[Portrait] Joe Arlauckas, le new-yorkais devenu légende en Espagne
Parmi les endroits sur terre ou la balle orange est reine, on peut citer la Lituanie et l’État de New York. Avec un père d’origine balte et voyant le jour à Rochester près de la Grande Pomme, il n’est pas étonnant que Joe Arlauckas devienne un pur basketteur. Scoreur complet, étonnement explosif, fort en gueule, Big Joe est une des plus grandes légendes du championnat espagnol et de la grande Euroleague.
LA FÊTE EST FINIE
Joe Arlauckas est un homme réputé pour sa gouaille et son franc-parler. Une particularité qu’il a cultivée lors des longs moments passés dans la rue quand il était enfant. Avec des parents absents, notamment son père, le jeune Joe se tourne alors vers ses amis et la rue pour se construire. Ses parents sont ce qu’on appelle des « cols bleus », ils sont sans cesse au travail, à cause de cette vie de Stakhanovistes il laisse bien souvent leur fils livré à lui-même. Sans surveillance, il peut alors passer tout le temps qu’il souhaite à jouer au baseball et au basket-ball, ses deux sports favoris.
Si son cœur penche pour le sport à la batte, c’est bien la balle orange qui lui permet de s’illustrer. Ses belles performances avec Jefferson High School lui ouvrent les portes de l’université de Niagara en 1983. C’est un programme modeste mais qui a par le passé formé des légendes telles que Larry Costello, Hubie Brown, Frank Layden ou encore Calvin Murphy.
Après une première saison timide où il ne joue que 15 minutes pour 6 points par match. Les choses évoluent rapidement dès le début de la campagne suivante. Désormais, on compte sur lui pour porter l’équipe sur ses épaules. Le calendrier est marqué d’une pierre blanche à la date du 15 décembre 1984 par l’entraîneur Pete Lonergan. L’adversaire ce jour-là est l’ogre de la Big East, le rival imbattable de l’État de New York, l’université de St John’s. Menées par Chris Mullin, Walter Berry, Bill Wennington et Mark Jackson, autant dire qu’on ne donne pas cher de la peau des Purple Eagles. Mais Pete Lonergan prépare depuis un moment ses joueurs pour ce match et grâce à un Arlauckas très en forme et dominant dans la raquette avec 20 points inscrits, les joueurs de Niagara créent la surprise. Victoire 62 à 59 à domicile devant 6900 spectateurs, un exploit aujourd’hui encore considéré comme le plus beau de l’histoire du programme. Cette année-là St John’s termine la saison avec un bilan de 31 victoires pour seulement 4 défaites, dont 3 contre Georgetown et une contre Niagara U.

Ce moment de gloire est célébré comme il se doit, joueurs et entraîneurs sirotent des bières versées dans des coupes en argent, Joe est sans nul doute le roi de la fête, comme beaucoup d’autres nuits d’ailleurs. C’est un fêtard invétéré et son hygiène de vie est déplorable. Selon lui c’est une rupture amoureuse qui est à l’origine de ce train de vie nocturne fait de soirées arrosées et de nuits torrides en compagnie de Pom-pom-girls. Cela ne l’empêche pas de performer, après tout il aligne 18 points, 9 rebonds et 2 contres de moyenne, mais ses excès vont le rattraper. Il finit par tomber malade, il est plié en deux à cause de fortes douleurs aux intestins, il perd près de 15 kilos. Pire, les médecins du campus lui détectent une arythmie cardiaque et lui annoncent qu’il doit cesser de jouer. Au lieu de cela, Joe décide non seulement de continuer de jouer, mais aussi de continuer de boire et de faire la fête chaque nuit.
