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[Portrait] Vincent Collet en culotte courte

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

En cette rentrée 2020, pour la première fois depuis ses plus tendres années, Vincent Collet vit un début de saison particulier : il n’éprouve pas le stress, ni l’excitation de la préparation d’une saison. Car avant de devenir le coach de l’équipe de France (en 2009) et l’entraîneur le plus titré du basket français, Vincent Collet a manié la balle orange. Avec un certain talent et avec, très tôt, ancrée en lui l’idée de devenir entraineur. Retour sur cette période…

Au début, il y a une cité, Montivilliers, près du Havre, 12  000 habitants, que serpente une rivière, la Lézarde, et dont le maire est à ce moment-là, Jules Collet, le grand-père.

Au début, il y a un club, l’Amicale Laïque de Montivilliers, une vocation jamais démentie de club formateur de jeunes, et un international, Jean-Pierre Galais, (une sélection en 1965 à moins de 17 ans et qui reste le plus … petit des sélectionnés avec 1,68m).

Au début, il y a un homme, André Collet, le père, l’homme-orchestre du club pendant 75 ans, joueur en Nationale 2, puis entraineur, puis président. Une tribune porte son nom dans la salle Sibran. C’est lui qui y a entrainé et hébergé Jacques Cachemire à 19 ans, alors transfuge de l’ASPTT Rouen (section athlétisme), avant qu’André Buffière le repère et le récupère au SA Lyon en 1968. Vincent a cinq ans.

La voie et la passion de Vincent Collet sont donc vite et bien tracées. D’autant qu’il peut s’entrainer sur un panier installé dans la cour familiale. D’autant qu’il démontre d’emblée de bonnes dispositions, se montrant à la fois clairvoyant et adroit. Il y ajoutera toute sa carrière durant une grande capacité de travail et une détermination sans faille.

Flanqué du n°13 en hommage à Wilt Chamberlain et Jacques Cachemire, Vincent gagne deux titres de champion de France chez les jeunes  : en minimes (1978) et en juniors face au favori, l’AS Denain de Valery Demory en 1981 alors qu’il joue en Nationale 3  : «  Ce sont mes plus beaux souvenirs. Ils sont à jamais gravés dans ma mémoire. C’était une fabuleuse aventure humaine  ». Il savait déjà, alors, qu’un jour il entrainerait, comme pour perpétuer une tradition familiale. «  Quand j’étais cadet, je m’occupais déjà des poussins formés par mon père. Et même quand j’ai fini ma carrière de joueur au Havre en pro B (en 1998), je surveillais les minimes  ! A Montivilliers, on n’avait pas d’entraineur, mais on a été champion de France minimes et juniors. Ce qui est assez incroyable, car c’était une petite ville.  »

SON (SEUL) TITRE D’ENTRÉE

Vincent Collet face à Jean-Michel Sénégal. (Maxi Basket/P. Bruneau).

C’est peut-être précisément ce 24 mai 1981, que le destin du jeune Vincent se joue. C’était jour de finales chez les jeunes à Saint-Laurent-de-la-Plaine, dans le Maine et Loire. La SIG gagne aisément contre l’AS Montferrand chez les cadets. A la fin du match, Bob Purkhiser, l’exceptionnel joueur-entraîneur du SCM Le Mans, descend des tribunes pour féliciter les jeunes Alsaciens dirigés par Patrick Lazare, Eric Occansey en tête. Mais le coach a une autre idée en tête  : il est venu superviser, chez les juniors, Vincent Collet qui l’intéresse. Le meneur, éblouissant, survole la finale. Le coach, qui l’avait fait venir au Mans plus tôt dans la saison pour un essai, valide définitivement son choix. Collet signe quelques jours plus tard au Mans et franchit le Rubicon à 18 ans. Tant pis pour Jean Galle qui l’avait approché un an plus tôt pour Caen. Refus des parents  : c’est le bac d’abord!

