La saison 2011-12 a vu l’Elan Chalon réaliser une saison que seul Pau a réussi à faire en 2001-02 : remporter les trois trophées nationaux durant la même saison (championnat, coupe de France et Semaine des As). Retour sur cette épopée chalonnaise à la conquête du championnat Français.

Difficile de ne pas évoquer l’ASVEL, le CSP Limoges ou Pau-Orthez lorsque le sujet des meilleures équipes de l’histoire du championnat de France est mis sur la table. Pourtant, parmi tous ces poids lourds de la LNB, se glisse un marché plus petit, une ville moins connue du nom de Chalon-sur-Saône. Son succès relativement récent a placé cette ville de 40 000 habitants sur la carte (du moins, celle des fans de basketball). En 2011-12, les rouges et blancs ont réalisé, à la surprise générale, l’une des plus grandes saisons de l’histoire du basket Français.

Fondé en 1955, l’Elan sportif Chalonnais (de son vrai nom l’Association Sportive Chalonnaise fondée en 1935) fait ses débuts en nationale 2. L’ascension fut longue, entre un titre de Champion de France N3 en 1978 et un ascenseur interminable entre la N1 et la N3 dans les années 1980. Ils parviennent enfin à monter en Pro B pour la saison 1993-94 avec Philippe Hervé en tant que joueur et acquièrent le statut de club professionnel au passage. Par la suite, la montée arrive plus rapidement et ils accèdent à la Pro A pour la saison 1996-97 avec cette fois Philippe Hervé en tant que coach. Dès 2001, l’équipe inaugure sa nouvelle salle, le Colisée, réputée comme l’une des plus bruyantes de France. Après quelques passages de légendes notamment Udonis Haslem, le meilleur rebondeur de l’histoire du Miami Heat, ils s’installent petit à petit comme une équipe sérieuse de Pro A, bien implantée et sans réelle crainte de redescendre. Les choses sérieuses commencent.

LA SAISON 2009-10, LE POINT DE BASCULE VERS UNE ERE VICTORIEUSE

C’est durant cet exercice 2009-2010 que la transition s’est effectuée, que les premières pierres qui vont constituer les piliers de leur succès ont été posées. Autour d’un groupe solide et soudé, dont l’alchimie est quasi parfaite en conservant le même noyau dur au fil des années.

A l’aube de la saison 2009-10, Blake Schilb débarque en provenance de l’ERA Nymburk en République Tchèque. Les dirigeants tiennent désormais leur joueur star autour de qui construire l’équipe. Puis, dès l’année 2010-11, le roster s’étoffe d’avantage sur le front court avec l’arrivée de cadres tels que l’ailier Ilian Evtimov (du Fraport Skyliners en Allemagne) ainsi que des intérieurs Alade Aminu (des Bakersfield Jam aux Etats-Unis) et Michel Jean-Baptiste Adolphe dit « JBAM » (du Paris Levallois). S’ajoute à cela sur le back court le retour de Steed Tchicamboud (du SLUC qui avait porté les couleurs chalonnaise lors de ses trois premières saisons professionnelles en 1999-2001et d’ailleurs médaillé d’argent avec l’Equipe de France à l’euro 2011), Bryant Smith (des UNAHOTELS Reggio Emilia en Italie). De même, les jeunes talents n’étaient pas en reste grâce à un centre de formation de qualité qui a ajouté Nicolas Lang, Jordan Aboudou et Jauffrey Lauvergne à un effectif déjà plus que fourni. En revanche, cette vague de renouveau pousse les meilleurs joueurs des dernières saisons vers la sortie : exit Taj Gray (parti à l’UCAM Merica en Espagne) Jerome Tillman (parti au Syntanics MBC en Allemagne) et Marquez Haynes (parti à Gran Canaria en Espagne) ; place à une nouvelle ère, la meilleure de l’histoire du club.

