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[Portrait] Carl Herrera, l’idole du Venezuela

Portrait

Montage Une : Adrien PMMP pour Basket Rétro

Quand on évoque le nom de Carl Herrera, il nous vient à l’esprit son passage victorieux lors du doublé historique des Houston Rockets au milieu des années 90. Ce n’est pourtant que la partie visible d’un iceberg, qui masque une longue carrière riche de succès. Focus sur les gloires, mais aussi déboires, d’un héros national.

TALENT PRÉCOCE

Carl Victor Herrera Allen est né en 1966 à Trinidad et Tobago. Sa famille quitte l’île quelques mois seulement après sa naissance à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Elle s’installe et prend la nationalité de son nouveau pays, le Venezuela. Une contrée qui voue un véritable culte au Baseball, une discipline importée par les américains travaillant sur les plateformes pétrolières qui longent la côte.

Lui, c’est sur un terrain de fortune confectionné avec ses amis qu’il s’adonne à son sport favori, le Basketball. Si les infrastructures manquent, la balle orange n’est pas en reste et bénéficie également d’une belle popularité.

Il participe à ses premiers tournois avec l’école Simon Bolivar de San José situé en banlieue de Caracas, ou son talent ne passe pas inaperçu. Il est vite repéré et c’est à l’âge de 16 ans seulement qu’il signe son premier contrat professionnel avec les Cardenales de Portuguesa. Grand, longiligne, athlétique et bon défenseur, il fait même parti désormais de l’équipe national.

Le tout jeune Carl Herrera avec le numéro 16 fais déjà honneur à la sélection nationale ©Lider

Des dispositions naturelles pour le Basketball qui lui permet de progresser à grande vitesse et de marquer les esprits avec des performances de haute volée malgré son âge. La  » Special Basketball League », le championnat vénézuélien, est réputée pour être un championnat de bon niveau. C’est le point de chute de nombreux américains n’ayant pas eux la chance d’être drafté par une franchise NBA.

En 1986, alors qu’il n’a que 19 ans il domine les raquettes de SBL et inscrit son nom sur les tablettes de la ligue en posant des statistiques hors normes. En deux jours il réalise deux records, et pas contre n’importe qui. Puisqu’il s’illustre face à une des équipes légendaires du pays, les Trotamundos de Carabobo. Premier match, 34 rebonds, un record pour un joueur local. Le lendemain, 13 contres, un record qui tient toujours.

Si sportivement tout semble aller pour le mieux pour lui et son équipe, c’est économiquement que les choses se compliquent. La crise qui frappe la région impacte sévèrement les finances de son club. Les salaires se donnent de main à main, les retards de versements sont quasiment systématiques, et les sommes distribuées sont souvent dérisoires.

Il se demande alors s’il n’est pas temps de mettre les voiles et de tenter une nouvelle expérience. Il s’imagine bien partir aux Etats-Unis pour aller y étudier et pourquoi pas obtenir un diplôme. Armé de quelques pièces de monnaie et de son carnet d’adresses, il trouve une cabine téléphonique et passe quelques coups de fil.

Une réponse vient de la part de Gabriel Estaba, un ami proche, qui joue au Panteras de Lara. Il lui annonce que le l’université de Jacksonville Community College est prêt à l’intégrer. Carl entre alors en négociation avec son club, afin de pouvoir s’acheter un billet d’avion. Dans un premier temps réticent, le Portuguesa accepte finalement de financer le sésame qui envoie leur meilleur espoir aux USA.

C’est ainsi qu’il se retrouve en 1986, le jour de Noël, seul à l’aéroport en direction de Dallas sans même que quiconque à Jacksonville ne sache qu’il est en route. Sans que lui-même ne sache à quoi s’attendre une fois arrivé en terre texane.

Jacksonville Community College est une école privée, qui appartient à l’association des missionnaires Baptiste d’Amérique. C’est un programme exigeant, tant d’un point de vue scolaire que sportif. Tout n’est pas facile pour Carl qui se retrouve loin de sa famille. Mais il peut compter sur la présence d’autres athlètes vénézuéliens pour lui apporter du réconfort et l’aider à passer le cap de l’éloignement. Il partage cette aventure avec Gabriel Estaba , Armando Becker, ou encore José Echenique, qui tous feront les beaux jours de la sélection nationale.

