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[Portrait] Dell Curry, au nom du père

Portrait

Illustration Une : Adrien PMMP pour Basket Rétro

Pour s’imposer et durer en NBA, Dell Curry s’est spécialisé dans l’art du tir longue distance. Un sniper utilisé toute sa carrière en sortie de banc. Un rôle vécu comme une bénédiction qui lui permet de se faire un nom parmi les meilleurs sixièmes hommes de la ligue. Un assassin silencieux attaché à une franchise culte des nineties, les Charlotte Hornets.

A TIR DELL

Quand on regarde l’arbre généalogique de la famille Curry, difficile de ne pas se demander si l’adresse n’est pas une question d’hérédité. Dell Curry et ses fils Stephen et Seth émargent, tous les trois, à plus de 40% de réussite en carrière derrière la ligne à 3 points. Le meneur des Warriors est même le grand artisan du changement de jeu dans les années 2010, qui donne la part belle aux tirs lointains. Prédisposition génétique ou fruit d’une gestuelle durement travaillée ? Avoir été biberonné à la balle orange a certainement aidé les frangins à atteindre de tels sommets. Pour leur paternel, la question se pose. Dell Curry grandit à Grottoes, un bled perdu dans la Virginie rurale, au milieu de ses quatre grandes sœurs. Pour échapper à une maison remplie de poupées, il se réfugie dans le jardin dès la sortie de l’école. Et comme la région regorgent d’ours errants, son père Jack lui interdit formellement de s’éloigner du domicile. Pas terrible comme terrain de jeu. Heureusement, pour occuper son fils, il a la bonne idée de poser un panier de basket sur un poteau entouré d’une cage de protection.

Dell-Curry-FortDefiance

© Thesportscol.com

Une installation de fortune qui devient le passe-temps de Dell, un laboratoire de test pour élaborer sa mécanique de tir. Ne connaissant pas sa main forte, il se révèle être un piètre shooteur à ses débuts. C’est une blessure au poignet gauche, à l’âge de neuf ans, qui change la donne. Bien décidé à continuer son travail malgré son attelle, il bascule sa gestuelle de la main gauche vers la main droite. Et là, ô révélation, le jeune Curry se met à faire mouche. Jamais rassasié par ses séances de shoots quotidiennes, Dell fait des heures supp’ à l’adolescence. Inscrit au lycée local de Fort Defiance, dans la vallée de Shenandoah, il attire immédiatement l’attention du coach Don Landes. L’entraîneur perçoit sa soif d’apprendre et lui donne les clés de sa grange personnelle. A l’intérieur, un vrai panneau de basket sur lequel Curry perfectionne son jump shot. Dès qu’il a du temps libre, il prend son vélo pour faire le trajet de 15 minutes jusqu’à la ferme de Don Landes. Une obsession qui le fait prendre 500 tirs minimum à chaque séance. Son objectif, gagner en vitesse d’exécution. Dell a compris que son physique ne lui permettrait pas forcément de prendre le dessus sur ses adversaires. Alors, il mise sur la rapidité de son tir pour les surprendre.

C’était juste un sol de terre battue avec un panier. J’entrais et je tirais pendant des heures et des heures sans interruption. Le plus important, c’est que peu importe qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il fasse froid ou qu’il fasse chaud, je pouvais y aller et travailler mon jeu. Au début, Don observait mon geste. Quand il a vu que j’essayais d’obtenir un L avec mon coude et que j’avais la bonne technique, il m’a juste donné la clé. J’ai un bon tir désormais, mais c’est parce que je l’ai énormément travaillé. Je n’étais pas le gars le plus rapide, je ne pouvais pas sauter le plus haut, donc je savais que je devais lâcher le ballon plus rapidement. Et j’avais un entraîneur qui a vraiment travaillé avec moi sur mon jeu de jambes et sur le fait d’être prêt à tirer avant même d’attraper le ballon.

