[Portrait] Kenyon Martin Lutteur King
Portrait
12 expulsions, 130 fautes techniques, des milliers de dollars d’amende, le CV de Kenyon Martin déborde de coups de gueule et de clés de bras sur ses adversaires. Un prédateur défensif qui a fait les beaux jours des Nets au début des années 2000 avec deux finales NBA consécutives. Ce goût pour la dissuasion, Kenyon le doit aussi à son parcours universitaire peu commun. Retour sur la carrière d’un bad boy qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Quand je regarde les matchs NBA aujourd’hui et que je vois certains coups de sifflet – et certains non sifflés dont les joueurs se plaignent – je suis époustouflé. Je dis toujours aux gens : Je n’aurais jamais pu jouer avec cette génération. Je n’ai jamais su comment flopper ou comment ne pas jouer dur en défense. Je n’ai jamais reculé devant personne et j’ai pratiqué une défense acharnée sur chaque possession de chaque match.
On l’aura compris, la NBA aseptisée des années 2020 ce n’est pas pour Kenyon Martin. Baston, trashtalking, intimidation physique, l’arsenal dissuasif de l’intérieur ne serait plus autorisé aujourd’hui. Dans sa génération, avoir un enforcer dans l’équipe était obligatoire. Un mec capable de coups bas pour déstabiliser l’adversaire et mieux marquer son territoire. Ce rôle, Martin l’a tenu pendant 15 saisons dans la Ligue. Mais, pour mieux comprendre son tempérament volcanique, prêt à tout incendier sur le parquet, il faut revenir en arrière. Elevé par une mère célibataire obligée de cumuler les jobs, Kenyon quitte très tôt son Michigan natal pour s’installer à Dallas. En plus d’un contexte familial difficile, il est très isolé à l’école. La faute à un fort bégaiement qu’il ne peut réprimer. Régulièrement, il est ridiculisé et moqué par les autres enfants. En résulte une timidité maladive qui le pousse à se taire en classe quitte à récolter des mauvaises notes. A la maison, c’est sa grande sœur Tamara qui termine ses phrases la plupart du temps. Adolescent, il évite toute discussion de peur de passer pour une personne lente d’esprit à cause de son handicap. Il se réfugie alors dans le sport, une véritable thérapie, où il peut s’exprimer avec son corps. Basket, football, baseball, pas besoin de logorrhées pour comprendre que Kenyon est un surdoué des terrains. Le problème pour lui est scolaire. A cause de bulletins insuffisants, il passe d’un lycée à un autre : la Roosevelt High School pour commencer, puis la Tyler Street Christian Academy qu’il guide au titre d’Etat en 1994 pour finir par la Bryan Adams High School. C’est dans cet établissement que Martin se fait remarquer. Son intensité défensive lui vaut des comparaisons avec Dennis Rodman, un autre produit texan. Capable de bloquer un tir au sommet de sa trajectoire, puis foncer en attaque la seconde suivante, l’ado est un ovni de la balle orange. Les facs de Temple, Arkansas et UNLV s’intéressent à son cv, avant de rebrousser chemin devant ses résultats scolaires. Une seule université croit au projet, les Bearcats de Cincinnati.
