Les joueurs autour des 100 points de l’Échassier
Performance
Décédé le 12 octobre 1999, Wilt Chamberlain réalise la plus grande performance offensive de l’histoire de la NBA le 2 mars 1962. Le chiffre irréel de 100 points inscrit par un seul joueur sur un match est atteint par le prolifique scoreur dans la victoire des Warriors de Philadelphie sur les Knicks de New York 169 à 147. De rares photos et un enregistrement de retransmission radiophonique témoignent de cet exploit. Mais qui étaient les coéquipiers autour de « Wilt the Stilt » dans la salle de Hershey en Pennsylvanie en cette soirée historique ?

Le poste de meneur est tenu par Guy Rodgers (numéro 5). Ce soir là, il joue les 48 minutes du match, comme son leader, et ne tente que 4 shoots pour une seule réussite. Ce sont 9 lancer-francs qui porteront son scoring à 13 unités. Rodgers se régale en donnant consciencieusement le ballon à Chamberlain et termine avec 20 passes décisives. Le point-guard est dans sa 4e année avec les Warriors et effectue la saison suivante le déménagement avec la franchise des Warriors vers Golden State où il décroche la première de ses quatre sélections All Star. Excellent manieur de balle, celui que ses coéquipiers appellent « Flip » terminera deux fois meilleur passeur de la ligue en en 1963 et 1967. Rodgers termine son parcours NBA à Milwaukee lors de la saison 1969-70 avec le rookie Lew Alcindor, futur Kareem Abdul-Jabbar et aura ainsi joué avec deux des plus célèbres pivots de l’histoire. Né à Philadelphie, Guy Rodgers meurt d’une crise cardiaque à 65 ans en 2001.

Guy Rodgers et Eddie Gottlieb (Associated Press)
En l’absence de l’arrière titulaire, le capitaine Tom Gola, le coach Franck McGuire choisit d’intégrer dans le cinq majeur un second meneur de jeu, Al Attles (numéro 16). Ce n’est pas de trop pour alimenter le grand Wilt en ballons ! Attles termine second meilleur marqueur des Warriors avec 17 points avec un parfait 8 sur 8 au tir à 2 points. C’est la seconde année en NBA et la plus quantitative en terme statistique du joueur qui restera fidèle à sa franchise durant ses onze années de carrière. Malgré une taille modeste d’ 1m83, Attles est surnommé « The Destroyer », le destructeur. Il n’a peur de personne sur un terrain, joue dur et se donne toujours à fond. En 1975, Al Attles est le coach des Warriors victorieux des Finals face aux Bullets de Washington. Le Hall au Famer a aujourd’hui 84 ans.

Al Attles (Getty Images)
Paul Arizin (numéro 11), 33 ans, est dans la dernière année de sa brillante carrière qu’il a toujours passé en Pennsylvanie, lui qui est né et a fait ses études à Philadelphie. Dans l’équipe de la saison 1961-62, Arizin et Tom Gola sont les derniers représentants du titre de 1956 remporté par les Warriors. Classé parmi les plus grands joueurs des débuts de l’histoire de la ligue et meilleur marqueur en 1952 et 1957, Arizin shoote 18 fois ce 2 mars 1962, bien loin des 63 tirs de Chamberlain ! Dans ses 7 réussites, il y a sans doute quelques shoots en extension, « Pitchin’ Paul » ayant été un des pionniers du jump shoot. Le Hall of Famer de la classe 1978 meurt dans son sommeil, en 2006, à l’âge de 78 ans, à Springfield dans sa région fétiche de Pennsylvanie.

Paul Arizin (Getty Images)
Le rookie Tom Meschery (numéro 14), joue 40 minutes aux côtés de Chamberlain dans la raquette pour 16 points et 7 rebonds. C’est un joueur au parcours des plus atypiques. Sa vie est un véritable roman ! Ses parents russes blancs ont fui la révolution bolchévique et se sont installés en Mandchourie, région au nord de la Chine, lorsqu’il nait le 26 octobre 1938 sous le nom de Tomislav Nikolayevich Meshcheryakov. Interné politique au Japon pendant la seconde guerre mondiale, il émigre avec ses parents aux États-Unis juste après. Avec un prénom et un nom américanisés dans la période sombre du maccarthysme, Tom Meschery effectue des études en histoire de l’art avant de devenir basketteur professionnel pendant dix ans, 6 saisons pour les Warriors de Philadelphie puis San Francisco et 4 avec la nouvelle franchises des SuperSonics de Seattle. Meschery n’est pas doté de grandes qualités physiques, exceptée sa taille d’1m98, mais il est dur sur l’homme et toujours compétitif ce qui lui vaut le surnom de « The Mad Russian ». Retiré des terrains, le moustachu coache une année en ABA chez les Cougars de Caroline puis devient professeur d’anglais tout en étant un poète reconnu, auteur de nombreux recueils. L’artiste dédicace d’ailleurs une de ses première œuvre à Wilt Chamberlain. Tom Meschery a l’honneur d’avoir son numéro retiré par la franchise des Warriors en le 13 octobre 1967 alors qu’il rencontre son ancienne équipe sous son nouveau maillot de Seattle. Meschery, joueur préféré de Franklin Mieuli, propriétaire de l’équipe entre 1962 et 1986, a aussi l’immense honneur d’avoir son numéro 14 inséré dans le logo officiel de la franchise entre 1971 et 1974. Ces dernières années, on revoit beaucoup la légende des Warriors des années 60 dans les travées de l’Oracle Arena à l’occasion des nouvelles heures dorées de la franchise. Le russe devenu américain, furieux sur le terrain et poète dans la vie, a 82 ans aujourd’hui.

