[Portrait] Henri Grange, la classe élégante
France
On l’appelait le Marocain. En 1946, son père, instructeur de marine, installe sa famille à Casablanca. Henri Grange a 12 ans et c’est là qu’il découvre le basket. Sa vie en sera transformée…
Né à Saillant, dans la Drôme, il intègre la BUS à son arrivée à Casablanca. BUS comme Banque Union Sport, grand club omnisport de Casa qui deviendra l’Idéal Club et qui a abrité des footballeurs talentueux comme Larbi Ben Barek et un ailier droit nommé Marcel Cerdan, qui connaîtra la gloire sur un ring.

Henri Grange, le geste sûr.
Henri Grange intègre l’école de basket de la BUS, l’année de son premier titre de champion du Maroc. Il est formé par Serge Lacomare, adepte des stages qu’Emile Frézot, un des techniciens-missionnaires de l’après-guerre, dispensait à Rabat. Le Stade Aimé-Féraud voit les progrès fulgurants de ce jeune homme naturellement élégant d’1,93m qui vont bientôt être reconnus.
Le jeune Henri se fait en effet remarquer sous le maillot de la sélection marocaine lors d’une rencontre face à l’équipe de France en 1952. Robert Busnel et André Buffière, qui ont l’œil averti, le repèrent.
C’est ainsi que Henri intègre l’équipe de France à 19 ans, au tournoi d’Istanbul contre l’Autriche en octobre 1953. Il démontre qu’il n’a pas froid aux yeux. Aux côtés de Jean-Paul Beugnot (20 points), il inscrit d’emblée 11 des 66 points des Bleus. La France reporte ce tournoi relevé pour la troisième année consécutivement.
Henri Grange, premier pied noir marocain en équipe de France, devient rapidement une fierté légitime et un exemple à suivre en Afrique du Nord. Stages et sélections se multiplient, mais la Fédération se met à tiquer pour le coût des déplacements répétés depuis Casablanca.
SEPT TITRES AVEC VILLEURBANNE

Henri Grange, le geste sûr.
La situation ne dure pas longtemps. Grange doit effectuer son service militaire. André Buffière l’aiguille vers Villeurbanne à l’été 1954. Grange n’a pas 20 ans.
Il y fait toute sa carrière. Henri est l’homme de sept titres de champion de France entre 1954 et 1969 et trois Coupes de France. Il figure au second rang du palmarès individuel du club derrière Alain Gilles (8 titres de champion), son successeur dans l’incarnation de l’ASVEL.
« Un athlète aux proportions harmonieuses, au tir limpide, écrit Serge Galichet dans « ASVEL, la vie en vert. » Il allait écrire quelques-unes des plus belles pages d’une histoire qui dure toujours. Il eut la chance d’être entouré de coéquipiers conscients de ce qu’il pouvait apporter à l’ensemble et qui, délibérément, mirent tout en œuvre pour le placer dans les meilleures conditions. Il fut l’un des soleils de l’ASVEL, dont l’éclat éclipsa de nombreux satellites. »
Entré dans une équipe championne de France en titre, qui confirme son rang les deux années suivantes avec des artificiers comme Gérard Sturla, Raymond Sahy ou Henri Rey, Henri Grange prend rapidement la mesure. Il devient le capitaine de route incontesté au moment où l’effectif rajeunit. Après un passage à vide, fait de places d’honneur, l’ASVEL renait à l’ambition à l’arrivée d’Alain Gilles pour quatre nouveaux titres en 1964, 66, 68 et 69.
IL TERMINE SUR L’ÉCHEC DE GENÈVE
Grange impose sa technique fine, affirme son leadership et insuffle l’esprit d’équipe. Il rayonne, avec élégance, sur le Club France au rythme de deux participations aux Jeux à Melbourne, où il est le meilleur marqueur tricolore, et à Rome, les championnats du monde (1954 et 1963) et 4 EuroBasket entre 1955 et 1961. Avec une pointe à 28 points contre le Danemark en 1955.
Il vivra douloureusement sa dernière sélection, la 133ème, malgré une victoire sur la Bulgarie. Elle coïncide avec un échec cinglant pour les Bleus au tournoi pré-olympique de Genève : la France ne se qualifie pas pour les JO de Tokyo et sera absente – pour la première fois – du Tournoi Olympique. Il n’a pas 30 ans et décide de prendre sa retraite internationale.
ALAIN GILLES LUI SUCCÈDE
Il se consacre des lors pleinement à son club, Villeurbanne, et au développement son activité professionnelle, un magasin de sport. Il transmet le témoin à Alain Gilles, son cadet de onze ans, après l’avoir pris sous son aile à son arrivée de la Chorale de Roanne.
« Henri Grange et Colette, son épouse, ont été extraordinaires avec moi, expliqua Alain Gilles. Henri savait fort bien que si je venais à Villeurbanne, c’était pour prendre sa relève. Il arrivait en fin de carrière, une carrière exceptionnelle, et c’était, pour moi, un grand bonhomme. Il aurait pu prendre ombrage de ma présence. Au contraire, il fit tout pour faciliter ma tâche sur le terrain et dans la vie. »