LE KID DE CINCI-NASTY

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Bob Huggins, le coach le plus victorieux de l’histoire de la fac, convainc Martin de traverser le pays pour jouer sous ses ordres. Pour cela, il doit impérativement passer le SAT (Scholastic Assessment Test) nécessaire pour entrer à l’université. Après plusieurs échecs, Kenyon est pris en main par trois professeurs et obtient enfin son éligibilité en janvier. Mais, au cours du premier semestre, il est de nouveau raillé par les autres étudiants pour ses problèmes d’élocution. En pleine dépression, il décide de tout planter pour rentrer à Dallas. Un échec qui ne plaît pas à sœur Tamara. L’aînée lui secoue les puces, prend un billet de bus pour Cincinnati et l’envoie chez un orthophoniste. Kenyon apprend à contrôler sa respiration et ses muscles pour vaincre progressivement son bégaiement. Libéré de ce fardeau, il est prêt pour à faire parler la poudre. Abonné au tournoi NCAA depuis 1992, Cincinnati n’est pas une équipe comme les autres. Coach Huggins s’est fait une spécialité de recruter des têtes brûlées et des cancres scolaires. Le basket d’abord, les études après. Le but, cumuler les bad boys pour inspirer la crainte chez l’adversaire. L’entraîneur demande une abnégation physique totale à son groupe. Jouer comme un meurt-de-faim et se vider les tripes sur le parquet est un sacerdoce, à tel point qu’il n’est pas rare de voir Martin, Ruben Patterson ou Melvin Levett vomir dans une poubelle entre deux séances de sprints. Les trainings sont régulièrement le théâtre d’affrontements entre coéquipiers stoppées in extremis par le coaching staff. Et si d’aventure, un joueur ne répond pas à ces critères, malheur à lui. Ce n’est pas l’ailier Ryan Fletcher qui dira le contraire. Trop soft pendant un match au goût de Huggins, ce dernier a défoncé la porte des toilettes où se trouvait Fletcher pour lui passer un savon. Un programme universitaire critiqué, limite hors-la-loi pour certains, mais qui va comme un gant à Kenyon. L’ado devient vite l’élève surdoué de sa promo et l’emblème du jeu hardcore des Bearcats.
Détermination, agressivité et arrogance, Kenyon a les qualités requises du parfait chef de gang prôné par Huggins. Dans sa saison sophomore, il intègre le cinq majeur en tant que pierre angulaire de la défense. Encore trop frustre en attaque, il se fait une spécialité de cadenasser la raquette et punit le moindre attaquant qui s’y présente. Un intimidateur implacable qui tourne à 2.8 blocks par match ! Le 21 février 1998 contre DePaul, il enregistre un invraisemblable triple double : 24 points, 23 rebonds et 10 contres dans une fessée affligée aux Blue Demons, 75-38. Le premier TD depuis plus de 30 ans à Cincinnati. Derrière le leader offensif Ruben Patterson, Martin se contente lui de alley-oops pour alimenter la marque. Plus du tiers de ses shoots sont des dunks ! Là encore une marque de fabrique pour celui que l’on surnomme K-Mart désormais. Leaders de la Conférence USA, les Bearcats se font surprendre au second tour du tournoi NCAA par West Virginia sur un tir primé au buzzer (75-74). Le couteau entre les dents, Kenyon est encore plus affûté en junior. Il récolte les honneurs de la All-Conference USA First Team, mais bute une nouvelle fois au deuxième tour contre Temple cette fois-ci (64-54). Meilleur scoreur, rebondeur et contreur du match, il tombe les armes à la main. L’heure est venue pour lui de prendre une décision sur son avenir à l’université. Bob Huggins le convainc de rester une année supplémentaire en lui promettant plus de responsabilités en attaque. Le coach veut faire de K-Mart un danger plus polyvalent pour passer d’un potentiel premier tour de draft au Top 3 de sa cuvée.