C’est, à l’évidence, le meilleur choix  : avec Floyd Allen, Bill Cain, les frères Beugnot, Bob Wymbs, Jacky Lamothe comme coéquipiers, Vincent Collet débute en Nationale 1 dans les meilleures conditions. Purkhiser le prend sous son aile et le fait travailler en séances individuelles. Vincent est grand, adroit, mais pas très athlétique, du coup, il doit forcer les choses  : il devient le back up de Gregor Beugnot et contribue joliment (15 ‘ de temps de jeu en moyenne) au titre de champion de France, en 1982, devant Limoges et Orthez. Une entrée en fanfare dans le métier  ! «  Je serai toujours reconnaissant à Bob Purkhiser pour ce qu’il a fait pour moi  ». Dès sa première saison, ce sera son premier titre comme joueur, mais aussi le seul.

1981/82, l’équipe du titre avec, de gauche à droite, debout : Jean-Marie Conter, Floyd Allen, Bill Cain, Eric Beugnot, Jacky Lamothe, Bob Wymbs, Bob Purkhiser (coach). Accroupis : Patrice Fresnais, Bruno Ruiz, Vincent Collet, Gregor Beugnot, Daniel Owen. (Archives MSB)Les festivités du titre battent son plein lorsque survient un drame  : Bob Purkhiser trouve la mort dans un accident de la route. Plus rien ne sera pareil. Le club ne trouvera plus une telle harmonie avant des lustres.

Car la gestion du titre est délicate. Dennis Ozer, le coach, est remercié dès octobre, Bill Cain joue et entraine. Collet, qui s’est inscrit à des cours de langues à la fac du Mans, en paye le cumul sur le terrain. Il ne se sent pas bien, au point d’envisager de revenir à Montivilliers. Il avale beaucoup de basket, joue même en équipe-réserve. Le SCM Mans sauve une place sur le podium (2° en 1983, 3° en 1984), mais globalement vit avec difficulté l’irrémédiable passage vers le professionnalisme. Le club glisse insensiblement, malgré l’arrivée de jeunes talents comme Stéphane Ostrowski ou Jacques Monclar.

Mais Vincent Collet reprend le dessus. Chaque été, nourri par les conseils de Kenny Grant ou Lloyd King, il se construit un programme de travail intensif pour combler ses lacunes et progresser. «  Je ne suis pas fort physiologiquement, je ne suis pas doué. C’est ma seule chance de réussir  ». En mai 1983, Maxi – Basket le place parmi les trois meilleurs jeunes Français nés en 1963 avec Valéry Demory (Stade Français) et Bruno Lejeune (St Brieuc).

La quatrième saison, il prend les rênes de l’équipe sur le terrain et est reconnu dans le All Stars Espoirs avec Valery Demory (Challans), Christian Garnier (Stade Français), Frank Butter (Limoges) et Guy Prat (Vichy), mais il décide de partir à Caen où Jacky Lamothe joue et entraine. Il y vit une année douloureuse  : dernier de la saison régulière et relégation après les phases finales. «  Caen, c’est une erreur de jeunesse  ».

ALAIN GILLES, SON IDOLE, LE RECRUTE

Cap sur Villeurbanne, autre club historique alors en quête d’un nouveau modèle. Le coach Alain Gilles, un de ses modèles, le veut alors que Collet envisage de revenir au Mans. Vincent y est sensible, d’autant qu’il retrouve Eric Beugnot. Il réussit son entrée. L’équipe est solide avec Norris Bell et Willie Redden, atteignant les demi-finales face au futur champion, Orthez. Il sait se montrer adroit  : il bat le record des paniers à trois points à Voiron en février 1986 (6/6) et réussit un 8/11 à trois points contre le Stade Français en Coupe de la Fédération.