L’entraîneur de l’équipe se nomme Vernon Harton. Il fait comprendre à Carl qu’étudier et jouer avec sérieux est le meilleur moyen pour lui d’assurer son avenir et celui de ses proches. Une relation forte naît de cette association, lorsqu’il se remémore le temps passé en sa compagnie, il dit :

« Je me souviens de coach Harton comme d’un père. J’ai appris beaucoup de choses sur le jeu grâce à lui. Il m’a fait sentir tout ce dont j’étais capable. Respecter votre entraîneur, ne jamais penser que vous les connaissez tous, apprenez d’eux et laissez-les vous guider, c’est fondamental dans le basket. »

Lui qui jusque-là, joue et performe grâce à son talent naturel, se forme au basketball par des voies plus cadrées et académiques. Un apprentissage qui lui permet à la fin de la saison 1988/89 d’être approché par des programmes plus réputés.

LE RÊVE AMÉRICAIN CONTINU

De nombreuses universités de renoms souhaitent le recruter, il décide alors d’en rencontrer trois. La première visite se passe dans l’Oklahoma. Quand il arrive sur le campus, tous les voyants sont aux verts. La journée est ensoleillée, l’emblème du lycée et la couleur rouge omniprésente le charme. Les joueurs vedettes se nomment Stacey King et Mookie Blaylock, de quoi espérer réussir de belles performances collectives. Mais alors qu’il doit partir, une tempête de neige et un froid glacial s’abat sur l’Oklahoma, faisant dégringoler à la dernière place de sa liste les Sooners.

Ensuite, il se rend à Las Vegas pour y rencontrer le mythique coach Jerry Tarkanian. Il est reçu en limousine et dort dans une suite luxueuse. Peu intéressé par les lumières et distractions de la « Cité du péché », il refuse alors la proposition d’UNLV. Il est aux États-Unis pour étudier et obtenir un diplôme, il souhaite se tenir loin des tentations.

© Instagram

Quand il arrive à Houston, il y retrouve le climat agréable du Texas. Il y a aussi ces vols directs vers le Venezuela. Mais surtout lorsqu’on le fait rentrer dans le gymnase, une surprise lui est réservée. Il y découvre tout un groupe de jeunes vénézuéliens faisant partie du campus tenant un drapeau aux couleurs de leur pays. De quoi séduire immédiatement Carl, qui décide alors de rejoindre le programme texan et l’équipe des Cougars. C’est ainsi que son histoire d’amour avec Houston commence.

Fort de son expérience en SBL, ou dès son plus jeune âge il affronte des adultes et de vrais professionnels, Carl s’impose naturellement comme le patron de son équipe. Un effectif pauvre en talent, mais qui grâce à un bilan de 25 victoires pour 8 défaites, devient la tête de série numéro 8 à l’entame de la March Madness. Il est le leader de l’équipe, aux points (16,4), aux rebonds (9,2), aux contres (2,0), au pourcentage de tirs (56,5 %), et au pourcentage de tirs aux lancers francs (80,4 %). Le parcours de Houston dans ces phases finales est bref, avec une élimination au premier round face à Santa Barbara.

C’est son unique saison sous le maillot des Cougars, âgé de 23 ans, il décide de se présenter à la Draft de 1990.

UN ÉTÉ BIEN REMPLI

Lorsqu’il quitte le Portuguesa pour se rendre aux États-Unis, il fait la promesse de revenir jouer pour le club. Une fois la saison universitaire terminée, il rejoint alors son équipe de cœur . Avec lui les Cardenales se classent 4éme au terme de la saison régulière, et se hissent jusqu’en demi-finale des playoffs.

Pour passer ce tour, il faut désormais affronter un adversaire de taille. Ce n’est ni plus ni moins que le quadruple champion en titre qui se dresse devant eux, les Trotamundos de Carabobo. La joute se termine en six rencontres et voit le Portuguesa s’imposer grâce à un Carl Herrera impérial.