Avant cela, le Bearcat a l’occasion de croiser le fer contre les meilleurs étrangers lors des Jeux d’été universitaires 1999. Martin éclabousse la sélection américaine de son talent. Le tournoi confirme ses velléités offensives : 19 points en quart contre le Canada, 22 points 11 rebonds en demi face à l’Espagne pour terminer par 21 points et 7 rebonds pour la médaille d’or contre la Yougoslavie. Les prémices de ce qui attend la NCAA pour sa saison senior. Gavé de ballons en attaque après le départ des cadres de l’équipe, Kenyon s’éclate au scoring en passant de 10 à 19 points de moyenne. Et comme de l’autre côté du parquet, il émerge à 9.7 rebonds et 3.5 blocks, il ne faut pas chercher bien loin le meilleur joueur universitaire de la saison. Un match illustre la nouvelle dimension qu’a pris Martin. Opposé à DePaul, les Bearcats affichent un retard de 10 points à moins de 4 minutes du buzzer. Temps mort de Huggins qui vocifère qu’il renverra direct sur le banc, le joueur qui prendra un tir avant que Kenyon ait touché la balle. Résultat, K-Mart score 10 de ses 33 points sur ces 3 dernières minutes, bloque 2 shoots et envoie la passe de la victoire à son coéquipier DerMarr Johnson. Dans son sillage, Cincinnati roule sur sa conférence pour terminer invaincu. Sur ses 28 victoires, seulement quatre ont été obtenues par moins de 10 points d’écart. L’engagement ultra-physique des Bearcats lui vaut des critiques, de même que l’attitude dédaigneuse de certains joueurs. L’équipe devient la plus haïe du pays et hérite du surnom de Criminnati. En mode parrain au milieu de la raquette, K-Mart se moque ouvertement des joueurs qui n’osent pas pénétrer du fait de sa présence. Une menace physique et verbale qui paralyse ses adversaires comme l’affirme son pote Johnson :
Les mecs se faisaient littéralement dessus dès la présentation des équipes. Cela était dû en grande partie à la peur que Kenyon inspirait aux gens. C’était un monstre total ! Sa motivation, c’était de crier et de te hurler au visage. S’il faisait tomber quelqu’un au sol, c’était un plus. S’il montait sur quelqu’un pour lui dunker dessus, alors il obtenait nos acclamations. Chez nous, il n’y avait pas de tapes amicales dans le dos ou de beaux tirs. Notre système était différent. Il n’y a rien qui ressemblait à notre jeu.

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Déjà qualifié pour le tournoi NCAA, Cincinnati dispute pour l’honneur la finale du tournoi de la conférence USA contre Saint-Louis. Trois minutes après l’entre deux, Martin percute le joueur Justin Love. Dans sa chute, il plie maladroitement sa jambe droite avec son pied resté bloqué sous son corps. Ses cris de douleur glacent la salle tout entière. Kenyon vient de se briser la jambe. Transporté d’urgence à l’hôpital, il refait surface dans l’enceinte au milieu de la seconde mi-temps, dans un fauteuil roulant avec un plâtre. Choqués, ses partenaires laissent filer le match 58-68, face à une équipe qu’ils avaient démoli de 43 points quelques semaines plus tôt. Alors que le titre NCAA semblait à portée de main, les Bearcats s’effondrent au second tour contre Tulsa. Huggins s’en veut d’avoir demandé à son protégé de rester une saison de plus à la fac, cette blessure pouvant entraîner sa chute à la draft. Martin, lui, se fiche des dommages collatéraux et ne pense qu’au titre qui vient de lui échapper : « Je voulais gagner ça pour toi, coach ! ».
NO BRAIN NO GAIN
La chance pour Kenyon Martin, faire partie d’une cuvée de rookies historiquement faible. Trois étoiles de All Star cumulés pour cette promotion qui reste l’une des pires de l’Histoire. Malgré sa blessure, les Nets détenteurs du First Pick, optent pour K-Mart. Une sélection qui n’est pas sans rappeler la draft d’un autre power forward 10 ans plus tôt, Derrick Coleman, toujours avec le choix n°1. Dans le ventre mou de la Conférence Est depuis le départ de celui-ci, New Jersey rebâtit lentement avec les jeunes Kerry Kittles (1996), Keith Van Horn (1997) et le trade de Stephon Marbury contre Sam Cassell en 1999. Seule valeur sûre de cette cuvée, Martin fait l’objet de spéculations juste après sa draft. Mais, les Nets résistent aux propositions de trades. Le GM de l’époque Rod Thorn trouve son équipe trop soft et le rookie est un début de solution. D’autant que pendant l’été, l’intérieur titulaire Jayson Williams annonce sa retraite pour des blessures à répétition. La place dans la raquette pour K-Mart est donc toute trouvée. Pourtant, l’électrochoc sur l’équipe se fait attendre. Le rookie paraît un peu tendre et timoré les premières semaines. Son coach Byron Scott déclare même qu’il veut retrouver le Kenyon de Cincinnati et pas son jumeau pacifique. La critique est entendue. Après le All Star Break, l’ex Bearcat retrouve son énergie avec 14.7 points, 7.9 rebonds, 1.4 block et une cargaison de fautes bien viriles. Une ascension stoppée nette en mars contre les Celtics. Dans un choc avec Milt Palacio, Martin se brise de nouveau le péroné droit, la même jambe qu’à l’université. Le rookie a beau serrer les dents et vouloir rester sur le parquet, il est reconduit au vestiaire par l’assistant Tim Walsh. Le verdict tombe : pas d’opération nécessaire, mais une fin de campagne prématurée qui le prive du titre de Rookie de l’Année. Si on ajoute à cela la saison blanche de Kittles et la trentaine de matchs ratés par Van Horn, on obtient une année galère de plus pour les Nets. Rod Thorn a alors le coup de génie qui va bouleverser l’Histoire de la franchise. Le 18 juillet 2001, il échange son All Star Stephon Marbury contre Jason Kidd.

