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[Portrait] Rafer Alston, le casse-bitume

Portrait

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

Gamin du Queens, Rafer Alston est LA star des playgrounds new-yorkais au début des nineties. Sa légende, il la construit sur le bitume de Rucker Park sous le pseudo de Skip 2 my Lou. Effigie du streetball, il se heurte au scepticisme du microcosme NBA quand il veut y faire son trou. A force de patience et de travail pour modifier son jeu, il s’incruste tout de même onze saisons dans la Grande Ligue.

NEW YORK STATE OF MIND

Le Rucker Park est au streetball ce que le Madison Square Garden est à la NBA. La Mecque des playgrounds. Un terrain en plein cœur de Harlem popularisé en 1950 par Holcombe Rucker qui lance un tournoi de basket pour garder les enfants défavorisés sur le droit chemin. Depuis, Rucker Park accueille aussi bien des stars estampillées NBA comme Earl Monroe, Julius Erving ou Kenny Anderson que des légendes du bitume, Earl The Goat Manigault, Hot Sauce ou The Professor, pour ne citer qu’eux. Rafer Alston, lui, appartient à ces deux catégories. Gamin issu d’un milieu déshérité, il grandit dans le Queens. Comme beaucoup de basketteurs new-yorkais, il rêve de faire ses gammes à St. John’s ou Georgetown. Mais, son apprentissage, Rafer le fait dans la rue. A Big Apple, la concurrence entre les meneurs est rude voire sauvage. En plus de faire la loi dans son quartier, il faut aller défier les autres boss dans leur fief. Ado, il enchaîne ainsi les tournois pour affronter Stephon Marbury à Brooklyn ou God Shammgod à Harlem. Point commun entre ces jeunes, un handle surdéveloppé et une volonté farouche de driver vers le cercle. Quand on joue en extérieur, le tir à distance n’est pas vraiment la priorité, trop tributaire de la météo du jour.

Pur produit de la street new-yorkaise, Rafer sort rapidement du lot grâce à ses improvisations balle en main. Dribbles chaloupés, cross-overs, passes aveugles, la panoplie technique fait lever les foules. A 14 ans, il est déjà l’attraction de Rucker Park. A l’époque, le playground n’a pas encore de barrières et la ligne de touche est formée par les spectateurs. C’est donc dans une ambiance étouffante qu’Alston humilie ses adversaires. Il commence à se faire un nom sur le circuit ou plutôt un surnom, élément indispensable pour se démarquer. Pour certains c’est « Shorty » en rapport à sa petite taille, pour d’autres c’est « The Energizer » pour son côté pile électrique en défense. Pas mal, mais pas assez iconique ! Son nickname ultime, c’est le speaker de Rucker Park, Duke Tango qui le vocifère en premier dans son micro. Bloqué entre trois défenseurs, Rafer se défait du piège en sautant comme un diablotin, puis lâche un alley-oop à un coéquipier. Tango crie alors « Saute, saute, saute mon Lou ». La légende de Skip 2 my Lou est en marche. Ses actions cultes font le tour des playgrounds de la Grosse Pomme. La plus célèbre une tentative de layup où il change de plan en l’air pour faire rouler le ballon de sa main droite vers son bras gauche, délivrant ainsi un caviar pour un dunk facile. Le show est total avec Alston. Après avoir malmené Tim « Headache » Gittens durant tout un match sur des dribbles assassins, le public jette de l’aspirine sur le terrain pour la pauvre victime ! Dans l’assistance, on retrouve bien sûr des fans de streetball et aussi un observateur pas comme les autres, Ron Naclerio.