© Instagram

Le titre se joue maintenant face au club de Puerto la Cruz connu sous le nom des Marinos. Il faut sept matchs pour départager les deux équipes. La rencontre décisive se joue sur un tir raté à la dernière seconde de Tomas Morris. Le ballon fait le tour du cercle, mais ne rentre pas, victoire 90 à 89 et consécration pour Carl Herrera qui est élu meilleur joueur de ses phases finales. Oscar Silva, l’entraîneur des Cardenales, rend hommage à son meilleur joueur et déclare :

« La force mentale a été la clé pour remporter ce championnat. Le groupe que j’avais à ce moment-là était très combatif, mais le leader absolu était Herrera. »

Avant la Draft, et malgré toutes ses performances, il a peur de ne pas être appelé. Il décide alors d’envoyer des vidéos à plusieurs clubs européens. L’un d’eux se montre particulièrement intéressé, il s’agit du Real Madrid. La mythique équipe de la capitale espagnole se rend même au Venezuela pour le voir jouer et lui faire signer un contrat.

Une crainte de ne pas être choisi malgré certains signaux encourageants qui laissent à penser qu’il est plus que probable que son nom soit prononcé par David Stern le soir de la fameuse loterie. Car une franchise est déjà en contact avec lui depuis un moment.

En effet, les Boston Celtics suivent sa progression depuis quelques années. Preuve en est que ses performances sur le terrain sont dignes d’intérêt. Lorsqu’une des meilleures équipes NBA de la décennie s’intéresse à vous, ce n’est pas anodin. Mais la franchise du Massachusetts n’a que le choix numéro 19 comme unique opportunité de piocher dans le réservoir de jeunes espoirs de la cuvée 1990. Ils décident d’utiliser ce pick en recrutant l’arrière Dee Brown, en provenance de l’université floridienne de Jacksonville. Ce sont finalement les Miami Heat qui mettent la main sur l’intérieur sud-américain avec le 30éme choix. À peine quelques heures après sa sélection, il est transféré, il retrouve la ville de Houston et devient un Rockets.

Carl se sent un temps stupide :

« À ce moment-là j’étais figé ! La première chose que je me suis dite et que j’avais fait une grosse erreur en m’étant lancé dans quelque chose sans savoir ! »

Heureusement pour lui, Don Chaney le coach des Rockets ne souhaite pas inclure Carl dans son roster pour le moment. Mais la franchise texane tient à conserver dans son giron cet ailier-fort qu’ils apprécient tout particulièrement. Il peut donc honorer son contrat avec le Real Madrid, et un accord sous condition est conclu entre le club espagnol et le joueur. Le contrat peut être rompu à n’importe quel moment, et cela, seulement si les Rockets souhaitent faire revenir Carl dans leur effectif. Il peut souffler, les choses prennent finalement une bonne tournure.

Avant de rejoindre l’Espagne, il doit participer à une dernière compétition. Retour en Amérique du Sud, mais cette fois-ci pour rejoindre la sélection nationale qui est qualifiée pour la coupe du monde en Argentine. Le Venezuela se retrouve dans le Groupe A, avec Porto Rico, la Yougoslavie et l’Angola. Avec 1 victoire pour 2 défaites, son équipe ne passe pas les poules et finit à la 11éme place du tournoi. Les Yougoslaves éliminent les USA en demi-finale et remportent le titre face à l’URSS.

PARENTHÈSE IBÉRIQUE

Le début de l’exercice 1990/91 approche, il est temps de se rendre en Espagne. Il l’avoue plus tard, il ne connaît rien du Basketball européen. Ignorant totalement l’engouement autour d’un club comme le Real Madrid sur le Vieux Continent. Il est du coup extrêmement surpris de l’accueil qu’il lui est réservé. Alors qu’il descend tout juste de l’avion, il se retrouve entouré de journalistes. Des photographes tombent dans l’herbe en essayant de se mêler à l’attroupement. Une ferveur inhabituelle dont il se rappelle avec le sourire :

« Je me sentais comme une chanteuse de Rock. »

Il arrive dans une période compliquée pour le Real Madrid. Il y côtoie José Biriukov, Pep Cargol, le meneur José Luis Llorente. Mais aussi des Américains, comme Antonio Martin et un autre futur joueur NBA en la personne du massif Stanley Roberts.