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Moins porté sur le scoring que Starbury, J-Kidd n’a pas son pareil pour faire tourner un collectif et sublimer ses partenaires. En quelques semaines, le meneur change complètement le style de jeu des Nets. Il devient la rampe de lancement attitré de Kittles, du rookie Richard Jefferson et surtout de K-Mart. Le duo régale sur transition avec des alley-oops télépathiques : en back door, du milieu de terrain, passe volleyée ou avec un rebond sur la planche, Kidd, taille MVP trouve son compère son yeux fermés. Meilleur scoreur de l’équipe avec 15 points, Martin est aussi la tête de gondole de l’autre côté du parquet. En l’espace d’un an, New Jersey passe du 23ème Defensive Rating (105.5 points en 2001) à la première place (99.5 points en 2002). Bien décidé à se faire respecter dans la raquette, il se choisit une cible bien référencée pour lancer sa saison : Karl Malone ! Alors que le Mormon file au layup, Kenyon surgit derrière pour un atemi en plein visage. Un geste synonyme de 3 ou 4 matchs de suspension d’après le Mailman. Pour son coup d’essai, la Ligue se montre plus clémente avec le sophomore qui n’écope que d’un match. Elle le sera nettement moins quelques semaines plus tard quand K-Mart assène une manchette XXL à Tracy McGrady, déclenchant un pugilat. Deux matchs de suspension et 15.000 dollars d’amende. En deux gestes, Martin entre par la grande porte dans le panthéon des enforcers. 13 techniques, 6 flagrantes, 7 matchs de suspension rien que sur la saison 2002, ça en impose sur le CV. Malheureusement, les adversaires ne sont pas les seuls à tâter de sa poignée de phalanges. Le pauvre Richard Jefferson pour avoir haussé le ton avec lui pendant un match se retrouve placardé dans son vestiaire, ne devant son salut qu’à l’intervention du pivot Aaron Williams. Des frasques qui ne dérangent pas la marche en avant des Nets. Avec 52 victoires, Kidd et sa bande enregistrent le meilleur bilan de l’Histoire de la Franchise. A New York, la hype a changé de rive pour basculer du côté Ouest de l’Hudson.
Pour sa découverte des playoffs, K-Mart se mange les Pacers de Jermaine O’Neal et Ron Artest au premier tour. Un duel sentant fort la testostérone qui va jusqu’au match 5 décisif. Un must win, où l’intérieur rapporte 29 points déterminants dans la qualification. Une bataille de tranchée qui met tout de suite l’équipe sur les bons rails, puisqu’aux tours suivants ni les Hornets (4-1) ni les Celtics (4-2) ne stoppent la furia des Nets. Il a suffi d’une campagne de playoffs pour chasser l’image de loosers d’une franchise qui n’avait plus passé un tour depuis 1984. Avec son premier titre de de Conférence en poche, New Jersey défie les Lakers en quête du Three-Peat. Cette fois, la marche est trop haute pour les banlieusards de Big Apple. Shaquille O’Neal s’approprie d’entrée la raquette avec 76 points sur les Game 1 et 2. De retour dans la Continental Airlines Arena, K-Mart se bat avec l’énergie du désespoir, mais ses 35 points et 11 rebonds dans la quatrième manche ne suffisent pas à échapper au sweep. La saison 2002-2003 confirme, cependant, le statut de contender des Nets. La recette est connue autour de Kidd, meilleur passeur de la Ligue, et fonctionne à merveille. Kenyon enchaîne les fautes techniques et les dunks surpuissants pour mener New Jersey à son second titre de l’Atlantic Division. Dans une Conférence Est faiblarde, la campagne post-season des Nets est expéditive : 2 matchs lâchés contre les Bucks puis le sweep des Celtics et des Pistons. Pour sa seconde finale consécutive, Martin fait face à du lourd, le duo Tim Duncan–David Robinson. Au flegme et au Q.I. basket du Big Fundamental, K-Mart répond par l’explosivité et l’abnégation. A égalité dans la série deux manches partout, il s’affiche à 19.5 points, 10.3 rebonds et 2.3 blocks. Du solide avant de craquer complètement. 4 petits points dans la défaite du Game 5 et surtout un invraisemblable 3 sur 23 aux tirs dans le match 6 ! Un record de parpaings qui reste le must sur une finale NBA.