Ron-Naclério

Ron Naclerio © Streetopia

Ce drôle de personnage, à la fois joueur, scout en entraîneur au lycée, arpente les playgrounds de NY à la recherche de perles rares. Le talent de Rafer ne lui a pas échappé. La première fois qu’il croise sa route c’est à Rucker Park justement. Le prodige est pris à deux en bord de touche, Ron coupe alors dans la raquette pour lui venir en aide, mais trébuche contre un adversaire. Quand il se relève, la foule hurle Skip 2 my Lou, le meneur s’étant sorti de la nasse grâce à ses fameux dribbles. Un moment gravé dans sa mémoire. Depuis, il suit Alston dans ses pérégrinations new-yorkaises et l’invite à rejoindre son lycée de Cardozo High School. Passé de la street à un jeu plus discipliné est un vrai pari. Rafer avait déjà essayé dans la Catholic Youth Organization du haut de ses 10 ans. Dans son premier match, il scorait 38 points sur les 39 de son équipe ! Son coach de l’époque Mike Bell l’avait pris sous son aile en lui donnant des VHS d’Isiah Thomas. Mais, la situation familiale très compliquée du gamin l’avait poussée à abandonner rapidement. Avec un père aux abonnés absents, Alston trouve en Naclerio une référence masculine. Ron s’immisce dans les finances de la famille pour s’assurer que son protégé mange à sa faim. Idem au niveau scolaire, où le coach surveille attentivement ses bulletins de notes.

Leur association fonctionne à merveille. Dans son année rookie, Rafer score en double figure de moyenne alors qu’il sort du banc pour une dizaine de minutes. Il crève le parquet la saison suivante en tournant à 25.5 points et 8.3 passes pour décrocher les honneurs de la All-Queens Boys Basketball. Enfin sur les bons rails, c’est encore sa famille qui le ramène sur terre. Sa mère Geraldine déménage à Brooklyn rendant les trajets jusqu’à Cardozo High School plus éprouvants. Et surtout, elle décide de reprendre son mari Richard dans le foyer malgré sa dépendance à la drogue. Ce choix reste en travers de la gorge de Rafer. Sa vengeance s’avère autodestructrice. Il passe ses nuits à jouer aux dés en pariant de l’argent puis flemmarde au lit jusqu’à midi. Les études passent au second plan. Une présence en pointillés en cours et sur les parquets. Naclerio ne reconnaît plus son poulain, complètement incontrôlable les jours de match :

Rafer avait de la colère en lui et, sur le terrain, il la laissait sortir. Il criait et criait encore sur les arbitres, sur les entraîneurs et les autres joueurs, peu importe qui était en face de lui. Il disait à ses coéquipiers qu’ils ne savaient pas jouer et qu’ils devaient tout simplement lui donner le ballon.

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© Slam

Au bout de six petits matchs en junior, le lycée préfère débrancher la prise pour le renvoyer chez lui. Dommage, sur ce laps de temps, Alston envoie 33 points de moyenne en 17 minutes de temps de jeu. Les mois suivants, Naclerio tente d’éteindre l’incendie avec un dispositif sur-mesure. Rafer emménage chez un ami de Ron à proximité du campus. L’assistant coach du lycée, Billy Medley le conduit chaque semaine à une thérapie avec une assistante sociale. Enfin, Naclerio se charge du réveil quotidien en déposant Rafer en cours. Une mécanique bien huilée qui tient le temps de quatre matchs au cours desquels il s’affiche à 30.2 points, 7.1 rebonds et 9.7 passes. Mais, rattrapé par ses mauvaises notes, Alston perd son éligibilité. A quelques jours près, le duel contre son grand rival Stephon Marbury de Lincoln High School tombe à l’eau. Assis dans les tribunes, Rafer assiste impuissant à la défaite des siens, les larmes aux yeux. Un match supervisé par Scott Perry, coach adjoint de Michigan, qui s’était déplacé pour lui. Pour continuer le basket, pas le choix, il retourne à Rucker Park. Ici, pas d’examen d’entrée pour les gamins comme lui.

CALIFORNIA LOVE

Eté 1994, Naclerio reçoit un appel du célèbre coach universitaire Jerry Tarkanian. De passage à New York, il souhaite rencontrer Marbury. A la place, Ron lui propose de découvrir le secret le mieux gardé de Big Apple. Il le conduit à Rucker Park pour scouter Skip 2 my Lou, un parfait inconnu en dehors de la ville. Vingt minutes après son arrivée sur le playground, Tarkanian cherche en vain ce fameux meneur. Il s’impatiente. Lorsque le speaker demande un temps mort et annonce l’entrée en jeu de Rafer, la foule s’agite irrésistiblement. Sur son premier mouvement, il mystifie deux défenseurs et lance un caviar par-dessus l’épaule. La suite, un spectacle infernal entre dribbles, danse hip-hop et trashtalk. Et quand Alston se met à sauter avec le ballon sous les cris des fans, Tarkanian n’en croit pas ses yeux, le garçon lui semblant jouer à la marelle plutôt qu’au basket. Ancien coach de l’Université de Nevada Las Vegas, Tark a notamment dirigé Larry Johnson ou Greg Anthony, mais le show de Skip 2 my Lou le rend complètement perplexe. Il se tourne vers Naclerio et lui demande : « Que dois-je faire pour l’avoir ? ». Ron lui répond simplement : « Tu repars ce soir ? Emmène-le avec toi ! ». Aussitôt dit, aussitôt fait, Rafer saute sur l’occasion et fait ses valises pour Fresno en Californie. Un voyage qu’il répète durant trois étés pour s’éprouver au moule académique de la NCAA. Protégé de Tarkanian, il reprend de A à Z les fondamentaux du jeu :