© Pinterest

Selon lui, le groupe manque de cohésion, faiblesse qui prive les Madrilènes de tout succès cette année-là. Ils chutent en quart de finale lors des playoffs de la Liga ACB, éliminés par le Taugrès de Pablo Laso et Joe Arlauckas, mais se hissent malgré tout jusqu’à la finale de la coupe Korac. Événement perdu en deux matchs face au Shampoo Clear Cantu de Pace Mannion. Il est très bon lors de ces deux affrontements avec 19 points et 15 rebonds, puis 16 points et 9 rebonds.

En contact constant avec le joueur vénézuélien, les Rockets exercent une sorte de pression sur le club espagnol qui en devient presque toxique. Le Real laisse donc filer le joueur initialement signé pour 3 ans et un montant de 600 000 dollars la saison. Une compensation financière en cas de départ anticipé fait également partie de son contrat, mais l’histoire ne raconte pas si le club texan s’est acquitté de cette dette.

Une seule campagne pour Herrera en péninsule ibérique, suffisant pour tomber amoureux de l’endroit, comme il l’évoque quelques années plus tard :

« J’ai réalisé petit à petit ce que représentait le Real de Madrid et tout le travail que j’avais à y faire. Je n’avais jamais quitté le continent américain, ce fut une très belle expérience. J’ai adoré l’Espagne, à tel point que je ne voulais plus la quitter. Mais les changements opérés par les Houston Rockets, avec de nouveaux joueurs, m’ont fait changer d’avis. Sinon je serais resté là-bas. J’ai tout aimé, la nourriture, l’ambiance, et le professionnalisme qu’il y régnait. Une très, très belle expérience. »

UN PREMIER PAS VERS BARCELONE

Lors de cet été de 1991 Herrera doit à nouveau faire un détour par le Venezuela avant de rejoindre la NBA et les Houston Rockets. Son pays organise le Championnat d’Amérique du Sud. Compétition qui ouvre la voie vers le tournoi de qualification pour les Jeux olympiques de Barcelone.

Les adversaires du Venezuela lors de ce championnat sont, l’Argentine, le Pérou, le Paraguay, la Colombie, l’Équateur, l’Uruguay et le Brésil.

Herrera et les siens remportent six rencontres, ne chutant que face aux Argentins. Les Brésiliens font de même et les deux équipes se retrouvent alors en finale. La partie se dispute à Valence devant 12 000 spectateurs en feu. Le score à la fin du temps réglementaire est de 112 à 112, pour se départager, il faut jouer les prolongations.

La fin du match est totalement folle, Gabriel Estaba est aux lancers francs. Le premier est converti, le second est raté, rebond offensif d’Herrera et dunk à deux mains. Sur la possession suivante, tir raté des Brésiliens, il prend le rebond et les Brésiliens commettent une faute. Allongé sur le ventre il exulte, la foule également. Il convertit ses deux lancers, et le Venezuela prend le large. Deux actions litigieuses à la suite offrent 4 lancers au Brésil qui en profite pour revenir à 2 points. Les locaux remontent la balle dans un brouhaha assourdissant, l’attaque cafouille, mauvais tir, mais rebond offensif et panier de Luis Jimenez. Ce dernier lève les bras vers le ciel et célèbre déjà la victoire. Un dernier trois points du Brésil ne change rien, score final, 122 à 121. Le terrain est immédiatement envahi, les joueurs se retrouvent sur les épaules des supporters, le Venezuela vient de remporter son premier titre majeur et Carl Herrera est le héros du pays.

L’équipe national de 1991, avec Alex Nelcha (6) et Carl Herrera (11). ©sehablabasket

A JAMAIS LE PREMIER

La saison de NBA 1991/92 débute, Herrera fait désormais partie des plans de son coach, mais Don Chaney fait durer le plaisir. Car il faut attendre le 5éme match de la saison pour voir le numéro 7 entrer en jeu. Le 12 novembre 1991, Carl Victor Herrera Allen foule le parquet des Dallas Mavericks et devient le premier vénézuéliens à disputer une rencontre de NBA. Il ne passe que cinq petites minutes sur le terrain et rend une copie vierge, mais il fait la fierté de toute une nation, une fois de plus.