Mais c’est par un coup d’éclat tonitruant que Collet, à 23 ans, entre dans la légende du club,  le 13 janvier 1987. La semaine précédente, en quarts de finale de la Coupe des Coupes, à Badalone, la Juventud, dirigée par Alfred Julbe (l’éphémère coach de Limoges en 2019) l’avait emporté de 15 points. Au retour, l’ASVEL mène de 15 points à 3 secondes de la fin mais Villacampa bénéficie de deux lancers-francs. Il rate le premier, mais marque le second. Villeurbanne est virtuellement éliminée. Mais il reste une petite chance… Remise en jeu, ligne de fond, par Eddy Lamy qui passe aussitôt à Collet. Un, deux, trois dribbles. Masqué, il n’a pas d’autre option qu’un tir d’une quinzaine de mètres depuis son camp. Le 7 vert arme au moment où Magall veut s’interposer. Il tire. Panier  ! Et qualification pour les demi-finales (105-88)  ! La Maison des Sports est en délire. «  J’avais le poignet dans l’axe. C’était un vrai shoot  » analysera-t-il. Quelques semaines plus tard, à Gerland cette fois et devant 10  000 spectateurs, l’ASVEL ne peut rien contre le Cibona Zagreb, supérieurement emmené par Drazen Petrovic (32 points à Lyon à l’aller).

Par la suite, l’ASVEL enchaine les places modestes eu égard à son histoire (6° en 1988, 8° en 89, 7° en 90) avant de connaitre, tout comme Le Mans quelques années plus tôt, de sérieuses difficultés financières.

Après quatre années dans le Rhône, Collet revient au Mans qui remonte parmi l’élite avec Tom Becker aux commandes avant de passer le témoin à Jean-Luc Monschau. Là aussi le club sera en proie à des difficultés financières. Le SCM deviendra le MSB en 1994. Vincent y passe cinq saisons pleines à titre individuel, mais confiné dans la seconde partie du tableau  : 13°, 12°, 11°, 13° entre 1991 et 1994.

Vincent Collet sous le maillot de Villeurbanne (Maxi Basket/ G. Gandolfi)

A 31 ans, il descend d’un cran, en pro B, pour retrouver sa région en signant au STB Le Havre pour cinq saisons, imité par Olivier Hanquiez qui fut au demeurant son coéquipier pendant sept saisons. Avec une troisième place en 1996, la meilleure de son passage havrais.

Au final, une solide carrière dans l’élite  : 364 matches en Nationale 1/pro A et 120 en pro B, sans parler des Coupes (Europe, Fédération, France). Avec près d’un millier de passes décisives en pro A (989), il fait partie des vingt meilleurs français de l’histoire.

«  Et s’il fallait tout recommencer, que ferais-tu  ?  » A cette question posée en décembre 1985 par Maxi-Basket, Vincent Collet répond  : «  Je partirais au moins deux ans dans une université américaine. Parce que de toute façon, on joue très peu les deux premières années en France en Nationale 1 à moins d’être un super. Et il n’y a pas de meilleure école que celle du basket américain.  »

Et l’équipe de France  ? Vincent Collet fut certes international chez les jeunes (cadets, juniors en compagnie de Philippe Hervé, Christian Garnier, Valery Demory), et appelé en équipe de France espoir et B, présélectionné en A en vue du Tournoi à La Havane en avril 1984, mais n’a jamais été sélectionné en équipe de France. Pour cause de fatale concurrence à son poste. Successivement, Alain Larrouquis, Fred Hufnagel, Gregor Beugnot, Jacques Monclar, Jean-Michel Senegal, Valery Demory voire Pierre Bressant lui ont été systématiquement préférés par les sélectionneurs. Un regret à l’évidence.

Pour l’anecdote, il se consolera en intégrant, en «  guest star  », l’équipe de France des …. Vétérinaires, via un ami manceau, lui offrant quelques week-ends d’escapade gastronomiques, en Alsace notamment, pour des rencontres amicales.