Au lieu de mettre de l’eau dans son vin après deux échecs sur la dernière marche, Martin gonfle encore plus les pectoraux. Ça commence par une tentative de décapitation sur l’ailier des Clippers, Corey Maggette. Un remake du combat Mohamed Ali vs George Foreman qui lui coûte deux matchs de suspension. Il touche le fond ensuite dans un beef avec son propre teammate Alonzo Mourning. Arrivé chez les Nets pendant l’été, Zo se remet d’une saison blanche pour des douleurs rénales. Lors d’un training, Martin se moque du manque d’agressivité du pivot. Mourning rétorque qu’un leader ne doit pas passer son temps à se plaindre de sa cheville, en rapport à une légère blessure de Kenyon. Réponse de l’intéressé : « Aïe mon rein ! Aïe mon rein ! ». S’en suivent des clés de bras et moulinets stoppés par leurs coéquipiers. Pas très smart de la part de K-Mart quand on sait que Zo subira une transplantation rénale quelques semaines après. Ces dérapages n’entravent pas les bons résultats des Nets qui s’adjugent un autre titre de division avec une première étoile de All Star pour Martin au passage. Un All Star Game où il brille particulièrement avec 17 points et 7 rebonds en 24 minutes. Sur le chemin des playoffs, New Jersey rencontre son voisin new-yorkais au premier tour. Depuis longtemps, K-Mart peste contre les Knicks qui continuent à faire la Une de la presse, alors que ses Nets sont au firmament de la Conférence. Sa frustration, il la déverse sur l’ailier de NY, Tim Thomas. Blessé au Game 1 sur une faute grossière de Jason Collins, l’ailier des Knicks clame sa vengeance. Dès le lendemain, Kenyon arbore un T-Shirt en conférence de presse où l’on peut lire « Whiny Tim » (Tim la pleureuse). Une guerre médiatique éclate entre les deux joueurs qui finira par une proposition de combat encadré par le boxeur Floyd Mayweather… un match qui n’aura pas lieu sur un ring, mais dans une boîte de nuit à Dallas un peu plus tard. Sur le parquet, par contre, les Knicks sont k.o. debouts. Le sweep est cinglant à l’image des 36 points et 13 rebonds de Martin dans le Game 4 au Garden. Opposés aux Pistons le tour suivant, New Jersey remporte le Game 5 au bout de trois prolongations pour mener 3 à 2 dans une série ultra-défensive. Mais, comme en finale la saison précédente, le collectif des Nets s’effrite dans le rush final pour laisser Detroit s’envoler vers le titre NBA.

