Les Philippines, l’archipel de la balle orange
Coupe du monde
S’il y a bien un pays fou de basket, ce sont assurément les Philippines, archipel de plus de 110 millions d’habitants en plein cœur de l’Asie du Sud-Est et hôte pour la deuxième fois de la Coupe du monde. L’équipe des Philippines a d’ailleurs aussi une longue histoire avec la balle orange.
Le basket-ball asiatique, assez méconnu dans nos contrées, est pourtant riche d’une longue histoire. Alors que l’Europe s’apprête à tourner la page de la Belle Époque et que la balle orange n’en est qu’à ses balbutiements en France, plusieurs nations asiatiques sous l’impulsion des Philippines, alors sous contrôle états-unien, mettent en place les Jeux de l’Extrême-Orient. La première édition se tient à Manille en 1913 et le programme prévoit un tournoi de basket. Au vu de la date et sachant que le Tournoi Interalliés entre la France, les États-Unis et l’Italie n’eut lieu au Stade Pershing qu’en 1919, on serait tenté de dire qu’il s’agit là du premier tournoi continental de basket-ball.
LES JEUX DE L’EXTRÊME-ORIENT, PREMIER TOURNOI INTERNATIONAL DE BASKET ?

Chine-Philippines lors des Jeux de l’Extrême-Orient 1917 au Japon
De celui-ci, on sait peu de choses, juste que les Philippines remportèrent ce tournoi et l’ensemble de ces jeux d’ailleurs. Le premier match des Gilas (le surnom de la sélection philippine) se fit donc dans ce cadre par une victoire contre la Chine pas encore communiste le 1er février 1913. Le nom des participants sent bon les livres d’histoire et l’impérialisme. Hormis la Chine et les Philippines, on retrouve ainsi le Japon, les États malais fédérés, protectorat britannique ancêtre de la Malaysie, le Siam (la Thaïlande actuelle) et Hong Kong, également protectorat britannique.
Ces jeux se tinrent jusqu’en 1934 avant d’être annulés en 1938 du fait des guerres sino-japonaises dans le contexte naissant de la seconde guerre mondiale. Ils seront remplacés par les Jeux Asiatiques en 1951. Le championnat d’Asie quant à lui verra le jour en 1960.
LES PHILIPPINES OLYMPIQUES
L’Europe et particulièrement la France découvrent le basket philippin à l’occasion des Jeux de Berlin en 1936. Les observateurs français sont conquis. Le basket asiatique alors totalement méconnu saute aux yeux des journalistes de l’Auto. Il faut dire que le premier tournoi olympique de basket constitue le premier tournoi international rassemblant toutes les nations du monde. Et ce n’est pas faire offense aux différents observateurs de dire que les connaissances sur les uns et les autres surtout originaires de contrées bien éloignés du Vieux continent sont assez succinctes.

Article dans l’Auto-Journal du 6 juillet 1936
Le public français a d’ailleurs le privilège d’assister, quelques semaines avant les Jeux, à un match d’exhibition et de préparation de la sélection philippine. Le match organisé par le Racing Club de France se déroule à la Croix-Catelan arbitré notamment par Henri Hell. Les Philippins font alors face à une sélection de joueurs français qu’on a pu trouvé ici ou là parmi ceux pas encore en vacances ! Sans doute pour ménager la susceptibilité française, la marque ne fut pas comptabilisée mais Gilbert Bideaux dans son compte-rendu dans l’Auto Journal pointe la domination asiatique. Les Philippins sont vifs et « d’une souplesse incroyable et démoralisants pour ceux qui ont mission de les marquer ». Bref, les Philippines apparaissent au public parisien comme une séduisante équipe de basket-ball.
Sur le terre battue berlinoise, les Philippines font bonne figure. Exemptés de premier tour, ils dominent les futurs médaillés de bronze mexicains (32-30) pour ensuite disposer de l’Estonie plus facilement (39-22). Hélas, en huitièmes de finale, l’ogre américain se dresse devant les Philippins qui ne peuvent pas lutter. Le score est sans appel, 56 à 23.
En match de classement, les Philippines écartent successivement l’Italie puis l’Uruguay pour terminer finalement à la cinquième place de ce premier tournoi olympique, ce qui constitue encore aujourd’hui leur meilleur résultat.
Toutefois, au vu du potentiel des joueurs asiatiques, cette cinquième place paraît bien modeste. En effet, la formule alambiquée du tournoi, exemptant certains et permettant à d’autres de poursuivre la compétition à la faveur de tours de repêchage, permet au Mexique mais surtout à la Pologne de rejoindre le dernier carré sans trop s’employer. Les Philippins, assurément, ont montré qu’ils valaient au moins autant que les Polonais pour figurer en demi-finale.
PREMIÈRE ÉQUIPE A INSCRIRE 100 POINTS DANS UN MATCH OLYMPIQUE
Douze ans plus tard, le tournoi olympique retrouve les Gilas à Londres pour les premiers Jeux de l’après-guerre. Pour leur premier match, les Philippines vont d’emblée entrer dans l’histoire des Jeux en devenant la première nation à marquer 100 points dans un match. Face à l’Irak, les Philippins ne font pas de détails, 102 à 30. La faiblesse irakienne permettra à d’autres d’égaler et de dépasser le record philippin notamment la Corée et la Chine qui en passeront 120 et 125 aux Irakiens. Le tournoi philippin n’est pas aussi réussi qu’à Berlin puisqu’une défaite d’un point face à la Belgique (35-34) et un point average défavorable empêcheront les Philippines de voir les quarts.