Comme c’est souvent le cas pour les arrières, Vincent Collet, passionné par son sport, sut très tôt qu’un jour, il entraînerait. Pour se préparer, il a régulièrement suivi des clinics de coaches réputés et a encadré des équipes de jeunes dans les clubs traversés, ainsi qu’aux camps de basket «  Sport Elite Jeunes  » de Jacky Chazalon durant les vacances scolaires, camp qu’il a d’ailleurs fréquenté comme stagiaire en étant adolescent. «  Il avait 17 ou 18 ans, explique Jacky qui l’avait recruté comme éducateur dans ses camps, c’était quelqu’un de très droit, très net, qui avait soif d’apprendre et de comprendre les gens. Il est resté le plus clair de tous les entraineurs, un vrai, un pur de dur.  »

APPELÉ PAR ALAIN WEISZ

La bascule vers le coaching s’opère à l’intersaison 1998. Philippe Sudre, adjoint d’Alain Weisz au Mans, rallie la DTN. Il faut le remplacer. Christian Baltzer, le nouveau président, et le coach s’accordent rapidement sur le nom de Collet. Alain Weisz commente dans son livre  : «  C’est un garçon que je connais depuis qu’il a quinze ans. Il jouait à Montivilliers, le club de son père. En cadets, lors d’un tournoi à Villeurbanne où je coachais Sceaux, il m’avait impressionné et je ne l’avais pas oublié. Au point de suivre plus attentivement sa carrière. J’avais voulu le faire venir à Sceaux quand nous étions montés en pro A, mais l’affaire avait capoté au dernier moment. Nos routes s’étaient encore croisées à un examen du brevet d’Etat. Membre du jury, j’avais été plus que séduit par un de ses exposés. Simple, clair, documenté, brillant, le travail avait mérité la note de vingt sur vingt. Une performance rare. Derrière le très bon joueur se cachait déjà un remarquable entraîneur. Vincent accepte donc de tirer un trait sur sa dernière année de joueur pour prendre des responsabilités d’encadrement. Une sage décision qu’il ne regrettera jamais. Moi non plus  ! Durant deux saisons, ce n’est que du plaisir et du bonheur de travailler avec lui  : humainement et professionnellement, nous sommes sur la même longueur d’onde. En harmonie. A l’heure de mon départ, les dirigeants manceaux lui offrent tout naturellement ma succession …  ».

On est en 2000. La carrière de coach au plus haut niveau français de Vincent Collet débute …

LA CARRIÈRE D’ENTRAÎNEUR DE VINCENT COLLET (SITUATION À AOUT 2020)

1998-2000  : Le Mans (assistant)

2000-2008  : Le Mans

2008-2010  : Villeurbanne

2011-2016  : SIG Strasbourg, oct 2016- 2020  : SIG Strasbourg

Équipe de France  : assistant en 2002/2003, entraineur depuis mars 2009

Palmarès en club  :

Europe  : finaliste de l’Eurocup 2016 (SIG Strasbourg)
Pro A/Jeep Elite  : champion de France 2006 (Le Mans), 2009 (Villeurbanne), finaliste en 2013, 2014, 2015, 2016, 2017.
Premier de la saison régulière  : 2004, 2005 (Le Mans), 2014 (SIG Strasbourg).
Semaine des As/Leaders Cup  : vainqueur en 2006 (Le Mans), 2010 (Villeurbanne (2010), 2015, 2019 (SIG Strasbourg), finaliste en 2013 (SIG Strasbourg).
Coupe de France  : vainqueur en 2015, 2018 (SIG Strasbourg).
Entraineur de l’année  : 2001, 2004, 2015, 2016.

Palmarès en sélection  :

Coupe du monde  : bronze (2014, 2019)
EuroBasket  : or (2013), argent (2011), bronze (2015)

Sources  : Maxi-Basket, «  Passion basket, mémoires d’un coach  », Alain Weisz/Ramsay, Françoise Inizan/l’Equipe Magazine.

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About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

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