Les étés à Fresno étaient chauds et impitoyables. Mais, j’ai bossé très dur. Une chose est sûre avec coach Tark, c’est qu’il s’assure que vous restiez au gymnase et que vous deveniez plus fort. C’était un travail acharné. L’entraîneur adjoint de l’époque, John Welch, ne m’a jamais lâché. Chaque jour, j’avais à l’esprit le combat qu’il faudrait que je mène. Tark est la meilleure chose qu’il me soit arrivé en termes de préparation.

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Pendant ces sessions estivales, il navigue sur différents campus californiens. Sur celui de UCLA, il a la chance de croiser les plus grandes stars locales comme Magic Johnson ou Baron Davis. Etudiant du jeu, il puise des conseils à droite et à gauche pour les assimiler à sa palette. Sur le plan scolaire, Rafer s’oriente vers de petits établissements pour se concentrer sur ses bulletins. Il fréquente ainsi Ventura College en 1994 puis Fresno City College, les deux années suivantes. Avec des notes enfin suffisantes en 1997, il intègre les Bulldogs de Fresno State, l’équipe de NCAA coaché par Jerry Tarkanian. Un accomplissement personnel qui s’accompagne d’une bombe médiatique. Tandis que le campus découvre Rafer, le pays tout entier part à la rencontre de Skip. La raison, le magazine Slam qui lui offre sa couverture avec le titre « Le meilleur meneur de jeu du monde… dont vous n’avez jamais entendu parler ». Si le reportage rend jaloux ses anciens rivaux new-yorkais, le grand public plonge dans la saga du streetballeur. Avant même son premier match universitaire, les attentes sont énormes. Cette équipe des Bulldogs est à son image, hyper talentueuse avec trois futurs NBAers et fantasque en dehors des parquets. Dans un bon jour, Fresno State peut coller 30 points à Duke et perdre deux jours plus tard contre Hawaii parce que les joueurs ont encore la gueule de bois. Les sorties de pistes s’enchaînent. Le meilleur scoreur de la fac, Chris Herren, est suspendu pour un contrôle anti-dopage positif et Rafer se retrouve au milieu d’une baston avec ses voisins de dortoir. La chaîne ESPN s’empare du dossier pour proposer une immersion dans l’équipe. Un reportage nommé « Between the madness » qui en dit long sur la gestion quotidienne de ce groupe.

Comme à New York, Alston alimente aussi bien la section faits divers que la rubrique sportive. Ses actions les plus spectaculaires tournent en boucle sur SportsCenter. Et contre les grosses cylindrées, il met les bouchées doubles pour s’assurer une couverture médiatique maximale. Face à LSU notamment, ses highlights changent la perception des scouts NBA. Rafer prouve qu’il peut jongler entre le show et l’efficacité. Au milieu des montagnes russes de Fresno State, il tire son épingle du jeu avec 11.0 points, 7.3 passes et 2.1 interceptions en 31 minutes. Avec cette seule saison complète sur son CV, il s’inscrit à la draft 1998, sans certitude d’être retenu. Lors du Draft Combine de Chicago, son jeu renverse les general managers présents sur place. De RC Buford des Spurs à Ernie Grunfeld des Knicks, tous se renseignent auprès de Ron Naclerio, qui ne cache pas les difficultés extra-sportives de son protégé. Un seul GM lui propose un entraînement privé, Jerry West des Lakers. Le soir même de la draft, Alston voyage de Fresno à Los Angeles pour une seconde séance de training. Alors que tous les voyants sont au vert côté californien, les Lakers optent au dernier moment pour un autre meneur, Tyronn Lue. Grosse désillusion pour Rafer qui glisse au second tour, sélectionné à la 39ème place par les Bucks. Une entrée en NBA par la toute petite porte qui se referme rapidement sur lui. Avec quatre meneurs déjà présents dans le roster, Milwaukee met son rookie en jachère en CBA chez le Idaho Stampede. Ironie du sort, alors que Rafer joue dans un championnat quasi anonyme, son nom ne va jamais être aussi présent sur les écrans américains.