L’équipe remodelée apporte déjà quelques résultats prometteurs notamment en Coupe de France où ils remportent ainsi le premier titre de l’histoire du club (en première division) sur une victoire 79-71 contre le CSP Limoges. Malgré un bilan de 20 victoires pour 10 défaites et une 3ème place en PRO A cette année-là, la marche est trop haute et ils sombrent dès le premier tour des play-offs contre l’ASVEL (1-2). Le groupe ne compte pas se satisfaire du trophée Robert Busnel (Coupe de France) pour attaquer la saison suivante. Cependant, il manque quelques éléments pour vraiment monter en régime. Le marché des transferts est cette fois plus discret mais c’est tout juste ce qu’il faut pour se renforcer tout en gardant le même groupe. C’est ainsi qu’ils signent Malcolm Delaney pour sa toute première saison professionnelle (sortant d’un cursus de 3 ans en NCAA sous le maillot des Hokies de Virginia Tech). Arrive également Ulysse Abjagba (montant des espoirs) en tant que dernier joueur de ce collectif resté dans les annales.

LA SAISON REGULIERE, UN LONG PERIPLE

C’est avec le dixième budget du championnat (sur 16 équipes) que l’Elan est parti pour cette saison 2011-12. Un long périple avant de trouver le succès, ce que rappelle bien Ilian Evtimov (ailier dont le numéro 12 est retiré au plafond du Colisée) :

Quel est votre souvenir le plus marquant de cette saison devenue mythique ?
« Mon souvenir le plus marquant est de se faire huer après une deuxième défaite (de plus de 20 points) d’affilée en début de saison, pour remettre l’église au milieu du village et devenir une vraie équipe. C’est le moment où l’équipe s’est faite. Le résultat était un chef d’œuvre, jouant comme une parfaite symphonie. Chacun connaissait son rôle, ses qualités et une confiance absolue en l’autre. On pouvait jouer les yeux fermés, on était inarrêtables. Le plus marquant était évidemment le dernier buzzer de la finale, où une longue saison s’est conclue par une victoire et trois titres en plus du titre de vice-champion de l’Euro challenge. » 

En effet, leur début de saison est à l’opposé total du reste : très décevant. Mais petit à petit, les réactions ne tardent pas à venir et l’Elan s’installe comme la saison précédente dans les places fortes de Pro A aux côtés des cadors de l’époque Gravelines-Dunkerque porté par Andrew Albicy (1er) ou encore Orléans et Amara Sy (3ème). Comme les équipes jouant les premières places du championnat, le calendrier est plus chargé avec une aventure Européenne. Trois joueurs parviennent à être All Star, Ilian Evtimov titulaire et Steed Tchicamboud remplaçant du côté Français, et Blake Schilb titulaire chez les étrangers.

Il est vrai qu’en prenant du recul, les Chalonnais possédaient une écurie qui n’était pas taillée dans la même pierre que les autres équipes. Une concentration de gros noms, à tout âge et tout stade de leur carrière, avec un 5 majeur composé de Steed Tchicamboud, Malcolm Delaney, Blake Schilb, Ilian Evtimov et Alade Aminu ; puis une seconde unite ajoutant Bryant Smith, Nicolas Lang, Jordan Aboudou, Joffrey Lauvergne et JBAM. Comme si cela ne suffisait pas, même l’équipe espoir pouvait faire monter du talent en renfort (voir la suite).

L’exercice 2011-12 a tout de même été rythmé par quelques performances que cela soit en Championnat de France ou en Coupe d’Europe (Eurocup) notamment le 8 novembre 2011 où ils repartent avec la victoire contre Napoca (85-81) porté par 33 points d’un Malcolm Delaney bouillant (record de la saison pour l’équipe), une victoire remise au 29 du même mois (83-74) cette fois par 13 caviars de Steed Tchicamboud (également un record de la saison). Des performances offensives certes mais sans oublier Alade Aminu en grand patron de la défense bourguignonne qui a réalisé le record de rebonds (14 dans une défaite contre Le Havre 81-80 le 21 janvier 2012), d’interceptions (5 dans une victoire 104-76 contre Hyères-Toulon le 14 janvier 2012) et également de contres (4 dans une victoire 81-51 contre Poitiers). Pour ce qui est de la saison en coupe d’Europe, les tours préliminaires ont été d’un niveau trop élevé et l’Elan s’est incliné contre le Cedevita Zagreb après avoir pourtant remporté le match allé (78-73), le retour aura été une correction (84-69). Mais leur chemin ne s’arrête pas là pour autant puisqu’ils sont conviés pour l’Euro Challenge (troisième Coupe d’Europe). Ils sortent 1er du Groupe avec 5 victoires pour 1 petite défaite, puis une nouvelle fois premier de groupe de la deuxième partie de saison (bilan de 3 victoires et 3 défaites) et se qualifient pour les phases finales.