L’obstination de Curry paie. A une époque, où la ligne à 3 points n’existe pas encore, sa réputation de shooteur d’élite dépasse le cadre du lycée. Dans sa dernière année, il rafle le titre de Virginia Mr Basketball et récolte les honneurs nationaux de la Parade All-American avec une vitesse de croisière à 26.6 points. Au moment de choisir sa fac, deux universités sont au coude à coude : Virginia Tech et Maryland. La première évolue dans la modeste Conférence Metro, tandis que la seconde appartient à la glorieuse Atlantic Coast Conference. Pour le recruter, le coach de Virginia Tech, Charlie Moir fait le forcing. Il fait la route de son lycée plus de trente fois et rend régulièrement visite à la famille Curry pour faire prendre la sauce. Une technique de drague efficace. Assuré d’avoir un plus gros temps de jeu sous ses ordres, Dell s’engage avec les Hokies. Une fac très peu cotée dans le paysage NCAA avec seulement quatre apparitions à la March Madness et qui vit dans l’ombre des Cavaliers de Virginia, l’université voisine. En plus, l’arrivée de Curry sur le campus est mal perçue par la star de l’équipe, Perry Young. Les deux joueurs évoluent au même poste et le sophomore accepte mal l’idée de partager la gonfle avec la recrue. Coach Moir est à deux doigts de se séparer de Young, jugé immature. Mais, au fil des matchs, la rivalité interne entre les deux guards bonifient les résultats. 16.1 points pour Young, 14.5 pour Curry avec à la clé un bilan positif en 23-11. Re-belote, la saison suivante où les pistoleros se tiennent dans un mouchoir de poche. Dell émarge à 19.3 points et 52,2% de réussite. Au contraire de son coéquipier, lui, n’a pas besoin de la balle pour être efficace. Utilisé en bout de chaîne, son adresse naturelle est son arme principale. Encore un peu justes pour la March Madness, les Hokies sont néanmoins sur les bons rails.

Dell-Curry-VirginiaTech

© Vasportshof.com

Un événement accélère l’influence de Curry dans l’effectif. En 1984, la Conférence Metro introduit la ligne à 3 points. Habitué à artiller longue distance, cette nouvelle règle apporte une dimension supplémentaire au jeu offensif de Dell. Même si le Hokie ne l’utilise qu’avec parcimonie, il tourne à 57,1% derrière l’arc. Le début d’une marque de fabrique familiale. Porté par son duo Curry et Young qui carbure à 36.6 points, Virginia Tech termine la saison à 69% de victoire. Un bilan solide qui lui ouvre enfin les portes du tournoi NCAA. Lors du premier tour contre Temple, Perry Young se déchire avec un piteux 4/14 aux tirs. Sans son acolyte, Dell ne peut empêcher la défaite des siens 60-57. Cet échec marque la fin de leur association. Drafté par les Trailblazers, Young rejoint la NBA, laissant Curry seul aux manettes des Hokies. Un mal pour un bien. Ce départ libère complètement le sniper qui prend tous les tickets shoots et pointe à 24.1 points et 52,9% de réussite ! Ses 722 points inscrits sur la saison représentent un record de la fac. Ses cartons permettent à Virginia Tech d’accrocher la March Madness pour la seconde année consécutive. Le temps d’un petit tour contre Villanova, au collectif trop profond pour espérer quoi que ce soit. En fin de cursus, il est le meilleur scoreur de l’Histoire des Hokies, le deuxième alltime de la Metro Conference et intègre la All-American Second Team. Un CV bien épais avant de faire le grand saut en NBA. Pour Marty Blake, considéré comme le premier scout de la Grande Ligue, Curry est tout simplement le meilleur shooting guard de la cuvée :

Je le classe comme l’arrière shooteur numéro un du pays. Il me rappelle Otis Birdsong, et définitivement il sera un choix du premier tour. Chez les pros, il pourra directement contribuer au scoring grâce à sa qualité de tir. Il a un excellent fouetté, un geste rapide et pour peu qu’il soit ouvert, son shoot fera ficelle.