THE SKIP TAPE

Avant que Rafer ne s’envole pour Fresno, Naclerio se met en tête de filmer ses exploits à Rucker Park. Avec la renommée grandissante de Skip 2 my Lou, le coach veut partager ces images dans le pays tout entier. Fin 1998, il a la bonne idée d’envoyer huit VHS à la société AND1. L’équipementier sportif, lancé au début des nineties, a le vent en poupe après la signature d’une grosse pointure, Stephon Marbury. Surfant sur la vague du streetball, AND1 remixe les cassettes de Naclerio pour sortir un condensé des actions culte de Rafer. Surnommée « The Skip Tape », la VHS connaît un succès fulgurant. Images granuleuses sur fond de hip-hop made in NY, cette K7 de 19 minutes devient l’objet le plus convoité des fans de basket. AND1 en écoule 200.000 exemplaires en trois semaines ! Un triomphe commercial qui propulse Alston sous les spotlights. La marque réalise le potentiel marketing du garçon. La même année, elle lance le AND1 Mixtape Tour avec Rafer en tête de gondole. L’objectif : promouvoir le streetball dans des escales à travers les Etats-Unis. AND1 réunit une équipe de All Stars composée de Hot Sauce, The Professor, Main Event, Spyda et Skip 2 my Lou pour aller défier des pépites locales. Là encore, la marque tape dans le mille. La tournée attire les foules et ESPN s’empare de l’événement pour le retransmettre dans sa nouvelle case baptisée « Streetball ». La popularité de Rafer Alston est à son paroxysme, alors qu’il n’a toujours pas posé le moindre orteil en NBA.

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Le AND1 Mixtape Tour © Streetopia

Devant l’engouement populaire, les Bucks décident de rapatrier Rafer dans leur roster en février 2000. La plupart des fans pensent, alors, que c’est la tournée AND1 qui lui ouvre les portes du paradis. Pas vraiment ! En parallèle à ses frasques sur le bitume, le meneur bosse son jeu pour le rendre plus académique et compatible avec la NBA. Il prend même de la masse musculaire pour tenir le choc physique. Son plus gros défi est devant lui : convaincre le coaching staff qu’il a sa place dans l’effectif. En passant derrière Sam Cassell et Haywoode Workman dans les rotations, Alston se contente de miettes : 2.2 points à 28,4% aux tirs en 27 matchs. Pour attirer l’attention, il tente quelques moves un peu street. Contre les Sixers, il enchaîne les dribbles en sautant et se voit siffler un marcher. A l’entraînement, c’est une de ses passes dans le dos qui rate d’un rien son coach George Karl au bord du terrain. Deux actions symptomatiques qui confortent l’entraîneur sur ses positions. Les deux saisons suivantes, Skip devient le gadget du bout de banc, que l’on appelle quand le match est décidé. C’est encore pire en playoffs, où il ne joue que 24 minutes en deux campagnes pour zéro point inscrit. Arrivé au terme de son contrat rookie en 2002, il n’est pas conservé par les Bucks. Sa ligne de stats sur ces trois années passées à Milwaukee témoigne de sa difficulté d’adaptation : 2.8 points, 2.5 passes et surtout 33,2% de réussite. Hormis quelques highlights, sa réputation AND1 est trop présente à l’esprit des coachs de la vieille école, pour qui le streetball n’est qu’une parodie de jeu. Dépité par le scepticisme ambiant, Rafer garde une dent contre l’establishment des bancs NBA :

Le problème, ce sont les coachs. Beaucoup d’entre eux sont vraiment naïfs à propos du streetball et ils pensent tous la même chose. Ils ont tous cette idée préconçue que parce que vous êtes un joueur de streetball, vous ne savez pas comment jouer. Les joueurs, enfin certains joueurs, ne voulaient même pas défendre sur moi. Mais, le problème ce sont les coachs.