LA SEMAINE DES AS, UN AVANT GOUT DU SUCCES

Comme chaque saison, la semaine des As (actuelle Leaders Cup) réunit les huit premiers du championnat afin de faire un tournoi de mi-saison, de sorte à donner un avant-goût du niveau avant le dernier virage de fin de saison puis les play-offs. Parmi une équipe espoir regroupant de gros noms comme Clint Capela, David Michineau, Mathias Lessort, Axel Bouteille ou encore Assane Ndoye, c’est finalement Yakuba Ouattara et Ulysse Adjagba qui montent en tant que renfort. L’Elan se défait du Paris Levallois (92-84) avant de rouler sur le SLUC Nancy (106-66) puis remporte la finale contre le BCM Gravelines-Dunkerque (73-66), au terme d’un match où Blake Schilb est élu MVP du tournoi. C’est ainsi qu’ils remportent leur premier trophée de la saison.

Par la suite, durant le mois d’avril et de mai se tient les phases finales de la Coupe de France. Et comme à son habitude, l’Elan ne fait pas de quartier et s’impose contre Saint-Vallier en huitième de finale (98-64), puis contre Roanne en quart de finale (75-56), contre Cholet en demi-finale (83-79) et retrouve le CSP Limoges le 20 mai 2012 pour la deuxième année consécutive en finale et réalise le doublé (83-75).

En parallèle, ils jouent aussi les phases finales de l’Euro Challenge. Après un quart de finale contre la Chorale de Roanne (encore une fois) serré mais maitrisé sur le score de 2-0 (75-73 puis 78-76), ils accèdent au final four à Debrecen en Hongrie. Le 27 avril, la demi-finale les oppose aux Russes du Triumph Lyubertsy, vaincus sans grande difficultés (84-69). Puis deux jours plus tard, ils retrouvent en finale un poids lourd du basket Européen, les Turcs du Besiktas JK. Cette fois, la marche est trop haute face à un roster bien plus fourni autour de Deron Williams, Carlos Arroyo ou encore Adam Morrison le tout orchestré par Ergin Attaman. Ils se contentent du titre de vice-champion d’Europe (défaite 91-86). Les Chalonnais n’ont pas à rougir pour leur première vraie épopée européenne. Il reste encore un autre morceau auquel s’attaquer : les play-offs afin de boucler une saison presque parfaite.

16 JUIN 2012, LA CONSECRATION

Avec leur deuxième place en championnat, ils sont opposés à la Chorale de Roanne (jamais deux sans trois) et le résultat est cette fois sans appel avec une nouvelle fois une série remportée 2-0 (victoire à domicile 91-70 puis 85-74 à l’extérieur). La demi-finale contre Orléans est quant à elle bien plus corsée poussant Blake Schilb & co au bord du précipice face au duo Amara Sy-Cedric Banks. En effet, après un succès au match 1 à domicile (70-65), ils essuient un revers à l’extérieur lors du match 2 (74-78) et se retrouvent à la maison pour le match 3 décisif. Chalon espérait un match à l’image du premier, mais la rencontre a vite tourné au cauchemar puisqu’Orleans a dominé de la tête et des épaules la rencontre. C’est alors que Gregor Beugnot et ses hommes ont réalisé sans doute l’un des plus beaux matchs de la saison avec un comeback exceptionnel. A 5 minutes du terme, ils accusaient encore un retard de 14 points. Les Orléanais se voyaient déjà mettre les pieds en finale, mais c’est sans compter le mental à toute épreuve de l’Elan qui revient dans la partie. Avec un score de parité dans les derniers instants, c’est Blake Schilb (sur un lay-up à 2 petites secondes du buzzer final) qui vient inscrire le panier de la délivrance. Gregor Beugnot revient notamment sur ce comeback en expliquant que l’équipe était prête pour renverser la vapeur.

