Breaking News

[Portrait] Bob Rule, la première Star des Sonics

Portrait

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

Le nom de Bob Rule n’évoque plus grand chose au fan de basketball aujourd’hui, rare sont ceux capable de mettre un visage sur son nom qui est aujourd’hui tombé dans l’oubli. Un oubli qui convient parfaitement à cet homme humble, simple et discret. Un anonymat qu’il a préservé toute sa vie, préférant la quiétude de son quotidien dans le sud de la Californie. Alors, prenons juste un instant pour nous souvenir de celui qui est passé tout prés de devenir une légende de la NBA.

Son histoire avec la balle orange commence en Californie, c’est avec le lycée de Riverside City College qu’il se fait un nom. Il enchaîne les titres d’état sous la houlette d’un entraîneur mythique nommé Jerry Tarkanian. Ce dernier deviendra plus tard le coach de l’université de Las Vegas, le célèbre programme plus connu sous l’appellation UNLV. Quand Tarkanian évoque le nom de Bob Rule, il dit ceci 

« Il est le meilleur joueur que j’ai coaché dans ma carrière. »

Malgré cela il n’attire pas la convoitise des gros programmes universitaires californiens et c’est vers l’université de Colorado State qu’il se dirige. Il reste deux saisons et réussit à qualifier les Rams lors de sa première année pour le tournoi NCAA mais le Houston d’Elvin Hayes est trop fort. Rule aligne environ 15 points et 10 rebonds par match, ce qui ne le met pas en position d’être un premier choix de draft pour la saison 1967-68 qui approche. D’ailleurs, il n’est même pas le premier choix de sa future franchise.

La même année, la NBA s’agrandit, elle accueille deux nouvelles franchises : les San Diego Rockets et les Seattle Supersonics. Ces derniers ont le choix numéro 6 de cette draft et décident de choisir Al Tucker, un ailier fort en provenance d’Oklahoma. Un choix peut-être raisonnable à l’époque mais qui n’aboutit sur rien de concret, le joueur fera un passage anecdotique dans la ligue. Mais c’est avec leur 19ème choix que les Sonics s’offrent leur vraie recrue, celle dont l’impact sera immédiat.

Le 21 novembre 1967, les Sonics affrontent les Los Angeles Lakers de Jerry West et Elgin Baylor. En face de Bob Rule se trouve le vétéran Darall Imhoff, joueur sérieux contre lequel il pose une énorme performance individuelle, 47 points et 16 rebonds pour une victoire de prestige 137 à 132. Un record pour un rookie des Sonics qui tient encore, plus de cinquante ans plus tard. Il remet cela quelques mois après avec 46 points contre les Cincinnati Royals mais cette fois dans la défaite. Des flashs au scoring qui plaisent aux fans mais aussi aux dirigeants du club qui se frottent les mains d’avoir trouvé en leur jeune recrue un pivot capable de dominer. Nous sommes dans les 60’s, dans cette NBA-là, il est indispensable d’avoir un pivot, le poste rafle tout les titres depuis 20 ans et Seattle vient dès sa première saison de mettre la main sur un Big Man qui semble taillé pour régner sur les raquettes.

Il termine la saison avec 18,1 points de moyenne, il faudra attendre un certain Kevin Durant pour faire mieux. Un record de précocité qui tient 40 ans, puisque c’est en 2008 que KD termine sa saison débutant avec 20,3 point de moyenne. Pour Bob Rule, Seattle est la franchise parfaite, il arrive dans une équipe qui ne possède pas de star et s’estime même chanceux d’être arrivé dans cette franchise d’expansion. C’est aussi une ville calme ou il fait bon vivre, ce qui correspond parfaitement à son tempérament. De plus à Seattle, on est ravi de posséder une équipe de basketball, les fans se montrant très aimants envers leurs joueurs.