REBEL WITHOUT A PAUSE

Mis à l’essai par les Warriors à la rentrée 2002, c’est encore un coach, Eric Musselman, qui le juge inapte à intégrer le roster. Coupé à l’issue du training camp, Rafer reçoit des propositions à l’étranger, mais préfère rester sur le sol américain, au cas où une occasion se présente en NBA. Il s’engage alors avec les Mobile Revelers en NBDL. Dans cette ligue de développement, il s’éclate avec 15.8 points et 9.7 passes. En janvier, une opportunité se présente. Complètement décimés par les blessures, les Raptors lui donnent un contrat de 10 jours. Avec seulement huit joueurs disponibles pour ses débuts contre les Nets, Alston score 17 points en 31 minutes. Un nouveau record pour lui ! La série continue avec 12 points et 8 passes contre les Timberwolves puis 13 points et 11 assists face aux Wizards. Alors que Toronto avait enchaîné dix défaites de suite, l’arrivée de Skip correspond à deux victoires en trois matchs. Suffisant pour obtenir un contrat garanti pour la fin de saison. Privé de Vince Carter pendant la moitié de l’exercice, les Canadiens ne jouent pas grand-chose. Derrière le titulaire Alvin Williams, il reçoit 21 minutes de temps de jeu. Rafer saisit l’occasion pour montrer qu’il peut évoluer à ce niveau. Sur le dernier mois de saison régulière, il tourne à 13.0 points, 4.0 rebonds et 4.9 passes avec une pointe à 23 unités contre les Cavs. L’échantillon est court, mais tape dans l’œil de Miami. A la recherche d’un deuxième meneur pour soulager leur rookie Dwyane Wade, le Heat signe Alston pour la saison 2003-04.

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© The Athletic

En Floride, Rafer confirme les flashs entrevus au Canada. En sortie de banc, il devient le sixième homme attitré de Miami avec 31 minutes par match. Un électron libre qui parvient parfois à faire basculer une rencontre. Opposé aux Mavericks de Dirk Nowitzki et Steve Nash, Skip vole la vedette aux Texans dans le money time. Il plante deux missiles longue distance pour arracher la prolongation. En feu pendant l’overtime, c’est lui qui hérite du dernier tir à deux secondes du buzzer. Sans trembler, il arme derrière l’arc, ficelle ! Le Heat l’emporte d’un point, 119-118. Héros d’un soir, Rafer est de nouveau clutch contre les Supersonics avec deux tirs primés pour tamponner la victoire. Enfin en confiance grâce au coach Stan Van Gundy, il clôture pour la première fois une saison à plus de 10 points en moyenne. Plus régulier, moins fantasque, il score au moins un tir à trois points sur les 48 derniers matchs du Heat. Pour sa (re)découverte des playoffs, Alston participe à la qualification au second tour. Dans le Game 7 contre New Orleans, il rentre quatre lancers importantissimes en fin de match pour repousser les derniers assauts des Hornets. Opposé aux Pacers en demi-finale, Rafer doit finalement déposer les armes face à une défense étouffante. Qu’importe, sur le plan personnel, la campagne est une réussite. Agent libre, il est cette fois courtisé par plusieurs franchises. La plus convaincante, les Raptors. Avec Alvin Williams sur le flanc pour la saison à venir, les Canadiens ont trois cibles privilégiées : Derek Fisher, Troy Hudson et Alston. Connaissant déjà la maison, Skip accepte l’offre de Toronto, un deal de trente millions sur six ans !

Chez les Raptors, la signature de Rafer est éclipsée par les états d’âme de Vince Carter. Insatisfait de sa situation, Air Canada veut voler vers d’autres cieux, tant et si bien que personne ne sait si Vinsanity sera bien présent en début de saison pour capter les lobs d’Alston. Enfin titulaire en NBA, Alston fait taire ses détracteurs qui ne le pensaient pas taillé pour son rôle. Il envoie quatre matchs à plus de 20 points fin novembre. Une bonne entame qui contraste avec le reste de l’équipe. Les bouderies de Carter et l’apathie de Jalen Rose nuisent aux résultats. Le coach Sam Mitchell perd rapidement le contrôle du groupe. Illustration dans une défaite contre Boston, où Rafer écope rapidement d’une faute technique. Pour le punir, Mitchell le benche le reste du match et le sort du 5 majeur le suivant. Au bord des larmes, la pilule ne passe pas chez Skip, excédé par l’ambiance délétère dans les vestiaires :