Philippines-Argentine aux Jeux de 1952
Après les matchs de classement, la sélection d’Asie du Sud-Est ne peut terminer qu’à une bien modeste douzième place.
CARLOS LOYZAGA ET L’ÂGE D’OR DES ANNÉES 1950
Les Philippines vont connaître à partir des années 1950 et dans la décennie suivante une génération dorée porté par Carlos Loyzaga. Considéré comme le meilleur joueur philippin de tous les temps, Loyzaga va porter la sélection asiatique sur ses épaules et écrire les plus belles pages de son histoire.

Carlos Loyzaga
Après des Jeux d’Helsinki 1952 terminés à la neuvième place, les Philippins se présentent néanmoins à Rio pour le mondial 1954 auréolés d’une médaille d’or aux Jeux asiatiques qui ont eu lieu au début de l’année à Manille. Loyzaga et ses coéquipiers se qualifient pour le tour final malgré une lourde défaite contre le pays hôte brésilien (99-62).
Dans la poule finale, les Philippins résistent mais tombent avec les honneurs contre les USA (56-43) constituées de l’équipe corpo AAU de Caterpillar basée à Peoria dans l’Illinois.
Les Gilas enchaînent dans l’atmosphère folle de ce mondial brésilien mais ne peuvent une nouvelle fois pas rivaliser avec les Brésiliens (57-41).
Carlos Loyzaga et ses coéquipiers décrochent cependant leur plus important fait d’armes en glanant quasi à la surprise générale la médaille de bronze derrière Team USA en or et le Brésil en argent. Il s’agit là de la meilleure performance d’une équipe asiatique à la Coupe du monde. Carlos Loyzaga termine meilleur marqueur de son équipe avec 16,4 points de moyenne (3e meilleur marqueur du tournoi) et dans le cinq de la compétition.
Ce mondial 1954 est aussi l’occasion de voir le premier France-Philippines de l’histoire lors de la poule finale. Dans un match serré, les Buffière, Monclar et Beugnot s’inclinent finalement 66 à 60 face aux 19 points de Loyzaga. Les deux nations se retrouveront aux Jeux de Melbourne en 1956 (65-58) pour une autre victoire asiatique avant que la France ne prenne sa revanche aux Jeux de Rome quatre ans plus tard (122-75). Il faudra ensuite attendre une éternité et un match amical à Antibes en 2014 pour revoir une opposition entre les deux sélections et une victoire française (75-68).
CARLOS LOYZAGA, HALL OF FAMER
En attendant, les Philippines décrochent leur première et unique médaille dans un mondial. Carlos Loyzaga emmènera son pays à une septième place aux Jeux de Melbourne avec 17,3 points de moyenne et gonflera son armoire à trophées avec les deux premiers titres du championnat d’Asie en 1960 et 1963. Il remportera d’ailleurs un troisième titre continental comme entraîneur en 1967.
Introduit au FIBA Hall of Fame à titre posthume en 2023, Carlos Loyzaga est assurément une légende du basket philippin et asiatique.
L’expérience olympique se poursuivra brièvement pour les Philippines avec des places d’honneur à Mexico et Munich. En Coupe du Monde, les Gilas joueront deux nouvelles éditions en 1974 et 1978 à domicile avant de disparaître des radars jusqu’en 2014.
Ce déclin se fera également sentir en Asie puisque la sélection qui s’était placé systématiquement sur le podium des sept premières éditions entre 1960 et 1973 (pour quatre titres) dut attendre 1985 pour retrouver le succès (avec un cinquième titre) avant un énorme trou d’air jusqu’en 2013 et 2015 (et deux médailles d’argent).
Si les performances ne sont plus aussi bonnes que dans les années 1950, les Philippines demeurent une terre de basket et l’engouement de la coupe du monde 2023 en partie organisée dans l’archipel en témoigne.


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