D’où vous est venu (vous et votre équipe) ce déclic afin de réaliser ce comeback dans un match d’anthologie certes mais où Chalon s’est fait mener la majeure partie de la rencontre ?
« Dans les fins d’entraînements, lorsque les joueurs sont fatigués, on révise les scénarios (comme les deux options de Blake sur cette dernière action devenue mythique). Par exemple : il reste 10 minutes et vous gagnez de 10 points. Il reste 10 minutes et vous êtes 10 points derrières… Tous les scénarios sont travaillés au moins une fois par semaine. »

Vient alors la finale, en ce 16 juin 2012, jour de consécration. Le résultat d’une saison de dur labeur et de gloire. La dernière étape vers une saison qui peut les faire rentrer dans l’histoire. Chalon n’a pas le droit de perdre. La finale se joue encore en match sec. C’est toute une ville qui se vêtit de rouge et de blanc, prête à ouvrir une nouvelle page pour leur première finale mais surtout leur premier titre de champion de France. Music de John Miles retentit une dernière et ultime fois au Colisée pour clôturer cette année tout simplement titanesque. En face se dresse Le Mans, et ni Taylor Rochestie, ni JP Batista ni Charles Kahudi n’ont pu espérer quoi que ce soit face à la ferveur chalonnaise. Cette fois, pas de comeback en tête, ils n’attendent pas pour creuser l’écart en menant de 24 points à la mi-temps. La finale aura été… à sens unique, résultat : 95-76. Le collectif est léché et la marque très bien répartie. 6 joueurs sont au-dessus des 10 points (Blake Schilb 20 points, Ilian Evtimov 15 points, Steed Tchicambou 14 points, Nicolas Lang 14 points, Malcolm Delaney 12 points et Alade Amniu 10 points).

Qui d’autre pour recevoir le trophée de MVP que Blake Schilb (20 points, 5 rebonds, 10 passes et 30 d’évaluation), qui voit sa carrière décoller au rang de joueur star du championnat de France. Les joueurs ouvrent enfin leur palmarès avec un trophée majeur ; mais aussi le coach qui avait échoué à cinq reprises en finale du championnat de France avec l’ASVEL.

Sachant que vous avez connu une carrière de joueur plutôt riche (plusieurs fois All Star, vainqueur de la Coupe des Coupes avec le CSP Limoges) et que vous avez même atteint le Final Four de l’Euroleague par la suite en tant que coach… que représente cette saison 2011-12 à vos yeux ?

« Lorsque vous emmenez votre équipe au bout d’une compétition (car nous avons fait la finale de la coupe d’Europe cette année-là) et que vous gagnez trois trophées, il nait obligatoirement beaucoup de respect, plaisir, de joie et de fierté qui nous procurent des souvenirs indélébiles.
C’est marrant car les joies obtenues en tant que joueur sont complètement différentes de celles obtenues en tant que coach. Donc en tant que joueur, ce serait vainqueur de la coupe d’Europe, et coach cette saison 2011-12. »

Evidemment, l’Elan voit ses joueurs et son coach se faire récompenser : Gregor Beugnot est élu Coach de l’année, et Blake Schilb est nommé MVP étranger de la saison.

LES SAISONS SUIVANTES

Par la suite, Chalon se voit promu en Euroleague, la meilleure compétition européenne, une expérience presque inespérée. Face à des équipes d’un tout autre niveau tel que l’Alba Berlin, le Macabi Tel-Aviv ou encore Malaga, ils passent à un match de se qualifier pour la deuxième partie de saison. En revanche, l’Elan paye fort son prix de petit marché et ses meilleurs joueurs commencent à rêver plus grand en partant ailleurs. Malcolm Delaney (Budivelnik Kiev), Joffrey Lauvergne (Valence puis Partizan Belgrade) et Alade Aminu (Pinar Karsiyaka) quittent le navire dès 2012-13. Puis c’est au tour de Blake Schilb de partir la saison suivante (Etoile Rouge de Belgrade).

Ils restent quand même parmi les cadors du championnat de France (3ème avec un bilan de 18-12) grâce à d’autres signatures comme Brion Rush (Krasnye Krulia), Shelden Williams (Brooklyn Nets), Cedric Banks (Turk Telecom), Marcus Denmon (première saison professionnelle) en plus du centre de formation qui fait monter Clint Capela et Yakuba Ouattara.

L’équipe se maintient à un bon niveau en Pro A et retrouve le chemin du succès cinq ans plus tard avec un autre titre de Champion de France en 2017. Peu d’équipes peuvent se targuer de plusieurs titres de Champion de France, l’Elan en fait partie, et l’a fait dans un court laps de temps. La décennie 2010 aura vu Chalon-sur-Saône s’installer au rang des meilleures villes de basket aux côtés de Nanterre, le CSP Limoges ou encore l’ASVEL et la SIG.

 LE TRIPLE HISTORIQUE DE L’ELAN CHALON EN INFOGRAPHIE