C’est difficile pour moi en ce moment. Je vais parler à Sam et au directeur général Rob Babcock. Je pense qu’il est temps. J’en ai assez de me prendre la tête avec mes coéquipiers et mes entraîneurs. Je ne sais pas si je suis le bon candidat pour cette équipe et je ne sais pas si je suis un bon candidat pour cette ligue. Je vais prendre un peu de temps. Je ne jouerai peut-être même pas le reste de la saison.

Au bord de l’implosion, les Raptors tranchent dans le vif quelques jours plus tard en envoyant leur franchise player, Vince Carter, chez les Nets. Un virage à 180 degrés pris par le front office qui donne désormais les clés du camion au jeune Chris Bosh. Ce trade ne suffit pas à Rafer pour enterrer la hache de guerre avec son coach. Fin janvier, il est suspendu deux matchs pour conduite préjudiciable au reste de l’équipe durant un entraînement. Sam Mitchell critique publiquement les sautes d’humeur de son meneur et sa propension à croquer un peu trop. De son côté, Alston reproche à l’entraîneur d’être trop nonchalant voire médiocre dans sa gestion des matchs. Ambiance ! Dans cette saison à couteaux tirés, Skip assure néanmoins sur le parquet avec ses meilleures statistiques en carrière : 14.2 points, 6.4 passes et 1.5 interception. Mais, lassé par ses caprices, le general manager Rob Babcock décide de le transférer à l’ouverture du camp d’entraînement 2005. Rafer s’envole pour Houston en échange de Mike James. Changement de décor dans le Texas, où il trouve sur le banc Jeff Van Gundy, un coach qui a la réputation de tirer le meilleur parti des semeurs de troubles. Cinquièmes à l’Ouest l’année précédente, les Rockets récupèrent enfin un vrai meneur de jeu à associer à leur tandem Yao MingTracy McGrady.

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© Rockets Wire

THEY REMINISCE OVER YOU

De nouveau titulaire à Houston, Rafer s’impose comme la troisième menace offensive de l’équipe derrière le duo de All Stars. Les ambitions texanes sont toutefois revues à la baisse avec les blessures de T-Mac et Yao : 60 matchs ratés au total, c’est trop pour espérer accrocher les playoffs. La consécration arrive la saison suivante. Avec 52 victoires, les Rockets affichent le quatrième bilan à l’Ouest. Plus que jamais concentré sur son jeu, Skip tourne à plus de 13 points et 5 passes de moyenne. C’est principalement le leadership de Yao Ming qui l’aide à rester sur les bons rails. L’éthique de travail du Chinois et son côté zen en dehors du parquet l’inspirent. Pour ses premiers playoffs en tant que starter, Alston fait le job avec un quasi triple double dans le Game 1 contre Utah : 9 points, 11 rebonds et 8 passes. Intraitables à domicile, les Rockets et le Jazz sont obligés d’en découdre dans un match 7 couperet. L’avantage du terrain semble déterminant dans cette série. Au Toyota Center, McGrady est à 48 minutes de passer enfin un tour. Il assure avec 29 points tout comme son compère Yao. Mais, le reste de l’équipe ne suit pas. Rafer dévisse à 3/11 aux tirs. Les Texans se font encore sortir au premier round. Un échec qui coûte son poste à Jeff Van Gundy, remplacé par Rick Adelman. Alston, lui, est rattrapé par ses vieux démons. En plein été 2007, il se fait embarquer sa voiture à la fourrière pour stationnement gênant. Mécontent, il secoue un peu trop l’agent de sécurité qui lui passe les menottes pour l’emmener au poste. Un fait divers de plus sur son long CV.