Il se rend à Boston pour le week-end et il a envie de déguster une des spécialités locales, le Long Island Coffee. Un nom qui paraît bien inoffensif mais qui cache un cocktail redoutable de 5 liqueurs. Il commence à regretter ce choix après le quatrième verre, dans le mal il décide de rentrer à son hôtel. Le temps de se faire filmer par les caméras de surveillance en train d’uriner dans l’ascenseur, il rejoint finalement sa chambre. Il décide alors de prendre une douche pour se revigorer, et c’est à ce moment précis, tremblant, qu’il se rend compte qu’il est en train de toucher le fond. Il est temps pour lui de changer et de remonter la pente.
Il passe 4 années dans la faculté de Niagara avec 14 points, 7 rebonds et 2 contres de moyenne en 112 matchs. Il mène son équipe au Tournoi NIT ( National Invitation Tournament) de 1987, avec une nouvelle victoire de prestige face à Seton Hall. Il détient le record de contre et c’est plus tard, en 1992, qu’il sera intronisé au Hall Of Fame de Niagara University. Joe Arlauckas ne s’est pas menti, il a fourni le travail nécessaire pour se remettre sur les bons rails. De quoi intéresser les recruteurs de la NBA à l’approche de la prochaine draft. Arlauckas le bringueur incertain de vouloir faire de son sport un métier est en passe de devenir un basketteur professionnel. Il démontre ainsi une force de caractère et un tempérament fort, une constante qui durera toute sa carrière. Fun Fact, il est encore à l’heure actuelle, le dernier joueur de l’histoire de sa fac à être drafté par une équipe NBA.
NBA CIRCUS
Car oui Joe Arlauckas se voit être choisi le soir de la grande loterie par les Sacramento Kings avec le 74e choix (5e choix du 4e tour). Une sélection dans les tréfonds de la draft qui ne l’empêche pas de faire partie intégrante du roster des Kings coaché par le légendaire Bill Russell.
Là-bas, il fait la rencontre d’un joueur qu’il considère comme son mentor, il s’agit d’Otis Thorpe. L’ailier fort âgé de 25 ans marque Joe par son professionnalisme et la façon dont il s’est occupé de lui. L’équipe ne manque pas de talent, avec des Reggie Theus, Kenny Smith, le futur palois Harold Pressley, mais comme le dit Arlauckas lui-même :
» Nous étions une grande équipe, mais la nuit. »
Entre les frasques de Harold Pressley aka « le trou du cul le plus attachant que j’ai rencontré » selon lui, ou les innombrables conquêtes de Reggie Theus qui passe le plus clair de son temps à s’envoyer toutes les groupies d’Amérique, et d’autres comme Joe lui-même qui ne sont pas contre sortir tard le soir. L’équipe manque clairement de sérieux et cela malgré la présence de Bill Russell au coaching. Ce dernier est loin d’être exempt de tout reproches. Lors du premier entraînement de Joe avec les Kings, Russ est dans les gradins, assis seul en train de dormir. C’est son assistant, Willis Reed, la légende des Knicks de New York qui s’occupe de faire travailler les joueurs. Bill Russell lui se réveille tranquillement, regarde Reed est lui dit:
» Il faut abréger là il est 11h30, moi j’ai une partie de golf après. »
Un coaching en dilettante qui se ressent sur l’engagement de l’équipe, mais d’autres consignes émanant de la légende des Celtics perturbent Joe. Face aux Los Angeles Lakers, il entre en jeu, la consigne, faire faute sur Magic Johnson. Le meneur pourpre et or pénètre, il monte aux paniers, Joe s’exécute et fait une grosse faute sur le magicien. Panier, plus la faute, Bill Russell est hors de lui, et ordonne d’y aller plus fort. Action suivante, même schéma, grosse faute, « and one », Russell insulte Arlauckas. De son côté le jeune rookie ne souhaite pas découper Magic en deux, il hallucine qu’on lui ordonne de devoir être aussi brutal. Plus tard, le coach lui demande de faire la même chose avec Karl Malone. Est-ce que jouer des coudes avec le « Mailman » est une bonne idée lorsqu’on est débutant en NBA ? La réponse est bien entendue non. Le facteur du Jazz fait une démonstration de sa précision assassine en envoyant un coup vicieux dont il a le secret en plein dans la mâchoire de Joe. Ce dernier prend cela comme une leçon de vice et de dureté dont il prend note pour plus tard. Il est aussi frustré de devoir jouer au catcheur de service, lui qui pouvait scorer 40 points certains soir avec Niagara. Il a l’âme d’un scoreur et il se retrouve avec un job de videur.