L’avenir de Dell semble tout tracé. Pourtant, un élément remet en cause son passage en NBA. Parallèlement au basket, Curry joue aussi au baseball à Virginia Tech. Une passion qui date de ses années lycée à Fort Defiance. Pas manchot pour lancer la balle, il est crédité de 3.81 MPM (moyenne de points mérités) pour un bilan de 85% de victoire avec les Hokies. Une performance d’autant plus incroyable qu’il n’a joué au baseball que ses deux dernières années d’études. Son niveau est suffisant pour être drafté par les Baltimore Orioles au 14ème tour en 1985. L’équipe l’attend impatiemment au camp des rookies. Dans son entourage, beaucoup d’amis le considèrent, même, meilleur lanceur que shooteur. Cruel dilemme dans la tête d’un jeune homme d’à peine 22 ans qui doit choisir entre deux voies dorées. Devant l’insistance de son père, il opte pour la balle orange, jugeant ses chances de réussite plus élevées en NBA. Le destin de Dell, et par extension ceux de ses fils, est en marche.

Dell-Curry-baseball

© mlb.com

DES BATONS DANS LES ROUES

La draft 1986 confirme les impressions de Marty Blake : un seul arrière, Ron Harper, est sélectionné devant Dell Curry. Appelé à la quinzième position, il fait ses valises pour Salt Lake City et les Utah Jazz, une franchise ambitieuse qui vient de drafter successivement John Stockton puis Karl Malone. Barré dans les rotations par Darrell Griffith et Bob Hansen, Dell connaît une saison rookie difficile. Plus petit temps de jeu de l’équipe avec 9 minutes, il participe principalement à du garbage time. C’est le cas contre les Clippers en février, où il score 20 points à 9/15 aux tirs dans une large victoire. L’une des rares occasions de montrer son adresse naturelle à Frank Layden. Head coach et general manager à la fois, Layden a un autre projet en tête. Il veut renforcer sa raquette à l’intersaison. Utah monte, donc, un trade avec Cleveland pour récupérer l’explosif Darryl Dawkins. En échange, Curry est envoyé dans l’Ohio. Un deal qui va s’avérer catastrophique pour les Mormons. En plus de perdre un prospect, le Jazz ne bénéficiera que pour quatre matchs des services de Dawkins. Atteint psychologiquement par le suicide de son ex-femme, Thunder Chocolate n’est que l’ombre de lui-même, obligeant Layden à le transférer de nouveau quelques mois après.

Ce déménagement est une bénédiction pour Curry. Dans une équipe en reconstruction, le management des Cavaliers donne la priorité aux jeunes. Dell retrouve d’ailleurs trois autres joueurs issus de sa cuvée : Brad Daugherty, Mark Price et Ron Harper. Le coach Lenny Wilkens l’utilise en sortie de banc pour doper offensivement sa second unit. Dès son premier match sous ses nouvelles couleurs, il score la vingtaine. Moins d’un mois plus tard, il tape son record avec 27 unités à 11/16 aux tirs. La NBA découvre son shoot soyeux, armé en une fraction de seconde. Pour son année de sophomore, il s’affiche à 10 points tout rond et 45,8% de réussite. Sachant que la majorité de ses tirs sont pris à mi-distance, le pourcentage est très propre. Le roster de Cleveland est jeune, mais diablement talentueux. La preuve en fin de saison, où les Cavaliers se mettent au galop. L’équipe passe d’un bilan de 31-38 à 42-40 pour arracher in extremis une place en playoffs. Avec des rotations plus serrées en postseason, Dell ne reçoit qu’une poignée de minutes en temps de jeu. Il ne peut que constater le show Michael Jordan (45.2 points sur la série) futur bourreau des Cavs. Malgré la déception, le projet sportif plait à Curry, qui jette l’ancre à Cleveland. Avec son épouse Sonya, une volleyeuse de premier plan rencontrée à la fac, il s’installe en banlieue. Le 14 mars 1988, le couple accueille son premier enfant, Stephen, né au City Hospital d’Akron. Le même hôpital qu’un certain LeBron James, 39 mois plus tôt ! Mais, Dell n’a pas le temps de pouponner tranquille à Cleveland, qu’il doit déjà faire ses bagages. La faute à David Stern, le commissionnaire de la NBA.