Avec un groupe maintenu à l’identique, les Rockets sont en orbite lors de l’exercice 2007-08. Du 28 janvier au 16 mars, Houston enchaîne 22 victoires consécutives dans ce qui reste la quatrième plus longue série de l’Histoire NBA. Sur ce run mémorable, Rafer envoie 15.7 points à 40% longue distance, 4.3 rebonds et 6.6 passes. Une parenthèse enchantée avant que les blessures ne rattrapent une fois de plus cette équipe. Yao se fracture le pied gauche et doit dire adieu au reste de la saison. Victime de douleurs aux ischio-jambiers, Rafer rate le début de la postseason. Privé de deux starters, Houston perd les deux premiers matchs à domicile dans un remake contre le Jazz. Le retour de Skip permet d’entretenir l’espoir : 20 points dans le Game 3 puis quatre gros tirs primés dans le match 5 pour autant de victoires. Mais, laminé à l’intérieur sans son géant chinois, Houston plie encore au premier round pour la quatrième fois en cinq ans. La saison 2008-09 est celle de la dernière chance pour ce groupe. Malgré le couperet au-dessus de sa tête, Rafer pète les plombs dans un match contre les Suns. À la suite d’un écran appuyé de Matt Barnes, le meneur veut se faire justice lui-même. Venu s’interposer, Steve Nash récolte deux patates de la part d’Alston, victime encore de son tempérament bouillonnant. Bilan, deux matchs de suspension pour le Rocket. Certainement, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. A la trade deadline, les Texans montent un échange avec Memphis et Orlando. Rafer fait ses bagages pour la Floride, remplacé à Houston par un meneur plus conventionnel, Kyle Lowry.

Pour le Magic, cet échange est une nécessité. Début février, le All Star Jameer Nelson se blesse à l’épaule. Opéré, le meneur floridien est contraint de jeter l’éponge. Sans réelle solution à la mène, Orlando tente un pari en récupérant Alston. A 32 ans, l’opportunité de se montrer enfin chez un contender est trop belle. Mieux qu’un simple bouche-trou, Rafer mène à la baguette ce collectif avec des statistiques très dignes : 12.0 points, 5.1 passes et 1.8 interception. Belle trouvaille pour le Magic qui ne ralentit pas la cadence pour finir à 59 victoires. En playoffs, Rafer passe à la vitesse supérieure. Dans le dernier match contre les Sixers, il compense l’absence de Dwight Howard avec 21 points et 10 passes. Un amuse-bouche ! Le tour suivant contre des Celtics tenants du titre, il plante trois banderilles assassines dans le Game 7 dans un rôle de facteur X. Le plat principal, Alston le garde pour les Cavaliers de LeBron James en finale de conférence. Dans le Game 4 à l’extérieur, il réussit tout simplement son meilleur match en postseason : 26 points avec un plus/minus de +18 dans une victoire de deux points après prolongation. Cleveland ne s’en relèvera pas. Orlando file vers le deuxième Finale NBA de son histoire. Considéré comme le maillon faible de l’équipe, Rafer est le héros improbable de cette campagne floridienne. En se transcendant dans les moments chauds, il incarne à merveille, ce Magic qui déjoue tous les pronostics.

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© USA Today Sports

En finale, le retour in extremis de Jameer Nelson dans l’effectif réduit son nombre de minutes. Rafer est impuissant face aux Lakers comme le reste de l’équipe. En guise de remerciement, Orlando l’envoie pendant l’été dans le New Jersey ! Dans le wagon d’en face, il croise son ancien coéquipier Vince Carter. Dans une équipe des Nets en reconstruction, Skip a juste le temps de se venger du Magic avec son premier triple double en carrière (17 points, 10 rebonds et 10 passes), avant d’être coupé en janvier 2010. Il rebondit une dernière fois chez le Heat avec un rôle en bout de banc. Sans contrat NBA, il réalise des piges en Chine puis en D-League peu convaincantes. Il raccroche définitivement en 2012. Avec ses hauts et ses bas, Rafer est parvenu à faire carrière dans la Grande Ligue, brisant au passage les idées préconçues sur le streetball. Pas un hasard, si en 2017 il refait surface comme scout, une manière pour lui de renvoyer l’ascenseur à Ron Naclerio.

STATISTIQUES ET PALMARES

  • Stats NCAA : 11.0 points à 40,1% aux tirs, 2.2 rebonds et 7.3 passes décisives
  • Stats NBA : 10.1 points à 38,3% aux tirs, 2.8 rebonds et 4.8 passes décisives
  • All-Queens Boys Basketball (1991)
  • Finaliste NBA (2009)

RAFER ALSTON EN IMAGES

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About mosdehuh (32 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

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