Bill Russell perd son job de coach en cours de saison, il se retrouve placé dans les bureaux, qui sont bien plus confortables pour faire des siestes. Mais à ce moment-là Joe ne fait déjà plus partie de l’effectif. Il est coupé après seulement 9 matchs, au milieu de tous ces ailiers qui composent le roster des Kings, difficile de se faire une place.
EXIL EN EUROPE
Son agent Joe Glass fait comprendre qu’une place en NBA pour Joe n’est pas impossible mais que l’Europe est une option qui peut être fructueuse. Dans un premier temps réticent, il change d’avis lorsque le téléphone cesse de sonner et qu’aucune proposition ne lui est faite. Le championnat italien à la réputation d’être l’Eldorado des anciens de la grande ligue américaine. C’est ainsi qu’il rejoint le Snaidero Caserte, équipe où évolue la légende brésilienne Oscar Schmidt.
Un début de carrière sur le vieux continent quelque peu particulier. Bien qu’il aide son équipe à remporter la coupe d’Italie avec un bon match (13 points inscrits), et qu’il soit très bon sur le terrain lorsqu’il a des minutes, il est coupé après seulement 10 matchs. Coupé pour des raisons diplomatiques. En effet lorsque la star de l’équipe est dans un mauvais soir c’est bien souvent toute l’équipe qui s’effondre. Alors que le Snaidero est mené au score, Joe entre en scène et remet son équipe dans une bonne posture, le match est malgré tout perdu mais il a permis à son équipe d’y croire jusqu’au bout. Dans le vestiaire, Oscar Schmidt pleure toutes les larmes de son corps. Il vient de faire une mauvaise performance et pire, un autre joueur vient de lui voler la vedette. Alors à l’approche des playoffs c’est sans hésitations que le Caserta coupe Joe Arlauckas pour le remplacer par un pivot américain, plus besogneux que lui et moins enclin à créer des scènes de jalousies.
Il doit rebondir pour la saison suivante, il passe par Milwaukee où il participe au camp d’entraînement mais il s’aperçoit vite qu’il n’y a pas de place pour lui dans le roster des Bucks. Son agent lui parle alors de signer à Málaga, » Il y a la plage et il fait beau ! « . Il n’en faut pas plus pour le convaincre de tenter sa chance en Espagne.

Gros changement d’ambiance par rapport à son expérience italienne, pas de superstar à chouchouter il est même très bien reçu par les membres de l’équipe. C’est un beau groupe, fort et soudé. Il côtoie un autre intérieur américain, le pivot Ricky Brown. Avec lui, il forme un duo d’intérieur redoutable, 45 points et 17 rebonds à eux deux chaque soir. Ils se complètent à merveille et permettent à la Caja Ronda (aujourd’hui connue sous le nom de Unicaja) d’aligner un joli bilan de 23 victoires pour 13 défaites. Lorsque Joe score 45 points face à Barcelone, il est clair que le championnat espagnol s’est trouvé une nouvelle star, 21 points et 7 rebonds de moyenne à 63% de réussite pour lui, l’histoire est en marche.