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LE GRAND KENYON DU COLORADO
A l’été 2004, le front office doit faire un choix concernant K-Mart. New Jersey a fait une offre l’année précédente de 66 millions sur 6 ans. Deal refusé par l’intéressé qui voulait décrocher le pactole la saison suivante. Agent restreint, les Nuggets lui offrent effectivement un contrat max de 92 millions sur 7 ans. Nouveau propriétaire des Nets, Bruce Ratner n’est pas chaud pour matcher ce pont d’or qui mettrait la franchise dans la luxury tax. Conséquence, New Jersey met en place un trade avec Denver qui envoie Kenyon dans le Colorado en échange de trois futurs premiers tours de draft. Une décision peu inspirée avec du recul, les Nets abandonnant ensuite leur place au sommet de la conférence. Chez les Nuggets, c’est le contraire. L’équipe a retrouvé les playoffs après huit ans d’absence autour de son rookie Carmelo Anthony. L’arrivée de Martin complète son cortège de gardes du corps composé également de Néné Hilario et Marcus Camby. Pourtant, la mayonnaise ne prend pas chez les Nuggets. Le coach Jeff Bzdelik est viré au bout de 28 matchs et Michael Cooper après seulement 14. Avec un bilan de 17-25, la franchise est très loin de ses ambitions. La nomination sur le banc de George Karl inverse complètement la tendance. Denver finit en trombe avec 32 victoires et 8 défaites sous ses ordres. Second scoreur de l’équipe, K-Mart confirme son rôle d’épouvantail des raquettes : 15.5 points, 7.3 rebonds et 1.1 block. Mais, ce déménagement à l’Ouest ne l’a pas assagi, à l’image de son expulsion pour avoir envoyé à terre le pivot Adonal Foyle. Ses habitudes ne changent pas : comme chez les Nets, Kenyon se fait martyriser en playoffs par Tim Duncan – dès le premier tour cette fois-ci – et passe par l’infirmerie pour une fracture au genou gauche subie pendant l’été 2005.
Cette blessure freine sa production la saison suivante, ce qui n’empêche pas Denver de remporter le titre de division, son premier depuis 1988 ! Opposé aux Clippers au premier tour, George Karl revoit ses rotations. Il relègue K-Mart sur le banc pour titulariser Francisco Elson. Un crime de lèse-majesté pour l’intérieur. Après avoir rongé son frein lors de la défaite à domicile dans le match d’ouverture, Martin pète les plombs dans le Game 2. Ses 7 minutes de temps de jeu en première mi-temps ne le satisfont pas. Il menace de s’en prendre physiquement à son coach, avant de se raviser. Finalement, il se pointe avec une serviette sur la tête au cours de la seconde période et quitte définitivement la salle quelques minutes plus tard sans commentaire.
Je suis devenu fou quand George Karl m’a fait jouer sept minutes en première mi-temps. Je l’ai menacé de lui en coller une à la mi-temps. True story ! J’ai perdu mon sang froid à cause de ce mec. Si Sprewell n’avait jamais étouffé PJ Carlesimo, alors je me serais farci George Karl dans cette salle. Il m’a fait jouer sept minutes quoi. Pouvez-vous imaginer de me mettre sur le banc aussi longtemps dans une série de playoffs ?

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La réaction de la franchise ne se fait pas attendre. Kenyon est suspendu pour une durée indéterminée. En coulisses, il assiste impuissant à l’élimination surprise de Denver 4 à 1. Pour se renforcer, les Nuggets récupèrent Allen Iverson en décembre 2006. Un one-two punch explosif avec Carmelo Anthony que Martin regarde de la touche. Une arthroscopie subie pendant l’intersaison a fait apparaître d’autres lésions au niveau jambe droite. Au bout de deux petits matchs, K-Mart jette l’éponge et passe sur le billard pour de bon. Saison blanche assortie d’une convalescence XXL pour celui qui ne sera plus jamais le même après cela. Moins bondissant au contre et limité dans ses déplacements latéraux, sa production des deux côtés du parquet baisse progressivement. Restent sa langue bien pendue et son tempérament de feu. A Chicago, il prend 15.000 dollars d’amende pour obscénités proférées à deux fans des Bulls. Il enchaîne par une prise de bec avec un journaliste de Radio Colorado, qui est escorté par le service de sécurité pour éviter de finir aux urgences. Même ses coéquipiers ne sont pas en sécurité. JR Smith, nouveau venu dans l’équipe, a le mauvais goût de remplir la voiture de Martin avec du pop-corn. Quand il ouvre sa portière, K-Mart entre dans une colère noire. Il retourne au vestiaire pour chercher le coupable. Il faut alors toute l’énergie des employés des Nuggets pour le convaincre de ne pas aller chez JR Smith pour lui refaire le portrait. Des sales coups, Kenyon en réserve aussi à ses adversaires. Abonné aux playoffs sous George Karl, Denver enchaîne quatre exercices consécutifs avec au moins 50 victoires. La campagne 2009 est la plus réussie avec une finale de conférence à la clé. Contre les Mavericks en demi, K-Mart utilise son vice pour déstabiliser Dirk Nowitzki. Dans le Game 1, l’Allemand rentre ses 6 premiers tirs avant de se prendre un tampon made in ovalie de la part du Nugget. Résultat, Martin écope de 25.000 dollars d’amende et Dirk termine le match à 6/16 aux tirs. Illustration de ce qu’est devenu Kenyon dans les Rocheuses : le bad boy de service d’un prétendant au titre.