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© usatsi

A l’orée de la saison 1988-89, la ligue accueille deux nouvelles équipes : le Miami Heat et les Charlotte Hornets. Pour construire leur effectif, les nouveaux venus peuvent piocher dans chaque franchise qui ont le droit de protéger huit joueurs. L’expansion draft se tient le 23 juin, en amont de la draft traditionnelle du 28 juin, où les Hornets ont choisi d’être devant Miami. Conséquence, c’est le Heat qui dégaîne en premier lors de la soirée d’expansion, en sélectionnant Arvid Kramer des Mavericks… un pivot disparu des radars depuis plusieurs saisons ! Pour le premier pick de son Histoire, Charlotte se jette, alors, sur Dell Curry. Un choix surprenant car les nouvelles franchises optent généralement pour des vétérans aguerris. A 24 ans, l’ancien Cavalier a certes montré des flashs de talent, mais son potentiel reste encore à confirmer. En plus, cinq jours après l’expansion draft, les Hornets sélectionnent Rex Chapman, un arrière promis au poste de titulaire. Pour ne pas arranger ses affaires, Dell se fracture le poignet gauche pendant le training camp. Son retour mi-décembre est plus que délicat. Pris en grippe par son coach, Dick Harter, qui lui reproche son manque d’implication en défense, il ne voit presque pas le parquet. L’entraîneur le benche même complètement à 14 reprises. Dans une équipe calamiteuse qui cherche ses cadres du futur, l’avenir de Curry s’assombrit soudainement.

Je ne pensais pas que cette blessure m’affecterait autant qu’elle l’a fait. Je me sentais bien et je voulais croire que j’étais prêt à jouer tout de suite, mais ce n’était pas le cas. Mon timing dans les tirs était très mauvais et parce que je n’étais pas en forme, je ne pouvais pas courir et faire les coupes que je faisais habituellement pour m’ouvrir des shoots.

La trade deadline de février est celle de tous les dangers. Le nom de Dell Curry est attaché à plusieurs rumeurs. Selon les sources, il est envoyé tantôt à Seattle contre l’intérieur Alton Lister tantôt vers Atlanta contre les muscles de Cliff Levingston. Quelques heures avant la date limite des transferts, le couperet tombe : un accord est sur le point d’être conclu qui enverrait Dell dans l’Indiana en échange du pivot Stuart Gray. Au dernier moment, les Pacers tergiversent et tentent d’insérer dans le deal le vétéran John Long. Charlotte n’a pas le cap space pour cela. Le transfert capote pour une histoire de quelques milliers de dollars. Parfois, les meilleurs mouvements sont ceux que l’on ne fait pas. Pour preuve, ce trade avorté réveille complètement Curry, qui s’affiche à 17.4 points à 52% de réussite sur les vingt derniers matchs. Il parvient encore à sauver sa tête pendant l’intersaison, malgré les tentatives de Dick Harter pour le refourguer. Secret de polichinelle à Charlotte, le coach n’est pas fan de Dell, mais va être contraint de lui trouver des minutes la saison suivante.

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© pinterest

En pleine confiance, il sulfate tous azimuts pour carburer à 47,2% à 3 points jusqu’en janvier. Surtout, il est l’homme de la situation en fin de match en sortant les Hornets plusieurs fois du guêpier. Le 17 novembre, il rentre un shoot au buzzer pour une victoire 99-98 face aux Warriors. Un mois plus tard, il récidive avec le tir de l’égalisation puis de la gagne contre les Mavericks. Le 7 janvier, c’est un missile primé Ave Maria avec une seconde restante sur la possession qui force le destin face à Indiana. En mars, il inscrit 24 points à 10/14 dans une victoire de prestige contre les Knicks, avec trois tirs lointains dans la dernière minute pour mettre le couvercle sur la grosse pomme. Ça ne bourdonne pas très fort chez les Hornets avec 19 victoires, mais Dell termine sa campagne à 16.0 points, soit la sixième meilleure moyenne de la ligue pour un remplaçant. Alors que l’on croit sa carrière enfin lancée en Caroline du Nord, le front office lui joue encore un tour. A la draft, Charlotte opte pour l’arrière Kendall Gill. Un concurrent de plus poste pour poste, beaucoup plus athlétique que Curry, qui plus est. Son temps de jeu passe de 28 à 19 minutes pour un scoring redescendu à 10 points de moyenne. Déçu par les choix successifs des dirigeants, il envisage même son départ de la franchise :