La saison suivante, il prend le leadership de l’attaque avec presque 23 points par match. Le bilan est quasiment le même avec 21 victoires pour 15 défaites. Il confirme ainsi son statut de star du championnat. C’est donc tout naturellement qu’il intéresse une des grosses cylindrées de Liga ACB, le Taugrès Vitoria (actuellement Baskonia Vitoria). Il se retrouve donc au sein d’un effectif de grande classe, avec Chicho Sibilio l’ancien barcelonais d’origine dominicaine. Il y a aussi le pivot portoricain Ramon Rivas et le petit meneur espagnol, la mobylette Pablo Laso. Ce dernier va s’entendre à merveille avec Joe sur le terrain, une connexion qui fait le spectacle, les Alley Oops pleuvent et Pablo Laso gave de caviars l’ailier américain qui se régale. Mais il régale également le public. Avec son tempérament de feu il célèbre les grandes actions avec énergie de quoi chauffer à blanc les spectateurs. Côté dunk, il est à l’instar d’un Latrell Sprewell, un joueur avec quasi toujours le même geste, mais réalisé avec tellement d’énergie et de style que c’est toujours jouissif à regarder.
Il passe trois saisons sous le maillot du TAU Ceramica avec un bilan de 62 victoires pour 37 défaites, quelques beaux succès en play-off même s’il n’y a pas de titres à la clé. Il est le leader incontestable de l’effectif avec plus de 22 points et 9 rebonds par rencontre. C’est cependant lors de la saison 1992/93 qu’il marque les esprits de toute l’Europe grâce à ses performances lors de la Coupe Korac. Parmi ses victimes il y a le club de Zadar, il inscrit 40 puis 39 points lors des deux affrontements face aux croates. Puis les Tchécoslovaques de Banik subissent le même sort, 87 points inscrits en 2 rencontres accompagnés de 36 rebonds. De véritables cartons pour lui qui termine la compétition avec plus de 32 points et 11 rebonds de moyenne. La scène européenne est avertie, Joe Arlauckas c’est du sérieux.
JOE À LA MAISON BLANCHE
Maintenant qu’il s’est imposé dans une des grosses écuries du championnat, il passe à l’étape supérieure en signant à l’été 1993 dans un des clubs de légende de la Liga ACB. C’est dorénavant les couleurs du Real Madrid que défend Joe Arlauckas. Il rejoint les deux stars lituaniennes, le sniper Rimas Kurtinaïtis et le dieu vivant Arvydas Sabonis. Deux joueurs qu’il refusa de rejoindre lors de l’été 1992, lorsque « l’autre Dream Team » proposa au joueur d’origine balte de rejoindre la sélection. Dorénavant c’est une véritable « Superteam » que rejoint l’américain.



Les débuts sont compliqués, Sabonis prend de la place dans la raquette, il faut donc que Joe change un peu son jeu en s’écartant plus du cercle. Ensemble, ils combinent 42 points et 20 rebonds par soir. La tour de contrôle Sabonis et le dynamiteur Arlauckas roulent sur l’Espagne. Le Real s’offre un nouveau titre de Liga ACB, le 5éme de son histoire, 24 victoires pour 4 défaites en championnat, et un bilan de 10-2 en playoff. Arvydas est le MVP de la saison régulière et Joe lui est le meilleur scoreur de l’équipe. En finale c’est l’éternel rival du FC Barcelone, avec un effectif très américain, avec notamment Corey Crowder et Tony Massenburg, qui s’incline 3-0 et qui ne peut rien faire pour contenir Sabonis et les siens.
En Euroleague c’est la déception, alors qu’ils écrasent tout en championnat la machine semble moins bien préparée à affronter les ténors européens. C’est la surprenante équipe de la Joventut Badalone de Jordi Villacampa qui élimine Madrid dès les quarts de finale et qui remporte même le plus prestigieux des trophées face au Panathinaïkos.
Pour faire passer un cap en Euroleague à cette équipe, arrive la saison suivante (1994-95) un nouvel entraîneur, le Serbe Zeljko Obradovic, déjà détenteur de deux titres européens avec le Partizan Belgrade en 1992 mais aussi du bourreau du Real la saison passée, la Joventut Badalone. L’équipe reste inchangée, on tentera de faire venir la star du championnat de France, l’Américain Skeeter Henry, mais l’ancien Dijonnais ne restera que 9 matchs. Avec 23 victoires et 15 défaites, Madrid est moins dominateur en championnat et le FC Barcelone parvient à éliminer le Real en playoff au second tour grâce à un effectif largement remanié et remporte même le titre. S’ils ne font pas le doublé en Liga, il en est tout autrement en Euroleague.