Free agent en 2011, il a l’occasion de se relancer ailleurs. Le lock-out en NBA en décide autrement. Comme beaucoup d’autres joueurs, K-Mart s’exile pendant cette période. Direction la Chine chez les Xinjiang Flying Tigers, où il encaisse le plus gros contrat de l’histoire de ce championnat. Même dans cette ligue plus faible, Martin apparaît à la traîne avec un petit double double de moyenne : 13.9 points et 9.7 rebonds. Quand la saison NBA reprend, il se trouve une place chez les Clippers. Une demi-saison peu concluante à l’issue de laquelle Los Angeles ne lui propose pas de rempiler. Arrivé en bout de piste, il attend février pour signer un contrat de 10 jours chez les Knicks. K-Mart de retour à Big Apple pour une dernière tournée de baffes, l’idée n’est pas incongrue. Kenyon transforme l’essai grâce à son entente avec d’anciens partenaires comme Melo et Jason Kidd. Sur certaines séquences, on retrouve le joueur intimidant et efficace sous le cercle, notamment pendant la campagne de playoffs, où son énergie en sortie de banc booste New-York qui parvient à passer un tour. Mais, on ne change pas une tête brûlée comme ça. Contre les Clippers, il commet un attentat sur le pivot Ryan Hollins. Son renvoi de Los Angeles lui est resté en travers de la gorge et en conférence de presse, il n’hésite pas à déclarer qu’il espère voir les Clippers perdre tous leurs matchs de playoffs. Même dans sa dernière saison à New-York en 2014, il se distingue par ses déclarations assassines. Ce n’est pas Kevin Garnett qui dira le contraire après avoir été comparé à un chiot, « un minuscule chihuaha dans le corps d’un doberman ». Kenyon Martin est comme ça, une éternelle grande gueule, un écorché vif qui s’est épanouit dans le basket rugueux des années 2000. Un style de jeu anachronique désormais. S’il serait incapable d’évoluer dans la NBA actuelle, ce n’est pas le cas de son fils, Kenyon Martin Jr. Le fiston a hérité de ses qualités athlétiques et se distingue par des dunks et des contres que n’auraient pas renié son darron. Un paternel très fier qui s’est fendu d’une lettre touchante lors de la draft de Junior :
Cher KJ, par où commencer ? Je vais commencer par te dire à quel point je suis fier de toi. Il y a vingt ans, j’étais sur le devant de la scène à la draft, et maintenant c’est ton tour. Le travail que tu as réalisé pour atteindre ton rêve est sans égal. Le jour est venu. Allez montres au monde ce que je sais déjà. Tu es né et construit pour cela. Le voyage commence maintenant. Ne laisse rien ni personne se mettre en travers de ton chemin vers les sommets. Je t’aime et je suis fier de toi. Je continuerai d’être ton plus grand fan.

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STATISTIQUES ET PALMARES
- Stats NCAA : 11.0 points à 58,6% aux tirs, 7.5 rebonds et 2.5 blocks
- Stats NBA : 12.3 points à 48,3% de réussite, 6.8 rebonds et 1.9 assist
- Nommé dans la All-Conference USA First Team (1999 et 2000)
- Defensive Player of the Year (2000)
- National College Player of the Year (2000)
- Nommé dans la NBA All-Rookie First Team (2001)
- NBA All Star (2004)
- Médaille d’or aux Jeux d’été universitaires (1999)
- Médaille d’or au Championnat des Amériques (2003)
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