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L’Euro des Bleues 1964 – Cauchemar à Budapest

Eurobasket

Montage Une : L. Rullier pour Basket Rétro

Lorsque qu’est sifflé l’entre deux du premier match, le 6 septembre 1964, le monde du sport à déjà les yeux tournées vers le soleil levant où la flamme olympique illuminera le ciel tokyoïte un mois plus tard. Ce championnat d’Europe du basket des filles de l’autre côté du rideau de fer en Hongrie, tout le monde s’en fout. Cinq mois auparavant l’équipe de France a disputé un Mondial au Pérou où elle a fini à la dixième place avec un bilan de 3V/5D jugé honorable compte tenu des circonstances. En effet, il a fallu l’insistance des Péruviens qui tenaient à avoir les « petites Françaises »* . Les « autorités », ministère et fédération, se seraient bien épargnées de telles dépenses, mais ont fini par céder à l’invitation deux mois avant la compétition.

*voir l’interview de Nicole Pierre-Sanchez

La coache Georgette Coste, (première femme à la tête d’une sélection), dirige une équipe largement remaniée et rajeunie, (23 ans de moyenne), par rapport à celle du voyage andin. Six joueuses sur douze ont été remplacées, dont les piliers Ginette Mazel et Jacqueline Cator. Parmi les nouvelles venues se distingue une jeune Clermontoise de 19 ans, Jacqueline, dit Jacky, Chazalon.

Nicole Rober,n°14, et Danielle Robert, n°7, au rebond.

Après 12 jours de préparation les Bleues rejoignent Budapest où les dix équipes qualifiées sont réparties en deux groupes de cinq. Les seules deux formations d’Europe de l’Ouest, la France et l’Italie sont séparées. A chacune ses propres bourreaux. Les rencontres se déroulent en plein air dans un stade de football, sur un parquet installé au centre du terrain de foot, bien loin des premiers rangs de supporters. Innovation technique qui surprend la coache française, une grande horloge des trente secondes est installée pour permettre aux joueuses et au public de voir l’écoulement du temps de possession si important en fin de match. Surtout lorsque le score est serré comme lors du premier match des Bleues faces aux Roumaines qui savent gérer les 28 dernières secondes pour souffler la victoire aux Françaises, 41/42. Il pleut le jour de l’affrontement contre l’hôte hongrois. Le match est déplacé dans une salle. Georgette Coste crie à l’injuste de devoir jouer contre les locales dans une salle où les supporters sont plus proches et plus bruyants. Difficile d’imaginer que ce soit la seule raison de la sévère défaite qui s’en suit, 40/62.

Le troisième match offre l’adversaire cauchemardesque, les ogresses soviétiques de la géante Salimova, 2,01 et de la « meilleure joueuse du monde », la lettonne Skaidridite Smildizina, capable de jouer aussi bien à l’intérieur que sur les ailes du haut de son 1,90 m. Chazalon a beau se démener, 9 pts, la note est sévère, 34/71. Le dernier match de la phase de groupe n’apporte guère plus satisfaction au clan tricolore en se soldant par une nouvelle défaite contre la Yougoslavie, 43/54. La France n’a plus qu’un match à jouer contre la nation fannie de l’autre groupe, l’Italie. Et même là ça ne passe pas. Vaincues 43/50, les Bleues terminent donc sans aucune victoire à la dernière place d’un tournoi qui s’achève une fois de plus par l’Union Soviétique sur la plus haute marche du podium après avoir battu dans la difficulté une belle équipe Bulgare. La Tchécoslovaquie s’empare de la médaille de bronze aux dépends de ces Roumaines qui nous avaient battus que d’un petit point le premier jour.

Les Soviétiques à la manoeuvre.

« Il devient impossible de lutter contre des adversaires qui, selon les paroles de l’un de leurs entraîneurs, ressortent d’un véritable professionnalisme d’Etat. » – Georgette Coste

En 1964, le basket français entre dans ce tunnel dont il ne verra l’issue qu’au milieu des années 80. Les garçons ne se qualifient pas pour les Jeux Olympiques pour la première fois depuis que la balle orange se pare des anneaux aux cinq couleurs. Ils n’y retourneront que vingt ans après. Les filles, elles, pratiquent dans l’anonymat le plus complet. L’amateurisme total servi par un bénévolat dévoué est la règle. Espérer jouer à armes égales contre ces filles des pays de l’Est plus grandes, plus fortes et mieux entraînées, relève de l’utopie. Georgette Coste se pose même la question : « L’équipe de France doit-elle de continuer à participer à ces compétitions ». Pourtant si l’écart semble insurmontable, il y a quelques motifs de satisfaction. Les Françaises sont jeunes. Elles ont des qualités physiques jamais vues auparavant et deux pivots de grande taille, Auxiètre et Martin, toisant à 1,87 m. Mais Georgette Coste envie la préparation des Roumaines avec le leur stage de quatre mois et surtout la réunion de quatre joueuses du cinq majeur bulgare au sein d’un même club, le Slavia Sofia, champion d’Europe en titre, pour poser les bases d’un jeu collectif efficace. Peut-être l’ignore-t’elle encore, mais cette bonne idée germe déjà en Auvergne du côté de Clermont-Ferrand. Elle fera fleurir la magnifique équipe du CUC, un tournesol lumineux qui éclairera un temps le basket et le sport français en général, enveloppé par la pénombre.

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About Laurent Rullier (91 Articles)
Le premier match de basket que j'ai vu en live était un Alsace de Bagnolet vs ASVEL. Depuis la balle orange n'a pas arrêté de rebondir dans ma p'tite tête.

1 Comment on L’Euro des Bleues 1964 – Cauchemar à Budapest

  1. Avatar de Inconnu tenderlydope056fa8f69c // 26 juin 2025 à 11 11 55 06556 // Réponse

    Merci Laurent,Comme j’avais deux ans cette année là je ne m’en rappelle pas!!!A noter que Jacqueline Verots et sa fille Christelle Mijoule (trois sélections en 2001) forment un des trois duos mère-filles internationales seniors de Basket.Sauf erreur de ma part il n’y a en a en effet que deux autres: Anne-Marie Colchen-Maillet / Marie Christine Maillet-Decker et Françoise Quiblier-Bertal / Elodie Bertal-Christmann.

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