Zeljko Obradovic fait bénéficier de toute son expérience dans la plus grande des compétitions européennes aux joueurs du Real. Ils viennent d’abord à bout du meilleur bilan du groupe B, le CSP Limoges avant de vaincre l’Olympiakos Athènes d’Eddie Johnson en finale. Les Madrilènes sont sur le toit de l’Europe et le tandem Sabonis/Arlauckas finit dans le meilleur 5 du tournoi, le géant lituaniens est même le MVP du tournoi. C’est le 8éme titre européen pour le Real Madrid, le MVP du Final Four est Sabonis et Joe Arlauckas est également dans le meilleur 5 de ces phases finales. Mission accomplie pour ce qui est « peut-être » le meilleur duo d’intérieur de l’histoire de l’Euroleague.


Mais la saison suivante le monstre à deux têtes n’est plus, Arvydas Sabonis succombe finalement aux sirènes de la NBA. Son remplaçant est le Serbe Zoran Savic, bien plus petit que Sabonis, il est néanmoins un des pivots les plus efficaces du vieux continent. C’est le moment pour Arlauckas de prendre les rênes de l’équipe, ce qui ne pose aucun problème à Zeljko Obradovic. Le stratège serbe connu pour son fort caractère s’est entiché de son ailier fort vedette qu’il estime au plus haut point. Il dit à son sujet :
« C’était un tueur dans le sens le plus positif du terme . Je suis très fier de l’avoir eu comme joueur et connu en tant que personne. Les victoires sont oubliées avec le temps, mais vous n’oubliez jamais les bonnes personnes et Joe était l’un des meilleurs. »
Il n’y a pas que le géant Sabas qui manque à l’appel, puisque Rimas Kurtinaïtis, Pep Cargol, Jose Biriukov et Antonio Martín ne font désormais plus partie du roster de la maison blanche. Un changement radical qui donne de la place à Joe qui score plus de 22 points par match, mais qui ne permet pas à l’équipe d’obtenir de bons résultats. Si la régulière est une formalité avec une seconde place obtenue grâce à 28 victoires, c’est une décevante élimination dès le premier tour des phases finales face au 7éme bilan de ligue, la Caja San Fernando Sévilla.
L’Euroleague permet de sauver la face de cette saison grâce à une participation au Final Four qui se joue cette année 1996 du côté de Paris. Un souvenir douloureux pour Joe Arlauckas, puisque le Real Madrid chute aux portes de la finale face au FC Barcelone. Une défaite 76 à 66 qui le marque et qui fera de cette défaite face au catalan son pire souvenir en carrière.
Il considère même ce souvenir comme étant plus marquant que la performance légendaire qu’il réalise le 15 février 1996 face à la Virtus Bologne. Ce soir-là, il est intouchable, tout son arsenal y passe. Les Bolognais ne peuvent rien contre lui. Fadeaway, catch and shoot, alley-oop, dunk en contre-attaque, dunk in your face, tout y est. Résultat, 63 points inscrits à lui tout seul, 24/29 aux tirs, 15/18 aux lancers francs, 11 rebonds et victoire 115 à 96. C’était Dieu déguisé en Joe Arlauckas. Pendant le match, un assistant conseille à Joe de passer le ballon lorsqu’il y a prise à deux, de quoi énerver Obradovic qui dit à son joueur :
» Ne l’écoute pas, à chaque fois que tu as la balle shoote! «
Si la finalité de cette campagne européenne est décevante, individuellement elle reste incroyable. Il est le meilleur scoreur de la compétition avec 26,4 points, et score à 5 reprises plus de 30 points. Son record de points ne sera peut-être jamais battu. Une performance dont se souvient parfaitement coach Obradovic:
» Joe a fait un véritable festival contre Bologne. Il a tout marqué avec une incroyable facilité. C’était un joueur complet, il avait tout. Il savait tirer, prendre des rebonds, il était rapide, technique et courageux. C’est l’un des meilleurs joueurs que j’ai entraînés dans ma carrière. «
Les prouesses individuelles de Arlauckas n’ont pas suffi à permettre au Real de s’imposer, et pire, elle voit les frères ennemis du Barça s’imposer en Liga ACB et jouer la finale de l’Euroleague à leur place. cela en est trop, il faut recruter du lourd pour la saison 1996-97. Au revoir Zoran Savic, c’est désormais le russe Mikhail Mikhaïlov qui prend le poste de pivot. Arrive également les deux Alberto, l’ailier Herreros, et le meneur Angulo. Trois recrues de choix complétées par l’arrivée du génie Dejan Bodiroga.
