25 novembre 1990 – « The Perfect Quarter » des Trail Blazers
Match de légende
Dans l’histoire de la franchise de l’Oregon, le premier quart-temps du douzième match de la saison 1990-91, face aux Spurs de San Antonio, a été ainsi surnommé « The Perfect Quarter » en raison du niveau de jeu extraordinaire pratiqué par la bande de Clyde Drexler. Retour sur ces douze minutes magiques.

Crédits photo @ (Oregon file photo)
Nous sommes le 25 Novembre 1990. Les Trail Blazers de Portland (on utilisait plus fréquemment leur nom complet à l’époque) accueillent les éperons texans au Memorial Coliseum, petite enceinte bouillante du nord-ouest américain. En ce début de saison, les Rouge et Noir jouent à très haut niveau. C’est sans aucun doute la plus belle équipe de leur histoire. Certes il y a eu le titre en 1977 mais un peu à la surprise générale et dans une époque moins médiatisée de la NBA. Le groupe était alors mené par le grand Bill Walton, le solide Maurice Lucas et sous les ordres de Jack Ramsay. Après un bilan de saison régulière correct de 49 victoires et 33 défaites, les Blazers avaient réalisé des playoffs solides et battu les Sixers de Julius Erving 4 à 2 lors des Finals.
On ne sait bien sûr pas à l’époque que le superbe 5 majeur des Blazers au tournant des années 80 et 90 ne remportera jamais de titre mais il demeure peut être aujourd’hui le préféré des fans de la franchise, bien devant les terribles Jail Blazers. Finalistes quelques mois avant, en juin 1990, contre les Bad Boys de Détroit, ils le seront aussi en 1992 contre les UntouchaBulls. Les joueurs de Portland ont ainsi tutoyé les sommets mais sont tout simplement tombés sur plus forts qu’eux en finale. Auteurs d’un bilan de 59 victoires et 23 défaites l’année précédente, ils vont l’améliorer lors de cette saison 1990-91 et le porter jusqu’au record de 63/19, toujours en vigeur aujourd’hui.

UN CINQ MAJEUR MYTHIQUE
A la mène Terry Porter, dans sa sixième année et déjà une tête de vétéran. Dès son année sophomore, il a pris place aux commandes dans le cinq majeur. Sa progression régulière va lui offrir une sélection au All Star Game 1991 à Charlotte (il le sera une seconde fois en 1993). Le shooting guard est bien sûr Clyde «The Glide» Drexler, le planeur, sans doute le concurrent contemporain direct de Michael Jordan, poste pour poste. C’est le franchise player de Portland, un tueur tout en élégance, 10 fois All Star en carrière, futur membre de la Dream Team à Barcelone. Il est alors au milieu de sa carrière NBA. Ce n’est pas sa meilleure saison au scoring, preuve qu’il y a un certain équilibre collectif. A l’aile, Jerôme Kersey, puissant small forward dont la carrière est elle aussi tellement associée aux Blazers. Buck Williams et Kevin Duckworth sont dans la peinture. Williams, 3e choix de la draft 1981, est dans sa seconde saison dans l’Oregon après 8 ans dans le New Jersey dans une équipe plus que moyenne. L’apport de ce facteur X à l’intérieur a consolidé l’assise défensive de Portland, équipe naturellement très offensive, et a permis de diminuer le scoring adverse. Kevin Duckworth, lui aussi en milieu de carrière, est à son meilleur niveau. Il a été All Star en 1989 et hononera une seconde sélection en février 91. Sans être ultra-brillant, il tient néanmoins bien sa place dans la raquette. Tous les postes sont ainsi bien définis, à l’ancienne, les responsabilités bien réparties. Le coach est Rick Adelman, ancien joueur à la mène de la maison Blazers entre 1970 et 1973. La saison a excellemment bien démarré avec dix victoires d’affilée, preuve que le traumatisme de la finale perdue contre les Bad Boys a été vite évacué.