Ensuite, même s’il a déjà 25 ans, il reste un rookie. Son temps de jeu varie du tout au rien, une situation nouvelle pour un joueur habitué à jouer les premiers rôles. Mais il y a du changement à l’horizon, exit Don Chaney, remercié pour faute de résultat. C’est Rudy Tomjanovich qui prend sa succession avec pour objectif de redonner le sourire à sa star, le pivot Hakeem Olajuwon.

C’est peine perdue pour cette saison, les Rockets ne se qualifie pas pour les playoffs. Une campagne décevante qui laisse un goût amer. Notamment pour Herrera qui commence à se poser beaucoup de question quant à son rôle au sein de cette équipe :

« J’arrive du Venezuela, je joue dans l’équipe nationale ou je suis une star. Je pensais pouvoir arriver à Houston, être titulaire et jouer beaucoup de minutes. »

Lorsque Rudy Tomjanovich entend ces mots, il s’assoit avec lui et décide alors de regarder une vidéo de l’équipe et lui explique :

« Tu vois cela, c’est l’équipe que nous avons. Hakeem est le meilleur pivot que j’ai vu de toute ma vie. Nous avons beaucoup de bons joueurs, mais peu savent faire tout ce que tu sais faire. Défendre à l’intérieur, à l’extérieur, jouer dos au panier. C’est cela que nous attendons de toi. Si tu fais cela, tu auras 20 minutes de temps de jeu tous les soirs. »

Il comprend alors qu’il doit s’améliorer encore plus pour gagner et conserver cette place de 6éme homme que lui propose son nouveau coach. Il travaille alors sur son physique et axe son jeu sur la défense. Pour arriver à ses fins, il peut compter sur Hakeem Olajuwon qu’il considère comme son mentor. Les deux hommes deviennent de très bons amis, et le légendaire pivot nigérian trouve un surnom pour son nouveau camarade, qu’il appelle « Amigo ».

PORTLAND HEROES

Suite à l’exploit de 1991, le Venezuela se voit qualifié pour le tournoi pré olympique de Portland. La Vinotinto de Las Alturas, se retrouve dans le groupe B, avec Porto Rico, l’Uruguay, le Mexique et les frères ennemis du Brésil.

Une phase de poule mitigé, avec une qualification sur le fil face au Mexique. Dans le derby qui les opposant au Brésil, c’est la fessée, défaite 128 à 81. La vengeance est un plat qui se mange froid comme le veut le vieille adage. Le temps de se défaire du Canada et le Venezuela retrouvent la Seleçao en demi-finale. Le Brésil s’incline 100 à 91, le plus dur vient d’être fait.

Car la finale est perdue d’avance, nul ne peut croire que la victoire est possible face à la légendaire Dream Team. La rencontre se termine avec une avance de 47 points pour les USA, mais les gagnants sont bien les Vénézuéliens.

Les fameux héros de Portland ©Pinterest

L’équipe de Basketball mené par Carl Herrera devient la première discipline collective du pays à réussir à se qualifier pour les Jeux olympiques. Il faut ensuite attendre 23 ans pour revoir la sélection nationale de Basketball au J.O.

Comme à son habitude Amigo est le meilleur joueur de son équipe, comme en témoigne Alex Nelcha, ancien de la JDA Dijon et du CSP Limoges qui fait également parti de cette aventure :

« Nous avions avec nous Carl Herrera. Quand tu joues avec quelqu’un comme lui, ton niveau de jeu augmente, tu sais que tu dois suivre. »

Lors des Jeux, le Venezuela ne réalise pas l’exploit. Avec une seule victoire contre la Chine, ils terminent à la 11éme place du tournoi. Une compétition et plus généralement des Olympiades, survolées par les stars de la Dream Team.

EN ROUTE POUR LA GLOIRE

De retour à Houston après un été riche en émotions, la saison 1992/93 est un tournant pour Herrera. Rudy T a fait la promesse de lui réserver un rôle important dans la rotation s’il réussit à répondre aux attentes. C’est une réussite, il finit l’exercice avec 22 minutes de temps de jeu par rencontre. Il sort du banc pour soulager les piliers de la raquette de Houston que sont Hakeem Olajuwon et Otis Thorpe. Sans être exceptionnel, il apporte de solides minutes en sortie de banc avec 7,5 points et 5,6 rebonds de moyenne et devient un des favoris du public. Les Rockets remportent 55 victoires et finissent premiers de leur division. Tomjanovich concentre encore plus le jeu sur Olajuwon, qui prend plus de tirs et joue plus de minutes. Le rookie Robert Horry est une bonne pioche au poste d’ailier. Les playoffs se terminent sur une défaite en sept matchs au premier round face aux Seattle SuperSonics.