J’avais entendu dire plus tôt qu’ils pensaient à Gill. J’étais un peu surpris. La direction m’a dit que s’ils ne voyaient pas un pivot, ils allaient prendre le meilleur athlète disponible. Mais, Gill joue sur mon poste. Nous avons également Rex à cette position. Je ne comprends pas pourquoi Gill était leur choix, mais cela ne dépend pas de moi. Je ne peux pas expliquer cela. Dans un sens, c’était la même chose que lorsqu’ils ont sélectionné Rex. Les circonstances étaient différentes, mais ils ont dit qu’ils voulaient un pivot, puis ils ont laissé tomber Rony Seikaly pour obtenir Rex. Je pense qu’il y aura du mouvement. Je ne sais pas si ce sera Rex ou moi. J’adore Charlotte, mais je ne serais pas totalement contre un échange.

NOTHING BUT (HOR)NET

La prédiction de Curry se confirme. Le front office tranche : Rex Chapman quitte la ruche pour rejoindre Washington en échange de l’intérieur Tom Hammonds. Désormais backup attitré de Kendall Gill, Dell devient le shooteur patenté de l’équipe. Pour la première fois, il dépasse les 40% derrière la ligne à 3 points et rentre 63% des tirs primés de Charlotte. Un spécialiste des missiles longue portée ! Cette saison 1991-92 ne manque pas de piquant chez les Hornets. Un nouveau coach, Allan Bristow et surtout un nouveau franchise player, Larry Johnson. Sélectionné à la première position, Grandmama propulse la franchise sous les feux des projecteurs à grand coup de publicités et de campagnes marketing. Le maillot turquoise des Frelons s’arrachent dans le monde entier, le Coliseum caracole en tête des affluences et les victoires suivent. Le seuil des 30 wins est atteint pour la première fois de l’Histoire. Ce n’est que le début de la hype ! Draft 1992, les Hornets accueillent Alonzo Mourning dans leur essaim. D’équipe la plus sexy de la ligue, Charlotte passe à l’une des teams les plus craintes. Le duo Zo & LJ sème la terreur dans les raquettes, Muggsy Bogues montre qu’il est plus qu’un gadget et Curry décanille dans tous les sens. Il enchaîne six matchs consécutifs à plus de 20 points pour entamer la saison et se stabilise à 15 unités de moyenne. Une force de frappe fiable et indispensable en sortie de banc. Avec 1227 points inscrits sur l’exercice, il se classe à la deuxième position chez les Sixth Men juste derrière Cliff Robinson. Cinq ans après la création de la franchise, Charlotte découvre les playoffs contre les Celtics. Une série en forme de passage de relais entre une équipe vieillissante et une autre en pleine ascension. Sans l’avantage du terrain, les Hornets disposent de Boston grâce à un game winner iconique de Mourning dans le Game 5. La marche suivante contre les Knicks est encore trop haute. Etouffé par la défense new-yorkaise, Curry dévisse avec seulement 38,9% de réussite. Un échec logique pour ces jeunes frelons, prêts à sortir leur dard dès la saison suivante.

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© Charlotte Observer

Cette fois, le front office tire la bonne leçon de l’échec en post-season en ajoutant de l’expérience au roster. Exit Kendall Gill, bienvenue Hersey Hawkins et Eddie Johnson. Plus équilibrée, l’équipe remporte six de ses huit premiers matchs, avant que la saison prenne une mauvaise tournure. Larry Johnson se blesse au dos et Alonzo Mourning se déchire le mollet. En l’absence de ses deux stars, les Hornets ont le bourdon avec 16 défaites en 17 rencontres ! A leur retour, le mal est fait. Charlotte a beau engranger les succès, le bilan équilibré en 41-41 n’est pas suffisant pour les playoffs. Une déception collective, mais une consécration individuelle pour Curry. Avec les deux All Stars sur le carreau, il prend plus de responsabilités pour clôturer l’exercice avec ses meilleures statistiques en carrière : 16.3 points à 45,5% aux tirs, 3.2 rebonds et 2.7 passes. Des chiffres qui lui permettent de remporter le trophée de Meilleur Sixième Homme de la ligue. Il faut dire qu’avec 1335 points inscrits, il survole la course des super-remplaçants avec plus de 400 points d’écart sur son dauphin, Orlando Woolridge. Invité à deux reprises au Three-Point Contest du All Star Game, Dell fait désormais partie du gratin des snipers. Confirmation l’année suivante où il prend plus de cinq tirs primés par match avec 42,7% de réussite ! Une broutille dans les années 2020, une place dans le Top 15 en 1995. Avec tous ses cadres valides, les Hornets confirment leurs ambitions avec une quatrième place à l’Est. Problème, le hasard des playoffs les mène tout droit vers les Bulls revigorés par le retour de Michael Jordan. La balle orange réussie nettement mieux à MJ que la batte de baseball. Il expédie Charlotte en vacances dès le premier round.