Tout roule pour Bob qui attaque sa deuxième saison avec le couteau entre les dents, 31 points et 11 rebonds pour son match d’ouverture face aux San Diego Rockets de Elvin Hayes. Il est maintenant accompagné d’un meneur de talent, Lenny Wilkens, avec lui il forme un duo meneur/pivot de standing mais le reste de l’équipe n’est pas encore au niveau de ces deux stars. Car oui on peut le dire, Bob Rule est une star de la ligue, avec plus de 24 points et 11 rebonds de moyenne, il fait partie de l’élite. Un des tout meilleurs scoreurs de NBA, grâce à un jeu plutôt atypique pour un pivot de son époque. Avec sa taille, seulement 2m06, il est loin d’être le plus grand. Mais il bouge bien mieux que tous les autres pivots de la ligue, son premier pas est explosif et il dispose également d’un très bon shoot à mi-distance. Alors Rule s’amuse à sortir ses adversaires de leurs zones de confort en les éloignant du cercle pour les prendre de vitesse, belle revanche pour celui qui s’était fait remettre en place un orteil à coup de marteau suite à un grave accident de voiture. Lors de son passage dans le Colorado, il est victime d’un accident qui voit son véhicule chuter de plus de 10 mètres dans un ravin. Depuis sa chaussure gauche est spécialement construite pour soulager des douleurs au dos qui ne le quitte plus depuis cet accident.

Il se fait même la réputation d’être celui qui brille encore plus lorsqu’il affronte les légendes comme Bill Russell où encore Wilt Chamberlain. Plus de 28 points et 13 rebonds de moyenne face à Bill Russell pour le sophomore en 6 confrontations avec 3 victoires sur les Celtics. Une pointe à 37 points et 15 rebonds lors d’une victoire 114-112 qui fait de lui le chouchou du public qui voit leur équipe taper pour la première fois Boston, inespéré.

Face à Wilt Chamberlain c’est plus de 26 points et 10 rebonds en 6 confrontations, une seule victoire mais avec 38 points sur la tête du « Stilt » dépité de ne rien pouvoir face à ce jeune joueur qui le prend de vitesse dés que l’occasion se présente. Seule Nate Thurmond semble lui poser problème, le joueur des Warriors a la mobilité et la capacité de défendre sur cet impétueux gaucher. La première fois qu’ils se rencontrent, Thurmond bloque 6 des 7 premiers tirs de Rule. Il ne lui laisse qu’un tout petit lay-up, Al Bianchi le coach des Sonics encourage son joueur à continuer de tirer : « Il ne va pas pouvoir contrer tous tes tirs! ». Bob répond que si Thurmond ne lui avait pas laissé ce double-pas, et bien il aurait réellement contré tous ses tirs.

« Il faut un certain temps pour s’adapter à jouer contre des gens qui étaient mes héros quand j’étais au lycée. Mais j’ai finalement commencé à me sentir chez moi en NBA. J’admire tous ces joueurs, Bill, Wilt, Thurmond, mais je n’ai pas peur d’eux. »

Lors de cette saison, il dépasse 20 fois la barre des 30 points, dont un match à 42 points et un autre à 47, il est le 6ème meilleur scoreur de la ligue et le 14ème meilleur rebondeur. Malgré ses belles statistiques, l’équipe ne remporte que 30 rencontres pour 52 défaites. Seattle reste une équipe jeune qui a tout à construire. Pour valider sa progression individuelle, il ne lui reste qu’une seule chose à accomplir : devenir All Star. C’est chose faite dès la saison suivante, il aligne quasiment les mêmes statistiques et continue de sortir des performances hors normes comme ses 49 points et 19 rebonds sur les Philadelphia Sixers d’un certain Darall Imhoff, encore lui. Mais les résultats ne suivent toujours pas avec seulement 36 victoires, il faut du renfort où alors être encore plus dominant pour aller chercher les premiers playoffs de l’histoire de la franchise.

Du renfort il en reçoit : l’ailier fort Spencer Haywood arrive de la ABA, avec les Denver Rockets où il alignait la saison précédente la bagatelle de 30 points et 20 rebonds par match. Le duo Rule/Haywood laisse rêveurs tous les fans de la cité de la pluie surtout qu’en ce début de saison la star locale semble être en très grande forme : 30 points et 11,5 rebonds de moyenne sur les 5 premiers matchs avec 4 victoires à la clé. Malheureusement, ce sont les seules rencontres qu’il joue cette année là.