Pas de quoi perturber Arlauckas, lui qui s’adapte parfaitement aux effectifs et talents qu’on place à côté de lui. S’il est un scoreur, il n’est pas égoïste et accepte totalement de partager la gonfle avec ses partenaires. Il n’y a guère qu’avec le Brésilien Oscar Schmidt que les choses se sont mal passées mais il n’était pas le fautif.
Bodiroga prend le contrôle de l’attaque et la moyenne de points de Joe passe de 22 à 16 points par match sans que cela ne soit problématique. Les Madrilènes terminent la saison avec un bilan de 29 victoires pour 5 défaites seulement. Mais finalement c’est quand même le FC Barcelona qui s’impose en finale 3-2 grâce au Lituanien Arturas Karnishovas et grâce au surprenant géant espagnol Roberto Duenas qui est élu MVP de cette finale.
C’est raté pour le championnat, l’Euroleague n’est pas au programme à cause de l’élimination prématurée des playoffs la saison passé, c’est donc la Coupe Saporta (ou Euro Cup) qui est dans le viseur de la bande à Joe. La finale est atteinte après deux victoires contre un PSG Racing accrocheur, puis c’est une victoire nette 78 à 64 face au Mash Vérone. Le trio Bodiroga (17 points), Herreros (19 points), et Arlauckas (18 points) a géré cette finale en ne laissant aucune chance à ses adversaires.
L’AMOUR DURE 4 ANS
La saison 1997/98 se profile, nous sommes le 30 juillet et un homme manque à l’appel. La presse espagnole s’étonne de ne pas voir Joe Arlauckas dans la capitale. Il semble bien que les relations entre le club et le joueur se soient considérablement détériorées. Il explique que son passeport a expiré mais la duperie ne fonctionne pas car du côté de Madrid tout le monde sait que cette absence est volontaire. Il arrive finalement avec 6 jours de retard, le club souhaite lui infliger une amende, mais pour lui il n’est pas question de payer quoi que ce soit.
Petit à petit le vestiaire du Real Madrid monte en température, le nouvel entraîneur se nomme Miguel Angel Martín et sa relation avec Arlauckas est catastrophique. Les deux hommes se lancent dans une guerre des mots par journalistes interposés et Joe est pointé du doigt quand il s’agit d’évoquer les mauvaises performances du Real cette année-là. Le coach dit même à son sujet :
« Arlauckas n’est pas à son niveau. Il marque six points par match alors qu’il a l’habitude d’en marquer 20 ou 22. S’il ne performe pas comme prévu, l’équipe en souffre. Mais tout ne peut pas lui être reproché non plus. C’est un petit accident et vous devez travailler dur pour essayer de le redresser. Quand un joueur n’est pas bien, il doit s’améliorer. »
La raison du mécontentement de l’Américain est d’ordre pécuniaire. Il a prolongé pour deux saisons avec le Real mais il semble que les primes négociées sur son contrat ne soient pas versées par son club qui traverse quelques problèmes financiers. S’ensuit donc une bataille entre le club et le joueur, il en résulte donc cette animosité réciproque. Le club ne veut rien lâcher et le joueur ne semble pas vouloir concéder quoi que ce soit.