Les Spurs sont aussi séduisants quoique possédant moins d’expérience au compteur. Rod Stickland, Willie Anderson, Sean Elliott et Terry Cummings entourent l’admirable Amiral David Robinson dans sa seconde année NBA. Le coach est Larry Brown qui a entamé le retour des éperons vers la respectabilité depuis la saison passée. Le nouvel exercice s’annonce sous les meilleurs auspices avec sept victoires et seulement deux défaites au compteur. Les Spurs retrouvent les Blazers quelques mois après la demi-finale de conférence ouest des playoffs 1990 conclue par une victoire de Portland 4/3.
PLACE AU MATCH !
Dès le départ, la foudre s’abat sur les Texans: petit coup de patte à mi-distance de Duckworth, première interception conclue d’un lay-up soyeux de Drexler, dunk puissant en contre-attaque de Buck Williams en conclusion d’un caviar de Porter, 3 points de Drexler, passe dans le dos du Glide pour un nouveau dunk de Williams, 3 points de Porter. Les actions, toutes plus belles les unes que les autres s’enchaînent dans une beauté et une fluidité évidente. L’altruisme de Porter, la grâce de Drexler, la puissance de Kersey, la robustesse de Williams et les doigts de dentelière de Duckworth (et oui!) vont converger vers une excellence de jeu inégalée. les Spurs sont plus que cueillis à froid. Ils assistent impuisssants à une démonstration de jeu collectif. La sono de la salle crache la chanson « We Will Rock You » de Queen à fond pendant les temps-morts.
« C’est le meilleur premier quart-temps que je n’ai jamais vu. Allez, Avez-vous déja assisté à un meilleur premier quart que celui-là ? C’était phénoménal ». David Robinson.
Le vétéran Danny Ainge et le seconde année Cliff Robinson participent à la fête en fin de quart temps qui s’achève sur le score de 49 à 18: 31 points d’écart avec un exceptionnel 22 sur 25 aux shoots. Sur ces 22 réussites, 18 à la conclusion d’une passe décisive. Un show de haut vol dans l’ambiance surchauffée du Memorial Coliseum de Portland (cocon de moins de 13 000 places). Clyde Drexler compile 15 points avec un excellent 7 sur 8 aux shoots, 4 contres (!) , 2 interceptions et 3 passes décisives. Kevin Duckworth réalise un parfait 6 sur 6 et Terry Porter offre 10 caviars à ses coéquipiers. Les 5 tentatives de l’équipe à 3 points sont converties et la défense asphyxie les Spurs réduits à un piteux 8 sur 23 aux shoots et commettant 8 pertes de balles. Dans l’histoire de la NBA, d’autres quert-temps ont été plus prolifiques en terme de points mais rarement à l’issue d’un tel ballet ou le ballon passe de main en main dans une symphonie collective et non d’une succession d’exploits individuels.
Ils ont été géniaux. Ils auraient battu la meilleure équipe de la décennie ce soir. Ils ont été aussi bons en 12 minutes que n’importe quelle équipe que j’ai vue jouer au basket Larry Brown.
« C’est le rêve pour un coach. C’était comme un clinic sur la façon de jouer au basket. Je n’ai jamais vu de meilleur quart-temps. Nous avons juste tout fait. Nous avons presque réussi chaque tir, nous avons pénétré, nous avons été présents aux rebonds, nous sommes bien revenus en défense ». Buck Williams.
Le reste du match revient dans les standards habituels du jeu. La magie est passée. Les Spurs remontent dix sept points dans le second quart mais les deux équipes se neutralisent en seconde période. Score final 117/103 et une onzième victoire d’affilée pour les Blazers qui chuteront à Phoenix le match suivant mais repartiront ensuite sur une série de huit victoires de rang portant leur bilan de début de saison à 19/1. Ils referont une autre série de 16 succès à cheval entre les mois de mars et avril en fin de cette saison record.
Les Trail Blazers finiront cette saison premiers à l’ouest mais tomberont face aux Lakers de Magic en finale de conférence 4/2. Cela nous permettra d’assister au duel Jordan/Magic lors des Finals 1991 couronnant pour la première fois les Bulls. Les Spurs seconds à l’ouest à la faveur du titre de division midwest, auront eux piteusement chuté face au Run TMC des Warriors, 3/1 au premier tour.
Des membres du cinq majeur mythique des Blazers, deux joueurs seront sacrés sous une autre tunique: Clyde Drexler à Houston en 1995 et Jerome Kersey en 1999 avec les Spurs. Cette équipe de Portland aurait pu toucher le graal à la fin des années 80 ou bien au début des années 90, leur niveau de jeu étant excellent. Malheureusement pour eux, la densité qualitative à l’ouest et la présence d’escouades plus que solides à l’est tels les Pistons puis les Bulls de Michael Jordan auront rangé ce beau groupe dans la vitrine des équipes de rêve jamais titrées.