Pas de recrutement extravagant à l’intersaison, mais des ajouts malins. Mario Elie arrive de Portland pour renforcer le poste d’ailier. Lors de la loterie avec le 24éme choix de la Draft, Houston choisit Sam Cassell en provenance de Florida State. Deux renforts de choix qui font de Houston une équipe redoutable, menée par un Olajuwon calibre MVP. Robert Horry grappille quelques minutes de temps de jeu à Herrera, mais son rôle reste le même.

©Hoopshype.com

Une saison conclue avec 58 victoires et un premier titre NBA pour les Houston Rockets. Une finale remportée en 7 manches contre les New York Knicks de Patrick Ewing et John Starks. Les performances d’Herrera sont dans ses standards habituels. Toutefois il se montre crucial dans le match 6, avec 12 points et 5 rebonds en 20 minutes. Faisant beaucoup de mal à la défense new-yorkaise, dans ce match couperet qui se termine sur le score serré de 86 à 84.

Une nouvelle fois Carl Herrera marque l’histoire de son pays en devenant le premier vénézuélien à devenir champion NBA et le deuxième Latino sacré après le Portoricain Alfred « Butch » Lee. Il est suite à ce succès choisi par le magazine « Hispanic Business » comme étant l’un des 100 Latinos les plus influents des États-Unis.

La saison 1994/95 commence sur les chapeaux de roue pour Houston avec 9 victoires consécutives. Mais la suite est bien plus compliquée, notamment à cause de nombreuses blessures auxquelles Carl Herrera n’échappe pas. Seulement 47 victoires pour le champion en titre. La suite est bien connue, les Rockets septième à l’Ouest remporte le titre grâce à un Hakeem « The Dream » qui n’a jamais aussi bien porté son surnom. Un titre remporté sans Herrera qui se blesse après 6 minutes de jeu face à Utah lors du Game 4 du premier round. Une déchirure de l’épaule qui le tient à l’écart des parquets pour toute la durée de ces incroyables playoffs. Il reçoit malgré tout la bague qui fait de lui un double champion NBA, « How sweet it is » comme on dit à Houston.

3 SAISONS ET PUIS S’EN VA

Suite au titre, Herrera devient agent libre, mais Houston ne matche pas l’offre faite par les San Antonio Spurs. Il reste dans le Texas, mais quitte la ville qui lui a tant donnée. L’origine de ce départ vient peut-être de sa confrontation avec Vernon Maxwell. Lors d’un entraînement les deux hommes se chauffent verbalement avant de se donner rendez-vous dans la salle de musculation pour en découdre. Herrera décide de gonfler ses biceps sur une machine en attendant son adversaire du jour.  » Mad Max  » débarque, saisit un poids et le frappe à la tête, Game Over. La rumeur raconte qu’ils se retrouvent plus tard sur le parking et que Maxwell s’empare alors d’une arme à feu pour menacer son coéquipier. L’incident aurait alors poussé les Rockets à se séparer des deux joueurs.

Avec les Spurs il ne joue d’abord que 44 matchs et son temps de jeu n’est que de 9 minutes. La saison suivante, « L’Amiral » David Robinson se blesse gravement après seulement 6 rencontres. Les Spurs décident de lâcher l’affaire, avec en ligne de mire la draft potentielle du pivot de Wake Forest, Tim Duncan. Le voilà donc désormais titulaire au poste d’ailier fort. Il défend la raquette des éperons avec Will Perdue ou encore Greg « Cadillac » Anderson, le tanking est évident. Il inscrit 8 points par rencontre, mais à seulement 43 % de réussite. L’opération Duncan est une réussite, avec seulement 20 victoires, les Spurs s’offrent le premier choix de la draft et 20 ans de succès en découleront.

© Pinterest

La saison 1998/99 est sa dernière dans la grande ligue. Quatre petits matchs à Vancouver puis 24 à Denver avec un rôle mineur à chaque fois. C’est la fin de son parcours en NBA, mais pas la fin de sa carrière, à maintenant 32 ans, le créole a encore soif de succès.