Tom Meschery (Getty Images)
York Larese (numéro 34) joue 14 minutes en sortie de banc en remplacement d’Al Attles dans sa seule saison NBA, qu’il a débutée chez les Packers de Chicago avant d’être coupé au bout de 8 matchs et d’être recruté en tant qu’agent libre par Philadelphie. Cela lui permet d’être aux premières loges ce soir de mars 1962. le sosie de l’acteur Joe Pesci marque 4 paniers dans le champ à 80% de réussite et réussit son unique lancer-franç. C’est d’ailleurs sa technique de tir derrière la ligne de réparation qui lui a donné son surnom de « Cobra », Larese shootant immédiatement après que l’arbitre lui ait remis le ballon. L’arrière, a l’instar des autres remplaçants, a pour objectif de faire des fautes sur les new-yorkais afin récupérer plus vite le ballon et donner plus de possibilités de shoots à Chamberlain. Avec 5 fautes en un peu plus d’un quart-temps de temps de jeu, la mission est remplie. Larese a longtemps plaisanté avec ses enfants en leur posant la devinette « Quels sont les deux joueurs ayant cumulé 109 points dans un match de saison régulière de la NBA ? » avec pour réponse « Wilt et moi ». York Larese est coach des Nets de New York en ABA lors de la saison 1969-70 avant d’aller travailler à la promotion des marques Converse puis Puma. L’ancien de North Carolina reste très actif dans la formation des jeunes basketteurs en participant à de nombreux camps d’été. York Larese, marié à Barbara, père de quatre enfants, décèdera en 2016.

York Larese (Getty Images et archives familiales)
Tout comme Arizin, c’est la dernière campagne d’Ed Conlin (numéro 7). Le 5e choix de la draft 1955 a joué pour les Nationals de Syracuse et les Pistons de Detroit et il est dans sa deuxième année à Philadelphie. « Eddie » rend une copie vierge au scoring et apporte 4 rebonds et une petite passe décisive. Recordman des points inscrits et des rebonds captés pour l’université de Fordham dans le Bronx, Conlin en devient le coach principal entre 1968 et 1970. Ed Conlin décède en 2012 à l’âge de 79 ans de complications de la maladie d’Alzheimer.

Ed Conlin (Getty Images)
John Ruklick (numéro 17) est le passeur décisif du panier conduisant au 100e point. Il se définit lui-même comme une note en bas de page d’un événement historique. C’est peut être anecdotique mais Ruklick s’assure néanmoins que son nom soit bien crédité de l’offrande du record sur la feuille de match ! Bill Campbell, seul commentateur présent pour la radio WCAU de Philadelphia peut s’époumoner « Il a réussi ! Il a réussi ! Un Dipper Dunk ! La performance au scoring la plus incroyable de tous les temps ! Cent points pour le Big Dipper » ! Au déménagement de la franchise à San Francisco, Kuklick ne comprend pas pourquoi le propriétaire Eddie Gottlieb veut à tout prix qu’il soit du voyage alors que l’ailier fort a eut un temps de jeu très limité pendant ses trois années en Pennsylvanie. La réponse est sans sans langue de bois « les fans n’achèteront pas de billets si il y a trop de noirs dans l’équipe ». Kuklick ne cautionne pas le racisme de Gottlieb vis à vis de ses coéquipiers afro-américains et que le propriétaire ne le considère que pour la couleur blanche de sa peau et non sur sa valeur sportive. Le joueur stoppe sa carrière et devient conseiller en investissement puis journaliste, notamment au Chicago Defender où il est, ironie de l’histoire, le seul membre blanc du conseil de rédaction de ce journal afro-américain. Joe Kuklick s’éteint de cause naturelle en 2020.

Joe Ruklick (archives Northwestern University)
Parmi les très rares photos du record peut être le plus fou de l’histoire de la NBA, on retrouve ce cliché sur lequel le grand Wilt, le maillot gorgé par la sueur de l’exploit est entouré par quelques uns des 4124 spectateurs enthousiastes présents et un jeune coéquipier, Ted Luckenbill (numéro 12). Ce dernier n’a pas beaucoup noirci la feuille de statistiques avec un petit rebond et deux fautes en trois petites minutes de temps de jeu. Mais il reste pour l’éternité un des complices de la performance de « The Big Dipper ». En fin de rencontre, après trois échecs successifs du pivot entouré par les cinq joueurs des Knicks, c’est un Luckenbill abandonné par son défenseur qui prend le rebond et le passe à Ruklick pour l’ultime transmission au numéro 13 conduisant au dunk du 100e point. Pour Ted Luckenbill, « c’est probablement le moment le plus fort de ma vie, avoir participé à ce match ». L’ailier déménage avec l’équipe des Warriors à San Francisco mais au bout de 20 rencontre, on lui diagnostique un cancer testiculaire qui met fin à sa carrière de basketteur. Guéri, il effectue une carrière professionnelle dans l’industrie des mobile homes puis des fourgons aménagés dans l’Indiana et le Texas. Luckenbill meurt en 2012 à 72 ans.

Ted Luckenbill
Tout le monde a en esprit la fameuse photo sur laquelle Wilt Chamberlain, assis dans les vestiaires, tient une feuille avec le chiffre 100, scène montée rapidement par Harvey Pollack, le responsable des relations publiques des Warriors. Mais autour de lui se tenaient ses coéquipiers, des joueurs aux carrières brillantes (4 futurs hall of famers) ou quelconques, des hommes aux destins variés, tous liés par ce match de légende où ils mis de côté leurs intérêts personnels pour se mettre au service exclusif de leur leader. La ville de Hershey, où se situe la célèbre usine de chocolat du même nom restera aussi célèbre pour avoir été le théâtre de ce record qui paraît aujourd’hui complètement inaccessible.

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