L’affaire tourne même au ridicule lorsque l’entraîneur espagnol se plaint dans le célèbre journal El Pais de voir son joueur « péter » en sa présence. On peut lire, » Arlauckas est toujours d’humeur à plaisanter, quel que soit le résultat d’un match. Ça ne le dérange pas de péter quand l’entraîneur est présent devant lui. »
Une autre fois, c’est son agent qui le contacte pour lui expliquer que le club est prêt à faire fuiter des photos de lui en pleins ébats avec une prostituée dans sa voiture. Il répond qu’ils n’ont qu’à publier ces photos s’ils le peuvent. Mais il sait très bien que ces photos n’existent pas puisque cela n’est jamais arrivé. Une vieille rumeur infondée tombée dans les oreilles du club est à l’origine de ce chantage. Pas de quoi intimider Joe.
Une autre rumeur est lancée, Joe serait toxicomane. En même temps, le club annonce qu’un test antidopage est programmé. Il se sent immédiatement visé personnellement. Mais là encore la tentative d’intimidation ne fonctionne pas. Miguel Angel Martin serait à l’origine de toute cette histoire selon lui.
Un dernier incident scelle le destin de Joe avec le Real de manière définitive. Lors du match qui oppose Madrid à Leon, l’entraîneur Martín demande à son Américain Mike Smith de rentrer en jeu. Lui aussi est en guerre avec le club et son entraîneur. Il refuse de remplacer Dejan Bodiroga en prétextant des douleurs à l’estomac. Devant les excuses peu convaincantes du joueur qui est coutumier des moqueries envers son coach, le banc de touche entier se met à rire aux éclats, tous sauf Joe. Pourtant dès le lendemain, le club décide alors de congédier Mike Smith et Joe Arlauckas sur-le-champ. Le motif de ce licenciement ? Indiscipline, Smith pour ne pas avoir obéi à son coach, et on reproche à Joe d’avoir ri sur le banc, alors qu’il est le seul joueur à ne pas avoir pris part à la rigolade. Martin est quant à lui destitué de son poste d’entraîneur pour être placé dans les bureaux du club. Par la suite, Arlauckas poursuit son club et obtient gain de cause et sera finalement payé.
Une fin bien triste pour un joueur qui se sent bien dans son club et qui refuse à plusieurs reprises des ponts d’ors offerts par des ténors de l’Euroleague qui souhaitent avoir l’un des meilleurs scoreurs d’Europe dans leur équipe. De son côté la saison du Real est tout aussi morose, sans Arlauckas il ne passe pas les phases de poules de l’Euroleague et des playoffs de la Liga ACB en s’inclinant en demi-finale face au TDK Manresa.
OLD MAN JOE
Nouvelle ligue, nouvelle capitale et nouvelle équipe, désormais il évolue avec l’AEK Athènes dans le réputé rugueux championnat grec. Un changement d’ambiance qui n’est pas à son avantage, avec seulement 13 points par match, il montre quelques difficultés à s’acclimater aux championnats hellènes. Une de ses fiertés à ce moment précis et d’avoir à son tour servi de mentor comme l’a fait Otis Thorpe pour lui en son temps. Il prend sous son aile Dimos Dikoudis, il ne lâche pas d’une semelle le jeune ailier fort grec. Lui enseignant les rudiments du poste et toutes les choses à savoir pour être un vrai professionnel. En 2002, Dimos Dikoudis est élu MVP du championnat grec, il remporte l’Euroleague en 2007, de quoi mettre en joie Joe Arlauckas.

Ce dernier réussit finalement à s’imposer, le cheveu est plus grisonnant que jamais, les kilos en trop sont bien visibles, mais il aligne malgré tout plus de 17 points par match avec l’équipe de l’Aris Salonique qu’il a rejointe à l’intersaison.