« Jamais de ma vie je n’ai imaginé tout ce qui s’est passé. J’ai beaucoup de respect pour la NBA. Je l’ai toujours regardé comme nous faisons tous. Pour moi, jouer en NBA, c’était comme mettre un pied sur la Lune. »

« L’un des joueurs que j’ai toujours imités était Magic Johnson, essayant constamment de copier ses mouvements. C’était un rêve pour moi d’être un meneur de jeu. Nous étions tous les deux de la même taille. J’ai toujours essayé de jouer comme Magic, mais logiquement j’ai fini par le faire comme Carl Herrera. »

RETOUR AU VENEZUELA

C’est le retour de l’enfant prodige sur ses terres. Encore une fois respectueux de ses promesses, il fait son retour au Portuguesa, les Cardenales se nomment désormais les « Bravos ». Chaque jour de match, il évolue dans une salle de 7500 places qui porte son nom, le « Coliseo Carl Herrera Allen ». C’est en 1998 que le complexe est inauguré, il se retrouve même au côté du président Rafael Caldera pour l’occasion. Il reçoit les honneurs et confirme qu’il est l’un des plus grands athlètes de l’histoire du Venezuela. Il finit cette saison avec 15 points et 7 rebonds de moyenne et offre à son équipe une médaille de bronze lors de la coupe des clubs champions d’Amérique du Sud.

Il rejoint ensuite le Trotamundos de Carabobo, le joueur de légende rejoint un club de légende, rien de plus normal. Il passe deux saisons chez les « Globe Trotteurs » et remporte avec eux la Champions Cup sud-américaine.

Il existe deux ligues élites au Venezuela, la LPB, Ligua Professional de Baloncesto, et la LNB, la Ligua Nacional de Baloncesto. C’est cette dernière qu’il rejoint en 2001, il devient un joueur des Delfines de Miranda. Mais l’année 2001 est pour lui l’année d’un de ses derniers challenge avec la sélection nationale. L’entraîneur américain James Calvin fait confiance au vétéran pour amener les tricolores au championnat du monde de 2002. C’est un succès, un de plus avec la sélection.

Il revient ensuite en LPB et signe au Cocodrilos de Caracas, avec qui il gagne une autre médaille de bronze lors de la coupe des clubs champions. C’est ensuite un retour au sein des Trotamundos, avec un rôle moins important. Il a désormais 36 ans, mais apporte quand même plus de 6 points et 4 rebonds par match. De quoi les aider à remporter le championnat LPB, son deuxième en carrière après celui de 1990.

© Lider

Enfin il se pose un peu plus longtemps du côté des Guaros de Lara, club de la ville de Barquisimeto. Ce club n’est autre que la nouvelle identité du Portuguesa, qui après un rachat, change de nom et de ville, mais reste son club de toujours.

En 2005 à New York, lui est remis un prix spécial lors des  » Latin Sports Awards « , cérémonie qui récompense les achèvements des athlètes Latinos les plus illustres. Il pense sûrement finir sa carrière dans la région de Guanare pour y boucler la boucle, mais il se laisse finalement tenter par une dernière aventure. Le tout nouveau club du Deportivo Tachira, fait appel au vétéran de désormais 41 ans, pour sans nul doute apporter un peu de lumière sur cette équipe naissante. Une pige anecdotique qui clos une carrière longue de 25 ans.

TOUT N’EST PAS SI FACILE

Le voilà jeune retraité, alors qu’il prend un repos bien mérité il se voit rattraper par la justice. C’est en 2009 que l’IRS, équivalent du FISC en France, fait condamner l’ancien Rockets à un an de prison avec sursis pour fraude fiscale avérée. D’abord acquitté en 2004 faute de preuve, le dossier est rouvert et Herrera avoue finalement avoir détourné près de 500 000 dollars.

En 2012 il prend le poste de Head coach des Gigantes de Guayana. Avec cette équipe il est élu entraîneur de l’année en 2014, avant d’être remercié en janvier 2016 faute de résultat. Il quitte le club avec un bilan de 115 victoires pour 151 défaites.