Le 23 octobre 1970, face à Portland (forcément quand un pivot se blesse, les Blazers sont dans le coup), Bob Rule retombe sur le pied d’un adversaire, il se tord de douleur mais tire et rentre malgré tout ses deux lancers. C’est la 21ème minutes de jeu, il en est à 21 points et 5 rebonds mais doit rentrer au vestiaire. Seattle explose de 30 points les Blazers mais Lenny Wilkens en témoigne plus tard, pour lui le match n’avait plus aucune importance, il ne pensait qu’à Bob Rule. Verdict sans appel, déchirure complète du talon, le chirurgien résume la chose simplement :

 » C’est déchiqueté ! »

Une blessure totalement guérissable de nos jours, mais dans les années 70, c’est une tout autre histoire. Pendant son absence, c’est Spencer Haywood qui prend les clés du camion, il ne gagne pas plus que Bob Rule mais montre que lui aussi peut être le visage de la franchise en alignant 20 points et 12 rebonds de moyenne à 21 ans seulement. Alors lorsqu’il revient la saison suivante, il n’est plus le mâle alpha de l’équipe, on ne lui accorde pas vraiment la chance de se remettre sur de bons rails. Son temps de jeu diminue et il se voit jouer des bouts de match alignant un pauvre 7 points et 3 rebonds en 15 minutes, barré par Spencer Haywood et Don Smith. Lenny Wilkens en témoigne, Rule a tout essayé, mais il n’était plus le même joueur.

Fin Novembre la nouvelle tombe, il est transféré à Philadelphie. Bob Rule n’est pas du genre à se morfondre, il ne critique pas ce choix, il regrette simplement de ne pas avoir eut l’opportunité de pouvoir s’adapter. Laissé de côté par une équipe habituée à voir un joueur explosif, rapide, dunkeur féroce, mais qui avec un Haywood dominateur veut construire et gagner. Alors pas de temps à donner pour celui qui doit revoir sa copie et changer son jeu.

Les Sixers eux, croient encore en lui, le coach Jack Ramsay espère revoir au meilleur niveau ce pivot qui peut à terme former un trio des plus intéressants avec le meneur Hal Greer et l’ailier Billy Cunningham. Les choses commencent bien, premier match, 22 points et 8 rebonds en 31 minutes et la victoire sur Portland. Puis quelques matchs à plus de 30 points parsèment sa saison, il joue 60 matchs pour les Sixers avec 17 points et 8 rebonds de moyenne. Philly n’atteint pas les playoffs mais on se dit que la carrière de celui qu’on surnomme « Golden » est relancée.

Mais hélas il n’en est rien, cette blessure au pied l’handicape encore et toujours, réduisant finalement le peu de mobilité qu’il lui reste à néant. Il est transféré à Cleveland, il parvient à ne pas être ridicule mais les bras roulés soyeux, les dunks, les démarrages qui donnaient le tournis au début de sa carrière sont désormais loin derrière lui. En 1975 il atterrit à Milwaukee, avec les Bucks il ne joue qu’une rencontre, 11 minutes et seulement 2 passes décisives. C’est suite à cette rencontre qu’il décide de mettre fin à sa carrière, il n’a alors que 30 ans.

Ainsi s’en est allé Bob Rule qui disparaît des radars sans un bruit et dont le nom est vite oublié. Seattle trouvant finalement le salut en 1979 grâce à une paire d’arrière composé de Dennis Johnson et Gus Williams, ils offrent à Rain City son premier et unique titre de champion NBA. Bob Rule lui de son côté reprend une vie normale, il retourne vivre à Riverside et devient le coach de l’académie des jeunes de la ville. Il y mène une vie tranquille refusant la plupart des sollicitations que les quelques journalistes lui soumettent, souhaitant rappeler son souvenir à leurs lecteurs. Seule une intronisation au Hall of Fame de Riverside City College en 2010 le fait revenir sur sa carrière. Une simplicité qui n’étonne guère les membres de sa famille, comme son frère Gary Randle qui dit de lui :

« Il ne s’est jamais vanté, alors qu’il venait de dominer Wilt Chamberlain où Bill Russell. Il n’en a jamais dit un mot. Il était mon héros. »

Tous les joueurs avec qui il partage le haut de l’affiche au début des années 70 sont devenus des Hall of Famers. Aucun doute qu’il avait le talent pour faire partie de cette classe de joueurs, de ces légendes du jeu. Il choisit de ne jamais nourrir de regrets de cette expérience malheureuse, continuant sa vie en homme exemplaire. Il décède le 5 septembre 2019, là encore sans un bruit. Pas de cérémonies, pas d’éloges sur les plateaux télés, mais Bob Rule s’en moque certainement. L’anonymat n’étant pas un soucis pour lui qui a vécu hors des lumières de la célébrité sans s’en plaindre, comme il a dominé sans jamais s’en vanter.

Retrouvez plus de Basket Retro sur





About Richard DRIE (10 Articles)
Vous pouvez également me suivre via Twitter @SquirtRambis. Ainsi que sur la page Twitter @StacheTalk en compagnie de l'excellent @YvanMontgury.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.