Une saison physiquement compliquée, à 34 ans son corps commence à connaitre des difficultés, surtout dans un championnat aussi rude que celui-ci. Se plaignant de douleurs, on commence à lui injecter de la cortisone, de grandes doses de cortisones. Il est un des piliers de l’équipe et passe beaucoup de minutes sur le terrain. L’équipe moribonde en début de saison finit par se qualifier pour les playoffs. Ce qui n’est pas au goût de Joe qui aurait bien pris des vacances anticipées. Les rencontres montent en intensité et il faut qu’il joue encore plus, donc plus de cortisone.
Lors de ces playoffs, on le convoque pour un test antidopage, une formalité pour Joe qui a l’habitude de ce protocole. Mais là un membre du staff lui court après en lui demandant s’il ne veut pas que quelqu’un donne un flacon d’urine à sa place. Joe refuse, boit quelques Heineken et fait son petit pipi qu’il donne au comité de contrôle. Les phases finales se terminent et il rentre aux États-Unis prendre des vacances bien méritées.
Le téléphone sonne et on annonce à Joe Arlauckas que le test démontre qu’il est chargé comme jaja. Il pense d’abord à un canular mais il doit se rendre à l’évidence, les choses sont mal embarquées pour lui. La nouvelle se répand rapidement et les journaux espagnols reprennent la nouvelle qui fait écho avec les accusations déjà faites au moment où il était joueur du Real. Là c’est du sérieux, il risque jusqu’à deux ans de suspension. Dans un premier temps, il souhaite attaquer en justice et défendre son honneur, mais finalement il prend une décision radicale. C’est terminé, celui qu’on surnomme Big Joe prend sa retraite. En agissant de la sorte, il évite que son nom soit repris pour une affaire qui ternit sa carrière.
Une nouvelle fin bien triste pour un joueur si flamboyant sur les parquets. Il décide alors de rester aux États-Unis et de raccrocher ses sneakers. Il laisse le souvenir d’un attaquant formidable, d’un joueur sympathique malgré un caractère de feu, un dynamiteur de défense, un détonateur capable de faire exploser le public. Une vraie légende de la Liga ACB et de l’Euroleague. D’ailleurs, il n’en a pas totalement fini avec cette dernière.



Il souhaite changer de vie et mettre de côté le Basketball, une terrible erreur selon lui. Il tente de devenir entrepreneur, mais l’expérience n’est pas fructueuse. Puis viennent les moments difficiles qui font suite à un divorce compliqué. Alors il décide avec l’accord de ses enfants de retourner en Espagne. Bien lui en a pris puisqu’il devient commentateur attitré de l’Euroleague notamment pour les matchs de son ancien club, le Real Madrid. Il anime également un podcast nommé « CrossOver » où il reçoit des joueurs d’aujourd’hui et d’hier pour parler Basketball, une émission qui en est à sa quatrième saison et qui voit le gratin de l’Euroleague venir tailler le bout de gras avec la légende du Real.
Joe Arlauckas continue donc de régaler les fans de Basket-ball grâce à son franc-parler et sa bonne humeur au micro. Il est le meilleur ailier fort des années 90, que ce soit en Espagne ou sur la scène Européenne. Un personnage attachant, qui raconte, et se raconte, sans concessions, ce qui fait qu’on ne peut qu’aimer le personnage. On ne se lassera jamais de voir Big Joe autour des parquets.
SON PALMARES
- 1995 vainqueur de l’Euroleague
- 1997 vainqueur coupe Saporta
- 1994 vainqueur Liga ACB
- 1993 vainqueur coupe d’Espagne
- 1988 vainqueur coupe d’Italie
STATS Liga ACB
- 307 matchs
- 20.7 PTS; 7.2 REB; 1.6 AST; 1.3 INT; 1.1 CTR; 58% TIRS; 71% LF.
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