Carl Herrera le coach en 2014 © Sportsvenezuela

Si l’année 2014 le voit être récompenser pour ses aptitudes de coach c’est également une année noire, sans doute une des pires de son existence. Herrera et son équipe se trouvent dans le vestiaire du gymnase de Puerto Ordaz après une défaite face au Guaros de Lara. Quand soudain des hommes armés pénètrent et plaquent au sol le jeune Jonathan Medina, de son vrai nom, Jonathan Victor Herrera Medina. Il est un des deux fils du vénézuélien et il vient d’être arrêté par Interpol, lui qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour violences sexuelles sur une personne mineure. Le scandale fait grand bruit et de nouvelles révélations vont toucher également son autre fils, Alex. Des accusations d’inceste touchant les filles de son ex-femme qui fait surface. Il n’est pas responsable des agissements de ses rejetons mais le soutien inconditionnel qu’il affiche envers ses fils écorne l’image de la légende locale. Un soutien sans faille qui fait tâche et dont il ne démordra jamais.

Quelques mois plus tard, alors qu’il est au restaurant sur l’île paradisiaque de Margarita. Des hommes cagoulés surgissent et lui tirent dessus. La balle transperce une côte et se loge dans l’un de ses poumons. Aujourd’hui encore la balle est toujours présente dans son corps. Les agresseurs dépouillent leur victime et dérobe ses deux bagues de champions remportées avec les Houston Rockets. En 2020, il lance une campagne pour tenter de récupérer les deux bagues, initiative soutenue par de nombreux athlètes, dont Greivis Vasquez, autre légende du basket-ball vénézuélien. Si pour la plupart il s’agit d’une agression gratuite, pour d’autres, la piste du règlement de compte n’est pas à exclure.

Il devient en 2016 le président des Marinos de Anzoategui. Le club est en proie à de grosses difficultés financières et compte sur l’influence d’Herrera pour conserver sa position de force dans le championnat. Malgré ses relations au sein de la FIBA, il ne trouve pas les leviers permettant de tenir intact son groupe. Il doit se séparer de ses meilleurs joueurs pour assainir les finances, les fans ne lui pardonnent pas et l’aventure tourne court, il est limogé en 2017.

C’est finalement les Cocodrilos de Caracas qui le nomme entraîneur et lui permet de retrouver les parquets. Fin octobre 2022, il dispute la finale de LPB, et fait face aux redoutables Trotamundos de Carabobo, toujours eux. La finale est marquée par un incident inhabituel. Lors du game 4, Carl Herrera se tient debout à côté du terrain, quand soudain il vacille. Ses joueurs l’empêchent de tomber, on l’assoit, le ventile. C’est l’incompréhension, il est en train de subir une décompensation cardiaque. Une faiblesse qui le met à mal, assis, chemise ouverte, tentant de reprendre ses esprits au milieu des serviettes qui s’agitent autour de lui pour lui offrir de l’air. Il est évacué, son équipe remporte ce match sans son coach, mais s’incline en 5 manches face à l’ogre Trotamundos, qui gagne ainsi son 11éme titre, record absolu. Il explique plus tard que ce malaise est en lien avec la tension ressentie face à l’enjeu de ce match.

© warratinmobiliaria

Quand se pose la question de savoir qui est le plus grand joueur de Basketball de l’histoire du Venezuela, la réponse ne semble pas évidente. Il y a ceux qui reproche à Herrera sa créolité, lui qui est né à Trinidad et Tobago, n’est pour certains pas un vrai vénézuélien. Il y a également ceux qui voient en Greivis Vasquez ou Oscar Torres de meilleurs joueurs.

Mais à en voir les applaudissements qui accompagnent la sortie de terrain d’un Herrera en difficulté lors de son malaise en plein match, on se rend compte que sa popularité est toujours très forte.

Nul autre joueur de basketball au Venezuela ne peut se targuer d’avoir réussi autant d’accomplissements pendant sa carrière. Il est précurseur dans tous les domaines. Que ce soit en championnat, avec la sélection, ou en NBA, il est celui qui par de maintes occasions a rendu son pays fier de lui. Amigo, l’ami de tout un pays, l’idole de toute une nation.

LA CARRIERE DE CARL HERRERA EN IMAGES

 

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