Champions de France 1957
Les deux sont associés dans la conquête de quatre titres de champions et la participation à la Coupe des Champions, que, par un sacré clin d’œil de l’histoire, Villeurbanne démarre en 1967 en seizièmes de finale à… Casablanca. « Quelle aubaine ! a raconté Alain Gilles. Nous sommes partis quatre jours, partageant notre temps entre le tourisme et un fabuleux méchoui sur la plage devant la maison des parents d’Henri. Pour un début en Coupe d’Europe, c’était parfait. Ah oui, nous avons quand même battu Casablanca mais seulement de cinq points (75-80). Il y a heureusement le match retour pour que nous puissions vraiment affirmer notre supériorité. La Coupe d’Europe me paraissait alors une chose facile et agréable. » Il changera rapidement d’avis…
Henri Grange boucle la boucle à 35 ans. « Il termina sa carrière comme un vieux lion, souffrant de rhumatismes, perdant sa crinière, mais capable de rugir de temps à autre et de galvaniser ses jeunes troupes » conclut Galichet.
« LA SYNTHESE DU DON ET DU TRAVAIL »
Lors de son jubilé en 1967, Robert Busnel, l’homme qui l’a découvert, devenu président de la FFBB après une saison d’entraineur au Real Madrid, écrit dans une dédicace dans un album-souvenir :
« Parmi les grandes figures du basket français, Henri Grange prend une place de choix. Sa morphologie longiligne, sa technique parfaite, son adresse, son esprit d’équipe, sa grande valeur morale en ont fait le prototype du basketteur complet. Elégant dans ses gestes, racé jusqu’au bout des ongles, excellent camarade, il reste l’exemple pour les jeunes. Il avait réussi la synthèse du don et du travail pour atteindre ce que, seuls, les êtres d’exception connaissent : la classe ! »

Henri Grange avec le boxeur Ray Sugar Robinson à Lyon. @Serge Galichet)
Lorsque Philippe Vourron lui demande quel est son équipe idéale française « all time », Alain Gilles répond en 1978 : « C’est une équipe de six joueurs : Jean Degros, Roger Antoine, Max Dorigo, Henri Grange et les deux Beugnot, Jean-Paul et Eric. »
Sélectionné en équipe d’Europe en 1965, un an après Roger Antoine, le premier français honoré, Henri Grange entre dans l’Académie du Basket en 2004. Il fait partie du « cinq historique » de l’ASVEL aux côtés d’Alain Gilles, Delaney Rudd, André Buffière et le président Raphaël De Barros.

Entre Alain Gilles et Gérard Moroze en 2008 lors des 60 ans de l’ASVEL.
Sources : « Alain Gilles, monsieur basket » (Philippe Vourron/Alta Sport), « ASVEL, la vie en vert » (Serge Galichet/Horvath).
L’un des derniers joueurs français de haut niveau à tirer les lancers-francs « à la patate »…. Ce qui avait conduit notre professeur d’EPS (M. CONJAT) à le mimer sur un des deux panneaux du terrain de basket de la cour du lycée « Amiral de Grasse »… Le « fils GRANGE », également basketteur de haut niveau, n’a pas connu un parcours aussi glorieux….
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