L’intersaison 1995 marque un tournant. Deux ans plus tôt, Larry Johnson signe un contrat XXL de 84 millions sur 12 ans, créant un gouffre salarial avec son coéquipier Mourning. Et quand c’est au tour d’Alonzo de braquer la banque, ses exigences financières sont encore plus élevées. Zo et son agent David Falk réclament 13 millions par an. Le front office ne veut pas dépasser les 11 millions. En coulisses, il se murmure que le propriétaire George Shinn préfère LJ à Mourning. Pas question de lui signer le plus gros chèque de l’équipe. La situation gangrène le vestiaire. Deux mâles alpha dans la même ruche c’est trop. Le 3 novembre, jour de la reprise NBA, les Hornets tranchent en évacuant Alonzo à Miami contre Glen Rice et Matt Geiger. Premier transfert d’une saison où Charlotte multiplie les mouvements pour utiliser 21 joueurs différents. Dell subit les changements de lineups, indéboulonnable sur le banc, avec plus de 14 points de moyenne à 40% de loin. Affaiblis dans leur raquette, où Geiger ne fait pas oublier Mourning, les Hornets laissent passer les playoffs. Les dirigeants enchaînent, alors, les boulettes avec la draft de Kobe Bryant, transféré deux semaines plus tard à Los Angeles pour Vlade Divac. Cerise sur le gâteau, ils envoient Larry Johnson aux Knicks en juillet 1996 contre Anthony Mason. En quelques mois, cette équipe générationnelle qui a marqué les jeunes fans des nineties est démantelée. Seuls rescapés, Muggsy Bogues et Dell Curry, qui font figure de vétérans à 32 ans passés.

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© usatsi

C’est donc avec une équipe new look et un nouveau coach, Dave Cowens, que les Hornets repartent à la charge. Dans le sillage de Glen Rice, All Star indiscutable et troisième meilleur scoreur de la Ligue avec 26.8 points, Charlotte dépasse les attentes. Quatrième attaque de la Ligue, les Hornets affichent un bilan de 29-19 à la pause du All Star Break. Curry s’éclate dans ce système avec 15 points et 42,6% derrière l’arc. Contre les Raptors, il va même chercher son record en carrière avec 38 unités. Opposés aux Knicks lors des playoffs, les Hornets retrouvent LJ dans l’autre camp. La défense asphyxiante new-yorkaise fait dérailler la belle mécanique des Frelons. Comme en 1993, Dell dérape complètement à 29,4% sur la série. Le sweep est sans appel. L’âge commence à peser sur ses épaules. En 1997-98, il perd douze minutes de temps de jeu. Ses banderilles sont toujours aussi précises, mais Curry pénalise de plus en plus son équipe défensivement. S’il ne met pas dedans, le retour sur le banc est rédhibitoire. Quatrième à l’Est, Charlotte se défait des Hawks au premier tour dans un combat de barbelés. Les Bulls de Jordan sont une nouvelle fois les bourreaux des espoirs de Curry en demi-finale. Dans la seule victoire des Hornets, c’est lui le meilleur scoreur de l’équipe. Une dernière salve en guise d’adieu. Agent libre pendant l’été, il quitte à son tour la ruche. En dix saisons passées en Caroline du Nord, Dell a tout connu, des débuts laborieux de la franchise à la hype du milieu des nineties. Meilleur scoreur alltime des Hornets, plus grand nombre de matchs joués, record de tirs à 3 points, son nom est sur toutes les tablettes.

