustres. C’est donc contre toute attente que, victorieuses des Russes et des Hongroises en poule, la France accède aux demi-finales. Elle y affronte et bat l’Italie, chez elle sur un score serré de 56 à 54. Si Odile Santaniello (21 points), Paoline Ekambi (8 points) et Isabelle Fijalkowski (7 unités) brillent, c’est Carole Force qui marque l’histoire avec un panier venu d’ailleurs. Plus tard, en finale contre l’Espagne, la France est défaite de 10 points (63-53) après un retard de 3 unités à la mi-temps. Fija et Santaniello figureront ensuite dans le meilleur 5 d’une compétition qui marque le basket hexagonal. 

BR : En demie, vous affrontez l’Italie, chez elle. Dites-nous tout sur cette rencontre et ce panier qui change la donne.

CF : L’Italie, à l’époque, était une nation très forte. Alors jouer à Perugia contre l’Italie forcément c’est quelque chose d’assez « challengeant ». Je me souviens de ce match qui ne s’est joué à rien. Je me revois même très bien sur cette action.  J’étais légèrement sur la gauche et je dribble. Personne ne vient sur moi, je m’arrête et je shoote alors qu’ Odile Santaniello est elle sur le côté droit. J’aurais pu lui faire la passe mais je ne me pose pas de questions, je prends mes appuis et je shoote. Ce panier à trois points nous délivre et nous qualifie. C’est un moment “un peu magique” parce qu’on gagne sur cette action. Je suis d’ailleurs, il faut bien l’avouer, dans ma bulle à cet instant-là. Je n’entends rien, je ne vois rien, je suis dans le match et il n’y a rien d’autre. Je ne tremble pas. Je prends ce shoot à l’instinct. Je l’ai mis donc tout le monde était très content (elle se marre) mais si je l’avais raté je ne sais pas comment cela se serait passé. 

En plus, je suis quand même un peu loin derrière la ligne quand même… C’est un vrai shoot ! (elle se marre).

BR : C’est l’action de votre carrière ? 

CF : Je ne sais pas si on peut dire cela, mais c’est forcément une action incontournable de ma carrière. D’abord parce qu’à l’époque, on ne se qualifiait pas tous les ans pour le Championnat d’Europe (NDLR : La France était absente en 1991 en Israël) et puis ensuite parce qu’en plus ce panier nous permet d’aller en finale. A l’époque, arriver en finale, c’était incroyable. Aujourd’hui, tout le monde me reparle de cette action. En plus, je suis quand même un peu loin derrière la ligne quand même… C’est un vrai shoot (elle se marre). Actuellement, on est déçue quand la France n’est pas championne d’Europe mais à l’époque c’était tout sauf le cas de jouer ce genre de rencontres. Au-delà de cette action, ce qui était important c’était de se qualifier pour la finale. 

BR : En finale, vous perdez contre l’Espagne ? C’est une déception pour le groupe ?  

CF : Je pense que quelque part, dans les têtes, mais là je n’engage que moi, on avait terminé notre Championnat d’Europe quand on s’est qualifié pour la finale. Je pense qu’on a pas abordé la finale comme on aurait dû le faire à ce moment-là. L’Espagne était bien rodée depuis les Jeux de Barcelone en 92, c’était une équipe très forte et nous on était quelque peu sur l’euphorie de cette qualification improbable. On n’a peut-être pas vécu ce match comme une vraie défaite effectivement. Le fait qu’on ait une médaille après tant d’années, c’était déjà une performance exceptionnelle. Bien sûr, on aurait préféré gagner mais on a pas vécu cette rencontre comme si tous les deux ans, on était en position d’être médaillable. Aujourd’hui, quand la France n’a pas de médaille, c’est pris comme une “contre-performance”, mais en 1993, le contexte était vraiment différent. 

Notre photo : Les Bleues sur le podium – Source : FFBB

BR : Paoline Ekambi nous a déclaré que cette équipe avait ouvert la voie pour les générations suivantes ? Qu’en pensez-vous ? 

CF : Je pense que c’est à partir de ce moment-là que la performance et les résultats de l’équipe de France vont s’inscrire dans la durée. C’est un fait déclencheur mais ce n’est pas le seul. 1993 marque le début des qualifications régulières pour les compétitions internationales, mais pas que. Il y a aussi les médailles qui vont avec. Aujourd’hui, je le répète, on est déçue quand on n’est pas Championne d’Europe et les médailles sont un peu devenues une habitude. Je peux vous assurer qu’on était vraiment très heureuses de cette médaille à l’époque ! Je ne dis pas que ce n’est plus le cas à présent mais c’est contextuellement très différent. 

Dans l’histoire, on a l’impression qu’après les filles du CUC, il y a un grand vide mais ce n’est pas vrai.

BR : En 1993, le titre de Limoges éclipse cette médaille. Mais avec Katia Foucade et Isa Fijalkowski (WNBA), avec Amy Cissé, Loetitia Moussard ou Yannick Souvré multi-titrées par la suite avec les bleues ou avec l’étoile Odile Santaniello ou encore Paoline Ekambi (NCAA), les gens ne s’en rendent pas compte, mais il y a une super équipe et c’est une super performance… 

CF : Il y a une sacrée équipe oui. Moi, j’avais été championne de France avec Challes et à  l’époque, nous venions d’horizons assez différents. Aujourd’hui, il y a une concentration de joueuses internationales dans peu de clubs finalement mais ce n’était pas le cas à l’époque. Odile jouait à Aix, Yannick et Loetitia venaient de Mirande. On a oublié cela mais Yannick Souvré a joué à Rouen et les joueuses de l’équipe venaient de partout si je peux m’exprimer ainsi. Notre championnat était finalement assez équilibré. Dans les clubs, nous étions des joueuses confirmées. Ce n’est pas le plus important évidemment, mais j’ai été plusieurs fois meilleure marqueuse du Championnat de France, Odile pareil. Je pense qu’ Odile ne m’en veut pas parce que je ne lui ai pas fait cette passe (elle se marre). A présent, il y a les médias, il y a les réseaux sociaux. Des joueuses comme Marine Johannès, Sandrine Gruda ou Gabby Williams pour ne citer qu’elles sont très médiatisées mais Odile n’a absolument rien à envier à ces joueuses-là. Et je vous cite Odile Santaniello mais, j’aurais pu en citer d’autres parce que oui : il y a une super équipe ! Dans l’histoire, on a l’impression qu’après les filles du CUC, il y a un grand vide mais ce n’est pas vrai. Les clubs travaillaient bien également au niveau de la formation. Dans l’histoire du basket féminin, cette période marque une évolution que l’on ne doit pas oublier. 

BR : Qu’est-ce que vous retenez de cette compétition ? 

CF : Cette médaille est un moment fantastique d’autant que notre groupe a vécu, il faut l’avouer, certains moments compliqués. On a fait les Championnats du monde en Australie aussi (en 1994) puis les Goodwill Games mais cette compétition nous marque parce que forcément, il y a cette médaille. C’est un très bon souvenir, de belles émotions. Je me souviens également que l’ on avait un chef de délégation, Jacques Dorgambide, qui nous a emmené à Assise qui se trouve près de Pérouse. Inoubliable !

Notre photo : L’équipe de France. Source : Revue Basket-Ball

Merci à Carole Force pour sa disponibilité. Propos recueillis pour Basket Rétro par Guillaume Paquereau. Montage Une : .

About Guillaume Paquereau (75 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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