L’ESPRIT DE FAMILLE

Signé par Milwaukee, pour mentorer Ray Allen, Curry file quelques ficelles au jeune Buck. Ray-Ray peut prendre des notes, car cette saison-là, Dell culmine à 47,6% à 3 points, le must de toute la ligue. L’année suivante, il rebondit à Toronto dans une équipe ambitieuse qui ressemble à s’y méprendre aux Hornets d’antan. Avec Vince Carter et Tracy McGrady en fers de lance, les Raptors ont la bonne idée de recruter une armada de guerriers expérimentés : Antonio Davis, Kevin Willis et Charles Oakley. En pré-retraite, Curry est utilisé pour des missions bien spécifiques : rentrer des bombinettes clutchs quand la situation l’exige. Illustration en playoffs 2001. Après avoir éliminé les Knicks, Toronto affronte les Sixers d’Allen Iverson dans ce que les spécialistes décrivent comme une finale avant la lettre de la Conférence Est. Héros du Game 1, Dell plante 20 points avec des shoots décisifs pour porter l’estocade. Puis, à la fin d’un Game 7 irrespirable, c’est encore lui qui décoche une flèche à 3pts en contre-attaque pour ramener les siens à hauteur de Philly. Mais, c’est sans compter sur la réponse de The Answer qui donne un avantage définitif aux Sixers quelques secondes après. Curry laisse passer sa dernière chance de jouer les finales. En 2002, il raccroche définitivement ses baskets à quasiment 38 ans. Comme chez les Hornets, il termine meilleur scoreur dans son ultime match avec les Raptors : 17 points dans une défaite contre les Pistons en playoffs. Une longévité incroyable pour un arrière qui a misé sur la fiabilité de son shoot, plutôt que sur ses qualités athlétiques. Considéré comme l’un des meilleurs jokers offensifs des années 90’s, Dell a bâti sa carrière dans le costume particulier de sixième homme :

Honnêtement, je pense que c’est grâce à ce rôle que je suis resté si longtemps dans la ligue. Les coachs me mettaient chaque année dans cette situation de joker en sortie de banc, capable d’apporter l’étincelle. C’est une situation particulière. En général, tous les gars veulent être titulaires mais ce n’est pas possible. Donc, il faut savoir mettre sa fierté de côté. Je me suis dit que c’est comme ça que je pourrais rester le plus longtemps dans cette ligue. J’ai gagné le trophée une fois et j’ai fini deuxième deux saisons. J’appréciais beaucoup ce rôle.

Dell-Stephen-Seth-Curry

© Sports Illustrated

A sa retraite, Curry retourne en Caroline du Nord, où le reste de sa famille a élu domicile. Il devient entraîneur adjoint du lycée de Charlotte Christian High School, où évolue Stephen. C’est ici, que Dell saisit réellement le potentiel de son fiston. Aussi, en 2007, après quelques mois passés sur le banc des Charlotte Bobcats en tant qu’adjoint, il préfère donner sa démission pour suivre les matchs de son protégé à la fac. Le basket devient vite une affaire de famille chez les Curry. Tandis que Stephen suivait les exploits de son paternel dès ses quatre ans, les rôles s’inversent désormais. Toujours présent pour conseiller sportivement et techniquement son fils, Dell vit à travers lui, le succès collectif qu’il n’a jamais eu. Non seulement le meneur des Warriors est devenu l’effigie de la plus grande dynastie des années 2010, mais il a élevé le tir à 3 points au rang d’art, un modèle de jeu copié dans le monde entier. Une tradition familiale qui a débuté dans une grange perdue au milieu de la Virginie et qui rayonne maintenant sur toute une génération de jeunes basketteurs.

STATISTIQUES ET PALMARES

  • Stats NCAA : 18.9 points à 50,5% aux tirs, 4.8 rebonds et 3.2 passes décisives
  • Stats NBA : 11.7 points à 45,7% aux tirs, 2.4 rebonds et 1.8 passe décisive
  • Virginia Mister Basketball (1982)
  • All-Metro Conference First Team (1984, 1985 et 1986)
  • Metro Conference Player of the Year (1986)
  • All-American Second Team (1986)
  • NBA Sixth Man of the Year (1994)
  • Joueur le plus adroit à 3 points (1999)
  • Record du nombre de matchs joués chez les Hornets (701)

DELL CURRY EN IMAGES

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About mosdehuh (31 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

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